25 octobre 2015 – 684

MARDI.
            Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 2 (15 décembre 2014, 88 p., 15 €).
                          Un numéro consacré aux machines volantes et à leurs inventeurs, qui se penche notamment sur Henry de Graffigny, immortalisé par Céline dans Mort à crédit sous le nom de Courtial des Pereires. Céline en fait l’auteur de L’Electricité sans ampoule, de La Révélation hindoustane et du Langage des herbes, ce qui pourrait passer pour une aimable fantaisie si l’on n’avait ici quelques titres commis par le véritable Graffigny : L’Automobile sur mesure pour 322 francs 25 : Guide de construction intégrale, Manuel de l’horloger et du mécanicien amateur, L’Outillage agricole, Cours de cinématographe à l’usage des élèves opérateurs projectionnistes et débutants et bien d’autres qui laissent à penser que dans ce seul corps et dans ce seul cerveau se cachaient Bouvard et Pécuchet.
MERCREDI.
                  Lecture. Le Correspondancier du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 27 (15 juin 2014, 176 p., 15 €).
                                On parle ici, et longuement, de Jean Dayros, ce qui nous permettra d’en savoir davantage sur ce poète dont on ne connaissait qu’un alexandrin, à juste titre inoubliable : “L’hiver est à Paris la plus froide saison”. On y croise aussi un certain Isidore Boulnois, auteur, dans les années 1890, de Notules hybrides d’un dégénéré. Tout rapprochement avec un autre notulographe serait forcément désobligeant.
JEUDI.
          Vie culturelle. La grande exposition Warhol, celle dont parlent les journaux, c’est celle du Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On aurait pu craindre que celle qu’accueille, en même temps, le Centre Pompidou de Metz n’ait que des miettes à proposer à ses visiteurs mais l’homme a suffisamment produit pour que les deux sites y trouvent leur compte. On trouve à Metz, dans un décor aux panneaux argentés rappelant la fameuse Factory, les multiples facettes du dandy Andy pour qui tout faisait ventre : la photographie, la danse, la sérigraphie, le design, le cinéma et, par-dessus tout, la musique. Ce qui m’a fait ressortir, au retour, mes vieux Velvet Underground et passer en heavy rotation le magnifique Songs For Drella, écrit et interprété par Lou Reed et John Cale, anciens du Velvet, en hommage à leur mentor. Dans l’album comme dans l’exposition, celui-ci échappe à son image réductrice de provocateur touche-à-tout pour redevenir ce qu’il était sans doute en réalité : un type gentil, ouvert, prêt à accueillir et à aider tous ceux qui, autour de lui, semblaient porteurs de quelque chose de neuf dans les domaines artistiques les plus variés. J’ajoute un grand merci à ce père pédagogue qui a illuminé ma journée en demandant à son rejeton devant la série d’Electric chairs exposée : “Laquelle tu préfères ?”
VENDREDI.
                  Lecture. Les Nuits de Reykjavik (Reykjavikurnoetur, Arnaldur Indridason, Forlagid, 2012 pour l’édition originale, Métailié, coll. Bibliothèque nordique/Noir, 2015 pour la traduction française, traduit de l’islandais par Eric Boury; 264 p., 19 €).
                                Le tout jeune Erlendur, héros familier des polars d’Indridason, faisait une brève apparition à la fin du Duel, son précédent roman. C’est à cette époque qu’on le retrouve ici, policier débutant voué aux patrouilles de nuit, aux accidents de voiture et aux querelles domestiques. Ce qui ne l’empêche pas, dans ses heures libres, de s’intéresser à la mort d’un clochard qu’il considère comme suspecte. Erlendur montre ici son souci des gens de peu, clochards, alcooliques, solitaires, qu’il gardera tout au long de ses enquêtes à venir. Il devient, au fil des romans, un personnage de plus en plus attachant, de plus en plus humain, et l’exotisme qui avait tout d’abord suscité l’intérêt que l’on portait à ses aventures, passe désormais au second plan dans le plaisir qu’on éprouve à les lire.
                                Curiosité p. 145 : “Un de leurs collègues avait laissé dans le véhicule un numéro d’Althydubladid, l’organe du parti social-démocrate. Erlendur était plongé dans la lecture du roman-feuilleton traduit du suédois et intitulé “Le policier qui rit”. Il y était question d’un massacre commis dans un autobus à Stockholm. Le nom de l’auteur n’était mentionné nulle part, mais Sigurgeir avait déjà lu ce feuilleton et lui avait raconté qu’il avait été écrit à quatre mains, par un couple, pensait-il.” Les amateurs auront reconnu ce Policier qui rit, de Sjöwall et Wahlöö, pionniers du polar scandinave.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Il était question dimanche dernier, dans la rubrique “Poil et plume”, des produits Forvil, shampooings et brillantine. La brillantine, ça laisse des traces, comme on peut le constater sur quelques murs de nos campagnes photographiés par le notulographe à Ajain (Creuse, 27 juillet 2015), Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne, 14 octobre 2007), Chénérailles (Creuse, 25 juillet 2007) et Villefort (Lozère, 29 octobre 2005).
  
  
SAMEDI.
              Lecture. Vingt-cinq poèmes (Tristan Tzara, collection Dada, 1918, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
nous allons nuages parmi les esquimaux
embellir la convalescence de nos pensées botaniques
sous les crépuscules tordus
ordure verdie vibrante
blan […]” (Froid jaune)
              Films vus. Maintenant ou jamais (Serge Frydman, France – Belgique, 2014)
                               La Vie facile (Easy Living, Mitchell Leisen, E.-U., 1937)
                               Get on Up (Tate Taylor, E.-U. – G.-B., 2014)
                               La Marseillaise (Jean Renoir, France, 1938).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
    
Montréjeau (Haute-Garonne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 20 avril 2010 / Sainte-Foy-l’Argentière (Rhône), photo du même, 28 mai 2011
    IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 30 mars 2014. 169 km (25810 km).
258 habitants

C’est, posté devant l’église, le même Poilu que celui de Mattaincourt, le modèle issu des Fonderies Tusey à Vaucouleurs, mais ici recouvert d’une couleur vert d’eau qui lui va beaucoup moins bien. La stèle sur laquelle il se dresse est posée sur trois marches et entourée d’une chaîne dorée. Il n’a pas droit au drapeau tricolore, contrairement à Jeanne d’Arc dont la statue (nous sommes à 3 kilomètres de Domrémy) trône de l’autre côté de l’église. Des plaques noires portent les noms écrits en lettres d’or.

   Face :

A la mémoire

Glorieuse des Enfants

De Maxey-sur-Meuse

Morts pour la France

Yser

Verdun

Champagne

1914-1918

   Gauche :

LAY Gaston

OUDOT Émile

BARBE Fernand

MAUDET Louis

HOLVECK Henri

HOLVECK Emile

VARNIER Georges

BERNAGE Henri

JOLY Eugène

   Droite :

THERY Paul

MOUGEL Marcel

MAIRE Louis

FINEL Charles

BOURGUIGNON Augustin

PANICHOT René

   Dos :

FERRY Gabriel (Maroc, 1913

Guerre 1939-1945

LEPAND Marcel

BECK Paul

PARAGE André

HUTTAUX Maurice F.F.I.

              Poil et plume. “Tous les matins, quand c’était possible, j’allais le voir dans sa petite salle de bains sans baignoire. Nous parlions longuement. Il avait toujours un filet à cheveux bien vissé sur la tête pour essayer d’aplatir complètement son épaisse chevelure crépue.
   – C’est embêtant d’avoir l’air d’un métèque dans ce pays, me disait-il.” (Daniel Filipacchi, Ceci n’est pas une autobiographie)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

18 octobre 2015 – 683

DIMANCHE.
                   Lecture. Monstre sacré (Sacred Monster, Donald Westlake, 1989 pour l’édition originale, Payot & Rivages, 2011 pour la première édition française, rééd. coll. Rivages/Noir n° 947, 2014; 272 p., 9,65 €).
                                 On se demande dans un premier temps s’il ne s’agit pas d’un Westlake menant une carrière parallèle à celle qu’il eut dans le polar, tant les habituelles données policières sont absentes du livre. Celui-ci met face à face un journaliste et un acteur vedette de Hollywood qui lui raconte sa carrière à grands coups de retours en arrière : son enfance, ses débuts, ses succès, ses mariages, son Oscar… Cela pourrait être sans intérêt mais Westlake est arrivé à une telle maîtrise dans son art narratif que l’on sent qu’il pourrait écrire ainsi mille pages sans aucun effort, et le lecteur le suivre sans en fournir davantage. Le ronron agréable du récit est à chaque fois interrompu en fin de chapitre par une réplique, une surprise, une pirouette qui relancent l’intérêt et empêchent de lâcher la chose. Et puis, à la fin, quelques pages suffisent pour recadrer l’histoire dans le domaine policier, un meurtre, un coupable mais c’est presque superflu, on n’en avait pas vraiment besoin.
MARDI.
            Lecture. Premiers poèmes (Tristan Tzara, Seghers, 1965 pour la première édition, traduit du roumain par Claude Sernet, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
                          Drôle de coïncidence hier matin. J’ai besoin de me documenter sur Tzara, je sors ce volume de la bibliothèque histoire de lester mon sac d’école. Avant de choper le 7 heures 38, comme chaque matin, je vais feuilleter la presse au bistrot d’en face. Dans Libération, je tombe sur un petit article signalant la mort de Marc Dachy. Or s’il y a un homme au monde qui connaît bien Tristan Tzara, c’est bien, c’était bien, désormais, Marc Dachy. J’ai eu l’occasion de voir celui-ci plusieurs fois à l’œuvre au Colloque des Invalides, d’être souvent agacé par ce que Jean-Jacques Lefrère appelait “son côté Depardieu” : carrure imposante, mise débraillée, chemise au vent, coiffure folle, accaparant la parole, la prenant sans aucun égard pour celui qui l’avait avant lui, marchant sur les pieds de tous ceux qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin, un type qui faisait tout ce qu’il savait pour ne pas passer inaperçu. Mais celui qu’il agaçait le plus, sans doute, c’était Henri Béhar. Son opposé : costume strict, mise impeccable, silhouette fine, voix posée. Il faut dire que leurs sujets de prédilection étaient voisins : le dadaïsme pour Dachy, le surréalisme pour Béhar, des sujets qui présentaient bien sûr des points de convergence sur lesquels ils ne pouvaient manquer de se croiser – c’est d’ailleurs à Henri Béhar qu’on doit ce recueil des œuvres poétiques du fondateur de Dada – et donc de s’écharper. J’imagine qu’asteure, Henri Béhar est bien triste d’avoir perdu son contradicteur préféré.
MERCREDI.
                  Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Marc Levy, Une autre idée du bonheur, Robert Laffont, 2014.
VENDREDI.
                  Lecture. Les Métamorphoses (Pierre Véry, Gallimard, 1931; rééd. in « Les Intégrales du Masque », tome 1, Librairie des Champs-Elysées, 1992; 1024 p., s.p.m.).
                                Ce volume est bâti d’une drôle de façon puisque la publication de ce roman (le quatrième de son auteur, qui débuta en 1929) est antérieure aux quatre qui l’y précèdent (Les Disparus de Saint-Agil, Les Anciens de Saint-Loup, Les Héritiers d’Avril et Le Thé des vieilles dames). Peut-être son maître d’œuvre, Jacques Baudou, voulait-il que le lecteur s’accoutume d’abord à l’univers de Pierre Véry avant de constater que tous les éléments de celui-ci étaient déjà présents dans ses premiers livres. La société secrète enfantine des Disparus de Saint-Agil apparaît en effet déjà ici (sous le nom des Compagnons du Centre-Afrique), de même que la petite ville de province du Thé des vieilles dames, ici en germe avec son atmosphère onirique et sa population étrange. Là-dessus se greffe le goût de mêler intrigue policière et éléments fantastiques qui sera la marque de l’auteur, même s’il n’ira jamais aussi loin dans l’originalité, refusant de donner la moindre solution à l’énigme qu’il met en place.
                                La première aventure céleste de Monsieur Antipyrine (Tristan Tzara, col. Dada, 1916, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
                                C’est dans cette courte pièce, dont les personnages s’appellent Mr Bleubleu, Mr Cricri, Mr Boumboum, Tristan Tzara et autres, que l’on trouve le premier manifeste Dada, connu sous le nom de Manifeste de Monsieur Antipyrine : “Dada est notre intensité; qui érige les baïonnettes sans conséquence la tête Sumatrale du bébé allemand…” Une des choses que je regretterai, quand j’aurai cessé d’exercer mon métier, sera de ne plus pouvoir déclamer au moins une fois par an, devant un public soudain peu rassuré sur ma santé mentale, le Manifeste de Monsieur Antipyrine.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Jeu de mots ferrugineux à Paris (Seine), photo de Pierre Cohen-Hadria, 26 mars 2014.
SAMEDI.
              Vie matrimoniale. Depuis qu’il a cessé d’alimenter le site des notules, mon ami Y ne sait plus quoi faire de ses journées. Pour se désennuyer un peu, il se marie ce matin à Moncetz-Longevas (Marne) et me donne ainsi l’occasion de photographier le monument aux morts local.
              Films vus. Cotton Club (The Cotton Club, Francis Ford Coppola, E.-U., 1984)
                               Bon rétablissement (Jean Becker, France, 2014)
                               Interdit de séjour (Maurice de Canonge, France, 1955)
                               Le Bonheur (Marcel L’Herbier, France, 1935).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Crêches-sur-Rhône (Saône-et-Moire), photo de Benoît Howson, 26 avril 2010 / Fumel (Lot-et-Garonne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 21 mars 2013
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 23 mars 2014. 67 km (25641 km).
850 habitants

   Je suis passé plusieurs fois devant ce monument, en attendant avec impatience le moment de le photographier. C’est en effet mon modèle préféré, celui du Poilu bleu vêtu de sa capote que l’on trouve dans plusieurs villages de Creuse. Celui-ci sort, nous apprend son socle, des  Fonderies TUSEY à Vaucouleurs. Il aurait besoin d’un petit coup de peinture car le bleu a pâli mais le noir de la moustache en guidon de vélo est encore bien prononcé. Le soldat a une attitude pacifique, il attend, tranquille, les mains posées sur le canon de son fusil dont la crosse repose à terre. Il est debout sur une stèle qui occupe le centre d’une vaste esplanade, sur le flanc de la cathédrale saint Pierre Fourier. Sur le pourtour, on trouve des banquettes de fleurs en voie d’épanouissement, un “Puits du Miracle de 1620”, le mur du Musée saint Pierre Fourier, une lourde chaîne attachée à des poteaux blancs.

Face :

DURAND Élie

GILLET Eugène

JACQUOT Alix

JACQUOT Jean

JEANROY Joseph

MARLANGEON Émile

MEUNIER Marcel

MILLIARD Louis

THOMASSIN Gaston

VAUTRIN René

VINOT Marcel

Mattaincourt à ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

Une plaque ajoutée pour les 9 victimes de 1939-1945

   Gauche :

BASSOT Pierre

CHERPITEL Joseph

DURAND Victor

GERARD Louis

PATERNOTTE Fernand

PIERRE Joseph

REMY Louis

SIMONIN Louis

SARTORI Fourier

VARANDAL Eugène

Droite :

CARPENTIER Désiré

HENRY Gustave

LORANGE Robert

LOY Marcel

MILLIARD Paul

MOUGEL Henri

MOUGEL Paul

SARTORI Victor

RETOURNA Prosper

SIMONIN Félix

Plaque ajoutée

VENCKEVICIUS Joseph

VENCKEVICIUS Albert

CARATTI Antoine

              Poil et plume. “Elle n’avait pas grande allure, dans la rue adjacente, la rue qui allait vers la rivière et l’enjambait par deux ponts successifs, la terne vitrine du coiffeur Barré. Mais elle ouvrait à la musique, et la musique était notre rêve.
   Minuscule boutique, en longueur (et probablement il habitait la pièce du dessus, avec une vieille mère je crois, il n’y avait qu’une seule fenêtre donnant sur la rue). Trois fauteuils en simili rouge, même s’il était seul à l’œuvre, une suite de miroirs pas très bien éclairés. Une banquette de moleskine vert sombre pour attendre sous les publicités pour les shampooings Forvil, et l’éventail de ses grands rasoirs plus l’aiguisoir de cuir puisque ici on venait encore (pas nous, trop jeunes) se faire la barbe au blaireau. Comment aurait-on supposé qu’un homme normalement conditionné puisse ne pas passer chaque trois semaines chez le coiffeur Barré ? (S’il avait un prénom, probablement, mais je ne le sais plus).” (François Bon, Autobiographie des objets)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

11 octobre 2015 – 682

LUNDI.

Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Andrew Fukuda, Traqué, tome non reconnu, Michel Lafon.

MERCREDI.

Lecture. Cahiers Georges Perec n° 12 (Collectif, Le Castor Astral, 2015; 310 p., 20 €).

“Espèces d’espaces perecquiens”

Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Réseau social nourricier à Cherbourg-Octeville (Manche), photo de Sibylline, 22 mai 2014.

SAMEDI.

Musique (côté mort). Libération du jour m’apprend la mort de Leny Escudero. Ce qui me ramène à des temps anciens. Chez mes parents, dans mon enfance, il y avait peu de disques. Mon père était abonné à une officine qui envoyait des disques par correspondance (la Guilde de quelque chose, je crois bien) mais c’était surtout du classique qu’il commandait. En termes de chanson, il y avait un 25 centimètres de Jacques Brel, La Vérité de Béart (pour lequel j’ai toujours eu de l’affection) et un 33-tours de Leny Escudero intitulé Ballade à Sylvie. C’était un disque de romances enveloppées dans les violons de Paul Mauriat, l’arrangeur de la chose. Je m’étais amusé à constater que le mot “amour” ou le verbe “aimer” apparaissaient dans toutes les chansons. Plus tard, j’ai participé à l’organisation d’un concert de Leny Escudero à Epinal et cela n’avait plus rien à voir avec mes souvenirs d’enfance : désenglué du sirop de Paul Mauriat, il était devenu farouche, engagé, presque enragé, semblait avoir retrouvé ses racines espagnoles, lui qui était né, ça ne s’invente pas, à Espinal. Je suis passé un jour par hasard à Espinal, j’ai photographié la pancarte, bien sûr, mais je ne sais pas s’il y avait un monument aux morts ou un coiffeur à l’enseigne intéressante. Probablement pas : Leny Escudero portait les cheveux longs.

Musique (côté vie). Puisque nous sommes dans la musique, allons ce soir applaudir Chanson Plus Bifluorée qui vient roder son nouveau spectacle dans un hangar spinalien. Lequel spectacle aura intérêt à subir de sérieuses coupures et à gagner en rythme s’il veut être à la hauteur des précédents présentés par ce groupe mais ses membres ont assez de métier pour s’en rendre compte tout seuls. La surprise de cette soirée viendra de la première partie où l’on découvre un certain Dominique Gras dans un soliloque à base de bafouillages, de contrepèteries, de parapèteries, d’a-peu-près et de tautophonies. Soit exactement ce que faisait Pierre Repp – envers lequel l’artiste reconnaît d’ailleurs honnêtement sa dette – il y a cinquante ans. Si Dominique Gras réussit à la fois à faire une carrière profitable et à faire redécouvrir Pierre Repp, il aura bien mérité de la patrie zygomatique.

Film vu. SMS (Gabriel Julien-Laferrière, France, 2014).

L’Invent’Hair perd ses poils.

   

Dinan (Côtes-du-Nord), photo de Bernard Visse, 11 avril 2010 / Paris (Seine), photo de Marc-Gabriel Malfant, 5 novembre 2013

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 16 mars 2014. 107 km (25574 km).

126 habitants

   Une grille métallique noire, bordée par sept ogives d’obus, encadre une stèle de granit posée sur un socle gravillonné. A la base, la signature, gravée : « GAUDIER-REMBAUX – GRANITS – AULNOYE (NORD) »

1914-1918

Martinvelle

A ses glorieux enfants

Morts pour la France

CAPUT Marc      HUMBLOT Léon

CLAIRIOT Jules      JANNEL René

DAUTEL Eugène      MARTIN Henri

DAUTEL Robert      MARTIN André

DUBOZ Émile      MOQUIN Henri

GEANT André      PERRIN Lucie

GERARD Louis      POINTU Raymond

GERARD Paul      ROUSSELOT Georges

   Sur une plaque ajoutée :

A la mémoire

Du Cdant E. ARNOULD

Du Sgt V. CLEMENT

De Melle Mte CRESPIN Infirmière

Morts glorieusement pour la France

En 1944

 

Poil et plume. “Une insaisissable odeur de roussi : les cheveux qu’on frise… Ces dames bavardent : elles envahissent la boutique du coiffeur tous les matins à la même heure, en négligé. L’une offre sa poitrine mal étagée, mais abondante. La croupe d’une seconde tend l’étoffe aux dessins imprimés : un profil encore à détailler; des moues, c’est selon le profil, accentuées ou non. Devant la glace, dans le fauteuil au dossier mobile, Irma observe la progressive élaboration de sa coiffure. Le perruquier tord les mèches entre ses doigts.” (Francis Carco, Instincts Panam : Promenade pittoresque à Montmartre)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

04 octobre 2015 – 681

DIMANCHE.
                   Rugby. RA Épinal-Golbey – Nancy Seichamps Rugby 62 – 3.
                   Courriel. L’organisateur d’une manifestation concernant le rugby à laquelle j’ai contribué de façon discrète, obscure et lointaine, m’écrit pour me féliciter : “je veux bien refaire équipe avec toi, c’était très sympa, décontracté et efficace.” Je n’ai pas attendu le troisième adjectif pour comprendre qu’il s’était trompé de Philippe.
MERCREDI.
                  Epinal – Châtel-Nomexy (et retour). Henri Vincenot, La Billebaude, Denoël, 1978.
JEUDI.
          Lecture. Une vie (Guy de Maupassant, première parution en feuilleton dans le Gil Blas,  1883, rééd.  in « Contes et nouvelles », Robert Laffont/Quid, coll. Bouquins, 1988, vol. 1; 1160 p., 120 F).
                        Le premier roman de Maupassant se distingue dès le titre par l’article indéfini. Comme si la vie de Jeanne, dont il est question, n’était qu’une vie parmi tant d’autres, celles qui étaient promises aux femmes de la petite aristocratie dans le courant du XIXe siècle. Car tout y passe : l’enfance au couvent, les rêves d’amour, le mariage, la déception qui s’ensuit devant l’indifférence puis la trahison du mari, l’enfant mort-né, la mort des proches, la solitude, la ruine… A la différence d’une Bovary, Jeanne ne cherche pas à vaincre ses désillusions par l’adultère, elle accepte tout, se soumet. Le mariage, un temps entrevu comme un porte vers le bonheur, débouche sur le vide : “Alors elle s’aperçut qu’elle n’avait plus rien à faire, plus jamais rien à faire.” C’est sur ce vide que brode Maupassant, couvé par Flaubert qu’il tient au courant, au début, de l’évolution de son roman. Le maître mourra avant d’avoir vu le produit fini, peut-être aurait-il suggéré des ruptures, des coupures dans un récit qui, par moment, s’enlise. Il aurait eu aussi le plaisir d’y voir des phrases qu’il aurait pu signer comme celle qui décrit “une de ces hautes et vastes demeures normandes tenant de la ferme et du château, bâties en pierres blanches devenues grises, et spacieuses à loger une race” ou celles qui dépeignent “tante Lison”, deux mots qui “n’éveillaient pour ainsi dire aucune affection en l’esprit de personne. C’est comme si on avait dit “la cafetière” ou “le sucrier”.
VENDREDI.
                  Football. SA Spinalien – USL Dunkerque 3 – 1.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Pantalonnade végétale à Taintrux (Vosges), photo d’Alain Mathieu, 26 avril 2015.

SAMEDI.
            Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 1 (1er septembre 2014, 112 p., 15 €).
                           Au bout des 28 numéros réglementaires, le Correspondancier du Collège laisse la place à une nouvelle série, à l’enseigne du Publicateur. Le format est changé mais le soin apporté au papier et à la typographie toujours le même. On ouvre avec un important et passionnant dossier sur Julien Torma qui convaincra de l’existence de celui-ci ceux qui – j’en fus – en doutent encore. Un passage de cette étude est consacré à la crème Éclipse, mentionnée par Torma dans une lettre d’octobre 1928. Où l’on apprend que “sur un mur sans fenêtres de l’hôtel Fournet, boulevard des Batignolles à Paris, on peut toujours voir une publicité murale ancienne pour la Crème Éclipse
”. Pas besoin d’aller si loin :

Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), photo de l’auteur, 5 mars 2013

              Films vus. Des lendemains qui chantent (Nicolas Castro, France, 2014)
                               Tourments (Jacques Daniel-Norman, France, 1954)
                               Une vie meilleure (Cédric Kahn, France, 2011).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Tulle (Corrèze), photo de Benoît Howson, 30 décembre 2009 / Blois (Loir-et-Cher), photo de Denis Cosnard, 30 mai 2015
              Poil et plume. “Je crois qu’on ne se met pas grand écrivain, comme on se met grand coiffeur.” (Emmanuel Berl, Tant que vous penserez à moi)
Bon dimanche,
Philippe DIDION