27 novembre 2016 – 730

LUNDI.

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Jonathan Swift, Gulliver’s Travels, Oxford World’s Classics, 2008. Je connais un peu la jeune lectrice assise à mes côtés, je l’ai vue naître.

MARDI.

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Jacques Heers, Histoire des croisades, Perrin, 2014.

Lecture. Les Fugueurs de Glasgow (Runaway, Peter May, 2015 pour l’édition originale, Éditions du Rouergue, coll. Rouergue noir, 2015 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue; 336 p., 22,50 €).

Jack et ses amis du troisième âge, plus ou moins mal en point, décident de refaire le voyage entrepris cinquante ans plus tôt de Glasgow à Londres quand, jeunes fugueurs, ils rêvaient de conquérir la capitale avec leur musique. Sobrement, Peter May utilise le montage parallèle pour dérouler son histoire : une série de chapitres estampillés sixties pour raconter l’odyssée mouvementée des lycéens, une série sur l’aventure contemporaine, le même voyage accompli par une bande de vieillards. Le procédé permet de voir l’évolution du pays, de sa musique, de ses paysages, de sa vie industrielle et sociale. Peter May se montre, dans cet exercice, moins subtil et talentueux que dans ses romans sur l’île de Lewis mais l’histoire se laisse lire avec plaisir, sans ennui. L’intrigue policière censée la pimenter n’a aucun intérêt mais la peinture du Swinging London ne manque pas de charme.

MERCREDI.

Éphéméride. “Mardi 23 Novembre.

Travaillé au décor. Je trace des guirlandes de pampres autour des pilastres de marbre. Le soir,  grande conversation sur “l’Invisible”, la Raison et l’Instinct. Il y a un fait étrange et anormal dans la Nature où tout meurt et se transforme, c’est le cœur humain qui ne vieillit pas, c’est toutes nos facultés d’âme qui survivent à la lente déchéance du corps. Je considère ce phénomène comme une certitude de survie des seuls éléments précisément qui honorent l’homme et qui le rapprochent d’une essence divine.

Je ne saurais dire qu’il y a une Loi de compensation dans un autre monde, mais ce que je crois avoir aperçu dans ma propre vie c’est la récompense et la punition, pour ainsi dire foudroyante, qui intervient chez moi pour toutes les plus minces manifestations du Mal et du Bien. La moindre faute est atteinte immédiatement et le moindre acte de bonté, d’indulgence, de sacrifice, est récompensé, tantôt par la seule vibration de ma conscience, tantôt par des faits précis, matériels, venant en dehors de moi.

Mad[ame] Taskin, très-impressionnée par ce long discours métaphysique, se retire et m’affirme le lendemain que ces problèmes l’ont tenue éveillée jusque fort avant dans la nuit : c’est une femme de quarante ans qui a perdu ses deux fils, dont un à la guerre, à l’âge de 17 ans. Il lui reste une charmante jeune fille.

Quel dommage qu’elle soit si grosse ! Avec son visage d’un modelé parfait, sa voix splendide, son sourire délicieux, son intelligence éveillée, elle aurait le plus grand charme. Mais ses cent kilos font d’elle quelque chose de si pesant qu’il n’y a aucune place pour le moindre agrément des yeux. On s’en tient à son visage, déjà envahi par la graisse, mais où l’on trouve toute le France du 18ème siècle, clair et espiègle, la France de Couperin, son aïeul.” (Ferdinand Bac, Livre journal 1920)

Lecture. Jongleur de temps (Tristan Tzara, poèmes réunis par Henri Béhar, Les Éditeurs Français Réunis, coll. Petite Sirène, 1976 pour l’édition originale, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).

Schnock n° 14 (La Tengo, mars 2015; 176 p., 14,50 €).

Jacques Dutronc.

VENDREDI.

Football. SA Spinalien – Chambly 3 – 5.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Cyclisme aérien à Paris (Seine), photos de l’auteur.

  

rue des Boulangers, 20 août 2015 / rue du Faubourg Saint-Martin, 29 octobre 2016

SAMEDI.

Films vus. Truman Capote (Capote, Bennett Miller, Canada – E.-U., 2005)

Nous trois ou rien (Kheiron, France, 2015)

Baxter (Jérôme Boivin, France, 1989)

Les Terreurs de l’Ouest (I magnifici brutos del West, Marino Girolami, Italie – France –Espagne, 1964).

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  

Gruissan (Aude), photo d’Hervé Bertin, 25 août 2010 / Saint-Jean-le-Blanc (Loiret), photo de Christiane Larocca, 2 août 2016

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 25 janvier 2015. 68 km. (27959 km).


162 habitants

Entre la Mairie et l’église, le monument de granit gris est décoré d’une Croix de guerre et d’une palme. Deux mâts à drapeau se dressent à l’arrière, les autres éventuels ornements sont cachés sous la neige.

Aux enfants de Mortagne

Morts pour la France

1914-1918

   Gauche :

BERNARD Eugène soldat

BERNIERE Camille sergent

BERNIERE Felix soldat

BONENFANT Léon sergent-major

COLIN Pierre soldat

COLIN Georges id

CROVISIER Paul id

DESCHAMP Julien id

DEMANGEON Jean Bte id

GERARDIN Joseph id

HERBE Joseph id

   Droite :

LEGER Alfred soldat

LEGER Eugène id

MIROUEL Emile sergent fourrier

REMY Georges sergent

ROSIER Lucien soldat

THIRIAT Paul id

THOMAS Emile id

VALENCE Armand id

VALENCE Auguste caporal

VILLAUME Paul soldat

1939-1945

ROUSSEL René Résistant

              Poil et plume.

Femme à poils, de Joko.

Bon dimanche,

Philippe DIDION

20 novembre 2016 – 729

MERCREDI.
                  Éphéméride. “Je connais un professeur de l’Université qui est très intelligent. D’ailleurs tous les professeurs sont très intelligents; c’est même leur métier, d’être très intelligents. Celui-là se moquait des garçons de lycée qui, disait-il, ils ne veulent plus être appelés garçons, mais agents, sous-agents ou employés. Ils attachent, ajoutait-il, beaucoup d’importance aux mots, et croient que cirer les bottes comme garçon, c’est bien plus humiliant que de cirer les bottes comme sous-agent.
“Je ne les trouve point si sots, lui répondis-je, car le respect de la plupart se règle sur des mots. Un sous-agent, c’est un fonctionnaire, tandis qu’un garçon, ce n’est même pas un homme, je dis dans l’opinion des nigauds.”
Mon professeur n’en haussait pas moins les épaules, et prenait en pitié les nigauds, et tous ceux qui se règlent sur les propos des nigauds; car il veut se montrer philosophe, juger en homme libre, et voir les choses comme elles sont.
Mais j’avais résolu de mettre sa philosophie à l’épreuve, et, jouant l’homme bien informé, je me mis à lui parler des projets de son ministre. Et lui se montrait inquiet de ces innovations que j’imaginais, fusion des trois enseignements, suppression des études grecques et latines, réforme radicale de l’orthographe, lycée gratuit, monopole de l’enseignement, et autres paysages lunaires.
Quand je l’eus ainsi jeté hors de sa philosophie, je poussai ma botte : “Une première réforme et qui paraît assez naturelle, consistera à donner le même nom à tous ceux qui instruisent la jeunesse : il n’y aura plus d’instituteurs, il n’y aura que des professeurs.”
Là-dessus il bondit, s’emporte, et me traite assez durement. Le moment est venu de faire marcher la douche : “Si un garçon qui veut être appelé sous-agent est ridicule, que dirions-nous d’un professeur qui se croirait déshonoré si les instituteurs portaient le nom de professeurs ?
– Mais mon cher, s’écria-t-il, ce n’est pas du tout la même chose.” (Alain, Propos d’un Normand, 16 novembre 1906)
JEUDI.
          Lecture. La Méprise (Despair, Vladimir Nabokov, 1934, traduit de l’anglais par Wladimir Troubetzkoy in “Œuvres romanesques complètes » I, Gallimard 1999, Bibliothèque de la Pléiade n° 461; 1732 p., 77 €). 
                        Beaux et damnés (The Beautiful and Damned, F. Scott Fitzgerald, Charles Scribner’s Sons, New York, 1922, traduit de l’américain par Marie-Claire Pasquier in “Romans, nouvelles et récits” I, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 581, 2012; 1570 p., 70 €).
                        Profitons de la lecture en parallèle de ces deux romans dans une édition commune pour examiner les notes et notices proposées en accompagnement des textes. Dans le volume Fitzgerald, Pascale Antolin se contente de suivre le récit et de l’éclairer avec des indications concernant les lieux, personnes et événements historiques qui le traversent. Dans sa notice de présentation, elle donne des renseignements sur les implications autobiographiques du roman qui raconte l’histoire d’un couple ressemblant fortement à Scott et Zelda Fitzgerald. Un lecteur pressé ou moins curieux qu’un autre peut parfaitement faire l’économie de ces notes et lire cette œuvre – magnifique au demeurant, Fitzgerald s’approche de la perfection qu’il atteindra avec Gatsby – sans interruption. Avec le volume Nabokov, c’est autre chose. L’annotateur – traducteur est confronté à un sujet beaucoup plus complexe. Il y a d’abord l’histoire du texte à retracer et comme toujours chez Nabokov, c’est un véritable dédale entre les versions russes et anglo-américaines, sans parler des traductions françaises. Il y a ensuite tout un intertexte à exhumer, les allusions à Pouchkine, à Dostoïevski et à de plus obscurs. Il y a enfin le travail ordinaire d’annotation, pourrait-on dire, les éclairages à apporter sur tel ou tel aspect ponctuel du texte. Là aussi, rien n’empêche de lire le roman sans sacrifier à la soif d’érudition, même si la perte est plus lourde que chez Fitzgerald. Mais c’est peut-être préférable pour une première lecture car La Méprise est, au premier niveau, une histoire policière assez intéressante en soi… dont Wladimir Troubetzkoy donne le dénouement dès ses premières notes. Un avertissement au lecteur n’aurait pas été superflu, pour éviter de gâcher le plaisir de celui-ci. Finalement, l’expérience nous apprend que les notes, comme les préfaces, doivent être lues après le texte.
VENDREDI.
                  Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, PUF, 1978.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Urbanisme canin, photos de Lucie Didion.
   
Épinal (Vosges), 12 août 2014 / Gérardmer (Vosges), 11 août 2015
SAMEDI.
            Films vus. L’Étudiante et Monsieur Henri (Ivan Calbérac, France, 2015)
                              Havana (Sydney Pollack, E.-U., 1990)
                              Les Cowboys (Thomas Bidegain, France, 2015)
                              Pierrot le fou (Jean-Luc Godard, France – Italie, 1965)
                              One + One (Jean-Luc Godard, R.-U., 1968)
                              Belle et Sébastien, l’aventure continue (Christian Duguay, France, 2015).
              L’Invent’Hair perd ses poils.

Istanbul (Turquie), photo de Pierre Cohen-Hadria, 16 août 2010

              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 11 janvier 2015. 117 km. (27891 km).

212 habitants

  Le monument, peint en blanc, se dresse au bord de la rue principale. Il est signé “MOLLE à Bourbonne”. Une gerbe défraîchie, déposée par les sapeurs pompiers, gît à son pied. Les noms sont inscrits en lettres dorées sur une plaque de marbre noir.  

Morizécourt

A ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

1914 LORRAIN Auguste

LORRAIN François

HAUBENSACK Eugène

1915 RELION Auguste

COLLARD Léon

GALLOIS Charles

GUILLOUX Joseph

1916 GRANDCLERC Edmond

SONNET Émile

1917 PERRARD Alexandre

LORRAIN Maurice

1918 THIERY Émile

NOEL Léon

BARBIER Charles

   Je rentre, heureux, d’avoir pu d’ajouter un élément à ma collection de Léon Noël.

              Poil et pub.

Les lèvres nues n° 4, janvier 1955

Bon dimanche,

Philippe DIDION

13 novembre 2016 – 728

DIMANCHE.

Obituaire

.

Au centre, Paulette Perec (1938 – 6 novembre 2016), place de la Sorbonne (Paris), photo de l’auteur, 31 mai 2014

  

note manuscrite de Paulette Perec, recto-verso, même date

LUNDI.

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Stephen King, 22/11/63, Le Livre de poche, 2014.

Lecture. Le Prix du bœuf (Michel Ohl, Plein chant, coll. La tête reposée, 1996; 160 p., 90 F).

“Ripopée posthume, patriotique et familiale, annotée par Narcisse Boudigans)”                          En juin 2015, Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique rendait hommage à Michel Ohl, qui venait de disparaître. On y découvrait principalement sa correspondance, richement calligraphiée et mise en page, et Pierre Ziegelmeyer, éditeur chez Plein chant, recommandait à ceux qui voulaient approfondir le sujet la lecture de ce Prix du bœuf. Sous ce titre sont rassemblés des textes qui semblent avoir été publiés dans des feuilles plutôt confidentielles ou conservées dans les tiroirs de l’auteur : contes, souvenirs, nouvelles, testament (ohlographe, comme il se doit), etc. Pour un lecteur non averti, cette ripopée risque d’être légèrement étourdissante car ce qu’écrit Ohl ne ressemble à rien de connu. Pour le caractériser, il faudrait faire appel à Artaud (pour la virulence), à Jean-Pierre Verheggen (pour le jeu sur les mots), à André Frédérique (pour la noirceur), ajouter une dose de Gaston Chaissac, une pincée de régionalisme aquitain et une bonne rasade de Science, la vraie (l’homme est du genre, confie Ziegelmeyer,  à compter les mots “guerre” et “paix” dans Guerre et Paix pour savoir qui gagne à la fin). Comme il y a un art brut, on pourrait dire qu’il y a une littérature brute dont Michel Ohl formerait un bel exemple. Il faut le lire pour le croire, sans omettre les notes, particulièrement obscurcissantes, de Narcisse Boudigans.  

MERCREDI.                  

Éphéméride. “Dimanche 9 novembre 1969

Les Bastid ont passé la journée ici.

Une journée foutue, et fatigante pour le foie.

Je suis de plus en plus fatigué, à se demander comment ça va finir. Tout à l’heure, je tremblais terriblement.

Jean-Pierre m’a apporté (prêté) quelques textes que je souhaitais. Il n’a pu malheureusement me communiquer le bulletin du Black Panther Party, que j’avais lu chez lui, et qui se présente gerbeusement – c’est un mélange d’outrance verbale à formules frappantes mais creuses (Pig Power, par exemple), de rattachement inconditionnel, de la façon la plus acritique, aux forces spectaculaires qui s’opposent à l’État nord-américain (et par exemple à Mao Tsé-toung, Guevara, etc.); à cela se joint un intense travail idéologique, calqué sur le maoïsme de la première période, pour militariser le peuple sous l’autorité de dirigeants, et selon un programme violent, mais absolument pas radical, et même parfois catastrophique – allant de la revendication des “logements décents” et autres balivernes, aux vaticinations sur la nation noire.” (Jean-Patrick Manchette, Journal 1966-1974)

JEUDI.

          Lecture. Que d’os ! (Jean-Patrick Manchette, Gallimard, coll. Super Noire n° 51, 1976, rééd. in Jean-Patrick Manchette « Romans noirs », Gallimard, coll. Quarto, 2005; 1344 p., 29,50 €).

Relecture.

                        Deuxième enquête du privé Eugène Tarpon, aussi enlevée que Morgue pleine et c’est justement ce rythme effréné qui permet d’oublier les invraisemblances dont l’histoire est cousue. Manchette est toujours aussi agréable à relire, par sa peinture des années 1970 et son écriture dont l’apparente désinvolture masque un vrai travail. En cours d’écriture, Manchette écrit dans son journal le 14 janvier 1976 : “Puisque le lecteur, au présent stade, nécessairement pense avoir deviné ce qui va suivre, et puisqu’il l’a deviné effectivement, il convient, je pense, de confirmer aussitôt ce qui est deviné, afin qu’on s’occupe uniquement du reste, qui est d’ordre descriptif, psychologique et stylistique.” Pari tenu.

           Vie familiale. Lucie poursuit ses études à Nancy, Alice est en Finlande avec son lycée. Ici, on a bien de la misère à remplir le lave-vaisselle.

VENDREDI.

                  Lecture. Faust (Tristan Tzara, in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).

                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Aperçu d’une collection de trompe-l’œil.

  

Limoux (Aude), photo de Bernard Cattin, 22 juillet 2014 / La Petite-Raon (Vosges), photo de l’auteur, 3 janvier 2016

SAMEDI.

Vie musicale. Concert de Steve ‘n’ Seagulls à Épinal. Un groupe finlandais dont j’ignorais l’existence jusqu’à ce matin mais qui semble avoir des adeptes : la salle est pleine comme un œuf, avec pas mal de spectateurs en salopette, bottes de caoutchouc et chemise carreautée (le dernier album est intitulé Brothers in Farms), la tête enveloppée dans une toque de fourrure à tête de renard ou de loup. On comprend vite l’engouement : c’est comme si les Pogues étaient ressuscités du côté d’Helsinki. Le fait de savoir Alice séjourner sur une terre capable de donner naissance à de pareils olibrius ne rassure qu’à moitié mon pauvre coeur de perd-de-famille.

   Films vus. Un début prometteur (Emma Luchini, Belgique – France, 2015)

 Hugo Cabret (Hugo, Martin Scorsese, E.-U., 2011)

                              La Prisonnière (Henri-Georges Clouzot, France – Italie, 1968)

                              Balade entre les tombes (A Walk Among the Tombstones, Scott Frank, E.-U., 2014)

                              Cheval de guerre (War Horse, Steven Spielberg, E.-U. – R.-U., 2011)

                              Mauvaise fille (Patrick Mille, France, 2012).

  L’Invent’Hair perd ses poils.

Stockholm (Suède, photo de Régis Conraud, 26 juillet 2010

              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

19 décembre 2014. 52 km. (27722 km).

433 habitants

   Sur l’esplanade de l’église, le monument aux morts est concurrencé par le sapin de Noël. La base maçonnée du monument est entourée d’une grille et porte la mention “Souscription publique”. La flèche est encadrée par quatre sphères surmontées d’une flamme stylisée. Un orbe surmonte le sommet. Les noms, peints en doré, sont lisibles, ce qui n’est pas toujours le cas de ce qui les suit, à savoir le nom du régiment et le lieu de décès. 

Face :

Moriville

A ses enfants

Morts pour la France

1914-15-16 à 19

COLNOT 8e Art. Épinal

E. CONE 17e Inf. Grenay

E. LINA N.D. Lorette

J. L’HUILLIER 43 ? Ban-de-Sapt

Ch. LAURENT 149e Inf. Aix-Noulette

L. SAMORI 122e Tahure

E. CORNEMENT Douaumont

H. JACQUOT Verdun

C. CHAFFARD N.D. Lorette

A. GRAVEL Vieillemagny

(…)

G. ANTONI Villotte

   Il y a en tout 25 noms, plus 8 sur une plaque fixée à la base, à côté de la mention suivante 

Vous êtes tombés au champ d’honneur

Vous avez été les artisans de la victoire

Votre souvenir nous restera impérissable

   Gauche :

Rozelieures

Essey-la-Côte

25 et 26 août 1914

13 noms de P.P. GILARDONI à A. STER

Victimes civiles

LEDORE Gabrielle

LEDORE Marie-Rose

   Dos :

Souvenir

1870-1871

C. MAIRE Villerxexel

C. BIETTE ?

J. CHEVIGNY Bourges

              Poil et festivités.

Bon dimanche,

Philippe DIDION

6 novembre 2016 – 727

DIMANCHE.

Lecture. Les Roses mortes (William Irish, 1943-1951 pour l’édition originale, Presses de la Cité, coll. Un mystère n° 579, 1961 pour la première traduction française, traduit de l’américain par Maurice-Bernard Endrèbe, rééd. Presses de la Cité, coll. Omnibus, vol. « Noir c’est noir », 1993; 1016 p., 135 F).

                                 Les Roses mortes est une nouvelle sur le thème du tueur en série, très souvent pratiqué par William Irish et l’autre texte, Tu ne me reverras jamais ! (You’ll Never See Me Again) un court roman dans lequel une banale scène de ménage se termine en disparition inexplicable.
                                 Poèmes nègres (Tristan Tzara, Hazan, 2006, rééd. in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
MERCREDI.
                  Éphéméride. “Vendredi 26 octobre [1906]
Je suis allé voir cette après-midi quand on peut voir Descaves : tous les dimanches matin, de 9 h. 1/2 à midi. Vallette va me faire une lettre d’introduction. J’irai après-demain matin. Vallette n’est plus si emballé. Il entrevoit maintenant que je peux très bien rater, à cause de la pudibonderie de la majorité des Acad. G. Quant à moi, et je n’en reviens même pas, et je le disais à Vallette, c’est bien simple, je suis dans l’état d’esprit suivant : le prix Goncourt a été attribué, ce n’a pas été moi le lauréat, et je n’en suis ni plus triste ni plus gai. Et la vérité, en effet, c’est que ce à quoi je tiens avant tout, c’est à refaire mes mauvais morceaux, oui, cela avant tout. Très joli, le prix, mais un livre mauvais ? Quant aux académiciens Goncourt, avec leur moralisme, ils me font pitié. Ce Margueritte Paul par exemple, le rasoir militaire ! En voilà un qui a eu de la chance d’avoir un père général tué en 1870. Ce qu’il en a tiré de la copie ! Les obscénités ne leur font pas peur, non ! Au contraire, peut-être ? Mais parler ainsi de son père, de sa mère ! Esprits esclaves, bornés, moutonniers, pauvres esprits ! La voix du sang avant tout, hein. Et les faits, alors, cela ne compte pas ?” (Paul Léautaud, Journal littéraire)
VENDREDI.
                  Vie littéraire. Je suis à Paris, au Centre culturel canadien, où se déroule le XXe Colloque des Invalides. C’est la douzième fois que j’y assiste mais la première où je passe du statut d’auditeur à celui d’orateur. Comme il se pourrait bien que cette édition soit la dernière, je ne verrai peut-être plus jamais la plupart des personnes qui en constituent l’assistance et je me suis dit que si je ratais mon coup, je pourrais ensuite rentrer dans mon terrier sans subir les conséquences de cet échec. Il faudrait pouvoir raconter ça avec le détachement de Bergounioux : je prends le train, j’arrive, je salue Pierre, Jacques et Paulette, je fais ma causette, je prends congé et je reprends le train. Ce serait faire fi de la trouille sévère qui a meublé les instants précédant la chose, ce serait aussi oublier un peu vite la bienveillance de la salle qui a accueilli mes propos avec intérêt et amabilité. J’avais, il faut le dire, pris peu de risques et choisi de rabouter des extraits d’anciennes notules racontant mon passé d’auditeur du colloque et permettant de dresser un rapide historique de ses faits marquants et des tendances qui le traversent. Bref, tout s’est très bien déroulé, en présence de Caroline et Alice venues assurer la claque et, si le besoin s’en était fait sentir, le rapatriement du corps.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Sorties d’école plus ou moins pressées.
  
Maxey-sur-Meuse (Vosges), photo de l’auteur, 30 mars 2014 / Espelette (Pyrénées-Atlantiques), photo d’Alain Mathieu, 4 août 2015
SAMEDI.
              Lecture. Rire dans la nuit (Laughter in the Dark, Vladimir Nabokov, Bobbs-Merrill Company, 1938 pour l’édition originale, Grasset & Fasquelle, 1992 pour la première édition française, texte traduit, révisé, présenté et annoté par Christine Raguet-Bouvart in “Œuvres romanesques complètes » I, Gallimard 1999, Bibliothèque de la Pléiade n° 461; 1732 p., 77 €).
                            L’histoire de ce texte est, à elle seule, un vrai roman. Écrit en russe sous le titre Camera Obscura, signé Vladimir Sirine, en 1932, publié dans une revue parisienne puis en volume chez un éditeur russe, traduit en français (Chambre obscure) en 1934 puis en anglais en 1936, voilà pour la première partie. Deuxième partie : en 1937, Nabokov, mécontent de la traduction anglaise, décide de refaire son roman dans cette langue à partir de cette traduction et Camera Obscura devient Laughter in the Dark. On a donc affaire dans ce volume Pléiade à la traduction française (révisée) d’ un roman écrit en anglais à partir de la traduction anglaise d’un texte russe. Ce labyrinthe est un peu le reflet de la vie de Nabokov au cours de ces années : la situation politique l’incite à quitter Berlin, à s’installer à Paris avant de partir définitivement pour les États-Unis et c’est en 1938 qu’il écrira son premier roman directement en anglais. Rire dans la nuit raconte un adultère qui se termine tragiquement, tribut payé à Flaubert, écrivain admiré et, comme son maître, Nabokov surprend son lecteur par la richesse qu’il donne à une œuvre traitant d’un sujet aussi banal.
              Films vus. Very Bad Dads (Daddy’s Home, Sean Anders, E.-U., 2015)
                               L’Art de séduire (Guy Mazarguil, France, 2011)
                               La Peur (Damien Odoul, France – Canada, 2015)
                               The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, E.-U. – Allemagne – R.-U., 2014).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
   
Uppsala (Suède, photo de Régis Conraud, 22 juillet 2010 / Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), photo de Philippe de Jonckheere, 8 novembre 2010
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 14 décembre 2014. 102 km. (27722 km).
197 habitants

   Au bord de l’allée qui conduit au cimetière, sur un terrain herbeux planté d’arbres, se dresse un monument composé de deux parties : un socle en granit brut gagné par la mousse et un sommet en pierre polie portant une croix chrétienne en creux et une palme peinte. Les noms, difficilement lisibles, sont inscrits sur un élément minéral ajouté au socle et figurant un parchemin déroulé. Le pot de fleurs du 11-Novembre est toujours là, il vient de chez Florève, à Châtenois.

Morelmaison

A ses enfants

Morts pour la France

GERARD Henri

GERARD Ernest (frères)

GERARD Marcel

GERARD André (frères)

BERNARDIN André

FLECHE Paul

FOINANT Maurice

LECLERC Émile

BACHELARD Henri

              Poil et plume. “Je me souviens encore de ma coiffure, le jour de cette master classe, des mains de ma mère tirant cette chevelure tellement indisciplinée, tressant mes cheveux à la romaine avant le concert, pendant que je répétais silencieusement, en esprit, ma partition.” (Hélène Grimaud, Variations sauvages)

MERCREDI.

                     Lecture. La Nouvelle Revue Française n° 611 (Gallimard, février 2015; 176 p., 22 €).                               “Paris, capitale du XXIe siècle ?”

                                Cry Father (Benjamin Whitmer, 2014 pour l’édition originale, Gallmeister, coll. néonoir, 2015 pour la traduction française, traduit de l’américain par Jacques Mailhos; 320 p., 16,50 €)

                               Un roman noir sans grand intérêt qui montre à quoi peut aboutir la lecture mal digérée de Jim Harrison et de Craig Johnson.

                                Poèmes simultanés (Tristan Tzara, in “Poésies complètes”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2011; 1760 p., 35 €).
                  Obituaire. Le Monde du jour publie l’avis de décès de Jean-Louis Debauve, qui fut l’un des érudits les plus remarquables qu’il m’ait été donné de croiser. C’était un petit homme, ancien magistrat semblant sorti du crayon de Daumier, époustouflant connaisseur de la chose littéraire et notamment de Jules Laforgue dont il édita les œuvres complètes. D’autant plus petit qu’il marchait à l’équerre, nez à terre, littéralement cassé en deux par je ne sais quel mal, et il fallait se pencher sur cet angle droit pour lui parler ou l’écouter. J’étais surpris de ne pas l’avoir vu aux Invalides la semaine dernière, je comprends aujourd’hui la raison de son absence.
                  Éphéméride.
Dimanche 2 novembre [1958]
Ai vu hier Ascenseur pour l’échafaud et (ah, ah !) Le gorille vous salue bien. Ai beaucoup aimé le premier, avec beaucoup de réserves, me suis parfois passionné pour le second (visible sans plus). En première partie, un étonnant court-métrage des films de la Pléiade L’Amérique vue par un Français. Intelligent, spirituel, remarquablement bien photographié.
Prends la garde ce soir –
Ai surtout écrit pendant 3 heures avec un sérieux que je ne me connaissais pas depuis Août – Espère que ça va continuer –
How are you ? La même chose ou mieux ?
Rien de neuf concernant ma mutation = toujours l’affirmation décisive qu’elle se fera mais sans aucune précision concernant la date – Vouais.
Enfin, 10 mois pleins. Le 11e entamé.
OK for our date – Je serai le samedi 15 entre 12 h 30 et 13 h au café Aragon sur la promenade des Pyrénées (i.e. le blvd qui surplombe le Gave et la Gare)
“Donner un sens plus pur aux mots de la tribu”
Que te dire d’autre qui équivaille à un bon coup de pied au cul ? (moteur premier) – Enfin ! good luck et écris-moi.
Amitiés
G.” (“Cher, très cher, admirable et charmant ami…” : Correspondance Georges Perec & Jacques Lederer)
VENDREDI.
                 Football. SA Spinalien – Béziers 0 – 0.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Toilettes de camping à Durness (Écosse, R.-U.), photo de Jean Vaubourg, 29 juillet 2016.
SAMEDI.
              Films vus. Votez Mc Kay (The Candidate, Michael Ritchie, E.-U., 1972)
                               Seul sur Mars (The Martian, Ridley Scott, E.-U. – R.-U., 2015)
                               Un mariage de rêve (Easy Virtue, Stephen Elliott, R.-U. – Canada, 2008)
                               Lolo (Julie Delpy, France, 2015)
                               Oslo, 31 août (Oslo, 31. august, Joachim Trier, Norvège, 2011).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
  
Hudiksvall (Suède), photo de Régis Conraud, 23 juillet 2010 / Belle-Île-en-Mer (Morbihan), photo de Denis Cosnard, 18 mars 2008
              Poil et plume. “La Gauloise, avons-nous dit, avait pour sa chevelure un culte fervent et passionné. La mode en était à cette blondeur fauve, célèbre dans toute la Celtique, mais plus accusée encore : blondeur dorée, – vénitienne dirait-on de nos jours, – souvent aux reflets écarlates, ou d’un “auburn sublimisé” à l’excès. Ces belles ancêtres obtenaient ces teintes, soit avec la levure de bière, la cendre de certains bois ou la sève de certaines plantes ou jus de fruits, après une décoloration de base à l’eau de chaux ou au “sapo” de chèvre, – ce réputé savon en lotion ou en pâte, de création celtique, – soit à l’aide de teintures à base d’huile, de miel, de potasse et de soude, de cendres de varech et de hêtre, de poudre d’or gommeuse, de terre de Vérone, de myrrhe et autres ingrédients secrets…” (Charles Dormontal, L’Aigle de Gaule : Vercingétorix)
Bon dimanche,
Philippe DIDION