30 avril 2017 – 748

MERCREDI.

                  Éphéméride. « Lundi 26 avril 1971

Jean-Marie Estève est venu dîner hier soir et nous avons préparé une nouvelle version de son projet de court-métrage sur Paul Éluard. Je l’ai raccompagné et je suis resté tard à discuter avec lui des Danseurs, de l’État sauvage, etc.

Couché à 3 heures, je me suis trouvé très fatigué aujourd’hui. Estève est revenu et j’ai rédigé un nouveau projet sur Éluard cet après-midi. C’est particulièrement usant de passer un après-midi à fumer, discuter, dactylographier. J’avais tellement mal à l’estomac que je n’ai pu dîner.

Je suis complètement à plat.

Vu à la télévision Money, Women and Guns (Richard Bartlett), western patamoral consacré à l’inaction, et néanmoins mauvais.” (Jean-Patrick Manchette, Journal 1966-1974).

VENDREDI.

                  Football. SA Spinalien – Châteauroux 0 – 2.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Caractères gras à Paris (Seine), rue Didot, photo de l’auteur, 10 décembre 2016.

SAMEDI.

Lecture. Autres rivages (Conclusive Evidence, Vladimir Nabokov, Harper & Bros, New York, 1951 pour l’édition originale, Gallimard, 1961 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Yvonne Davet, rééd. in “Œuvres romanesques complètes » II, Gallimard, 2010, Bibliothèque de la Pléiade n° 561, traduction d’Yvonne Couturier; 1764 p., 75 €). 

                            C’est la fin, asteure, des œuvres de Nabokov en Pléiade. Il en reste un bon paquet mais on ne sait s’il y a un troisième volume en préparation dans cette collection.

              Films vus pendant la semaine. Blow Out (Brian De Palma, É.-U., 1981)

                                                                Mémoires de jeunesse (Testament of Youth, James Kent, R.-U. – Danemark, 2014)

                                                                Dallas Buyers Club (Jean-Marc Vallée, É.-U., 2013)

                                                                Zoolander 2 (Ben Stiller, É.-U., 2016)

                                                                Ariel (Aki Kaurismäki, Finlande, 1988).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Paris (Seine), rue Saint-Maur, photo de Pierre Cohen-Hadria, 9 octobre 2010 / Colmar (Haut-Rhin), photo de Sylvie Mura, 6 avril 2015

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 8 mai 2015. 107 km. (28797 km).

379 habitants

   Située au centre du village, sur un parterre surélevé qui forme l’extrémité d’un petit square, la flèche de granit gris est entourée d’une haie métallique peinte en gris. Les angles du quadrilatère qu’elle forme sont marqués par quatre ogives d’obus et autant de drapeaux. Une composition florale décorée d’un ruban tricolore a été déposée ce matin.

La Neuveville

A ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

   Gauche :

ANTOINE Léon

BARDOT Louis

BINOT Marcel

BRIOT [illisible]

BRUNCHER Louis

BRUNCHER Simon

CHAUCHARD Louis

COLIN Louis

COUTINOT Clément

DENEZ Henri

DEVELOTTE Émile

D’HABIT René

D’HABIT Léon

   Droite :

[ILLISIBLE] Léon

DORGET Pierre

DORGET Paul

DURAND Édouard

DRUAUX Raynal

FRANÇOIS Charles

JALLET Paul

MAILLARD Louis

MANIGUET Edmond

MANIGUET Raynal

PETITJEAN Émile

PRIN Alfred

ROUSSEL Léon

1939-1945

COLIN Edmond

D’HABIT Paul

DRUAUX Bernard

JOURDAN Marcel

MALARDEAU Marcel

SAGARD Paul

D’HABIT Gilbert

            Poil et BD.

Olot (Catalogne)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

23 avril 2017 – 747

MERCREDI.

Extrait de mon journal de bord. « Mercredi 12 avril 2017, Gérardmer, 18 heures 25. Sommes ici depuis lundi soir, partis dès les soucis de plomberie réglés au domicile. Ce matin, levé à 7 heures 30 après une nuit parfaite, la deuxième de rang, juste coupée par un intermède radiophonique de 4 à 5. Temps frais, ciel parfaitement bleu. Déjeuné solo, travaillé sur une filmographie et repris mon article pour Les Refusés qui avance bien. Passé à la lecture des hebdomadaires et à l’épluchage de Livres Hebdo, établi la liste des services de presse à commander pour Histoires littéraires. Lu le texte, reçu juste avant le départ, que Sylvaine A. a lu lors des obsèques de son père, elle parle de Gérardmer où il y avait je crois une maison de famille. Appelé la bibliothèque de Saint-Dié pour annoncer ma prochaine visite. Mme A. sera absente mais elle m’a dit qu’elle ferait monter le document et préviendrait ses collègues. Laissé Lucie à ses révisions universitaires pour descendre en ville en auto avec Caroline et Alice. Des dizaines d’employés municipaux sont encore occupés à démonter les tribunes, gradins et chars de la Fête des jonquilles. Courses au Match, boucherie, boulangerie, presse, cartes postales, paris. Acheté un guide de balades chez la buraliste, peu amène. Découvert ailleurs une librairie que j’irai visiter, je croyais que la ville en était dépourvue. Linvosges, Cache Cache, cadeaux pour les filles. Retour ici, lu Vosges Matin (édition de Saint-Dié, on a les dépaysements qu’on peut), L’Équipe, Le Monde. Croûté jambon de Parme – rösti. Repris Mathieu Galey qui va m’occuper tout le séjour et au-delà (copie à rendre pour Histoires littéraires). Après Hallier, Braudeau, Losfeld, je poursuis mon exploration des années 60-70 que j’ai vécues sans m’intéresser à la vie littéraire. Je lis ça avec plaisir, à part le récit des galipettes homosexuelles et les impressions de voyage, sans intérêt pour moi. [Ici quelques notes qui pourront servir pour mon article : Mathieu Galey entame son journal à l’âge de 19 ans et montre de suite une écriture assurée, adulte, qui ne changera pas. Tout juste bachelier, il est interrogé pour l’entrée à je ne sais quelle école (Sciences Po ? à vérifier). L’examinateur (Pompidou !) lui demande : “Qu’avez vous lu de Proust ?” Réponse : “Tout.” Et il ne ment pas… Ensuite, entrée dans le milieu littéraire, marigot encore peuplé de vieux crocodiles comme Morand, Mauriac, Chardonne et Jouhandeau alors que s’agitent, en couveuse, les Sollers, Hallier, Banier et Robbe-Grillet qui voudraient prendre leur place. Ce sont les plus discrets qui s’en sortiront le mieux : Modiano, entre autres. Siesté légèrement pendant que ces dames prenaient le soleil sur la terrasse. Ensuite, direction Xonrupt, lac de Longemer, parqué devant le camping des Jonquilles. Montée raide pour atteindre le lac tourbière de Lispach, failli y laisser mon coeur. Paysage magnifique, désert ou presque, celui de l’ouverture de The Revenant. Sur le versant, quelques plaques de neige, un tremplin de saut à skis, des colverts. Descente acrobatique ensuite du Collet de la Mine au camping du départ, at home avant 18 heures, fourbus et heureux. »

Éphéméride. “Dimanche 12 [avril 1914]

Pâques. Samuel est allé à St Sébastien, aux courses de taureaux avec Jean-Baptiste; j’ai envoyé Edmond se promener, je passe ma journée dans la grande solitude.” (Pierre Loti, Soldats bleus : Journal intime 1914-1918)

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Facétie fromagère à Jarnages (Creuse), photo de l’auteur, 24 juillet 2016.

SAMEDI.

Film vu pendant la semaine. La Tour 2 contrôle infernale (Éric Judor, Belgique – France, 2016).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Eguisheim (Haut-Rhin), photo de Francis Pierre, 10 octobre 2010 / Rontalon (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 28 mai 2012

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 3 mai 2015. 46 km. (28690 km).

471 habitants

Pas de monument aux morts visible. Cependant, je crois savoir qu’il existe une plaque en l’église de Saint-Jean-du-Marché, qui fait partie de la commune, et où je ne suis jamais entré.

Poil et plume(s).

LUNDI.

Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.

MERCREDI.

Éphéméride. “Mardi 19 avril 1983

(J’aime les précisions, voilà pourquoi je répète souvent les dates.) Rien de neuf, sauf que parfois je ne sens plus mes membres… Courses le matin, en prévision du séjour de Christiane ici. Qu’en sera-t-il ? Toujours le doute.

Après-midi. Taxi pour Old England.

Retour à Châtillon en métro. Arrêt à Gaîté. Pharmacie dans la rue de la Gaîté.

J’attends un coup de téléphone qui ne vient pas.

Métro pour Salon du livre.

Je ne savais pas que je connaissais la charmante Christine Ferniot. (Je rencontre des Christine ou des Christiane partout.) Elle était à Reims, lors du dernier Festival. Sa radio s’appelle Radio-Express et on l’entend dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Paris. C’est Jean Lefèvre (ancien de la télé) qui la dirige.

Interview habituelle.

Guérif nous rejoint. Un verre au Berkeley.

Retour à Châtillon en taxi, plutôt fatigué. (Moi, pas le taxi.)

22 heures 10, le téléphone sonne. Je me précipite, croyant que c’est Christiane. Maldonne. C’est le plaisantin habituel. Silence au bout du fil.

Je me couche à 23 heures et quelques, après avoir absorbé un demi-comprimé de Mogadon.” (Léo Malet, Journal secret)

VENDREDI.

Vie littéraire. Bibliothèque de Saint-Dié. Je découvre enfin, après des années de recherches, la thèse de Giancarlo Dallospedale, “Surrealismo e cristianesimo in Ernest de Gengenbach”. Une petite dame affable m’apporte le Graal et m’installe dans une salle tranquille où je ne serai pas dérangé. Connaissant le sujet, la partie italienne m’apparaît assez transparente et ne me semble pas contenir de révélations renversantes. Plus intéressants sont les passages en français que je brûlais avant tout de découvrir, à savoir trois longues lettres de l’Ernest et des inédits qu’il a confiés (moyennant quelques sacs de lires sans doute, on connaît l’oiseau) au thésard à l’occasion d’une rencontre. Je lis, photographie une centaine de pages que j’enverrai à Lyon où l’on pourrait, si la matière est louable, procéder à une édition.

Lecture. Journal intégral 1953-1986 (Matthieu Galey, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2017; 1008 p., 30 €).

Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

Fréquence notulaire. “Une vie. – Raymond X., mon voisin de table chez les L.; nous faisons un bout de chemin ensemble au retour. Sa carrière en deux mots : Premier Prix du Concours général en 1923, il a végété par nonchalance. Rédige des notules sur les livres dans un périodique de l’édition (quatre-vingts bouquins par quinzaine !) et un grand article tous les trois mois dans le Journal des poètes; son luxe.” (5 décembre 1961)

Politique locale. “[Carmen Tessier] raconte sur le Général une jolie anecdote. Jeune journaliste, en 1946, elle suivait une tournée dans les provinces dévastées. Du côté d’Épinal, désespérée de ne jamais approcher d’assez près comme elle l’aurait voulu le Général, elle se met une robe noire et se glisse dans le “carré des veuves” que de Gaulle ne manquait jamais de passer en revue pour, déjà, serrer des mains. Quand vient son tour, il la regarde et lui dit : “Veuve ? Depuis quand ?” (8 novembre 1965)

Le cabinet de curiosités du notulographe. Campagne électorale.

    

Nantes (Loire-Inférieure), photo de Christophe Hubert, 18 décembre 2016 / Saint-Dizier (Haute-Marne), photo de Thierry Beinstingel, décembre 2015 / Épinal (Vosges), photo de l’auteur, 15 février 2017

SAMEDI.

Films vus pendant la semaine. Gibraltar (Fedor Ozep, France, 1938)

Le Fantôme de Canterville (Yann Samuell, France – Belgique, 2016)

Lolita (Stanley Kubrick, R.-U. – É.-U., 1962)

Everest (Baltasar Kormákur, R.-U. – É.-U. – Islande, 2015)

L’Insoumis (Alain Cavalier, France – Italie, 1964)

Médecin de campagne (Thomas Lilti, France, 2016).

              Invent’Hair, bilan d’étape. Bilan établi au stade de 3400 salons, atteint le 25 décembre 2016.

Bilan géographique.          

Classement général par pays.

1. France : 2900 (+ 77)
2. Espagne : 155 (+ 2)
3. Royaume-Uni : 52 (=)
4. États-Unis : 45 (=)
5. Belgique : 32 (+ 3)
6. Italie : 24 (=)
7. Portugal : 20 (=)
8. Suisse : 19 (=)
“. Canada : 19 (=)
10. Maroc : 15 (=)

Pas de changement dans les 10 premiers mais le Pérou (13, + 12) rejoint la République tchèque en 11e position. Deux pays font leur entrée, la Chine (1) et la Finlande (2), ce qui porte le nombre total à 35.

Classement général par régions (France).

  1. Rhône-Alpes : 568 (+ 4)
  2. Île-de-France : 457 (+ 29)
  3. Languedoc-Roussillon : 253 (=)
  4. Lorraine : 227 (+ 5)
  5. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 203 (+ 1)
  6. Midi-Pyrénées : 171 (+ 1)
  7. Bourgogne : 113 (+ 1)
  8. Pays de la Loire : 104 (=)
  9. Centre : 103 (+ 11)
  10. Bretagne : 100 (=)

Le Centre passe devant la Bretagne. La Franche-Comté fait un beau parcours (14 salons) mais ne gagne qu’une place (14e)

Classement général par départements (France).

1. Seine (Paris) : 371 (+ 24)
2. Rhône : 302 (+ 3)
3. Vosges : 138 (+ 2)
4. Loire-Atlantique : 81 (=)
5. Loire : 79 (=)
“. Pyrénées-Orientales : 79 (=)
7. Meurthe-et-Moselle : 71 (+ 3)
8. Alpes-Maritimes (=) : 70
9. Saône-et-Loire : 68 (=)
10. Hérault : 66 (+ 2)

La Meurthe-et-Moselle gagne une place. Plus bas dans le classement, notons la belle progression du Jura (23e) qui gagne 15 places avec 14 salons.

Classement général par communes.

1. Paris : 371 (+ 24)
2. Lyon : 136 (=)
3. Barcelone : 54 (+ 1)
4. Nantes : 53 (=)
5. Nancy : 41 (+ 3)
6. Épinal 36 (+ 1)
7. Nice : 33 (=)
8. Villeurbanne 24 (=)
9. Perpignan : 18 (=)
10. Roanne : 17 (=)
“. Strasbourg : 17 (=)

« . Bruxelles : 17 (+ 4)

Arrivée de Bruxelles dans le top 10. Dole entre dans le classement (12 salons) à une belle 18e place.

Bilan humain.

  1. Marc-Gabriel Malfant : 1214 (+ 3)
  2. Philippe Didion : 321 (+ 14)
  3. Pierre Cohen-Hadria : 225 (+ 1)
  4. François Golfier : 151 (+ 9)
  5. Jean-Christophe Soum-Fontez : 135 (+ 5)
  6. Jean-Damien Poncet : 118 (+ 26)
  7. Hervé Bertin : 108 (=)
  8. Sylvie Mura : 81 (=)
  9. Benoît Howson : 65 (=)
  10. Christophe Hubert 61 (=)

Jean-Damien Poncet gagne une place. Bernard Visse, responsable de 12 photos, passe de la 21e à la 15e position avec un total de 34.

Étude de cas. Quand le photographe se reflète dans la vitrine.

      

Lanjarón (Espagne), photos d’Hervé Bertin, 10 mai 2016 / Pitigliano (Italie), photo de Bernard Rohmer, 18 juillet 2016 / Istanbul (Turquie), photo de Jean-Nicolas Lefilleul, 16 août 2010

Poil et plume.

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

9 avril 2017 – 746

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 23 avril 2017.
DIMANCHE.
Vie littéraire. Je profite d’une excursion gastronomique au Val-d’Ajol pour monter jusqu’à La Feuillée Dorothée, qui domine la vallée où se niche la petite ville. Bien sûr, la demeure où Napoléon III aimait dit-on à venir entendre la jeune Dorothée – qui ignorait tout du sens du mot “éponyme” – jouer de l’épinette n’est plus. C’est aujourd’hui un établissement de santé mais la vue est restée sensiblement la même depuis la terrasse fréquentée un jour de 1924 par un jeune séminariste en rupture de ban, rejeté par l’Église et sa famille : “Le couple [Germaine Lubin et Paul Géraldy] m’invita à déjeuner dans un site bien connu des Vosges, non loin de Plombières, à la Feuillée Dorothée, et comme Germaine Lubin devait le soir même chanter au clavecin, au cours d’une soirée musicale donnée en son honneur chez Catherine Hérisé, j’acceptai d’y assister. Je ne me doutais pas que je signais mon arrêt de mort.” (Ernest de Gengenbach, L’Expérience démoniaque).
MERCREDI.
                  Lecture. Endetté comme une mule (Éric Losfeld, Belfond, 1979, rééd. Tristram, coll. Souple n° 37, 2017; 320 p., 11,40 €).
                                Gengenbach, on le retrouve dans les souvenirs d’Éric Losfeld, qui  édita son Expérience démoniaque en 1969. Éditer Gengenbach est bien la preuve que Losfeld ne ment pas quand il affirme n’avoir publié que des livres répondant à son goût, en dehors de toute compromission commerciale. Le catalogue de Losfeld au sein des deux maisons qu’il a dirigées, Arcanes et Le Terrain Vague, se partage en cinq domaines : le surréalisme, le fantastique et la science-fiction, la bande dessinée, le cinéma, l’érotisme. C’est ce dernier domaine qui lui valut ses déboires judiciaires, un nombre important de procès, de condamnations et d’amendes qui justifient le titre donné à ces souvenirs. Lesquels sont égrenés de façon plaisante – l’auteur ne cache pas son penchant pour les jeux de mots les plus douteux –, sans amertume, et lui permettent de faire état de sa fidélité au surréalisme, de son admiration pour Breton et Péret, d’un certain nombre d’amitiés solides et d’autant de franches détestations (Jean Dutourd et tout ce qui porte toge ou uniforme). Losfeld se révèle bon conteur mais mauvais prédicateur quand, arrivé au crépuscule de sa carrière, il pense que son travail sera poursuivi par des maisons comme Le Dernier Terrain Vague, Le Melog ou Le Récipiendaire – qui n’ont pas laissé beaucoup de traces. En revanche, ses vues sur l’influence de l’informatique sur le monde éditorial se sont hélas confirmées.
 
                               Curiosité.  Dans une série de phrases attribuées aux “grands feuilletonistes du XIXe siècle” : “Docteur, ma femme est clouée au lit et je voudrais que vous la vissiez.”
                               Une autre. L’histoire est connue mais Losfeld affirme qu’il en a été le témoin : “Un rédacteur en chef fait passer des tests aux futurs écrivains, et précise que la presse sentimentale doit comporter quatre poncifs, ni plus ni moins, à savoir : la Religion, la Noblesse, l’Amour et le Mystère. Tandis que les autres candidats suent sang et eau, l’un des récipiendaires dépose au bout d’une minute sa copie. Stupeur générale. On peut lire : “Nom de Dieu, s’écria la marquise, je suis enceinte, mais de qui ?”
                  Éphéméride. “Dimanche 5 avril [1942] Pâques
 
Terminé le tome IV de Trahard. Commencé Le goût de l’ordre. À midi, passé chez Mme Champonnet, lui portant des fleurs. Pas vu Marielle à qui j’ai laissé un bouquet de violettes de Parme. À 12h45, arrivée de G[eneviève] C* et de M*. Déjeuné au chinois de la rue du Sommerard, très abondamment. G[eneviève] C* habillée comme hier, très jolie. De là, à un bistrot arabe de la rue de l’École Polytechnique. Bu café et raki. Revenus chez moi un peu gris. Grande envie d’embrasser G[eneviève] C*. Je leur montre le linge que G[eneviève] C* trouve beau. Je lui donne deux taies d’oreiller. Allés visiter le Panthéon. Rentrés à Clamart, où je dîne. Rentré par le train de 9h16. Le dîner, l’heure qui a suivi, ont été douloureux. Je suis de nouveau amoureux de G[eneviève] B*. Je projette de lui écrire. Très fatigué. Couché à 10h1/2.” (Jacques Lemarchand, Journal 1942-1944)
JEUDI.
Lecture. Avant que naisse la forêt (Jérôme Chantreau, Les Escales, 2016; 224 p., 17,90 €).
Roman sélectionné pour le Prix René-Fallet 2017.
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Jean d’Ormesson, Et toi mon coeur pourquoi bats-tu, Folio, 2005. Apparemment, ça fait dormir.
          
VENDREDI.
                  Obituaire notulien. Le Monde du jour publie l’avis de décès de Michel Arrivé. Sa famille m’avait prévenu. J’ai rencontré Michel Arrivé en novembre 2009 dans le cadre d’un colloque sur les fous littéraires à Pont-à-Mousson. Une discussion riche et éclairante qui s’était poursuivie par des échanges électroniques, son accès au statut de notulien, l’envoi et la lecture de ses livres, je crois que j’avais chroniqué l’un d’eux pour La Liberté de l’Est. Régent du Collège de ‘Pataphysique, Michel Arrivé était avant tout un linguiste mais cela ne l’empêchait pas de s’intéresser à la littérature. On lui doit notamment l’édition de Jarry en Pléiade, un roman très perecquien (Un bel immeuble) et un chef-d’œuvre, Les Remembrances du vieillard idiot. La notulie rassemblée salue sa mémoire et sa famille.
Lecture. Nouvelles isolées (Gilbert Keith Chesterton, circa 1914, rééd. in « Les Enquêtes du Père Brown », Omnibus 2008; traduction de J.-F. Amsel et Romain Brain; 1212 p., 28 €).
C’est la fin du volume avec trois nouvelles non parues en recueil, deux articles de Chesterton sur le roman policier et une très intéressante postface de Francis Lacassin, une analyse du Père Brown qui confirme ce que l’on avait constaté à la lecture de ces enquêtes : à savoir que le personnage est beaucoup plus intéressant que les intrigues qu’il démêle. 
Le cabinet de curiosités du notulographe. Bronzage excessif, Paris (Seine), rue du Champ-de-l’Alouette, photo de Jean-Damien Poncet, 23 août 2016.
 
SAMEDI.
              Lecture. Oiseaux (Saint-John Perse, Gallimard, 1963, rééd. in “Œuvres complètes”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 240, 1972; 1428 p., 56 €).
 
              Films vus pendant la semaine. Philadelphia (Jonathan Demme, E.-U., 1993)
Opération Eye in the Sky (Eye in the Sky, Gavin Hood, R.-U. – Afrique du Sud, 2015)
                                                                24 jours (Alexandre Arcady, France, 2014)
                                                                Five (Igor Gotesman, France, 2016)
                                                                Tintin et les oranges bleues (Philippe Condroyer, France – Espagne, 1964)
                                                                Au nom de ma fille (Vincent Garenq, France – Allemagne, 2016)
                                                                1 homme de trop (Costa-Gavras, France – Italie, 1967).
              L’Invent’Hair perd ses poils. Hommage grammatical à Michel Arrivé.
  
Dunkerque (Nord), photo de Joëlle Traber, 20 août 2010 / Martignat (Ain), photo de Marc-Gabriel Malfant, 4 avril 2011
              Poil et plume.
  
Bon dimanche,
Philippe DIDION

 

2 avril 2017 – 745

LUNDI.

           Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Abdelmalek Sayad, La Double Absence, Points, 2014.

Lecture. La Dame de Zagreb (The Lady from Zagreb, Philip Kerr, Quercus, Londres, 2015 pour l’édition originale, Le Masque, 2015 pour la traduction française, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche policier n° 34383, 2017, traduit de l’anglais par Philippe Bonnet; 576 p., 8,10 €).

 Après l’épisode raté des Ombres de Katyn, on croyait Philip Kerr incapable de donner un second souffle à Bernie Gunther, son personnage de détective opérant dans l’Allemagne nazie. Le onzième tome de ses aventures vient contredire cette crainte et d’une telle manière qu’on peut penser être en présence d’un des meilleurs titres de la série. Gunther, envoyé par Goebbels sur les traces d’une actrice de cinéma dont il s’est entiché, navigue entre Berlin, Zagreb et Zurich. Toujours impeccablement documenté, mêlant personnages historiques et personnages fictifs, Philip Kerr nous en apprend beaucoup sur les relations entres Serbes et Croates (éclairant ainsi des événements beaucoup plus récents) et sur la situation de la Suisse, un temps menacée d’une invasion allemande. Deux doigts de romance, une pincée d’enquête policière pour agrémenter le tout et voilà le travail : un récit captivant, d’une fluidité surprenante au vu de la complexité du contexte et des intrigues présentées.

MERCREDI.

                  Éphéméride. « 29 mars [1932].

“Comme Aba, Juba est une grande ville de la S.H.U.N. Un énorme réservoir d’essence se profile, pas loin des bureaux de la société. En dehors de cela, il y a les bâtiments administratifs, les boutiques, les quartiers indigènes, les cases d’Européens à toit de chaume, tout cela très propre et très rustique.

Autour des factoreries, femmes et fillettes tondues, noires comme la suie, drapées dans de romantiques tissus noirs comme leur peau, qui leur donnent l’allure de brigands calabrais. Elles sont très grandes, très élancées. Lorsqu’elles marchent on aperçoit par les côtés leur cache-sexe brunâtre, orné de blanc sur les bords. Il y a aussi quelques individus à type sémite, en robe blanche et turban, ainsi que des “effendi” en complet européen et tarbouch.

Cela me rappelle un peu Le Caire, avec l’élément nègre en plus.

Vers le soir, trois avions militaires arrivent, dont l’un transporte le roi des Belges.

Juste derrière, l’avion postal qui nous apporte du courrier. Une lettre de K… m’apprend que la Bourse est remontée après l’élection d’Hindenburg, redescendue après le suicide du roi des allumettes. Le procès Aragon a été cause d’une nouvelle scission dans le groupe surréaliste. Picasso a fait des tableaux merveilleux. » (Michel Leiris, L’Afrique fantôme)

Lecture. Au bonheur des fautes : Confessions d’une dompteuse de mots (Muriel Gilbert, Vuibert, 2017; 256 p., 17,90 €).

 Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

JEUDI.

      Lecture. Chronique (Saint-John Perse, Gallimard, 1960, rééd. in “Œuvres complètes”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 240, 1972; 1428 p., 56 €).

VENDREDI.

Football. SA Spinalien – Marseille Consolat 2 – 4.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Boulangerie indolore à Lyon (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, novembre 2015.

 

SAMEDI.

              Films vus pendant la semaine. Fidelio, l’odyssée d’Alice (Lucie Borleteau, France, 2014)

                                                               Chocolat (Roschdy Zem, France, 2016)

                                                               There Will Be Blood (Paul Thomas Anderson, E.-U., 2007)

                                                               Louis-Ferdinand Céline (Emmanuel Bourdieu, France – Belgique, 2016)

                                                               Oublie-moi (Noémie Lvovsky, France, 1994)

                                                               Ave César (Hail, Caesar !, Ethan & Joel Coen, R.-U. – E.-U. – Japon, 2016).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle), photo de François Golfier, 8 octobre 2010 / Nice (Alpes-Maritimes), photo de Marc-Gabriel Malfant, 7 décembre 2013

              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 1er mai 2015. 147 km. (28644 km).

6757 habitants

   La pluie battante m’empêche de travailler sur le motif. Je prends les photos nécessaires du monument qui se trouve sur les hauteurs de la ville. Lui-même est assez élevé et montre comme motif principal deux Poilus de pierre qui se donnent la main devant une allégorie féminine porteuse de glaive. Le Poilu de gauche porte un fusil, celui de droite serre dans sa main une grenade, on devine qu’il en a d’autres en réserve dans les sacs qui sont accrochés à ses épaules. Autour de la composition, une grille métallique noire avec deux Croix de Guerre de chaque côté du portillon. Au pied de la stèle restent les lettres de l’inscription “Hommage des parents à leurs morts” qui devait accompagner une marque de souvenir qui a disparu.

   Face :

La ville de Neufchâteau

A ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

   Plaques ajoutées :

La ville de Neufchâteau

A la mémoire des Français d’outre-mer

Morts pour la France

4 noms

Aux combattants A.F.N.

Morts pour la France

   Droite : noms d’ABECK Fernand à DES PIEUX Lionel. Sur le socle :

VERDUN

LA MARNE

GD COURONNE

LA CHAMPAGNE

   Dos : noms de PORLIOD Marc à HENNEQUIN Brice. Sur le socle, la liste des victimes de 39-45.

   Gauche : noms de GRANGIER Marius à POPU-EDYE Henri. Sur le socle :

LA SOMME

CHEMIN DES DAMES

MONTDIDIER

MACEDOINE

LE RHIN

             Poil et plume. “Tout le long de la Perspective il y a des queues devant les épiceries, des queues devant les brasseries, des queues aux portes des cinémas et, peut-être parce que c’est demain un 18, jour de congé, des queues devant les coiffeurs. En collant le front aux glaces, je vois ce que les femmes d’ici cachent si bien sous le mouchoir blanc ou rouge. Des cheveux généralement blonds, généralement courts, et qu’elles font onduler, comme partout.” (Florence et Élie Halévy, Six jours en URSS)

Bon dimanche,

Philippe DIDION