27 septembre 2015 – 680

DIMANCHE.
                   Rugby. RA Epinal – Golbey – RC Bassin Minier 43 – 5.
MERCREDI.
                   Lecture. En Patagonie (In Patagonia, Bruce Chatwin, Jonathan Cape éd., 1977 pour l’édition originale, Grasset, 1979 pour la traduction française, rééd. Grasset, coll. Les Cahiers Rouges, 2002; traduit de l’anglais par Jacques Chabert; 320 p., 9,75 €).
                                 Ce premier livre de Bruce Chatwin le plaça d’entrée dans la catégorie, qui devait à sa suite faire florès, des écrivains voyageurs. Son voyage en Patagonie fut entrepris après la découverte, chez sa grand-mère, d’un fragment de peau d’un animal préhistorique, cadeau d’un cousin de l’aïeule qui avait résidé dans cette partie du monde. Parti sur les traces de ce vestige, Chatwin parcourt le pays du Rio Negro à la Terre de Feu, fait des rencontres, des recherches. Il parle des anciens habitants illustres de cette contrée, de Butch Cassidy qui s’y réfugia, d’Antoine de Tounens, avoué à Périgueux, qui s’en proclama le roi, de Thomas et  Lucas Bridges, pionniers de la Terre de Feu dont on lut jadis avec plaisir le récit intitulé Aux confins de la terre. Il parcourt les communautés qui y ont trouvé refuge, les Gallois, les Allemands, parle des soubresauts politiques qui l’ont secouée, ce qui donne à certains chapitres un faux air de Cent ans de solitude. Parvenir à ennuyer avec un tel matériau relève de l’exploit : Bruce Chatwin relève le gant et parvient à endormir le lecteur au bout de quelques dizaines de pages. On sait que de forts doutes se sont élevés sur la véracité de ses pérégrinations. Là n’est pas le problème. Cendrars n’a pas vécu tous les voyages qu’il avait racontés et cela, littérairement, ne pose aucun problème. Seulement, Chatwin n’a ni la poésie de Cendrars, ni la folie de Garcia Marquez, et ces ingrédients lui font cruellement défaut.
JEUDI.
          Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). L’Enfant face à la violence dans le couple, sous la direction de Karen Sadlier, Dunod, 2015; Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Folio, 1996; Harlan Coben, Sans un adieu, édition non identifiée.
VENDREDI.
                 Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Laurent Dupeyroux, Rêveries d’un promeneur parisien, l’Editeur, 2011.
                 Le cabinet de curiosités du notulographe. Reliques de saint Crépin à Aubusson et à Guéret (Creuse), photos de l’auteur, 29-30 juillet 2015.

SAMEDI.
              Films vus. Hippocrate (Thomas Litli, France, 2014)
                               Noix de coco (Jean Boyer, France, 1939)
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Cannes (Alpes-Maritimes), photo de l’auteur, 23 avril 2010 / Roanne (Loire), photo de Marc-Gabriel Malfant, 26 novembre 2012
              Poil et plume. “Siry a perdu Kogan : aucun de ses deux voisins ne comprend le français (sauf les commandements) et ils ne savent pas siffler. Siry sait que, derrière leur bataillon, il n’y a plus que les coiffeurs armés : leur réserve s’appelle le bataillon des Figaros.” (André Malraux, L’Espoir)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

20 septembre 2015 – 679

LUNDI.
           La vita è bella. La presse locale rend compte, avec abondance, d’une manifestation sportive “L’Infernal Trail” qui s’est tenue ces derniers jours à Saint-Nabord (Vosges). 4000 coureurs, pas moins, et tous auront leur nom dans le journal qui affiche le classement complet, c’est autant d’acheteurs potentiels. Tous ne concourent pas en même temps, il y a diverses épreuves. “La course de référence, le 160 km […] laissera la place à un 220 km l’an prochain”. Vache ! On suppose qu’à ce train, on en sera à 500 bornes dans dix ans. Les joggers du dimanche ont cédé la place aux runners du vendredi-samedi-dimanche, nettement plus ambitieux. Ceux-ci ont commencé par des coursettes, ont enchaîné avec des semi-marathons, des marathons, des super marathons, des trails, des triathlons, ils font aujourd’hui le tour du Mont-Blanc ou de l’île de la Réunion, demain ils feront le tour du monde, ce n’est pas la traversée d’un ou deux océans qui va faire peur à de tels gaillards. Moi qui ne cours que pour ne pas rater le dur, je ne peux que leur tirer mon chapeau. Mais l’allongement des distances ne leur suffit plus. A Saint-Nabord, à côté de l’Infernal Trail se court l’infernal Run (diable !) où il faut franchir des fossés de boue, gravir des amas de grumes et autres réjouissances. Le tout de nuit, à la lampe frontale et, s’il vous plaît, dans la bonne humeur obligatoire (déguisement souhaité). Qu’est-ce qu’on rigole. On se croirait dans La Vie est belle de Benigni avec des brimades et des tortures qu’on essaie de faire passer pour de l’amusement. Avec des volontaires. Comme disait Coluche en son temps, “si, pour une raison ou une autre, demain, c’était obligé, ils gueuleraient !” C’est là que je remets mon chapeau. Parce qu’aller faire l’andouille en tenue ridicule au pas de course dans les petits matins blêmes, j’ai déjà donné, comme les garçons de mon âge. Et que contrairement à certains, de plus en plus nombreux apparemment, la nostalgie du service militaire ne me taraude pas vraiment.
JEUDI.
          Lecture. Cadres noirs (Pierre Lemaitre, Calmann-Lévy, 2010, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche thriller n° 32253, 2011; 448 p., 7,60 €).
                        Comme d’habitude chez Pierre Lemaitre, la construction de l’ensemble est très soignée avec ici une structure ternaire. Trois temps, trois parties, avant, pendant, après avec un épisode social, un épisode carcéral et un final entièrement dévoué à l’action (poursuites, course contre la montre et contre la mort). Des trois volets, c’est le premier qui est le plus réussi avec la description d’une descente aux enfers du chômage vécue par un cadre de cinquante-sept ans mis au rebut. Dans le genre, Lemaitre réussit mieux son essai que le Marin Ledun des Visages écrasés et on se demande pourquoi les auteurs de polars français ne se plongent pas plus souvent dans le monde de l’entreprise qui recèle toutes les violences et cochonneries aptes à nourrir le genre. Ensuite, malgré un rythme soutenu, l’invraisemblance des situations (prise d’otages, procès à l’issue miraculeuse, magouilles financières) vient ternir un brin la chose : Pierre Lemaitre a fait mieux (beaucoup mieux même à mon goût dans Robe de marié) mais son savoir-faire reste indéniable.
VENDREDI.
                  De la presse et des grosses légumes. L’Équipe sort aujourd’hui dans son nouveau format, fortement réduit. Ses grandes pages, étalées sur la table de la cuisine, étaient les seules qui pouvaient encore autoriser le nettoyage d’un chou-fleur ou d’une belle laitue. Avec les format tabloïd et berlinois qui gagnent peu à peu l’ensemble de la presse, nous voici désormais limités aux Bruxelles et aux rattes de Noirmoutier.
                  Lecture. Schnock n° 10 (La Tengo, mars 2014; 176 p., 14,50 €).
                                Guy Bedos.
                  Football. SA Spinalien – RC Strasbourg 0 – 1.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Bilinguisme plus ou moins revendiqué à Dun-le-Palestel (Creuse), photos de l’auteur, 31 juillet 2015.
SAMEDI.
              Films vus. “Merci la vie” (Bertrand Blier, France, 1991)
                               Le Café du cadran (Jean Gehret, France, 1947)
                               Bagdad Café (Percy Adlon, R.F.A. – E.-U., 1987)
                               Une nuit (Philippe Lefebvre, France, 2012)
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Cannes (Alpes-Maritimes), photo de l’auteur, 23 avril 2010 / Saint-Etienne (Loire), photo de Régis Conraud, 29 juillet 2015
              Poil et pellicule.
Repo Man (Alex Cox, E.-U., 1984)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

13 septembre 2015 – 678

DIMANCHE.
                   Courriel. Une demande de désabonnement aux notules.
                   Lecture. Journal en désordre : 1945-1995 (Massin, Robert Laffont, 1996; 432 p., prix masqué).
                                  Dans un entretien pour Histoires littéraires, Massin confiait à Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens que ce journal avait été “une panne commerciale totale. Peut-être qu’il y avait là-dedans trop de complaisance pour moi-même, ou trop de pages ?” Ces propos montrent la lucidité de l’homme car il est vrai que la complaisance affleure lorsqu’il évoque – après avoir consacré une trentaine de pages à la mort de sa femme – ses amours avec des jeunesses, vrai aussi que l’intérêt du lecteur peut s’émousser au fil des pages. Cela dit, c’est un ouvrage précieux par ce que Massin nous révèle sur son métier et sur ses relations avec le milieu littéraire. Directeur artistique chez Gallimard puis chez d’autres éditeurs, il a frayé pendant des années avec le gratin des lettres et en a gardé des souvenirs plus qu’intéressants. Mais on trouve aussi dans ce journal – en désordre, donc sans dates, sans chronologie, écrit, dit-il, au petit bonheur la chance dans le métro, des trains ou des avions  – des considérations sur la musique, qu’il semble connaître de façon approfondie, des lettres reçues (dont une de Céline), des bouts d’agendas, des interviews datant de son passé de journaliste, des souvenirs d’enfance, des considérations sur l’actualité, des aphorismes – pas toujours renversants. Il ne cache pas ses préférences, ses goûts pour Céline, Queneau, Proust, Ionesco, Nimier. On peut d’ailleurs, grâce à l’index, lire ce journal en diagonale en suivant un fil : si l’on prend à la suite les passages consacrés à Proust, par exemple, on lit alors un feuilleton plein de notes et de remarques judicieuses. Sur son travail proprement dit, il revient à plusieurs reprises sur l’importance du blanc : “la typographie est dans les interlignes ou dans les blancs plus que dans la ligne imprimée.” Au fil des pages, on peut faire le compte de tout ce que notre bibliothèque doit à Massin : les Folio bien sûr, les volumes de L’Imaginaire, des albums Pléiade, la collection Poésie de Gallimard, les Cent mille milliards de poèmes de Queneau, les Trois jours avec Joyce de Gisèle Freund, bien d’autres encore sans doute. Enfin, il est à noter que Massin, à l’époque ou les nouvelles technologies commencent à laisser entrevoir un avenir totalement nouveau pour la chose imprimée, ne tient pas du tout un discours alarmiste ou passéiste : “En fait, il y a belle lurette (depuis Le Coup de dés) que la double page d’un livre est prise dans l’acceptation d’un écran. Vous me direz : “Et le plaisir physique, la sensation tactile du livre, dans tout cela ?” La belle affaire ! Est-ce que le papier, il y a cinq siècles, rappelait l’odeur du parchemin ?”
                                  Extrait, où il est question d’une certaine localité et où un notulien se reconnaîtra : “Conférence à Nancy. Ce n’est pas toujours ainsi : je fais salle comble; des élèves sont même venus d’Epinal en autocar pour m’entendre. Et pourtant, juste avant de commencer, je m’aperçois que j’ai mal classé une partie des quelque trois cents diapositives que je dois commenter, et qui sont réparties sur deux projecteurs. Panique. Je réclame une table lumineuse, j’étale mes images sur le verre dépoli, j’intervertis, je supprime, mais comment arrêter le temps, alors qu’ils sont là, dans la salle située juste en dessous à m’attendre, et que Jean-Pierre Salgas les fait patienter en leur racontant ma vie ?”
LUNDI.
           Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Jean-Denis Bredin, Sieyès : la clé de la Révolution française (de Fallois, 1988).
JEUDI.
           Lecture. Les Mémoires de Sherlock Holmes (The Memoirs of Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, édition originale, 1893, in Les Aventures de Sherlock Holmes” vol. 1 & 2, nouvelle traduction d’Eric Wittersheim, édition bilingue, Omnibus 2005).
                         Dans cette série de nouvelles, Sherlock Holmes s’éloigne peu à peu de ce qui a fait sa légende : son don pour la déduction n’est que rarement utilisé, quand il n’est pas totalement passé sous silence : “Nous avions tous écouté avec le plus grand intérêt ce récit des événements de la nuit, que Holmes avait déduit de traces si subtiles et si ténues que même lorsqu’il nous les eut montrées, nous eûmes du mal à le suivre dans ses raisonnements.” En fait, la plupart de ses enquêtes valent plus par la révélation des mobiles qui ont motivé les actes délictueux ou criminels qu’on lui soumet que par la découverte du coupable lui-même. Par ailleurs, Conan Doyle livre des bribes de ce qui fera les délices des tenants de la science holmésienne : Watson évoque un tas d’affaires traitées par Holmes dont l’intitulé suffit à faire rêver à la nouvelle à laquelle elles auraient pu donner lieu, et livre des détails sur la famille du détective. On apprend ainsi qu’il a un frère, Mycroft, qui apparaît dans deux aventures, et qu’il est le petit-neveu du peintre français Vernet. Enfin, rappelons que le volume se termine par la mort de Sherlock Holmes dans les chutes de Reichenbach, où Conan Doyle espérait bien le laisser reposer à jamais avant de se raviser.
VENDREDI.
                  Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Jacqueline Russ, Panorama des idées philosophiques : de Platon aux contemporains, Armand Colin, 2013.
                  Lecture. Les Rimbaldolâtres (Jean-Michel Djian, Grasset, 2015; 128 p., 13 €).
                                Jean-Michel Djian, à qui l’on doit de récentes émissions de télévision et de radio sur Rimbaud, s’attaque ici aux innombrables exégètes de celui-ci. Cette promenade amusée, parfois énervée, au cœur de la Rimbaldie, n’épargne pas grand monde mais Jean-Jacques Lefrère s’en tire sans trop d’égratignures. On s’étonnera de quelques bizarreries de langue (“Il les déteste tous, mais tous le déteste”, “l’exécuteur testamentaire du poète, pratiquée au sens premier du mot” – on suppose qu’il parle plutôt de son exécution) et surtout du fait que Djian explique avoir appris sur un “Carnet niché sur la Toile” (tenu par un notulien d’ailleurs) l’existence de l’article de Robert Faurisson, paru dans la revue Bizarre, qui fait de “Voyelles” un blason. On aurait pensé que la chose était davantage connue. Le livre se termine sur une courte évocation des lieux, objets et marques commerciales qui portent le nom de Rimbaud et signale l’existence d’un coiffeur ardennais à l’enseigne de “La mèche de Rimbaud”. Je ne prétendrai jamais être rimbaldolâtre mais on s’attaque ici à un sujet sur lequel je me suis fait les dents (du peigne) depuis un bon moment. Ce qui me permet de signaler à l’auteur que le nom du salon en question est “La mèche d’Arthur”. Ce salon est d’ailleurs absent de l’Invent’Hair qui, dans ce domaine, possède tout de même un Rimbaud Coiffure situé à Charleville-Mézières comme il se doit.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Drogues douces à Domfront (Orne), photo de Martine Sonnet, 31 mai 2014.
SAMEDI.
              Films vus. Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini, Italie, 1962)
                               Les Bien-aimés (Christophe Honoré, France – G.-B., République tchèque, 2011)
                               Le Furet (Raymond Leboursier, France, 1950)
                               Mister Flow (Robert Siodmak, France, 1936)
                               Lautrec (Roger Planchon, France-Espagne, 1998).
             L’Invent’Hair perd ses poils.
Roquebrune-sur-Argens (Var), photo de l’auteur, 22 avril 2010 / Daglan (Dordogne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 26 mars 2013
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 9 mars 2014. 146 km (25467 km).
120 habitants

Une colonne en pierre salie se dresse à côté de l’entrée de l’église. Elle est entourée d’une grille métallique peinte en vert et repose sur un parterre gravillonné. A son sommet, une Croix de Guerre, seul ornement avec une couronne de chêne et d’un autre végétal.

1939-1945

MARTIN Louis

Martigny-les-Gerbaux

A ses enfants

Morts au champ d’honneur

1914-1918

BASTIEN Léon

DRUAUX Auguste

POISSONNIER Henri

PORCHE Henri

MARTIN Émilien

MULLER Ernest

DE ST MARTIN Léon

GALAND André

MARTIN André

              Poil et plume. “Dans les journaux convenables, des commentateurs rompus à ces exercices appelaient le feu du ciel sur les ondulations permanentes et les maillots de bain. Cinquante mille coiffeurs pour dames se voyaient traduits devant le tribunal de notre défaite, tandis que la déconfiture de nos chars de combat, l’absence de cartouches dans nos compagnies de première ligne, étaient des accidents du destin.” (Lucien Rebatet, Les Décombres)
Bon dimanche,
Philippe DIDION