DIMANCHE.
Lecture scolaire. Les Croix de bois (Roland Dorgelès, Albin Michel, 1919, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche n° 189, 2010; 288 p., 5,10 €).
Rugby. RA Epinal Golbey – Hayange 26 – 0.
LUNDI.
Vie littéraire. Arrivée du dernier numéro d’Histoires littéraires, intitulé “Hommage à Jean-Jacques Lefrère”. Le notulographe figure au sommaire.
MARDI.
Lecture. Alexis Zorba (Nikos Kazantzaki, 1946 pour l’édition originale, traduit du grec par René Bouchet, Cambourakis, 2015; 384 p., 24 €).
Il paraît que la célèbre adaptation cinématographique de Michael Cacoyannis avec Anthony Quinn dans le rôle de Zorba est très éloignée du roman. Je ne l’ai jamais vue, mais n’en suis pas surpris : le livre tel qu’il est, basé sur un échange dialectique entre le narrateur et Zorba, ne semble pas être un terrain très propice. Les péripéties y sont rares, peu passionnantes car traitées d’une façon négligée par l’auteur. Celui-ci s’est concentré sur le dialogue, la confrontation entre ses deux protagonistes qui véhiculent deux visions de la vie. Le narrateur est un intellectuel, il vit dans les livres, écrit sur Bouddha, quand Zorba est un viveur, un hédoniste pour qui la vie doit être consommée sans attendre. Les deux s’affrontent, s’enrichissent mutuellement, se rapprochent sans que l’un cède véritablement à l’autre. Ce cheminement est un peu longuet, souvent répétitif, mais recèle quelques beaux passages quand Zorba prend la parole et exprime sa conception de l’existence. Car des deux, c’est bien lui qui fait le plus envie.
VENDREDI.
Vie littéraire. Le thème du XIXe Colloque des Invalides auquel j’assiste aujourd’hui à Paris est “Oubliettes et revenants”. Pour ce qui est des revenants, c’est bien sûr le fantôme de Jean-Jacques Lefrère qui vient en premier hanter les lieux et les participants à cet événement qu’il a contribué à créer. Alain Zalmanski rappellera les communications faites par Lefrère lors des trois premières éditions du colloque et on apprendra que l’homme avait un temps songé à monter une maison d’édition, à l’enseigne de “La danseuse unijambiste”, avec Christophe Bourseiller. Mais pour ce qui concerne les oubliettes et leurs éventuels résidents, le problème est plus délicat. Car s’il est un cadre dans lequel il est risqué de parler d’écrivains oubliés, c’est bien le Colloque des Invalides. Lequel est peuplé de gens qui, lorsqu’ils vous auront entendu disserter sur l’auteur que vous avez choisi parce que vous le croyiez oublié, méconnu ou, mieux encore, inconnu, se feront un plaisir de vous démontrer qu’ils ne connaissent que lui, et bien mieux que vous. Vous faites une drôle de binette quand vous vous pointez avec votre Tartempion, frais déterré, et que vous constatez qu’un Zinszner ou un Walbecq n’ignorent rien du sbire en question et vous donnent en prime le nom du bougnat qui lui livrait le charbon. Pourtant, les efforts sont certains : s’attaquer à Glais-Bizoin, à Iwan Gilkin ou à Dubut de Laforest montre qu’on a su gratter dans les sous-couches mais l’assemblée a eu tôt fait de montrer quelques connaissances sur ces seconds couteaux sans lame. Il n’y aura guère que Beffroy de Reigny, exhumé par Elisabeth Chamontin, qui se sera avéré une bonne pioche. Cela dit, pour les béotiens de l’envergure d’un notulographe, il y a largement de quoi enrichir son dictionnaire d’histoire littéraire. Après la séance, direction la Faculté de médecine – au pas de course – où hommage est rendu à Jean-Jacques Lefrère. Des membres de sa famille et des milieux qu’il a fait progresser (la littérature et la médecine) prennent la parole “dans un amphithéâtre” comme le veut la chanson. On présente également le dernier numéro d’Histoires littéraires dont il a été question plus haut, on boit un coup et je photographie le monument aux morts.
Lecture. Aller simple pour Nomad Island (Joseph Incardona, Le Seuil, coll. Policiers, 2014; 272 p., 19 €).
Une famille aisée part en vacances sur une île paradisiaque où le séjour tourne au cauchemar. Thème éculé, écriture farcie de clichés, il n’y a rien à sauver dans ce roman qui n’enrichit pas la collection policière du Seuil et qui n’y serait sans doute pas entré à l’époque où Robert Pépin la dirigeait.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Urbanisme irrévérencieux à Wassy (Haute-Marne), photo de J.-F. Fournié, 18 mars 2009.
SAMEDI.
Presse. […] Une association est née en mars 2015 dans le Val d’Oise : Solidhair. cette association récupère les mèches coupées qu’elle vend aux perruquiers. L’argent récolté permet de subventionner des personnes en difficultés financières afin qu’elles puissent s’acheter une perruque en cheveux naturels. […] Pour faire don de ses mèches prenez rendez-vous au salon ABCD’Hair, place de l’Eglise à Domèvre-sur-Avière.” (Vosges Matin du jour)
Vie parisienne. Je suis au Louvre en matinée pour étudier, dans le cadre de ma Mémoire louvrière, la dernière salle de l’aile Richelieu, 2e étage, dont l’exploration m’occupe depuis le 27 août 2003. A mon rythme : une salle par visite, pas plus, inspection de chaque tableau avec prise de notes. C’est un peu long, c’est sûr, mais j’ai tendance à estimer qu’un travail de moins de dix ans n’est qu’une vague amusette. C’est un côté Bartlebooth que je possédais avant de lire La Vie mode d’emploi. Je peux désormais attaquer l’aile Sully dont je pense venir à bout avant la fin du siècle.
L’Invent’Hair perd ses poils.
Tulle (Corrèze), photo de Benoît Howson, 30 décembre 2009 / Verson (Calvados), photo de Pierre Cohen-Hadria, 4 septembre 2015
Films vus pendant la semaine. Saint Laurent (Bertrand Bonello, France – Belgique, 2014)
La Marque des anges – Miserere (Sylvain White, France – Belgique, 2013)
Elle l’adore (Jeanne Herry, France, 2014)
Jacquou le croquant (Laurent Boutonnat, France, 2007).
Poil et plume.
DIMANCHE.
Lecture. Cinéma Calendrier du cœur abstrait Maisons (Tristan Tzara, collection Dada, Au Sans Pareil, 1920, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
MARDI.
Lecture. Entre ciel et terre (Himnariki og Helviti, Jon Kalman Stefansson, 2007 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Du monde entier, 2010 pour la traduction française, traduit de l’islandais par Eric Boury; 240 p., 21,90 €).
Un qui ne doit pas s’ennuyer, c’est Eric Boury. Traducteur de l’islandais, un domaine dans lequel il a peu de concurrents, il est chargé des œuvres d’Indridason dont on a déjà dit ici tout le bien qu’on en pensait. En prime, on lui offre chez Gallimard la trilogie de ce Stefansson dont Entre ciel et terre est le premier volet. On n’ose imaginer le plaisir qu’il a pu prendre à traduire cette langue exceptionnelle, ces périodes d’une richesse peu commune, ces images insolites (“Quand [le vent] se tait et que nous pouvons mettre le nez dehors sans mourir, les rues sont recouvertes d’algues, comme si la mer nous avait éternué dessus”) qui font de ce Stefansson rien de moins qu’un Pierre Michon des fjords. Il y est question de la mer et de la terre, de la vie et de la mort, du Paradis perdu de Milton et de l’amour, toutes choses essentielles et bien difficiles à saisir pour le personnage central, “le gamin”, qui, en quelques jours, perd un ami dans une tempête, fait un long voyage à pied à travers la lande (celle où le frère d’Arnaldur, le policier des aventures d’Indridason, s’est un jour perdu à jamais), résiste à l’appel du suicide pour réapprendre à vivre dans un village de pêcheurs. On imagine que la suite concerne ce personnage et sa nouvelle existence entre les deux femmes qui dirigent la buvette locale et qui viennent de l’accueillir. On ne manquera pas de la lire car on est ici face à une œuvre de belle envergure.
Extrait. “Deux matelots s’étaient noyés, leurs corps n’avaient jamais été retrouvés et ils étaient allés rejoindre la foule des marins qui errent au fond de la mer, se plaignant entre eux de la lenteur du temps, attendant l’appel suprême que quelqu’un leur avait promis en des temps immémoriaux, attendant que Dieu les hisse vers la surface et les attrape dans son épuisette d’étoiles, qu’il les sèche de son souffle tiède et les laisse entrer à pied sec au royaume des cieux, là, il n’y a jamais de poisson aux repas, disent les noyés qui, toujours aussi optimistes, s’occupent en regardant la quille des bateaux, s’étonnent du nouveau matériel de pêche, maudissent les saloperies que l’homme laisse dans son sillage, mais parfois aussi, pleurent à cause de la vie qui leur manque, pleurent comme pleurent les noyés et voilà pourquoi la mer est salée.”
MERCREDI.
Lecture. Impatience du cœur (Ungeduld des Herzens, Stefan Zweig, Bermann-Fischer Verlag, 1939 pour l’édition originale, traduit de l’allemand par Nicole Taubes, in “Romans, nouvelles et récits II”, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade n° 588, 2013; 1574 p., 65 €).
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Joyeuses pâtes à Paris, rue Beaubourg, photo de Pierre Cohen-Hadria, 4 août 2014.
Films vus pendant la semaine. Repas de famille (Pierre-Henry Salfati, France, 2014)
Un château en Espagne (Isabelle Doval, France, 2007)
Les Âmes noires (Anime nere, Francesco Munzi, Italie – France, 2014)
Le Pactole (Jean-Pierre Mocky, France, 1985)
Insoupçonnable (Gabriel le Bomin, France – Suisse, 2010).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Tulle (Corrèze), photo de Benoît Howson, 30 décembre 2009
IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 6 avril 2014. 46 km (25856 km).
261 habitants
A la porte de l’église, la stèle de granit gris, ornée d’une palme, est jouxtée de deux mâts à drapeau et entourée d’un parterre de rosiers.
A nos enfants
Morts pour la France
1914-1918
Droite :
MIDOT Achille
REMY Albert
REMY Roger
DENET Camille
PETITJEAN Henri
GRANDJACQUOT Henri
THOMAS Paul
DUGRAVOT Albert
VALANCE Charles
Gauche :
LAMBOTTE Joseph
LEC Marcel
LAURENT Albert
MERLIN Georges
BILQUE Pierre
BERNARDIN René
ETRE Paul
DUBOIS Camille
DIDENOT Paul
MIDOT Camille
1939-1945
L’HUILLIER André
THINET Emile
A.F.N.
MASSON Paul 1961
Dans l’église, les noms des victimes figurent sur un mur, au-dessus d’un autel supportant une pietà sculptée. Ils sont rangés par années de décès et suivis par la date exacte de celui-ci. Albert Dugravot et Charles Valance sont absents, alors qu’on note la présence de quatre noms qui ne figurent pas sur le monument extérieur : Émile Remy, Joseph Marchal, Marcel Bernardin et Émile Mulot.
Poil et plume. “Chez les coiffeurs, il n’y a plus de livres de cow-boys. Oui, ces Kit Carson, ces Mustang, ces Nevada Smith petit format, couverture bariolée, intérieur noir et blanc, qui sentaient l’eau de fougère et la violette. […] Ah ! ces histoires qu’on vous refusait à la maison […] on préférait les déguster tout son soûl en attendant son tour chez le coiffeur. […] Quel crève-cœur quand il fallait abandonner l’Arizona pour passer sous la morsure glacée de la tondeuse !” (Philippe Delerm, Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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