20 août 2017 – 759

 

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 3 septembre 2017.

DIMANCHE.

Vie théâtrale. À Bussang pour La Dame de chez Maxim de Feydeau. La lecture de la pièce faisait craindre les longueurs suivant le premier acte. En fait, l’ouverture du fond de scène au deuxième acte, traditionnelle en ce lieu, les efface en permettant à l’action de se dérouler sur deux plans, intérieur et extérieur. Après, au troisième, il faut bien admettre que ça traîne un peu, d’autant que les bancs sont durs, par là-bas. Mais l’impression d’ensemble est très favorable et Vincent Goethals, qui signait ici sa dernière mise en scène, s’est montré à l’aise dans Feydeau comme il l’avait été avec Shakespeare.

Vie enfantine. La notule sur les noms des crèches a donné lieu à plusieurs réactions. Parmi celles-ci, saluons l’initiative de deux notuliens québécois qui proposent l’inversion croisée des noms des garderies et des tavernes, ce qui donnerait des choses intéressantes comme “La taverne des petits lutins” et “La garderie des sportifs”, ou encore “La garderie Chez Roger” et “La taverne des scoubidous”. C’est à creuser.

MARDI.

Vie universitaire. À Nancy pour l’emménagement de Lucie dans son nouveau logement. Nous étions trois, Caroline, Lucie et moi lorsqu’il avait fallu vider le précédent en juillet et l’expérience m’avait laissé au bord de la mort clinique. Aujourd’hui, des mains amies prolongeant des bras d’un autre calibre que les miens sont venues à le rescousse et l’épreuve tant redoutée se révèle d’une facilité et d’une rapidité déconcertantes.

MERCREDI.

Éphéméride. Barbara Bray, Londres.

“16 août 1961

Ussy

Chère Barbara,

Merci de ta bonne lettre de Bath ici ce matin. […] Pas de nouvelles de Schneider. Sale temps, vent & pluie, ces derniers jours, mais beau ce matin. Ai lu tous les livres d’ici et en suis réduit à l’Enc. Brit. et à un vieux numéro de la Neue Rundschau, mais ai pris quelques Série Noire chez les Hayden hier soir. Nouveau fiasco avec les *arrêts à bascule*, pas le bon type de portail m’est-il finalement venu à l’esprit, ai tout démoli et rebouché les trous, retour aux bons vieux blocs de pierre. Aujourd’hui tondeuse. […]

Je t’embrasse

S.” (Samuel Beckett, Lettres III 195-1965)

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Soins du visage et de la langue à Ouarzazate (Maroc), photo de Sylvie Mura, 7 février 2016

SAMEDI.

Lecture. Mariachi Plaza (The Burning Room, Michael Connelly, Hieronymus Inc., 2014 pour l’édition originale, Calmann-Lévy, 2016 pour la traduction française, traduit de l’américain par Robert Pépin, rééd. LGF, coll. Le Livre de Poche policier n° 34523, 2017; 512 p., 8,30 €).

Harry Bosch, le flic de Los Angeles dont Michael Connelly nous raconte les enquêtes depuis des lustres, prend de l’âge. Il est ici dans sa dernière année d’active et œuvre au sein de l’unité des Affaires non résolues, l’antichambre de la retraite. Comme le temps est désormais compté, Michael Connelly accélère le tempo et lui fait trouver la solution, en quelques jours, de plusieurs affaires qui datent d’une vingtaine d’années : incendie criminel, meurtre, corruption politique… C’est tellement rapide que le lecteur, à la fin, ne sait plus vraiment ce qui a été résolu et comment. N’importe, il ne s’est pas ennuyé grâce à ce rythme effréné et l’année n’est pas finie. Prudent, Connelly prépare la suite en dotant son héros d’une coéquipière douée qui pourrait bien être son héritière.

Films vus. Camping 3 (Fabien Onteniente, France-Belgique, 2016)

Les 101 Dalmatiens (101 Dalmatians, Stephen Herek, É-U, 1996)

L’Économie du couple (Joachim Lafosse, France-Belgique, 2016)

Quand la femme s’en mêle (Yves Allégret, France – Italie – R.F.A., 1957)

Irréprochable (Sébastien Marnier, France, 2016)

Aguirre, le colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes, R.F.A., 1972).

L’Invent’Hair perd ses poils.

Cherbourg (Manche), photo de Sibylline, 15 décembre 2010 / Paris (Seine), avenue du Bel-Air, photo de l’auteur, 10 décembre 2016

Poil et BD.

Betty, Le Lièvre de Mars

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

 

13 août 2017 – 758

MARDI.

Lecture. Le Retour de Sherlock Holmes (The Return of Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Newnes, 1905 pour l’édition originale, in Les Aventures de Sherlock Holmes” vol. 2, nouvelle traduction d’Eric Wittersheim, édition bilingue, Omnibus 2005).

Quand j’ai lu pour la première fois ces nouvelles dans mes jeunes années, c’était au Livre de Poche, sous le titre Résurrection de Sherlock Holmes. Retour, résurrection, peu importe, le fait est là : le détective est sorti du gouffre de Reichenbach où on l’avait laissé pour mort et reprend du service pour une douzaine de nouvelles qui n’ont rien à envier aux précédentes. Le docteur Watson, fidèle mémorialiste, précise bien que ces affaires ne sont que la partie visible de l’iceberg (“je possède des notes sur des centaines d’affaires que je n’ai jamais évoquées”) mais on sait que Conan Doyle n’a consenti à remettre son héros sur le devant de la scène que sur la pression de son public et de son éditeur. Il compte d’ailleurs bien en rester là : la dernière histoire précise que Sherlock Holmes “a définitivement quitté Londres et se consacre à l’étude et à l’élevage des abeilles dans les Downs du Sussex”. Sa retraite littéraire attendra encore un roman et deux derniers recueils de nouvelles avant d’être effective.

MERCREDI.

Éphéméride. À [Casimir Gide]

“[Paris, 9 août 1859 ?]

Monsieur,

Si je n’avais pas l’habitude de rester cloué chez moi jusqu’à ce que j’aie fini les Sept notices promises à M. Crépet et qui feront au moins 20 pages, j’aurais profité de l’occasion pour avoir le plaisir de faire votre connaissance. Je crois que je pourrai DEMAIN SOIR vous porter le reste moi-même. Barbier, Gautier et Borel sont faits, mais j’en suis mécontent. Je vous envoie ce qui est fait définitivement, et je vous avoue que je vous serais infiniment obligé de m’envoyer par ce commissionnaire un vulgaire acompte de 110 francs.

Je serai infailliblement chez vous demain soir avec le reste.

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

Charles Baudelaire, Hôtel de Dieppe, rue d’Amsterdam.” (Correspondance)

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. En règle générale, le coiffeur n’aime pas que l’on prenne sa vitrine en photo. On pourrait citer plusieurs exemples de collecteurs en mission pour l’Invent’Hair qui se sont trouvés apostrophés, interpellés, questionnés sans ménagements sur leurs motivations, voire poursuivis par un merlan furibard. Le coiffeur croit qu’on ne s’intéresse à son enseigne que pour se moquer de sa trouvaille – ce que font allègrement quelques blogs “spécialisés” qui naviguent sur Internet dans le sillage de l’Invent’Hair sans lui faire de l’ombre. Car les motivations de notre chantier sont autrement plus nobles. L’Invent’Hair, suivant le principe d’équivalence qui gouverne le Collège de ‘Pataphysique, élève le salon de coiffure et sa raison sociale au rang de sujets d’étude sérieuse. Il s’agit de servir la Science, et rien d’autre. Le coiffeur est étudié comme le serait un mollusque ou un portail de cathédrale, ni plus ni moins. S’il fallait vraiment se moquer de quelque chose ou de quelqu’un, on choisirait une autre cible. Les crèches, par exemple, et leurs dénominations. Cédant à la tendance qui veut que tout ce qui touche à la petite enfance soit désormais marqué au sceau d’une niaiserie sans nom qui contamine le vocabulaire, l’intonation ou le comportement, les institutions qui s’y rattachent ont opté pour des intitulés particulièrement tartignoles. Gageons que si des circonstances historiques tragiques conduisaient à la renaissance de l’Œuvre de Secours aux Enfants de l’Occupation, on l’appellerait Association de Câlins à nos Doudous. Le notulographe photographie les crèches pour s’en moquer, il ne s’en cache pas, c’est un dérivatif qui lui évite de céder à des envies plus blâmables, celles de défoncer à grands coups de lattes les portes où il est écrit “Chut bébé dort”, d’emboutir violemment les autos pourvues du sticker “Bébé à bord” ou de traverser à un train d’enfer les localités où il est accueilli par le panneau “Attention à nos enfants”.

Felletin (Creuse), 7 août 2015 / Thaon-les-Vosges (Vosges), 18 juillet 2015 / Châtel-sur-Moselle (Vosges), 17 mars 2017, photos de l’auteur

SAMEDI.

Football. SA Spinalien – Le Puy 1 – 0.

Lecture. La Dame de chez Maxim (Georges Feydeau, 1899, Flammarion, coll. GF n° 1577, 2017; 354 p., 7,50 €).

C’est le vaudeville à son sommet avec quiproquos, imbroglios et péripéties à foison. La chose, à lire, est très enlevée, agréable à suivre dans le premier acte mais s’empâte par la suite. Trois actes d’une vingtaine de scènes chacun s’avèrent un peu lourds à digérer mais il faudra voir ce que cela donne sur scène demain à Bussang.

Films vus. Le Voyage de Fanny (Lola Doillon, France – Belgique, 2016)

Peter Ibbetson (Henry Hathaway, É-U, 1935)

Ma Loute (Bruno Dumont, France – Allemagne – Belgique, 2016)

L’Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin, Richard Fleischer, É-U, 1952)

La Loi de la jungle (Antonin Peretjatko, France, 2016)

Bouge ! (Jérôme Cornuau, France, 1997).

L’Invent’Hair perd ses poils.

Avignon (Vaucluse), photo de Catherine Stavrinou, 22 décembre 2010 / Anse (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 12 février 2012

Poil et BD.

Boulet, site personnel “La bande olfactive de ma vie”

Bon dimanche,

Philippe DIDION

6 août 2017 – 757

MERCREDI.

Éphéméride. “Le jour de la fête nationale, j’ai vu un vigoureux cheval qui avait deux petits drapeaux aux oreilles; il piaffait en rongeant son mors, et cela lui donnait un air triomphant, comme s’il avait, lui aussi, un peu pris la Bastille.

Ce n’était pourtant là qu’une pauvre bête affolée. Seulement, sa folie avait un air de raison parce qu’il se trouvait pris entre deux douleurs, mal au dos, s’il n’avançait pas, mal aux dents s’il avançait trop vite. Et comme il ne comprenait pas que le mal au dos venait de coups de fouets, et que le mal aux dents venait de coups de mors; comme il croyait que le mal au dos résultait naturellement de sa paresse, et le mal aux dents de sa précipitation, cela faisait en somme un bon et brave cheval.” (Alain, Propos d’un Normand, 19 juillet 1906)

VENDREDI.

Le monde à l’envers à Paris (Seine), rue de Meaux, photo de Jean-Damien Poncet, 15 octobre 2016.

SAMEDI.

Films vus pendant la semaine. Florence Foster Jenkins (Stephen Frears, R.-U., 2016)

Les Quatre Fils de Katie Elder (The Sons of Katie Elder, Henry Hathaway, É-U, 1965)

Retour chez ma mère (Éric Lavaine, France, 2016)

La Dame du vendredi (His Girl Friday, Howard Hawks, É-U, 1940)

Marie et les naufragés (Sébastien Betbeder, France, 2016)

La Rivière rouge (Red River, Howard Hawks, É-U, 1948).

              Invent’Hair, bilan d’étape. Bilan établi au stade de 3500 salons.

Bilan géographique.    

Classement général par pays.

1. France : 2955 (+ 55)
2. Espagne : 155 (=)
3. Royaume-Uni : 53 (+ 1)
4. États-Unis : 45 (=)
5. Belgique : 40 (+ 8)
6. Italie : 24 (=)
7. Danemark : 21 (+ 17)
8. Suisse : 20 (+ 1)
“. Portugal : 20 (=)
10. Pérou : 19 (+ 6)
“. Canada 19 (=)

On note une grande variété dans cette nouvelle centaine où la France dépasse de peu la moitié des photos enregistrées. Le principal bénéficiaire de cette ouverture internationale est le Danemark qui gagne 13 places et intègre le top 10 au détriment du Maroc. Notons aussi les progressions du Pérou et, plus loin, de l’Allemagne (12e) et de la Chine (21e). La Lettonie fait son entrée avec 3 salons (25e) et devient le 36e pays représenté.

Classement général par régions (France).

1. Rhône-Alpes : 575 (+ 7)
2. Île-de-France : 472 (+ 15)
3. Languedoc-Roussillon : 253 (=)
4. Lorraine : 230 (+ 3)
5. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 213 (+ 10)
6. Midi-Pyrénées : 171 (+ 1)
7. Bourgogne : 115 (+ 2)
8. Bretagne : 108 (+ 8)
9. Centre : 105 (+ 2)
“. Pays de la Loire : 105 (+ 1)

Les mouvements affectent les trois dernières places du top 10 où les positions sont serrées : la Bretagne et le Centre dépassent les Pays de la Loire. Encore une place de gagnée pour la Franche-Comté, en progression régulière, qui devient 13e.

Classement général par départements (France).

1. Seine (Paris) : 382 (+ 11)
2. Rhône : 302 (=)
3. Vosges : 139 (+ 1)
4. Loire : 85 (+ 6)
5. Loire-Atlantique : 82 (+ 1)
6. Pyrénées-Orientales : 79 (=)
7. Meurthe-et-Moselle : 72 (+ 1)
8. Alpes-Maritimes (=) : 70
9. Saône-et-Loire : 68 (=)
10. Hérault : 66 (=)

Pas de changement en tête, la stagnation du Rhône ne lui est pas préjudiciable au vu de l’avance que possède ce département sur ses poursuivants. Plus loin, avec 10 salons, les Bouches-du-Rhône (49) passent de la 18e à la 13e place.

Classement général par communes.

1. Paris : 382 (+ 11)
2. Lyon : 136 (=)
3. Barcelone : 54 (=)
4. Nantes : 53 (=)
5. Nancy : 42 (+ 1)
6. Épinal 36 (=)
7. Nice : 33 (=)
8. Marseille 24 (+ 10)
“. Villeurbanne 24 (=)
10. Perpignan : 18 (=)
“. Bruxelles : 18 (+ 1)

Strasbourg et Roanne disparaissent au profit de Marseille (+ 6 places). Par ailleurs, belles progressions de Lima, 21e (+ 51) avec 12 salons (+ 6), de Copenhague, 25e (+ 95) avec 11 salons (+ 7), de Saint-Chamond, 76e (+ 193) avec 7 salons (+ 5) et entrées exotiques de Shenzhen (Chine), Riga (Lettonie), Anderlecht (Belgique)…

Bilan humain.

  1. Marc-Gabriel Malfant : 1220 (+ 6)
  2. Philippe Didion : 323 (+ 2)
  3. Pierre Cohen-Hadria : 228 (+ 3)
  4. François Golfier : 179 (+ 28)
  5. Jean-Damien Poncet : 143 (+ 23)
  6. Jean-Christophe Soum-Fontez : 138 (+ 4)
  7. Hervé Bertin : 108 (=)
  8. Sylvie Mura : 82 (+ 1)
  9. Benoît Howson : 65 (=)
  10. Bernard Cattin : 63 (+ 4)

Christophe Hubert est chassé du top 10 par Bernard Cattin, Jean-Damien Poncet gagne encore une place.

Étude de cas. Salons haut perchés.

    

Nîmes (Gard), photo de Jean-Damien Poncet, 17 avril 2016 / Guéret (Creuse), photo de l’auteur, 2 août 2016 / Tokyo (Japon), photo de Yannick Séité, 5 novembre 2016 / San Francisco (Californie, É-U), photo de Noémie Fiore, 19 juillet 2014

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Saint-Laurent-de-Chamousset (Rhône), carte de visite transmise par Alain Zalmanski le 19 novembre 2010 / Saint-Denis-de-l’Hôtel (Loiret), photo de Christiane Larocca, 12 décembre 2016

Poil et plume. “On peut dire d’une femme qu’elle va “au” coiffeur, seulement lorsque ce dernier la baise.” (Frédéric Dard, Les Pensées de San-Antonio)

Transhumance. Nous partons pour la Creuse, bien décidés à pratiquer, comme chaque année, “le vrai tourisme pataphysique” qui consiste, selon Jean-Hugues Sainmont à “aller en des endroits où l’imagination a tout à faire”. En attendant de faire travailler celle-ci, je lis dans l’auto Le Grand Sylvain de Pierre Bergounioux. À la pêche dès les affaires rangées pour une dizaine de gardons. Je ne me rappelais pas qu’ils étaient si petits.

DIMANCHE.

Vie en Creuse. Marché à Jarnages. Balade autour du logis. Gardons.

LUNDI.

Vie en Creuse. Carpe modeste. Le Monde au courrier, j’y lis la nécrologie de Max Gallo. Ravitaillement. Balade autour de Saint-Hilaire-la-Plaine. Dans le village, un broc. Je m’aperçois que le dos de son tee-shirt est orné d’un slogan FN, mais trop tard : je lui ai déjà acheté des cartes postales et Lucie un 33-tours de Django. Énorme carpe au coup du soir, qu’Alice ne parvient pas à épuiser. Le monstre oscille au bord du filet puis réussit à se décrocher au moment de basculer dedans. Lecture de Quelqu’un s’approche, de Mathieu Riboulet, dont l’histoire se passe en Creuse, autour de Crocq. C’est le seul intérêt de la chose.

MARDI.

Vie en Creuse. Belle matinée de radio avec Bruce Springsteen et Pierre Michon – comment l’éviter ici ? – qui se succèdent sur France Cul. À Guéret pour le ravitaillement et le renouvellement de mon ordonnance que je tenais à faire dans la pharmacie de la place Bonnyaud. Les premiers numéros de la presse vosgienne sont arrivés au courrier. Balade autour de Mazeirat, sentiers riches en ronces et orties, jusqu’à un joli gué sur la Creuse. Retour par Le Busseau, histoire de revoir un de nos anciens lieux de villégiature.

MERCREDI.

Vie en Creuse. Temps maussade. Découverte de la petite bourgade de Bétête. Jamais vu un patelin aussi désert. Pourtant, ce n’est pas un village, c’est étendu, mais il n’y a personne, pas même les habituels derniers signes de vie, deux guignols à scoutère ou trois greluches à l’arrêt de bus occupées à tripoter des téléphones de poche. Tout le monde est peut-être au boulot – en espérant que ce n’est pas chez GM&S. Même la Petite Creuse, qui passe tout près, n’a pas l’air bien vaillante. Pas étonnant que le café et la boucherie n’aient pas tenu. Que vient faire dans ce désert, même pas de Gobi, une antenne de la “Buddhist Peace Fellowship” ?

Éphéméride. “Lundi 26 Juillet 1920

Déjeuné chez Ledoyen, aux Champs-Élysées, avec Jules Cambon, Madame Antonin Poncet et l’Abbé Mugnier. L’Ambassadeur, sur le divan du petit cabinet, raconte son séjour à la Conférence de Spa et peint les principaux acteurs. De Lloyd George il dit :

Cet homme dangereux, versatile, sournois et qui par moment a du génie. Mais à qui profitera ce génie ?” (Ferdinand Bac, Livre journal 1920)

JEUDI.

Vie en Creuse. Virée à Aubusson où la Cité internationale de la tapisserie semble avoir redonné un souffle de vie et la vue à quelques vitrines borgnes. Notre arpentage se fait de plus en plus lent, au fur et à mesure des achats accumulés : affiches à encadrer, pâté de patates, cartes postales coquines de la Belle Époque, cosmétiques, livres (parmi lesquels un petit guide d’entomologie rendu nécessaire par la lecture du Grand Sylvain et qui permettra d’identifier la punaise arlequin, fréquente sur les chemins alentour), nippes, nappes… Je termine au retour La Bête faramineuse de Bergounioux, roman ardu dans lequel on trouve l’ébauche des pages magnifiques consacrées à Millevaches dans Un peu de bleu dans le paysage. On atteint en fin de journée l’incroyable température de 23°. Mais à l‘étang, le vent est toujours là qui rend la pêche malcommode. Surpris un rapace au bord de l’eau, un busard Saint-Martin peut-être, si j’en crois la bande blanche sur le croupion.

VENDREDI.

Vie en Creuse. Mon guide entomologique me permet d’appeler par son petit nom (Anax empereur) la grosse libellule qui s’est posée sur le linge mis à sécher. Fait le courrier. Le soir venu, retour à l’entomologie avec La Capture, film de Geoffrey Lachassagne sur la chasse aux insectes menée par Pierre Bergounioux en Corrèze.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Contrepèteries journalistiques.

  

Vosges Matin, 10 décembre 2016 / Télérama, 23 mars 2016

SAMEDI.

Vie littéraire. Je retourne au grimpant, endosse une belle limace : c’est jour de retrouvailles, à Ussel (Corrèze), entre le garçon d’Épinal et Pierre Bergounioux, que je remercie de m’avoir ainsi rajeuni. Le soir venu, je termine Gloire tardive, une novella posthume d’Arthur Schnitzler.

Film vu. Les Quatre Filles du Dr March (Little Women, Mervyn Le Roy, É.-U., 1949).

L’Invent’Hair perd ses poils.

  

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 25 novembre 2010 / Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), photo de Philippe de Jonckheere, 10 avril 2011

Poil et plume. “Toutes les femmes nous trompent avec leur coiffeur, pensa-t-il en ébauchant une moue sagace – d’ailleurs à peine dans ce mauvais lieu elles quittent leurs chaussures. Faute de mieux, et encore on ne sait pas tout… » (Julien Gracq, La Presqu’île)

DIMANCHE.

Vie en Creuse. Une carpe moyenne au premier coup de lancer du matin. Marché à Jarnages. Fête populaire à Châtelus-Malvaleix, au son de la fanfare de Bourganeuf, le genre de manifestation qui nous fait fuir à toutes jambes quand elle se produit par chez nous et qui ici nous ravit. Je glane quelques livres d’occasion. Nous partons ensuite à la recherche du Domaine des Trois Lacs, que nous finissons par trouver au bout d’un trajet longuet et malaisé. Il s’agit en fait de trois bassins sur la Creuse. Fait halte à celui du Bourg-d’Hem où la baignade semble agréable. Mais c’est loin du chalet et il faudrait que la météo y mette un peu du sien. Lecture de l’Album Georges Perec dû à Claude Burgelin, histoire de me rappeler que j’ai un peu de boulot à abattre dans la semaine.

LUNDI.

Vie en Creuse. Retour au Pléiade Perec (Quel petit vélo…) et à la construction de l’article que je dois en tirer. Ravitaillement à l’Intermarché de Guéret. D’après les listes de courses récupérées par les filles dans les chariots du parking, l’orthographe du lexique alimentaire est mieux traitée en Creuse que dans les Vosges. Balade pédestre autour de Montalchier, surprise de trouver des mirabelliers en bord de route. Le soir venu, prise d’apéritif avec nos logeurs. L’homme nous montre sa collection d’autos, dont le fleuron, en parfait état de marche, date de 1913.

MARDI.

  Vie en Creuse (et alentour). Le gros orage de la nuit a balayé la terrasse, envoyé dinguer le parasol et coupé l’alimentation électrique. Travail sur Perec (Un homme qui dort) puis départ pour Montluçon où nous visitons le Musée des musiques populaires. Comme nous ne sommes qu’à vingt-cinq kilomètres d’Épineuil-le-Fleuriel (Cher), là où se déroule le début du roman, j’en profite pour relire Le Grand Meaulnes.

MERCREDI.

Éphéméride. “2 août 1907.

Monsieur le Président. Je vous remercie de vos paroles infiniment courtoises. Votre invitation m’a fait grand honneur et grand plaisir. Elle me permet de remercier de vive voix les éminents compatriotes qui ont bien voulu m’accueillir dans leur Compagnie.

Mon grand-père et tous mes aïeux paternels étaient de Blesle. Votre érudition et votre sympathie m’aideront à fortifier en moi la connaissance et l’amour qu’ils avaient de leur glorieuse province et dont ils m’ont transmis la tradition.

J’ai déjà tiré de grands avantages intellectuels de l’Académie de Clermont; le vénérable M. Marcellin Boudet et M. Élie Jaloustre que remercient tous les pascalisants peuvent vous dire comment je me suis empressé de recourir à leur science et à leur bienveillance.

J’ai mille questions à vous poser et puis je voudrais vivre un peu familièrement dans votre atmosphère. Vous n’êtes pas seulement, je le sais, un centre de culture, mais encore un conservatoire du patriotisme et de l’honneur.

Je souhaite, Messieurs, qu’il me soit permis de venir d’année en année m’asseoir au milieu de vous et qu’après m’avoir fait profiter de vos travaux, vous m’accordiez votre amitié.” (Maurice Barrès, réponse aux discours de bienvenue prononcés pour sa réception à l’Académie de Clermont par le marquis de Montlaur et M. Marcellin Boudet, le 1er août 1907, in Mes cahiers)

Vie en Creuse. Travail sur Perec (La Disparition). À Guéret pour récupérer quelques rossignols dans la boîte à livres de la place Bonnyaud et acheter du neuf : la récente réédition du traité de go de Perec, un polar creusois, un livre de Svetlana Alexievitch pour préparer les prochaines rencontres de Chaminadour. Chaleur. Baignade à Châtelus-Malvaleix. Je termine Alain-Fournier et attaque Le Frémissement de la grâce : Le roman du Grand Meaulnes, de Jean-Christian Petitfils.

JEUDI.

Vie en Creuse. Travail sur Perec (Les Revenentes). Adieux à Guéret avec la traditionnelle visite du musée local où, cette fois, l’on ne passe pas en coup de vent devant la collection d’insectes du cabinet d’histoire naturelle. J’identifie au passage un petit gravelot et un serin cini rencontrés au cours de la semaine. Réservation d’une chambre pour Chaminadour.

VENDREDI.

Vie en Creuse (fin). Une carpe honnête au petit jour. Marché à Felletin, pique-nique à Saint-Frion. Aux livres à Aubusson d’où l’on rapporte du polar creusois, du théâtre, du Bergounioux, de l’entomologie, de l’astronomie ainsi que le Frede de Denis Cosnard.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Exotisme en cordonnerie.

  

Brazzaville (République du Congo), photo d’Arno Bertina, 20 mai 2017 / Paris (Seine), rue Amelot, photo de Jean-Damien Poncet, 25 septembre 2016

SAMEDI.

Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.

Film vu. L’Amour en fuite (François Truffaut, France, 1979).

L’Invent’Hair perd ses poils.

Blois (Loir-et-Cher), photo de François Bon, 26 novembre 2010 / Lyon (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 18 mars 2012

Poil et plume. “Il y a des cheveux disposés au suicide, à la coagulation de sang et de cheveux du coup de pistolet.” (Baldomero Fernández Moreno, Le Papillon et la Poutre)

Bon dimanche,

Philippe DIDION