25 juin 2017 – 754

MERCREDI.
Éphéméride. “Vendredi, 14 juin [1940]

 
Reynaud a parlé cette nuit à la radio. C’était un testament, un adieu, un ultime désespoir. Une parole suprême, à la veille de la capitulation. Le coup porté à la France paraît mortel. Les messages échangés entre Londres, Paris et Washington ne sont même plus alarmés. On dirait que la situation est acceptée. Plutôt la stupeur que l’alarme.” (Mihail Sebastian, Journal 1935-1944)

Lecture. Revue des Deux Mondes, juillet-août 2015 (200 p., 15 €).
                                Acheté pour un entretien avec Michel Houellebecq absolument sans intérêt, ce numéro vaut tout de même le détour pour deux articles, le premier, bien illustré, sur Albert Robida, le second, par Robert Kopp, sur Michel Leiris.
 
 
VENDREDI.
Lecture. Littératures I (Lectures in Literature, Vladimir Nabokov, 1980 pour l’édition originale, Fayard, 1983 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Hélène Pasquier; 552 p., 158 F).
                                En 1948, Nabokov devient maître-assistant à Cornell University, dans l’État de New York. Jusqu’au succès de Lolita, ses activités universitaires assureront l’essentiel de ses rentrées d’argent. Les cours donnés à cette époque ont été recueillis dans deux volumes, l’un consacré aux auteurs russes, l’autre, dont il est question ici, aux maîtres du roman et de la nouvelle européens : Austen, Dickens, Flaubert, Stevenson, Proust, Kafka et Joyce. Laissons de côté Jane Austen – jamais lue – et Charles Dickens – trop peu lu – pour observer ce qui se passe chez les autres – un peu mieux connus. Le moins que l’on puisse dire est que Nabokov, par ses cours, n’aura pas révolutionné la critique littéraire. Ses propos, auxquels se mêlent de longues et nombreuses citations des œuvres étudiées, constituent plutôt une sorte d’accompagnement pour lecteur débutant. Cela s’apparente un peu à ce que l’on trouve chez les Anglo-saxons sous des titres du genre The Companion to X ou A Reader’s Guide to Y. Ce n’est pas infamant car il faut prendre en compte le public de Nabokov : il ne parle pas à des confrères ou à des spécialistes mais à de jeunes étudiants américains qui découvrent la littérature étrangère. D’où le côté un peu laborieux donné par ces lectures pas à pas, ces explications de textes logiquement très scolaires. On fera une exception pour l’étude d’Ulysse car le livre de Joyce, par son côté profus et sa structure éclatée, s’accommode bien de cette étude linéaire qui peut satisfaire un lecteur un peu plus aguerri.
 
Le cabinet de curiosités du notulographe. Présence de Clet Abraham (ou de ses émules) sur les trottoirs de Paris (Seine), photos de l’auteur.

  

  

boulevard Saint-Germain, 27 août 2016 / idem / rue de Courty, 28 octobre 2016 / rue de Nancy, 23 décembre 2015

SAMEDI.
Vie littéraire. Je suis à la Sorbonne pour une journée d’étude consacrée à Georges Perec. À midi, j’ai rendez-vous avec un ancien élève qui a intégré une classe préparatoire au lycée Louis-le-Grand. Une note de socio-géographie s’impose ici pour expliquer le phénomène : un élève du collège de Châtel-sur-Moselle qui se retrouve à Louis-le-Grand effectue un déplacement d’une intensité équivalente à celle ressentie par le Glaude et le Bombé embarqués à bord de la soucoupe volante de la Denrée dans La Soupe aux choux. C’est de la science-fiction, une trajectoire d’atome imprévue, un clinamen. Pour en arriver là, le gaillard (il me dépasse désormais de deux bonnes têtes et est carrossé comme un footballeur américain, mais lui ne porte pas de protections) a su mener sa barque avec une intelligence qui lui est propre et au développement de laquelle je suis totalement étranger. Qu’on ne compte pas sur moi pour m’arroger la moindre parcelle de responsabilité dans sa réussite, je suis assez heureux de ne pas l’avoir entravée. Je regagne la Sorbonne après deux bonnes heures de croûte rue Soufflot, de promenade dans le Luco et de bavardages à bâtons rompus pour écouter Jean-Luc Joly parler de l’index de La Vie mode d’emploi. C’est une partie intrigante du roman dans la mesure où son incomplétude, son orthographe défaillante, le désordre alphabétique qui y règne, les erreurs et approximations qu’il contient amènent à s’interroger sur le fait de savoir si Perec en est le véritable auteur. La question ne sera pas résolue à la fin de la séance.

Films vus pendant la semaine. Un, deux, trois (One, Two, Three, Billy Wilder, É-U., 1961)
                                                                Préjudice (Antoine Cuypers, Belgique – Luxembourg – Pays-Bas – France, 2015)
                                                                Beau Fixe (Christian Vincent, France, 1992)
                                                                Tout schuss (Stéphan Archinard, François Prévôt-Leygonie, France, 2016)
                                                                Pourquoi j’ai pas mangé mon père (Jamel Debbouze, France – Italie – Chine – Belgique, 2015).

L’Invent’Hair perd ses poils.

                

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de l’auteur, 25 octobre 2010 / Rive-de-Gier (Loire), photo de Marc-Gabriel Malfant, 25 novembre 2012
 
Poil et plume. “C’est par hasard, en passant devant la boutique d’un coiffeur à Brescia, qu’ils se rendirent compte qu’ils voyageaient déjà depuis trois semaines. Il voulait se faire couper les cheveux, sa barbe avait épaissi.” (Stefan Zweig, Clarissa
 
DIMANCHE.
Vie parisienne. Au Louvre à l’ouverture. Le deuxième étage de l’aile Sully est fermé pour travaux, ce qui bloque la progression de ma Mémoire louvrière. Je sors par les Tuileries et gagne Saint-Germain-des-Prés. J’achète L’Équipe au kiosque du boulevard et décide de réaliser un de mes vieux rêves en m’installant à la terrasse du Flore. Je suis prêt à payer mon café au prix de la poudre d’or rien que pour satisfaire mes bas instincts de groupie et apercevoir un faciès connu dans ce riche quartier. Chou blanc. Tout ce que je vois, ce sont des touristes qui passent en scrutant les visages des clients attablés, comme je le fais quand je vais traîner mes guêtres à l’Écume des pages. Je pourrais dire à ces passants que je suis “le garçon d’Épinal” dont parle Pierre Bergounioux mais je doute que cette révélation suffise à susciter une avalanche de selfies. L’environnement vaut tout de même le détour. La jeune Asiatique, à ma droite, qui accroche son sac Vuitton au guéridon à l’aide d’une pince spéciale dont j’ignorais l’existence. Le bobo à ma gauche qui rend impropre à toute consultation ultérieure le JDD de la maison qu’il chiffonne et roule en boule après en avoir regardé les photos et qui paie sa consommation avec sa carte Premier aux armes de la Banque Rothschild. Le guignol en short, serviette éponge autour du cou, qui gare son auto de poche sur le passage piétons de la rue Saint-Benoît et vient fièrement dégouliner son “running” sous la marquise. Bref, je ne m’ennuie pas, le café n’est pas donné, certes, mais il y a une séance de cinéma en prime. je reviendrai, c’est sûr, quand j’aurai autre chose à dégainer qu’une poignée de piécettes et une pauvre carte du Crédit Agricole d’Alsace Lorraine.
 
LUNDI.
Lecture. J’ai déjà donné (I Gave At The Office, Donald Westlake, Simon & Schuster, 1971 pour l’édition originale, Payot & Rivages, coll. Rivages/Thriller, 2016 pour la traduction française, traduit de l’américain par Nicolas Bondil; 320 p., 22 €).                        
 
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Grégoire Delacourt, La Liste de mes envies (Le Livre de poche, 2013). 
 
MERCREDI.
Éphéméride.
 “2 messidor an XIII (21 juin 1805)
 
Je me sens gâter le plaisir que je me promets de mon voyage de Marseille par les discussions stupides, tristes et avilissantes auxquelles il donne lieu avec mon père et mon grand-père. Ils m’objectent des raisons stupides (voici les raisons de ces trois épithètes), ils me présagent un avenir triste en général, et en particulier ils me montrent en détail les démarches humiliantes qu’ils croient qu’il faudra faire. Ils sont devenus tous les deux avares. Mon grand-père voit des obstacles partout, et voudrait tout renvoyer. Mon père remet en discussion le passage d’obstacles et en gémit, lorsqu’on a indiqué depuis longtemps la manière de les surmonter. Est-ce exprès, est-ce par faiblesse de tête et de cœur ?” (Stendhal, Journal)

Lecture. Témoignages (Saint-John Perse, Gallimard, 1972, “Œuvres complètes”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 240, 1972; 1428 p., 56 €). 

VENDREDI.
Lecture. Récit de l’extraordinaire et affligeant naufrage du baleinier Essex (Narrative of the Most Extraordinary and Distressing Shipwreck of the Whale-Ship Essex, Owen Chase, 1821 pour l’édition originale, Robert Laffont, 2015 pour la traduction française, traduit de l’américain par Xavier Bachelot; 160 p., 9,50 €).
                                “Un matelot a lu ce petit livre, l’a mâché longtemps, l’a digéré aux sucs de ses douleurs et de ses obsessions, puis, empruntant les chemins de la poésie, au terme d’une lutte sourde avec les idées, les visions et les mots, l’a recraché sous la forme d’un des plus grands mythes de la littérature.” Ainsi se termine la présentation de ce court récit, précis et dénué de pathos, par son traducteur. On aura reconnu, dans la figure du jeune matelot, Herman Melville. Owen Chase raconte en effet comment, parti de Nantucket pour une campagne de chasse à la baleine, son bateau fit naufrage suite à l’attaque d’un cachalot géant. Répartis dans trois canots, les membres de l’équipage dérivent pendant trois mois, en proie à la faim, à la soif et aux intempéries, une expérience proche, en de nombreux points, de celle vécue par les rescapés de la Méduse. On peut donc voir dans ce texte la source de Moby Dick mais il a aussi laissé des traces dans les romans maritimes et polynésiens de Melville, comme Redburn ou Mardi.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Secte étrange à Vichy (Allier), photo de François Golfier, 26 juillet 2015.

SAMEDI.
Films vus pendant la semaine. Manipulations (Misconduct, Shintaro Shimosawa, É-U., 2016)
                                                                Le Destin fabuleux de Désirée Clary (Sacha Guitry, France, 1942)
                                                                Un homme à la hauteur (Laurent Tirard, France, 2016)
                                                                L’Œuvre au noir (André Delvaux, France – Belgique, 1988)
                                                                Toni Erdmann (Maren Ade, Allemagne – Autriche – Suisse – Roumanie, 2016).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Vieux-Berquin (Nord), photo de Cécile Mirland, 31 octobre 2010 / Bonnat (Creuse), photo de Caroline Didion, 27 juillet 2015
 
Poil et plume. “À ce moment lady Marjorie vint la chercher, hideuse dans sa robe à paniers en rayonne mauve portée sur une jupe en tissu caoutchouté couleur argent. Sa perruque de treillis métallique confectionnée à son intention par Mrs Lace s’était avérée trop petite et très désagréable à l’usage, aussi l’avait-elle mise au rancart et remplacée par une coiffure de style fleuri empruntée à miss Trant. Elle était faite de crins blancs qui se dressaient comme une auréole hirsute autour de sa tête; une anglaise s’enroulait derrière une de ses oreilles, et prenait plus l’apparence d’un tire-bouchon que d’une boucle quand elle marchait. La perruque était trop large et des mèches de cheveux bruns s’en échappaient en dépit d’innombrables épingles.” (Nancy Mitford, Charivari
 
Bon dimanche, 
 
Philippe DIDION

11 juin 2017 – 753

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 25 juin 2017. 

LUNDI.
Vie littéraire. Journée studieuse consacrée au bouclage du prochain Bulletin de l’Association Georges Perec et à la rédaction d’un article sur les actes du Colloque de Cerisy concernant le même auteur.

MERCREDI.
Lecture. Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers et Seymour, une introduction (Raise High the Roof Beam, Carpenters  and Seymour : An Introduction, J.D. Salinger, 1963 pour l’édition originale, Robert Laffont, 1964 pour la traduction française, rééd. Robert Laffont, coll. Pavillons Poche, 2016, traduit de l’américain par Bernard Willerval; 272 p., 9 €).

Bulletin du Club Comanche et des lecteurs de J.D. Salinger n° 1 (Librairie du Scalaire, février 1993).
“Le Bulletin s’efforcera de paraître deux ou trois fois par an.” Las, malgré ce vœu exprimé en dernière page, le numéro un n’aura pas de suite. Son concepteur, Marc-Gabriel Malfant, nous assure qu’il est désormais introuvable, sinon dans quelques bibliothèques universitaires américaines. Pour le commun des mortels, Salinger se résume à deux choses : un chef-d’œuvre (L’Attrape-cœurs) et un mystère (la réclusion). La lecture des nouvelles, qui sont rarement évoquées, révèle un troisième élément porteur lui aussi de sa part de chef-d’œuvre et de mystère. Il s’agit d’une sorte de saga qui se lit en pointillés, dans des textes épars, et qui concerne la famille Glass, déjà présente dans Franny et Zooey. Un drame pèse sur cette famille, le suicide du fils aîné, Seymour, qui est le héros absent des deux dernières nouvelles publiées. On suppose qu’il apparaît également ici ou là dans les histoires qui n’ont pas été traduites en français. Le mystère Seymour traverse donc toute l’œuvre courte de Salinger et ce n’est pas le moindre mérite du Bulletin du Club Comanche que de faire la recension de ses apparitions. Le Bulletin traite aussi du sort indigne fait à Salinger par l’édition française et souligne les faits qui interloquent un lecteur un rien attentif : le fouillis des dates de parution, les fautes de traduction, les incohérences contenues dans la préface aux Nouvelles donnée par Jean-Louis Curtis. On disait, en 1993, qu’il était temps de s’atteler à une édition correcte, si possible bilingue, des écrits de J.D. Salinger. Les choses n’ont guère évolué depuis.

Éphéméride.
“Washington, 7 juin 1951

Cher Francis de Miomandre,

J’ai été très sensible à votre amicale pensée, à la délicatesse avec laquelle vous voulez bien me l’exprimer. Elle émane pour moi d’un homme dont j’ai goûté l’œuvre dès ma jeunesse et dont j’associe le nom à tout ce dont j’aime en France la qualité.
Mais il y a trop d’élégance humaine dans votre lettre pour que je ne vous dise pas aussi simplement mon sentiment : non, il ne faut pas donner suite à votre suggestion. Il ne serait pas bien de ma part d’y répondre, par égard même pour l’Institution en cause*. Je n’ai pas, à proprement parler, de vie littéraire, et je n’en aurai point. Je ne vis pas non plus en France. C’est assez, me semble-t-il, pour n’avoir pas à invoquer mon âge ni mes goûts. J’avais déjà eu, bien des années avant la guerre, et malgré l’insistance d’amis comme Larbaud et Fargue, à me récuser simplement lors d’une démarche officielle d’Édouard Dujardin. […]
Amicalement à vous,

Alexis Leger” (Saint-John Perse, Témoignages littéraires)

* l’Académie Mallarmé

JEUDI.
Lecture. La Bonne Formule (A Matter of Form, Margery Allingham, nouvelle parue dans The Strand, mai 1940 pour l’édition originale, Mystère Magazine n° 37, février 1951 pour la traduction française, rééd. in « La Maison des morts étranges et autres aventures d’Albert Campion », Omnibus, 2010; 1024 p., 26 €).

VENDREDI.
Lecture. Hommages (Saint-John Perse, Gallimard, 1972, “Œuvres complètes”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 240, 1972; 1428 p., 56 €).

Le cabinet de curiosités du notulographe. Ciné flipper, photos d’écran de l’auteur.

 

Au P’tit Zouave (Gilles Grangier, France, 1950) / Interdit de séjour (Maurice de Canonge, France, 1955)

SAMEDI.
Vie littéraire. J’accomplis mon devoir électoral à Jaligny-sur-Besbre (Allier). C’est un peu tôt pour les législatives, il ne s’agit que du Prix René-Fallet, remporté par Hubert François, auteur de Dulmaa. Ce n’est pas grâce à moi – je vote toujours, là comme ailleurs, pour les petits partis qui n’ont aucune chance de gagner. Mon rituel tour de bourg m’apprend que le Café du Beaujolais, son dernier bistrot, est à vendre. Année après année, j’aurai été témoin de la dévitalisation de ce lieu aimé où il n’y a guère plus que le monument aux morts qui tienne encore debout.

Films vus pendant la semaine. Twin Peaks – Les 7 derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks : Fire Walk with Me, David Lynch, É-U. – France, 1992)
Banco à Bangkok pour OSS 117 (André Hunebelle, France – Italie, 1964)
Danish girl (The Danish Girl, Tom Hooper, R.-U. – É-U. – Allemagne – Danemark – Belgique, 2015)
Les Charlots contre Dracula (Jean-Pierre Desagnat, France, 1980)
Le Convoi (Frédéric Schoendoerffer, France, 2016).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Les Roches-de-Condrieu (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 24 octobre 2010 / Paris (Seine), rue de Vaugirard, photo de François Golfier, 7 novembre 2015

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 28 mai 2015. 0 km. (29019 km).

2220 habitants

Je suis sur mon lieu de travail ou quasiment, donc je ne m’attarde pas et prends mes photos à la va-vite. Le monument est situé sur le côté de l’église mais je crois qu’il a été déplacé. J’ai le souvenir de son emplacement à quelques mètres de là, sur le bord de la route, à côté du Café du Commerce aujourd’hui fermé – malgré les sommes que j’y ai englouties. Une flèche à la base pansue surmontée d’une Croix de Guerre est flanquée de deux dalles de marbre non poli, puis de deux mâts portant des bouquets de drapeaux tricolores. Les quatre côtés de la flèche sont couverts de noms, pas toujours lisibles à cause de la disparition de la dorure. Je renonce à les copier.

Aux enfants de Nomexy

Morts pour la France

                                                                           1914-1919

Poil et plume. “le printemps a coupé les cheveux des filles / les
garçons n’ont rien vu du printemps et de ses
cheveux / la saison commence à se dégager la
nuque / d’une telle douceur recueillir le
sentiment des pierres et des jonquilles / le
printemps s’est allongé sur les pelouses me
viennent des mots aux pieds nus / les offrir en
instants de peau” (Denis Heudré, Sèmes semés)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

4 juin 2017 – 752

DIMANCHE.

Vie littéraire. KB, notulienne d’outre-Atlantique, m’apprend qu’elle a présenté vendredi à l’Université du Québec à Montréal une communication portant sur les notules, dans le cadre du colloque “Littératures et dispositifs médiatiques : pratiques d’écriture et de lecture en contexte numérique”. Son titre : “Notulie de proximité : un partage du quotidien à l’ère du numérique”. C’est beaucoup d’honneur.

MERCREDI.

Éphéméride.

“Mézières, le 31 mai 1901

Monsieur le Maire,

J’ai l’honneur de vous informer que M. le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts vient d’accorder une subvention de cinq cents francs pour aider à acquitter les dépenses entraînées par l’érection d’un monument à la mémoire du poète Arthur Rimbaud.

Je vous prie de bien vouloir faire part de ces dispositions aux intéressés.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Le Préfet

Martin Feuillée” (Arthur Rimbaud, Correspondance posthume 1901-1911)

JEUDI.

          Vie judiciaire. Compte rendu d’audience trouvé ce jour dans Vosges Matin.

“Tribunal correctionnel de Briey, mardi matin. James s’avance à la barre. T-shirt de camionneur recouvert d’un blazer. Le septuagénaire est poursuivi pour vol. […] James a chapardé 50 € de nourriture afin… de se faire embaucher comme vigile ! “Je voulais montrer que le système de sécurité était défaillant”, lâche tout de go le gaillard qui vient de fêter ses 72 printemps. […] L’homme aux cheveux gris n’est pas un agneau : 31 mentions au casier dont la première remonte à une époque où Macron n’était pas encore né : 1971. “Je note qu’entre 1980 et 1998, vous n’avez pas été condamné”, relève la jeune magistrate. “C’est normal, j’étais en prison.”

VENDREDI.

                  Lecture. Schnock n° 18 (La Tengo, septembre 2015; 176 p., 14,50 €).

                               “Faut qu’on se marre” Michel Sardou.

                               Quand Schnock est arrivé en 2012, on ne connaissait aucun des responsables et des rédacteurs de la revue. Depuis, le succès aidant, l’équipe de départ s’est étoffée et a reçu l’apport de noms connus. Au point d’apparaître, au fil du temps, comme la maison de retraite de Best et de Rock & Folk. C’est dans ces mensuels de rock, alors prospères, qu’on lisait en effet, dans les années 1980-90, des articles de Patrick Eudeline, Laurent Chalumeau, Christophe Goffette, Francis Dordor, aujourd’hui collaborateurs réguliers de Schnock. Cela n’a rien de répréhensible : ce sont de bonnes plumes, qui connaissent l’époque et les gens auxquels s’intéresse la revue, et puis il faut bien vivre. Maintenant que le pli est pris, on n‘attend plus que l’arrivée du meilleur d’entre tous, Philippe Garnier, dont on lisait avec ferveur, à l’époque, les longues lettres qu’il écrivait de San Francisco et Los Angeles.

                                La Licorne n° 122 : Relire Perec (études réunies et présentées par Christelle Reggiani, Presses Universitaires de Rennes, 2016; 434 p., 22 €).

                                Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Hot stuff à Turku (Finlande), photo de Sesilia Hurttia, 28 mai 2016.

SAMEDI.

             Films vus pendant la semaine. Rafles sur la ville (Pierre Chenal, France, 1958)

                                                               Éperdument (Pierre Godeau, France – Belgique, 2016)

                                                               Niagara (Henry Hathaway, É-U., 1953)*

                                                               The Beatles : Eight Days a Week – The Touring Years (Ron Howard, É-U., 2016)

                                                               Deux sœurs pour un roi (The Other Boleyn Girl, Justin Chadwick, R.-U. – É-U., 2008)

                                                               La Gloire de mon père (Yves Robert, France, 1990)

                                                               Le Château de ma mère (Yves Robert, France, 1990).

* Grand moment contrapétique quand Joseph Cotten, sur son rafiot, est happé par les chutes.

             L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Figueres (Catalogne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 15 octobre 2010 / Girona (Catalogne), photo du même, 29 mars 2011

             Poil et plume. “Il y a les mains qui ne sentent rien. Il y a les mains qui sentent bon. Et il y a les mains du coiffeur. » Baldomero Fernández Moreno, Le Papillon et la Poutre)

Bon dimanche,

Philippe DIDION