26 août 2018 – 804

MARDI.

Lecture. La Nouvelle Revue française n° 623 (Gallimard, mars 2017; 144 p., 15 €).

Malfantômas.

804-min

Marc-Gabriel Malfant, Autoportrait hétérocéphale, juin 2018

MERCREDI.

Lecture. Dans la forêt (Into the Forest, Jean Hegland, 1996 pour l’édition originale, Gallmeister, 2017 pour la traduction française, rééd. Gallmeister, coll. Totem n° 106, 2018, traduit de l’américain par Josette Chicheportiche; 320 p., 9,90 €).

On ne s’explique pas pourquoi il a fallu attendre vingt ans avant de voir ce roman traduit en français. Il se classe en effet nettement au-dessus de la production ordinaire américaine du genre choisi par Jean Hegland. Car c’est un récit de survivant, de survivantes plus précisément, deux sœurs amenées à vivre dans une maison isolée en bordure de forêt suite à une catastrophe. L’habileté de l’auteur tient au fait que la catastrophe en question n’a rien de violent : pas de guerre, pas de bombe nucléaire, pas de fin du monde. C’est une catastrophe insidieuse, une catastrophe économique – beaucoup plus plausible – qui se traduit d’abord par des coupures de courant de plus en plus longues et fréquentes, puis par une panne totale qui sape les fondements de la société moderne : les communications et les déplacements. Plus d’essence, plus de vivres, plus de nouvelles, plus de contacts. Il faut survivre. Commence alors une robinsonnade qui, si elle n’est pas nouvelle, se distingue toutefois par l’évolution des liens entre les deux sœurs et leurs réactions face aux intrus (humains et animaux) venus du monde extérieur empiéter sur leur territoire. Le journal que tient l’une des deux protagonistes, matière première du roman, est écrit dans une très belle langue, sait mêler l’émotion au récit d’aventures, captive de bout en bout. Un film tiré du livre est sorti aux États-Unis en 2016. On espère ne pas avoir à attendre vingt ans pour le voir.

Éphéméride. “22 août

* Rosa Luxemburg, au bord du Schlachtensee, s’applique à peindre le paysage. C’est la première fois qu’elle peint dans la nature. Elle s’aperçoit que c’est horriblement difficile. Il y a toutes sortes d’obstacles matériels (tenir à la main tout son matériel, n’avoir nulle part où le poser) et puis les promeneurs dérangeants, et surtout l’eau et le ciel, qui changent d’aspect à chaque instant.

* Viktor Ullmann, au camp de Theresienstadt, compose sa Septième sonate, qu’il dédie à ses trois enfants.

* Zola est à Médan où il peine sur son terrible roman, La Terre.” (Michelle Grangaud, Calendrier des poètes : Année folle I)

JEUDI.

Lecture. Les Trésors de la mer Rouge (Romain Gary, Gallimard, 1971, rééd. in « Romain Gary – Émile Ajar, Légendes du je », Gallimard, coll. Quarto, édition établie et présentée par Mireille Sacotte; 1428 p., 29,90 €).

C’est un Gary inattendu que présente ici ce recueil, le Gary reporter, une fonction qu’il a pourtant exercée à de fréquentes reprises pour Life ou pour France-Soir. Commandée par Pierre Lazareff, cette exploration des bords de la mer Rouge, entre Djibouti, Éthiopie et Yémen, fit l’objet d’une plaquette éditée par Gallimard. Elle le méritait assurément, tant le récit est intéressant et bien mené, à la manière des maîtres du genre, Londres ou Kessel. Comme le veut la loi du genre, les descriptions, les notations historiques et les rencontres se succèdent. Dans cette dernière catégorie, des anonymes, des humbles, des illuminés, mais aussi quelques connaissances comme Dominique Ponchardier, alors haut fonctionnaire à Djibouti et plus connu de nos services comme l’auteur, sous le pseudonyme d’Antoine Dominique, des aventures du Gorille à la Série Noire. À Sanaa, Gary rencontre un ancien barbouze, qui fut “collaborateur direct d’Enver Hodja en Albanie”, auteur d’une Confession d’un agent secret que nous n’avons pu identifier.

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Titre choc, Vosges Matin, Épinal (Vosges), 17 juillet 2017, photo de Lucie Didion.

804 (2)-min

J’ai déjà fait mieux.

SAMEDI.

  Film vus. Telle mère, telle fille (Noémie Saglio, France, 2017)

Guy de Maupassant (Michel Drach, France, 1982)

West Side Story (Jerome Robbins, Robert Wise, É.-U., 1961)

Le Caire Confidentiel (The Nile Hilton Incident, Tarik Saleh, Maroc – Suède – Danemark – Allemagne – France, 2017)

M le Maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder, Fritz Lang, Allemagne, 1931).

L’Invent’Hair perd ses poils.

804 (3)-min  804 (1)-min

Saint-Pierre (La Réunion), photo d’Antoine Fetet, 7 avril 2010 / Cannes (Alpes-Maritimes), photo de l’auteur, 23 avril 2010

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 13 novembre 2016. 142 km. (31814 km).

804 (6)-min

892 habitants

   Au pied des marches qui mènent à l’église se dresse une stèle de grès sali traversée par une croix portant la mention “Pro Patria”. À sa base, sur un petit autel orné d’une palme et portant les dates 1914-1918, est couché un Poilu qui serre contre son cœur le drapeau de son régiment. Le gisant est signé “Ch. Pourquet 1922”. Au dos sont inscrits les vers “Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie / Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.” Le 11-novembre n’a pas donné lieu, apparemment, à des débordements floraux.

Colonne de gauche :

THONNELIER Émile Lieutenant

PIERRE René Sous-Lieutenant

MORITZ Paul Adjudant-Chef

JEUNESSE Edmond Adjudant

FADE Lucien Sergent

GELINET Pierre -id-

KNUR Paul -id-

PAULUS Émile -id-

STOUVENEL Alphonse -id-

GIRARD Léon -id-

ADAM Jean-Baptiste Soldat

BAGARD Auguste -id-

DESPEINES Raymond -id-

GAILLARD Charles -id-

GEORGE Albert -id-

GÉRARD Lucien -id-

   Colonne de droite :

GUIDAT Georges Soldat

GUIOT Émile -id-

LEMAIRE Albert -id-

MOREL Léon -id-

MOREL Joseph -id-

PAULUS Victor -id-

ROUSVILLE Charles -id-

Victimes civiles

ARCIN Marie-Claire 80 ans

BERNHARD Marie Louise 1 an

Commandant GÉRARD 77 ans

GAIRE Joseph 34 ans

HAMMERER Émile 52 ans

MELCHIOR Jules 65 ans

NICOLE Marie-Rose 60 ans

   L’église est ouverte et abrite une plaque commémorative portant des renseignements plus complets mais je n’ai pas le temps de l’étudier.

Poil et pub.

804 (7)-min

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

 

 

19 août 2018 – 803

DIMANCHE.

Lecture. Le Jardin de Bérénice (Maurice Barrès, Perrin, 1891, rééd. in « Romans et voyages », Robert Laffont, coll. Bouquins, édition établie par Vital Rambaud, 1994; 1508 p., 179 F).

Le troisième volet du Culte du moi poursuit la construction idéologique et sentimentale de Philippe, le personnage derrière lequel se cache Maurice Barrès. En campagne électorale à Aigues-Mortes, Philippe rejoint Bérénice, une jeune courtisane repentie, et trouve le bonheur dans la conjonction de ce lieu et de cette personne. La lecture est moins ardue que pour les épisodes précédents mais Barrès est toujours difficile à suivre quand on n’a pas sous la main les notions qu’il manipule (spinozisme, positivisme, inconscient d’avant Freud, etc.). Il reste qu’on voit apparaître l’importance du territoire, des racines, qui formera un des thèmes majeurs de l’œuvre à suivre. Reste aussi que, notuliennement parlant, ce livre est d’un intérêt majeur puisqu’il y est question de “la pauvre race italiote”. La rubrique “les un et les otes”, consacrée à ce suffixe, est un des axes de la recherche notulienne et ce nouvel élément permet de faire le point sur le sujet, le dernier bilan datant des notules n° 734 en date du 1er janvier 2017. Depuis, sont apparus : les “Florentins ou autres Italiotes” (déjà), évoqués par Paul-Jean Toulet dans une lettre à Curnonsky; Pierre Cohen-Hadria m’a signalé que “les pêcheurs de ce bourg au sud de la lagune de Venise, nommé Chioggia, sont qualifiés de Chioggiottes” (cas rare d’un t doublé); le même indique avoir “croisé l’adjectif romaniote pour qualifier les

habitants de la Romanie” (s’agit-il de l’ancienne partie de l’Empire romain ou de l’actuelle Romagne ?); Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique nous apprend qu’un “organisme eucaryote est un organisme vivant dont le noyau cellulaire est séparé du cytoplasme par une membrane, ce qui l’oppose notamment aux bactéries (procaryotes)”; enfin, Delfeil de Ton évoque Ankara et les Ankariotes dans L’Obs du 16 février 2017. À suivre.

LUNDI.

Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 13 (15 septembre 2017, 96 p., 15 €).

“L’esprit de l’escalier”

MARDI.

Transhumance. La Didionnée se transporte à Scionzier (Haute-Savoie) pour un petit rab de vacances, même pas méritées.

MERCREDI.

Vie aux Alpes. À la découverte de Cordon, village perché face au mont Blanc. La route qui y mène est semée d’épingles à cheveux, du genre de celles qui vous obligent à regarder dans le rétroviseur pour voir si une auto arrive en face. Mais quoi de plus naturel qu’une route en lacets pour atteindre Cordon. Esclaffons-nous.

Éphéméride. “15 août [1862]

Ce soir, je me réjouis d’aller au feu d’artifice, de me fondre dans la foule, d’y perdre mon chagrin, ma personnalité. Il me semble qu’un grand chagrin vous perd, parmi tant de monde. Je me réjouis d’être coudoyé par du peuple, comme on est roulé par des flots.” (Edmond et Jules de Goncourt, Journal : Mémoires de la vie littéraire)

JEUDI.

Vie aux Alpes. Nous arpentons le plateau des Glières, que je ne manque jamais de visiter lors de chacun de nos passages dans la région. Lieu chargé d’histoire, on le sait, mais aussi lieu fondateur dans mon histoire personnelle pour des raisons qui le sont tout autant.

Lecture. Zone érogène (Philippe Djian, Éditions Bernard Barrault, 1984, rééd. J’ai lu n° 2062, 1989; 352 p., s.p.m.).

La persévérance paie : après plusieurs tentatives infructueuses, c’est la première fois que je trouve de l’intérêt à un texte de Philippe Djian. Zone érogène est un roman torpille, mené à cent à l’heure, qui ne laisse place ni à la respiration ni à l’ennui. Il a l’air d’avoir été tapé en une seule prise, au fil de jours et de nuits fiévreux et enfumés, mais comme tout ce qui a l’air fluide, spontané et relâché, il est certainement le fruit d’un travail conséquent. On ne peut que le croire car il met en scène un écrivain nommé Philippe Djian, justement aux prises avec un roman en cours mais aussi avec une vie sentimentale chaotique et les soucis ordinaires du quotidien. L’argent, par exemple, qui manque et qu’il faut se procurer au prix d’un travail salarié – les deux meilleures séquences du livre montrent d’ailleurs l’écrivain dans deux expériences professionnelles racontées de façon formidable. J’avais pris ce livre pour le virer de ma bibliothèque après lecture, je crois que je vais le garder.

VENDREDI.

Vie aux Alpes. Nous partons à la découverte de Flaine, une station qui doit bientôt fêter son cinquantenaire. L’ensemble conçu par Marcel Breuer n’a pas trop mal vieilli, si l’on considère que l’homme avait commencé par fabriquer des chaises à l’époque du Bauhaus, et l’hôtel originel en aplomb sur le vide, vendu depuis à la découpe, est aussi impressionnant que je l’imaginais.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Pompes de collection à Rasey (Vosges), photos de l’auteur, 12 novembre 2017.

803 (4)-min  803 (3)-min  803 (5)-min

SAMEDI.

Film vus. Ce qui nous lie (Cédric Klapisch, France, 2017)

La Tour, prends garde ! (Georges Lampin, France – Italie – Yougoslavie, 1958).

Lecture. Daniel Avner a disparu (Elena Costa, Gallimard, coll. nrf, 2015; 144 p., 13,50 €).

Invent’Hair, bilan d’étape. Bilan établi au stade de 4100 salons, atteint le 27 février 2018.

Bilan géographique.  

Classement général par pays.

  1. France : 3421 (+ 71)
  2. Espagne : 168 (+ 3)
  3. Royaume-Uni : 76 (+ 6)
  4. Belgique 57 : (=)
  5. Italie : 51 (+ 1)
  6. États-Unis : 45 (=)
  7. Danemark : 34 (=)
  8. Suisse : 25 (+ 1)
  9. Allemagne : 23 (+ 7)
  10. Portugal : 20 (=)

L’Allemagne entre dans le top 10, le Pérou et le Canada en sortent.

Classement général par régions (France).

1 Rhône-Alpes : 641 (+ 10)
2. Île-de-France : 537 (+ 21)
3. Languedoc-Roussillon : 275 (+ 2)
4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 263 (=)
5. Lorraine : 259 (+ 5)
6. Midi-Pyrénées : 200 (+ 3)
7. Bretagne : 140 (+ 2)
“. Pays de la Loire : 140 (+ 2)
9. Bourgogne : 134 (+ 2)
10. Centre : 122 (=)

Positions inchangées.

Classement général par départements (France).

1. Seine (Paris) : 432 (+ 18)
2. Rhône : 322 (=)
3. Vosges : 147 (+ 2)
4. Loire-Atlantique : 110 (+ 1)
5. Pyrénées-Orientales : 92 (=)
6. Loire : 91 (=)
7. Meurthe-et-Moselle : 83 (+ 3)
8. Alpes-Maritimes : 76 (=)
9. Saône-et-Loire : 72 (=)
10. Hérault : 69 (=)

Pas de changement dans le top 10. Les progressions notables sont celles de la Haute-Savoie (15e, + 6 places), de la Corse (36e, + 10 places) et de la Martinique (62e, + 12 places).

Classement général par communes.

1. Paris : 432 (+ 18)
2. Lyon : 147 (=)
3. Nantes : 57 (=)
4. Barcelone : 55 (+ 1)
5. Nancy : 47 : (+ 2)
6. Épinal : 38 (+ 1)
7. Nice : 36 (=)
8. Marseille : 26 (=)
9. Copenhague : 24 (=)
“. Villeurbanne : 24 (=)

En dehors de Paris, les villes du Top 10 ne progressent quasiment pas et conservent les mêmes places. Bastia (8 salons), Francfort-sur-le-Main (7 salons pour son apparition dans le classement), Caen et Cracovie (4 salons) sont les principales bénéficiaires de cette centaine.

Bilan humain.

  1. Marc-Gabriel Malfant : 1410 (+ 14)
  2. Philippe Didion : 339 (+ 1)
  3. Pierre Cohen-Hadria : 269 (+ 8)
  4. Jean-Damien Poncet : 236 (+ 17)
  5. François Golfier : 232 (+ 31)
  6. Jean-Christophe Soum-Fontez : 153 (+ 3)
  7. Hervé Bertin : 132 (+ 1)
  8. Sylvie Mura : 113 (+ 8)
  9. Benoît Howson : 81 (=)
  10. Bernard Cattin : 76 (+ 1)

Positions inchangées, malgré la belle progression de François Golfier. Pierre Cohen-Hadria n’a pas l’air décidé à laisser sa place sur le podium.

Étude de cas. Depuis la création de notre chantier ou presque, Marc-Gabriel Malfant en a été le principal contributeur. Logiquement, ce sont ses photos qui apparaissent le plus souvent dans l’aperçu hebdomadaire illustrant chaque numéro des notules. Comme il n’est pas homme à se contenter d’un seul sujet, son nom apparaît aussi dans d’autres rubriques, Le cabinet de curiosités, Poil et plume principalement. Cette forte présence interpelle, intrigue et même, parfois, agace : récemment, les notules ont été menacées (stupeur) de non-lecture (et tremblements) en cas de nouvelle apparition d’une photo de notre phénomène. En un mot comme en cent, la notuloclastie est à nos portes. Il est donc temps d’en dire un peu plus sur l’homme et sur ses liens avec le notulographe. Marc-Gabriel Malfant est un notulien canal historique, abonné depuis 2004 suite à une notule mentionnant Roland Toutain, un acteur auquel il s’intéressait à l’époque pour je ne sais quelle raison. Des échanges ont suivi, qui ont abouti à une correspondance riche aujourd’hui d’un ou deux courriels et d’un bon millier de lettres, dont beaucoup accompagnées de photos aptes à nourrir différents chantiers. Ses connaissances dans divers domaines m’ont souvent été précieuses : il n’est pas pour rien dans mon intérêt pour Ernest Gengenbach – je crois bien que c’est lui qui m’a signalé que la bibliothèque de Saint-Dié abritait les archives de celui-ci – et nous travaillons actuellement à une plaquette contenant un inédit et une réédition du surréaliste repenti. Cela dit, je n’ai jamais rencontré Marc Malfant et ne le verrai peut-être jamais. Je ne connais pas son âge ni son apparence physique. Ce qui ne m’empêche pas de pouvoir dévoiler son portrait, d’abord ci-dessous puis, à partir du prochain numéro, dans une rubrique dédiée qui paraîtra à la page du mardi sous le titre, quel autre, “Malfantômas”.

803 (1)-min  803 (2)-min

Marc-Gabriel Malfant, Autoportraits hétérocéphales, 2018

             L’Invent’Hair perd ses poils.

803-min

Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), photo de Marc-Gabriel Malfant, 23 mars 2011

             IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 6 novembre 2016. 105 km. (31672 km).

803 (7)-min

186 habitants

   Sous un beau marronnier, la stèle courtaude est entourée d’une grille circulaire et fait face à l’église. En bas-relief, une Croix de Guerre et deux fûts de canon en croix au-dessus de trois boulets. Les inscriptions figurent sur des plaques de marbre.

803 (6)-min

Aux glorieux morts

De la Guerre

1914-1918

LÉVÊQUE Henri

BAUGUE Henri

THIÉRY Joseph

BAUGUE Louis

DESCIEUX Émile

LORRAIN Paul

BINOT Flavien

PROTOIS Charles

LORRAIN Auguste

CAPRON Georges

1939-1945

THIERRY René      ROLLIN Charles

PHELISSE Emma      ROLLIN Paul

ROLLIN Albert

             Poil et pub.

803 (8)-min

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

12 août 2018 – 802

LUNDI.
           Lecture. Temps Noir n° 18 (Joseph K., 2015; 352 p., 19,50 €).
                         « La Revue des Littératures Policières »
                         Le Premier qui dort réveille l’autre (Jean-Edern Hallier, Le Sagittaire, 1977; 168 p., s.p.m.).
                         Dans la biographie qu’il consacre à Jean-Edern Hallier, Jean-Claude Lamy ne mentionne qu’en passant ce roman. Il date pourtant d’une époque à laquelle Hallier était encore considéré comme un auteur prometteur, au talent certain, avant de devenir le polémiste que l’on a retenu. Le fait est qu’on ne le reconnaît pas dans ces pages, qui constituent le long cri de douleur poussé par un enfant dont le frère est victime d’une maladie incurable et promis à une fin prochaine. Le but est de retarder l’instant fatal par des jeux, des scènes qui s’adaptent à l’état de plus en plus critique du malade, de ne jamais parler de la mort à venir pour tenter de conjurer le sort. L’écriture parfois ampoulée et la curieuse obsession pour la Seconde Guerre mondiale dans les jeux des enfants n’empêchent pas l’émotion d’être présente ni de se dire, et on n’est pas le premier, que Jean-Edern Hallier aurait mieux fait de se concentrer sur son travail littéraire.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “Berlin, 8 août 1963
Goma : j’ai récemment écrit à Quiloflor, qu’il vous montre la lettre, les deux dernières plus exactement, car elles abondent en nouvelles. Vraiment, Goma, ce que vous êtes intelligent ! Je vous avais pourtant bien dit de ne m’adresser vos courriers SANS ACCUSÉ DE RÉCEPTION NI RECOMMANDÉ, ce à quoi vous me répondez en ne m’envoyant certes pas de recommandé mais en m’envoyant quand même un accusé de réception. Et on me réveille à 8 h du matin pour me faire signer le reçu. Ce qui est plaisant lorsqu’on a affaire à un intellect véritablement supérieur c’est qu’il s’avère imprévisible.” (Witold Gombrowicz, “Lettres inédites”, in Nouvelle Revue française n° 620, septembre 2016)
                  Lecture. Alibi noir (Black Alibi, William Irish, , 1942 pour l’édition originale, Presses de la Cité, coll. Un mystère n° 278, 1956 pour la première traduction française, rééd. Presses de la Cité, coll. Omnibus, vol. « Nuit noire », 1994, d’après la traduction de M. Michel-Tyl et Bruno Albert-Guillaume; 948 p., 135 F).
                                Familier des grandes villes américaines anonymes, William Irish donne ici une touche d’exotisme à son oeuvre avec une histoire située en Amérique du Sud, où un jaguar défraie la chronique avec des meurtres à répétition. Mais s’agit-il bien d’un animal ? Le problème avec les meurtres à répétition, qu’ils soient perpétrés par un animal ou par un homme, c’est qu’ils sont répétitifs et William Irish, malgré tout le talent qu’on lui accorde, n’évite pas ce travers. Le roman devient vite lassant et son dénouement, qui se tourne de façon inattendue vers l’horreur gothique, n’arrange pas vraiment les choses.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Rues curieuses.

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Charmes (Vosges), photo de l’auteur, 4 juillet 2017 / Château-Chalon (Jura), photo de Sylvie Mura, 24 août 2017
SAMEDI.
              Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.
              Football. SA Spinalien – Saint-Maur Lusitanos 2 – 1. Après les dentelles de la Coupe du monde, retour au football de caniveau avec combat de phacochères dans la surface et ballet de crampons en zone maxillo-faciale. Je préfère.
              Film vus. L’Amant double (François Ozon, France – Belgique, 2017)
                             Nocturne indien (Alain Corneau, France, 1989)
                             HHhH (Cédric Jimenez, É.-U. – France – R.-U. – Belgique, 2017)
                             L’Âge des possibles (Pascale Ferran, France, 1995)
                             De plus belle (Anne-Gaëlle Daval, France – Belgique, 2017)
                             L’Âge d’homme… maintenant ou jamais ! (Raphaël Fejtö, France, 2007).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
802-min
Montreuil (Seine-Saint-Denis), photo de Jean-Christophe Soum-Fontez, 23 mars 2011
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 30 octobre 2016. 30 km. (31567 km).
802 (7)-min
100 habitants

   De loin, j’ai cru que j’avais trouvé le monument : un socle avec un homme en buste, pas vraiment l’air du Poilu mais portant moustache, une palme sur la face avant, mais la date du 30 septembre 1899 montre vite que l’on a fait fausse route. Nous sommes devant la Mairie, la rue est celle du Docteur Villemin. Logiquement c’est de lui qu’il s’agit. Effectivement, une plaque peu lisible signale, un peu plus loin, que nous sommes en présence de la maison natale du Docteur Jean-Antoine Villemin “auteur de la découverte de la contagiosité de la tuberculose”. C’est donc le Villemin de l’ancien hôpital Villemin de Paris qui était situé à l’emplacement de l’actuel Jardin Villemin devant lequel je passe lors de chacun de mes séjours parisiens, entre la gare de l’Est et le canal Saint-Martin.

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   Mais n’oublions pas le but de notre voyage. Sur le mur arrière de la Mairie est fixée une plaque.

802 (5)-min

Hommage

De la commune et des habitants de Prey

A leurs morts glorieux

De la Grande Guerre 1914-1918

CUNIN Louis tué le 11 juin 1918 en Albanie

DURUPT Alphonse décédé à Toul le 3 septembre 1918

KIENZEL Albert tué le 22 juillet 1916 à Assevillers (Somme)

WOLFF Charles disparu le 3 mars 1915 à Lorette

             Poil à l’affiche.

802 (8)-min

Bon dimanche,

Philippe DIDION

5 août 2018 – 801

DIMANCHE.
                   Football. L’intérêt d’un match de football tient, à mes yeux du moins, à deux éléments. Le premier, et ce ne sont pas les Belges ni les Croates qui vont dire le contraire, c’est que le plus fort ne l’emporte pas à tout coup. Le second, lié d’ailleurs au premier, c’est qu’il ménage toujours une part d’injustice. Penalty inexistant, hors-jeu flagrant, faute passée inaperçue, corner ou remise en jeu, main ou pas main, toutes ces choses qui font hurler les tribunes et contre lesquelles les instances dirigeantes ont entrepris de lutter sans se rendre compte qu’elles allaient ainsi enlever un ingrédient essentiel du jeu. Plus la peine désormais d’envoyer un arbitre aux chiottes, il y va tout seul et s’arrête en chemin pour regarder la télé. L’usage de la vidéo est en passe de rendre les matches de football interminables et aussi insipides que ceux des autres sports collectifs où c’est, on y revient, toujours le plus fort qui gagne. L’équipe de France, ce soir et tout au long de la compétition, n’était pas la plus forte et elle l’a emporté. Elle est aussi championne du monde parce que ses joueurs ont oublié d’être bêtes. Hors du terrain d’abord en se pliant aux exercices de communication, répétant à l’envi les éléments de langage qu’on leur avait fait apprendre avec une docilité propre à faire pâlir un député macronien : ambiance parfaite, mise en avant du collectif, mise en sommeil de l’ego, soif de vaincre, amour du maillot, respect de l’adversaire, etc. Sur le terrain ensuite en mettant en pratique ces préceptes, ce qui était plus inattendu. Les joueurs de 2018 n’étaient pas plus forts que ceux qui les ont précédés et qui ont échoué dans la conquête de la Coupe du monde. Ils étaient, momentanément peut-être, moins bêtes. La bêtise à front de taureau des Anelka, Ribéry, Évra, Nasri, Domenech, c’est un échantillon, ne pouvait décemment être couronnée d’un trophée mondial. Il y a là, pour une fois en football, une forme de justice.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “18 juillet [1963]. Hôtel du Palais, Biarritz
Lettre de Josette Day. – … À mon arrivée, Biarritz ressemblait à une baignoire vide dont la douche coulait. Aujourd’hui, il fait un temps à chandails, ce que j’aime. La plage grouille de joyeuses colonies de vacances et sent le pique-nique, mais nous, sous le bouc de l’Empereur, nous vivons dans le calme distingué et plutôt emm…
“Hinano est maigrelette, petit poisson fossilisé, mais très belle. Elle ne veut pas jouer sur la plage, adieu pelle et pâtés, et préfère le bleu Matisse de la piscine.
“Rencontré Charlie de Beistegui. La méchanceté sur deux cannes. À fuir. Demain, je me mets au boulot : bronzage et lectures + les bains. 21°. Dites à Jacques B. que les cures de sagesse sont payantes. Au dernier bulletin : foie de jeune fille.
“Matthieu, mon ami, je voudrais longuement vous écouter, vous découvrir au-delà d’une certaine armure…” (Mathieu Galey, Journal intégral 1953-1986)
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Littérature de façade à Paris (Seine), rue Champollion, photos de l’auteur, 17 juin 2017.
    
SAMEDI.
              Lecture. Les Pièges de l’exil (The Other Side of Silence, Philip Kerr, Putnam, 2016 pour l’édition originale, Le Seuil, 2017 pour la première traduction française, rééd. Points Policier P 4801, 2018, traduit de l’anglais par Philippe Bonnet; 408 p., 7,90 €).
                            En enlevant Philip Kerr au Masque, Le Seuil pensait faire une opération juteuse. Elle le sera moins que prévu car l’auteur est mort en mars dernier à l’âge de 62 ans. Le Seuil aura eu le temps de publier deux romans, celui-ci et le suivant, de la série consacrée à Bernie Gunther ce qui est peu, même s’il reste des inédits à traduire. Sans qu’il y ait relation de cause à effet, Les Pièges de l’exil est un élément des plus faibles de la série. Sa situation historique, la Guerre froide, nous conduit dans une histoire d’espionnage à laquelle on ne comprend quasiment rien. Son intérêt principal tient au fait qu’il met en scène Somerset Maugham – qui fut réellement un élément des services d’espionnage britanniques – dans le cadre de sa villa sur la Côte d’Azur. C’est tout ce que je sais sur cet auteur : jeune étudiant en langue anglaise, j’ai passé tellement de temps à apprendre à prononcer correctement son nom que je n’ai jamais trouvé le temps de le lire.
               Films vus. Chronique des événements amoureux (Kronika wypadków milosnych, Andrzej Wajda, Pologne, 1986)
                                Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy’s House, Gurinder Chadha, R.-U. – Inde – Suède, 2017)
                                Au Bonheur des Dames (Julien Duvivier, France, 1930)
                                Rodin (Jacques Doillon, France – Belgique – É.-U., 2017)
                                Le Tonnerre de Dieu (Denys de La Patellière, France – Italie – R.F.A., 1965)
                                Le Prestige (The Prestige, Christopher Nolan, É.-U. – R.-U., 2006).
               L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), rue de Vaugirard, photo de Pierre Cohen-Hadria, 19 mars 2011
               Poil et plume. “Il n’a cependant pas toujours été si glabre, il a tout essayé dans sa jeunesse : favoris à vingt-cinq ans, assortis de monocle et châtelaine, barbe en pointe à trente suivie d’une barbe carrée puis d’un essai de moustache. À trente-cinq ans il a rasé tout cela, réduisant du même pas sa chevelure qui, de bouffante, est à jamais devenue stricte et plate et vite blanche.” (Jean Echenoz, Ravel)
DIMANCHE.
                   Transhumance. “Vague frange du désert central avec sa préfecture au nom broussailleux, la Creuse ne fut jamais le théâtre de quoi que ce soit”, écrivait Bergounioux. Elle se contente d’être le cadre de nos séjours estivaux, ce qui rehausse de suite son prestige. Les temps qui ont précédé notre départ ont été un rien tourmentés avec une situation familiale préoccupante sur le plan sanitaire mais les choses semblent aller dans le bon sens et nous permettent de prendre la route ce matin. L’auto est chargée des choses essentielles, les cannes pour les poissons, les jumelles pour les oiseaux, la loupe, le filet et Jean-Henri Fabre pour les insectes.
                   Lecture. Tour de France des villes incomprises (Vincent Noyoux, Éditions du Trésor, 2016 pour l’édition originale, rééd. Pocket, coll. Aventure humaine n° 17006, 2018; 212 p., 6,40 €).
                                 L’auteur a sélectionné et visité un certain nombre de villes et de sites qu’il ne viendrait à l’idée de personne de choisir comme lieu de destination : Vesoul, Maubeuge, Vierzon, Cergy et autres perles. Son contre-guide touristique est toujours intéressant, souvent amusant et parfois émouvant, voir le chapitre consacré à la vallée de la Fensch.  On ne s’étonnera pas de trouver Guéret parmi les lieux élus : “La ville boude derrière ses façades grises, les commerces ont connu des jours meilleurs, on cherche à se garer près de la rivière mais il n’y en a pas.” Contrairement à ce qui se passe pour les autres endroits qui finissent par révéler quelque richesse insoupçonnée, l’auteur a bien du mal à trouver pour ce lieu une once d’intérêt : “Il faut se contenter de peu quand on visite Guéret.” Ou alors appartenir à la famille d’un notulographe et craindre de fâcher celui-ci.
                   Vie entomologique. Identification d’un Clairon des ruches et d’un Tabac d’Espagne.
LUNDI.
           Vie entomologique. Identification d’un Cuivré commun et d’un Petit sylvain.
MARDI.
           Vie entomologique. Identification de deux libellules, sans totale certitude. Elles portent des noms différents selon le guide consulté : Leste brun et Agrion à larges pattes pour l’un, Brunette hivernale et Pennipatte bleuâtre pour l’autre.
           Lecture. Mon témoignage sur l’affaire Conty le tueur fou de l’Ardèche (Henri Klinz, Mareuil Éditions, 2017; 304 p., 18 €).
                         Les notuliens historiques connaissent mon intérêt pour l’affaire Conty et les raisons de celui-ci, exposées dans le numéro 235 de juillet 2005. Le tueur fou de l’Ardèche s’est volatilisé en 1977 et n’a jamais été retrouvé, même si l’on croit toujours le voir ici ou là, comme en témoignent les articles du Dauphiné qui paraissent régulièrement à son sujet et que m’adresse mon ami H. Sur le plan éditorial, le front est plutôt calme depuis le livre de Yannick Blanc, Les Esperados, sorti en 1984. Aujourd’hui paraît le témoignage d’un gendarme, celui qui vit son collègue tomber sous les balles de Conty et qui ne doit qu’à un miracle – une arme enrayée – de n’avoir pas connu le même sort. Henri Klinz avoue avoir écrit ce texte pour des raisons thérapeutiques, pour essayer d’en finir avec une histoire qui le hante depuis quarante ans. Son récit ajoute peu de choses nouvelles, sinon des suppositions, mais a le mérite de raconter l’enquête de l’intérieur. Il permet de voir les conditions et les méthodes de travail courtelinesques de la gendarmerie rurale de l’époque, qui n’avaient guère changé quelques années plus tard au moment de l’affaire Grégory, autre fiasco retentissant de la maison Pandore.
MERCREDI.
                  Vie entomologique. Identification douteuse d’un Cryptocéphale soyeux, impossible d’un diptère qui résiste à mes recherches.
                  Éphéméride. “25 juillet [1941].
Les Russes tiennent toujours et l’avance allemande est très ralentie. Les assaillants trouvent évidemment là-bas une défense à laquelle ils ne s’attendaient pas.
Pendant ce temps, nous multiplions les abandons. Maintenant c’est l’Indochine que nous perdons. Les Japonais profitent de notre débâcle pour s’en emparer. Le prétexte de leur occupation est qu’ils veulent empêcher les Anglais de l’envahir. De toute manière, l’Indochine faisait l’objet de visées. Nous avions le choix entre les Japonais et les Anglais. Avec les premiers, nous sommes sûrs de ne pas y retourner, avec les seconds, il y avait une promesse formelle de restitution. La promesse valait ce qu’elle valait, mais le gouvernement de Vichy a choisi la première solution parce qu’elle faisait le jeu de nos ennemis.” (Maurice Garçon, Journal 1939-1945)
JEUDI.
          Vie entomologique. Identification d’une Punaise verte.
          Vie en Creuse. Je déniche à Aubusson un calendrier des postes contenant la liste des communes du département – que j’aurais pu trouver facilement sur Internet, je sais, je m’en fous. L’inquiétude se lit dans les yeux des miennes qui voient se profiler à l’horizon (2 juin 2022 ?) la menace d’un IPAD creusois.
VENDREDI.
                  Vie entomologique. Identification d’une Ischnure élégante, ou Agrion élégant.
                  Vie littéraire. Identification, au rayon fruits et légumes du Monoprix de Guéret, d’Hugues Bachelot, sosie de Charles Vanel, petit-neveu de Jouhandeau et maître-d’œuvre des Rencontres de Chaminadour. Nous devisons un moment entre radis et poireaux, je lui parle du livre de Vincent Noyoux dans lequel il apparaît, ce qu’il ignorait, et nous nous donnons rendez-vous en septembre.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe.
Montluçon (Allier), photo de l’auteur, 2 août 2016
   C’est bien joli, c’est la marque d’un noble souci, ça donne bonne conscience mais à chaque fois que je tombe sur une inscription de ce genre, ce n’est pas aux arbres que je pense mais au type qui essaie vaille que vaille de gagner trois francs six sous en fourguant ses prospectus et ses canards gratuits. Je préfère pour ma part les accueillir dans ma boîte aux lettres et les mettre aussitôt à la poubelle ( bac “à recycler”, j’ai aussi droit à la bonne conscience).
SAMEDI.
              Film vu. Le Beau Serge (Claude Chabrol, France, 1958).
              Lecture. La Maison rose (Pierre Bergounioux, Gallimard, coll. nrf, 1987; 168 p., s.p.m.). Bergounioux était samedi dernier à Ussel (Corrèze), là où je l’avais rencontré en 2016 et 2017. Cette année, notre départ plus tardif n’aura pas permis de retrouvailles. Je m’en suis excusé auprès de lui et lui ai envoyé un Petit monarque pour le consoler d’une déception qu’on imagine immense.
              Vie entomologique. Identification d’un Criquet des pâtures.
              Vie touristique. Identification des lieux de tournage du Beau Serge, à Sardent (Creuse). La plupart sont facilement reconnaissables, l’église, la place avec le monument aux morts (pour lequel j’ai l’œil du professionnel), le cimetière (qui renferme deux tombes “Famille Chabrol”, le père de Claude, Yves, doit être dans l’une d’elles), le café (fermé depuis peu, bel article dans Libération récemment), la maison face à l’école où loge Brialy. Dans le film, celui-ci est un jeune homme qui revient au pays pour convalescence après avoir vécu à Paris. Les gens qu’il croise lui disent que le bourg se meurt. On est en 1958. Il n’a pas ressuscité depuis.            
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), rue de la Croix-Nivert, photo de Pierre Cohen-Hadria, 19 mars 2011
              Poil et plume. Il y a coiffeur et coiffeur. On connaissait déjà le coiffeur de ville et le coiffeur de campagne. J’ai inventé le coiffeur colonial ! Qu’est-ce que c’est ? Un homme qui digère bien, qui sait d’où vient la fièvre, qui la guette et la tue et qui est satisfait du climat. Je n’ai pas de boutique. Je suis le coiffeur à bicyclette, autrement dit le coiffeur à pédales. On me téléphone, une voix dit : “Tartass, montez à Koulouba tailler les cheveux de M. le gouverneur.” En selle ! En selle ! Cinq kilomètres de côte. Tartass arrive à Koulouba. Je ne prétends pas que la colonie pourrait se passer de gouverneur, en tout cas aucun gouverneur ne pourrait se passer de Tartass. Ah ! je suis content ! content ! Ne pas avoir peur des distances, voilà le secret de la réussite. Je vais opérer à Kayes, à cinq cents kilomètres de ma résidence. Oui, monsieur, Tartass fait cela. À l’aller comme au retour, il taille et rase dans le train. Savez- vous que Tartass est la préoccupation de tous les broussards de Tombouctou à Dakar ? Deux mois avant, ils se disent : “Pourvu que Tartass soit dans le train !” Il y est, tondeuse en main, ciseau en bandoulière, rasoir entre les dents. De station à station, de compartiment en compartiment, sur toute la ligne, son nom vole. Il vole comme un papillon du soir, chargé d’espoir. Les barbus seront glabres et les hirsutes transfigurés.” (Albert Londres, “Tartass ou le coiffeur à pédales” in Terre d’ébène)
DIMANCHE.
                   Vie entomologique. Identification d’un Orthétrum réticulé et d’un Flambé.
LUNDI.
           Vie entomologique. Identification d’un Calosome doré.
MARDI.
           Vie entomologique. Identification d’un Bombyx disparate.
MERCREDI.
                   Vie en Creuse. Depuis notre découverte du pays en 2001, j’ai eu le temps de prendre mes marques. Ici, dans le triangle Aubusson – Gouzon – Guéret, je suis en terrain connu : j’ai mon nom (immense fierté) sur une boîte à lettres, je lis La Montagne avec le même soin et le même intérêt que Vosges Matin, je suis enregistré au chef-lieu à la pharmacie Pascal, j’ai ma carte de fidélité à la pâtisserie et au camion de pizza, je choisis toujours la caisse de Cindy à l’Intermarché de Sainte-Feyre et celle de Lucette au Monoprix de Guéret, je sais qui fabrique le meilleur creusois et le meilleur pâté de pommes de terre, je sais quel buraliste vend – vendait, j’ai acheté le stock – les dernières cartes postales antiques en noir et blanc. Il m’est même arrivé à deux reprises d’être pris pour (confondu avec, plutôt) quelqu’un du cru à Ahun (“Salut Robert !”) et dans un village proche (“Tiens, v’là l’Robert !”). S’entendre appeler Robert ne rajeunit personne mais j’ai à chaque fois soulevé poliment ma casquette, qui n’était peut-être pas pour rien dans la naissance de ce quiproquo. Côté littérature, je n’ai jamais pu entrer en contact avec Pierre Michon mais je suis à tu et à toi avec Agnès Castiglione, le gardienne de son œuvre. Bref, en Creuse, j’ai l’impression d’être chez moi. Et où passer de meilleures vacances que chez soi ?
                  Éphéméride. “1er août [1930]
Je vais acheter des cigarettes à Criquetot.
La vue de ce médiocre petit village (du reste si parfaitement semblable à quantité d’autres de la région), chaque fois que j’y retourne, m’assombrit. Quelle insuffisante préoccupation de l’hygiène, du confort, du bien-être, de la gaieté ! (Savante gradation dans le choix des mots.) Une sorte d’économie sordide semble avoir dicté l’emplacement et l’étrécissement des demeures, où seuls puissent réaliser un semblant de bonheur des êtres également sordides; où toute aspiration vers une situation meilleure soit condamnée à languir misérablement. Là tout est laid, mesquin, figé. Aucun jardin public, aucun lieu, que le cabaret, pour se réunir le dimanche; aucun chant, aucun jeu, spectacle ou musique; aucune invite à se distraire un instant de sa peine et de ses plus égoïstes intérêts. Il est peu de pays où l’on se sente moins heureux de vivre, malgré sa relative prospérité. Et je songe avec mélancolie à ces nouveaux villages, que j’ai pu voir en Allemagne, où tout semble aimable, maisons et gens…” (André Gide, Journal)
JEUDI.
          Lecture. Le Tour de la France par deux enfants d’aujourd’hui (Pierre Adrian & Philibert Humm, Éditions des Équateurs, 2018; 324 p., 20 €).
                        Le livre sortait à peine lorsque j’ai rencontré Philibert Humm à Jaligny. Depuis, il a eu une belle presse et semble rencontrer un joli succès public. Il m’aura cependant déçu. Peut-être parce que j’attendais quelque chose de plus littéraire, plus collé au texte source d’Augustine Fouillée. La promenade des deux jeunes gens est certes agréable à suivre, leurs commentaires sont souvent pertinents, l’humour y est bienvenu mais l’ensemble est assez convenu, parfois proche du cliché (épisodes de Lens et de Marseille). L’écriture à quatre mains n’apporte rien, chacun prenant la plume à tour de rôle pour se moquer gentiment de l’autre, ce qui devient rapidement lassant. Les auteurs rappellent honnêtement que leur tentative de refaire l’itinéraire du livre originel n’est pas la première : en 1977, Anne Pons avait publié chez Tchou Le Tour de France par Camille et Paul, deux enfants d’aujourd’hui.
          Vie entomologique. Identification d’un Téléphore fauve. Pardon pour cette accumulation fastidieuse mais les notules me servent aussi de pense-bête, voire, en l’occurrence, de pense-bêtes.
VENDREDI.
                  Vie halieutique. Fin de ma campagne annuelle de pêche, laquelle fut moins riche en prises que la précédente. En fait, il n’y en eut qu’une de notable, mais quelle. Une carpe plus vieille que moi, une espèce de sanglier des eaux lourd comme un sac de plomb. Un pêcheur se serait empressé de mesurer la bête, de la peser, de la photographier pour Facebook après avoir alerté la presse locale. Je me suis contenté d’une photo à usage privé. Pas par modestie : je suis très fier de cette capture car c’est un véritable exploit pour le perpétuel débutant que je suis, qui ne sait pas faire un nœud correct et dont les lancers feraient se gondoler les spectateurs s’il y en avait. Un pêcheur, un vrai, attrape de gros poissons comme un boulanger fait du pain, c’est normal, il est là pour ça. L’exploit, c’est autre chose, c’est du domaine de l’inattendu, c’est la réalisation d’un acte n’appartenant pas à la sphère des compétences. C’est mon facteur qui gagne le Tour de France, c’est moi qui pêche un gros poisson.
                   Lecture. Cosme (Guillaume Meurice, Flammarion, 2018; 336 p., 19,90 €).
                                 Guillaume Meurice nous livre, après tant d’autres, une interprétation possible du fameux sonnet “Voyelles” de Rimbaud. Cette interprétation, reposant en partie sur l’examen du manuscrit, est fort intéressante. Est-elle nouvelle ? Est-elle plausible ? Jean-Jacques Lefrère n’est plus là pour nous éclairer et les rimbaldiens ne se sont pas encore exprimés à ce sujet. Il faut cependant attendre les vingt dernières pages du roman, plutôt médiocre, pour la découvrir et on peut regretter que l’auteur ait choisi cette forme littéraire pour dévoiler sa trouvaille – ou celle de son personnage. Un simple article nous aurait fait gagner du temps.
                   Le cabinet de curiosités du notulographe. Présence capitale – mais modeste – dans les provinces françaises.
   801 (9)
Charmes (Vosges), photo de l’auteur, 3 juillet 2017 / Felletin (Creuse), photo du même, 5 août 2016
 SAMEDI.
              Film vu. Le Môme (Alain Corneau, France, 1986).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
Poitiers (Haute-Vienne), photo de François Bon, 25 mars 2011
              Poil et pellicule.
Luis Buñuel, un merlan andalou
Bon dimanche,
Philippe DIDION