DIMANCHE.
Lecture. Va et poste une sentinelle (Go Set a Watchman, Harper Lee, traduit de l’américain par Pierre Demarty, Grasset, 2015; 336 p., 20,90 €).
L’adieu à l’enfance est chose douloureuse, pour soi-même ou pour ceux avec qui l’on a vécu. De même que le fait de retourner dans des endroits où l’on a été heureux. Cette douleur, l’héroïne de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur en fait l’expérience au moment où elle revient, adulte, dans sa ville natale de l’Alabama. La guerre est passée, la situation politique a changé, la question raciale ne s’est pas apaisée. La jeune femme ne reconnaît plus sa ville, ni le père qu’elle a tant admiré et qui semble désormais avoir renié ses idéaux de justice et d’égalité. Roman de la désillusion, Va et poste une sentinelle se termine tout de même sur une note optimiste mais celle-ci n’atteint pas le lecteur. Celui-ci partage le sentiment de déception du personnage mais, pour ce qui le concerne, sur le plan littéraire avant tout. A la limite, on peut concevoir que celui qui a lu L’Oiseau moqueur en 1960 ressente avant tout le plaisir de retrouver, plus de cinquante ans après, les personnages et les lieux d’un livre inoubliable mais lire les deux volets de cette histoire à la suite est plutôt cruel. La fraîcheur de la jeune Scout imprégnait toute son histoire d’enfant, passait dans l’écriture, gagnait tout le livre. Devenue Jean Louise Finch et dépossédée du statut de narratrice, le personnage n’intéresse plus. Par le rappel de quelques souvenirs, Harper Lee parvient à retrouver par moments la magie de son premier récit mais la longueur des dialogues théoriques sur la politique et la fadeur des réflexions font du livre une suite dont on aurait aimé avoir eu la force de se dispenser. Maintenant, il faut aussi considérer l’histoire de cette parution : Va et poste une sentinelle est en quelque sorte une suite écrite avant, une première mouture de l’Oiseau moqueur, proposée à l’éditeur qui a demandé à l’auteur de travailler son texte, texte qui a abouti à la réussite que l’on connaît. Beau travail d’éditeur donc. On n’en dira pas autant de celui qui a réussi à soutirer ce manuscrit à Harper Lee quelques mois avant sa mort et qui n’ajoute rien à sa gloire.
MARDI.
Lecture. Grossir le ciel (Franck Bouysse, La Manufacture de livres, 2014, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche policier n° 34007, 2016; 240 p., 6,90 €).
Il n’y a pas que Bergounioux en Corrèze. Franck Bouysse y est né et s’il se consacre à un autre genre que l’illustre, le roman policier, il sait faire montre d’un talent appréciable. Ce n’est pas la Corrèze qui sert de cadre à Grossir le ciel mais les Cévennes. Les ingrédients sont maigres dans ce polar rural : l’hiver, deux fermes isolées habitées par deux paysans chenus, un chien, quelques vaches et c’est tout. Jusqu’à ce qu’un évangéliste débarque dans le paysage et frappe à la porte d’un des deux bonshommes. De cette apparition vont naître des événements inattendus qui justifieront l’étiquette polar mais ne constituent pas l’essentiel. C’est dans la description du vide que Bouysse est le meilleur, dans la peinture de l’existence que ces deux survivants d’un monde ancien essaient d’arracher à leur terre oubliée.
JEUDI.
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Guillaume Musso, Central Park, XO, 2014.
VENDREDI.
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Michel Lallement, Le travail : une sociologie contemporaine, Folio essais, 2007 à l’aller et George Orwell, 1984, Folio, 1990 au retour.
TV. Au rayon des contrepèteries d’autant plus savoureuses qu’elles sont involontaires, on notera la belle exclamation du commentateur du match de rugby Pays de Galles – France appuyant une percée du demi d’ouverture des Bleus : “Trinh-Duc prend le trou !”
Le cabinet de curiosités du notulographe. Des libraires sur les traces des coiffeurs, photographe inconnu.
Pléneuf-Val-André (Côtes-du-Nord), 13 avril 2010 / Bécherel (Ille-et-Vilaine), 14 avril 2010
SAMEDI.
Lecture. Grains et Issues (Tristan Tzara, éd. Denoël et Steele, 1933, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
Jaligny-sur-Besbre (Allier), photo de l’auteur, 11 juin 2005
Films vus. Amitiés sincères (Stéphan Archinard & François Prévôt-Leygonie, France, 2012)
Valentin Valentin (Pascal Thomas, France 2014)
L’Enfant d’en haut (Ursula Meier, France – Suisse, 2012)
Benoît Brisefer : Les Taxis rouges (Manuel Pradal, France, 2014)
Ça s’est passé à Rome (La giornata balorda, Mauro Bolognini, Italie – France, 1960).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Concarneau (Finistère), photo de Francis Henné, 11 juillet 2010 / Londres (R.-U.), photo du même, 9 juillet 2014
IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 24 août 2014. 166 km. (26733 km).
205 habitants
Le monument de pierre blanche se dresse sur une esplanade dallée, à côté de la Mairie. Il est entouré de plots de granit reliés par une frise métallique. Un drapeau et une palme sont collés sur le fût.
Aux enfants de Midrevaux
1914-1918
Morts pour la France
PIERROT Émile THOUVIGNON Alix
PIERROT Paul POIRSON Henri
PIERROT Jules PIERNOT Félix
DAVIGNON Marcel ROBERT Albert
DAVIGNON Joseph CHARLIER Félix
VEBERT Désiré SCHOUBERT Gges
THIEBAUT Louis ABRAHAM René
POIROT Camille
1939-1945
AUBRY Lucien LUC Robert
HUSSON Jean PLUMET Jean
Poil et plume. “Solédad prenait de plus en plus une forme arrondie. Il m’arrivait de travailler seul sur un casse. Je le faisais de jour. J’avais pris pour habitude de mettre mon matériel dans une petite mallette noire. En plus, j’y avais joint une blouse blanche, une paire de ciseaux et un peigne de coiffeur, plus des cheveux coupés dans une enveloppe. Cette précaution me sauva la mise un jour où je fus à deux doigts de me faire prendre par la police. […] D’un coup de coude je fis éclater la vitre, ouvris le châssis et m’engageai dans la chambre. J’ouvris ma mallette puis enfilai ma blouse blanche. Je mis les ciseaux et le peigne dans la poche du haut. J’ouvris l’enveloppe et dispersai les déchets de cheveux sur les manches de ma blouse. Pas question de garder mon matériel, ni ma mallette. Je fis glisser le tout sous le lit, ainsi que mes gants. Puis, allumant une cigarette, j’ouvris la porte en prenant soin de ne pas laisser mes empreintes. Tranquillement je descendis l’escalier. […] Je pris la direction des policiers. Il me suffisait de rester calme. Arrivé à leur hauteur, c’est très naturellement que je dis à l’un d’entre eux :
– Que se passe-t-il ? Un incendie ?
Il n’était pas souriant, et c’est assez sèchement qu’il me répondit :
– Vous demeurez ici ?
– Oui, monsieur l’agent, et je suis coiffeur dans le salon d’à côté. Mes clients m’attendent.
Je ne manquais pas de souffle. Je ne savais même pas s’il avait un salon de coiffure dans cette rue. Lui non plus.
– Vous pouvez passer. (Jacques Mesrine, L’Instinct de mort)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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