2 septembre 2018 – 805

DIMANCHE.

Lecture. Fatale (Jean-Patrick Manchette, Gallimard, 1977, rééd. in Jean-Patrick Manchette « Romans noirs », Gallimard, coll. Quarto, 2005; 1344 p., 29,50 €).

On comprend, à la lecture de ce roman, les réticences de Robert Soulat à le faire paraître dans la Série Noire : trop mince, trop simple, trop radical, trop noir, peut-être, tout simplement. Il est vrai que cette histoire de tueuse névrosée ne fait pas dans la subtilité : la jeune femme débarque dans une ville de province et zigouille tous les notables, impliqués dans diverses magouilles, avant de se tuer. Soit. Mais il reste l’écriture de Manchette – qui explique d’ailleurs que le livre ait été tout de même accueilli, hors collection, par Gallimard : un mélange de nonchalance et de rigueur, un culot monstre qui lui fait inclure, sans guillemets, un paragraphe de Hegel dans la bouche d’un personnage, un mélange des registres, un mouvement de balancier qui fait alterner les images les plus plates et les comparaisons les plus inattendues, une patte dont on peine à trouver l’équivalent à l’époque (seul ADG, à l’autre bout du spectre idéologique, peut s’en approcher) ou aujourd’hui (Houellebecq ?).

LUNDI.

Lecture. Revue des Deux Mondes, novembre 2016 (184 p., 15 €).

“Peut-on penser librement en France ?”

Lecture. Schnock n° 21 (La Tengo, décembre 2016; 176 p., 14,50 €).

Michel Audiard.

MARDI.

Malfantômas.

805-min

Marc-Gabriel Malfant, Autoportrait hétérocéphale, 31 mai 2018

Lecture. Un monde à portée de main (Maylis de Kerangal, Verticales, 2018; 285 p., 20 €).

Maylis de Kerangal est une femme de classe, belle allure, qui m’impressionne lorsque je la vois à l’automne aux Rencontres de Chaminadour où elle forme un duo contrasté avec la silhouette toute balzacienne de Mathias Énard. Pour autant, je ne l’avais jamais lue avant d’entreprendre ce roman, première et peut-être seule concession faite à la rentrée des classes littéraire – il y a bien le petit Mathieu, mon compatriote, qui semble intéressant mais pas question de filer un fifrelin à Actes Sud. Contentons-nous donc de Maylis. Le sujet est fouillé (l’histoire d’une jeune femme qui étudie puis pratique le trompe-l’œil), documenté à l’extrême, le style ample, la phrase puissante. Influence de Chaminadour ? Je ne peux m’empêcher d’y voir une certaine proximité avec l’écriture de Michon, ce qui n’a rien de honteux, et pas seulement dans les phrases en cascade. Michon et Kerangal fonctionnent à rebours du roman ordinaire dans lequel le personnage semble conscient du regard que posent sur lui l’auteur et le lecteur. Chez eux, le personnage vit sa vie sans s’en préoccuper. L’auteur n’en donne qu’un aperçu furtif, le surprend dans telle ou telle étape de son parcours, est obligé d’imaginer ce qu’il ne voit pas, ce qu’il ne sait pas de lui. C’est le fameux “J’aimerais croire que…” de Michon dont on s’approche ici à plusieurs reprises. Le fait de situer le dernier épisode du roman à Lascaux, où l’héroïne est embauchée à la copie des fresques, rapproche aussi de La Grande Beune, le roman préhistorique de Michon, à la lecture duquel il peut servir de très belle introduction.

MERCREDI.

Lecture. L’Œil ébloui (Georges Perec & Cuchi White, Chêne/Hachette, 1981; n.p., 125 F).

J’ai voulu vérifier si Maylis de Kerangal n’avait pas, dans les passages qu’elle consacre à la technique du trompe-l’œil, emprunté une phrase ou plus au texte que Perec écrivit pour présenter les photos de Cuchi White sur ce sujet. Apparemment non. Je me promets toutefois de lui demander à l’occasion si elle connaît ce livre.

Éphéméride. “29 août 1943, Le Savoureux

Chateaubriand pas attaché à ses livres, et peu à la religion.

Grasset dérangeant tout le monde deux fois par nuit – méchant avec sa secrétaire à qui il essaie de faire du tort. Quand les Allemands à Paris, a prétendu n’avoir vu que 2 fois [Otto] Strasser et ignorer ce qu’il était devenu.

Le chanoine Mugnier se fait lire Les Martyrs, mais trouve détestable le merveilleux chrétien. Ses mots : [“]Croyez-vous à l’enfer ? – Oui, mais pour moi seulement.[“] A écrit Journal sauvegardé par Le Savoureux.” (Jean Grenier, Sous l’Occupation)

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Pour rester propre.

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Paris (Seine), rue Custine, photo d’Alice Cohen-Hadria, 19 novembre 2017 / Nice (Alpes-Maritimes), photo de Gérard Noël, 16 décembre 2017

SAMEDI.

  Films vus. Visages villages (JR & Agnès Varda, France, 2017)

Mensonge (François Margolin, France, 1993)

Problemos (Éric Judor, France, 2017)

Le Syndrome de Stendhal (La sindrome di Stendhal, Dario Argento, Italie, 1996)

Grand froid (Gérard Pautonnier, France – Belgique – Pologne, 2017)

Le Testament du docteur Mabuse (Das Testament des Dr. Mabuse, Fritz Lang, Allemagne, 1933).

  L’Invent’Hair perd ses poils.

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Montescot (Pyrénées-Orientales), photo de Marc-Gabriel Malfant, 23 mars 2011 / Uxegney (Vosges), photo de l’auteur, 18 octobre 2015

Invent’Hair, étude de cas. Dimanche, Bernard Bretonnière, fidèle contributeur du chantier (41 photos au dernier bilan), m’envoyait la photo d’un salon Créa’tif sis à Aunac-sur-Charente (Charente), envoi assorti d’une demande : combien l’Invent’Hair comptait-il de salons ainsi nommés ? La question est plus difficile qu’on peut le croire. La nomenclature établie le 25 avril 2010 (notules n° 443) répertoriait trois axes majeurs dans les intitulés des salons : l’axe Hair, l’axe Coif et l’axe à Tif, trois axes qui regroupent, à ce jour, 63,8 % du corpus. Dans l’axe à Tif, la branche Créatif contient de nombreuses ramifications :

– Créatif : 10 éléments

– Créatifs : 1 élément

– élément antéposé + Créatif (ex. Esprit Créatif) : 7

– Créatif + élément postposé (ex. Créatif Coiffure) : 4

Passons maintenant au cas complexe de la césure, marquée par le trait d’union ou l’apostrophe, en laissant de côté le problème de l’utilisation des majuscules ou minuscules qui nous entraînerait plus loin encore :

– Créa-tif : 3 éléments

– Créa-tifs : 3

– élément antéposé + Créa-tif : 1

– élément agglutiné + Créa-tif : 1 (Récréa-tif)

– élément antéposé + Créa-tifs : 2

-Créa’tif : 20 éléments

– Créa’tifs : 11 éléments

– élément antéposé + Créa’tif : 7

– élément agglutiné + Créa’tif : 2

– Créa’tif + élément postposé : 2

– élément antéposé + Créa’tifs : 3

Cas des guillemets :

– “Créa-tif” : 1 élément

– Créat”tifs” : 1

On a remarqué, dans ce dernier, cas, le doublement du t. Le doublement du f est plus fréquent :

– Créa tiff : 2 éléments

– Créa’tiff : 3

– Créa’tiffs : 1

– Récréa tiff : 1

Dans les enseignes utilisant des majuscules, nous avons considéré le E de CREATIF comme étant accentué. Une seule enseigne possède un e minuscule non accentué, Creatif à Riga (Lettonie). Signalons aussi, dans le domaine étranger, la présence d’un salon Creative Cutting à Cassino (Italie). On ne trouve pas, à ce jour, de Créatyf, tyff ou typhe, ni de Craie à tifs – qui serait pourtant bienvenu. Notons, pour conclure, qu’une étude aussi précise et aussi captivante, consacrée à l’intitulé “L’Hair du temps”, a paru dans le n° 19 de la revue Les Refusés (Nancy, 2017).

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 20 novembre 2016. 125 km. (31939 km).

805 (6)-min

96 habitants

   Le monument, signé Roche-Petiot à Senones, est récent. C’est une construction de granit poli, plantée au sommet du village, derrière de gros conifères taillés en boule. Une flèche ornée d’une Croix de Lorraine est flanquée de deux dalles verticales supportant deux sphères. De la bruyère et des chrysanthèmes décorent l’ensemble, avec les compositions datant du 11 novembre (Fleurs de Salm, à Senones). Un Christ portant sa croix surmonte l’inscription.

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Aux enfants du Puid

Morts pour la France

   Dalle de gauche :

Guerre 1914-1918

AUCLAIR Adolphe

CAUMONT Maurice

CHARPENTIER René

MARCHAL Édouard

MARCHAL Léon

Victimes civiles

CAUMONT Julien

EYMANN Fortuné

LAUNAY Joseph

MARCHAL François

Mort aux Armées

MAGISTRIS Henri

   Dalle de droite :

Guerre 1939-1945

A nos martyrs déportés

19 noms sur deux colonnes

   Une plaque : “Sous ce monument ont été déposées des cendres de Dachau”.

  Poil et deuil.

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Le Monde, 16 décembre 2016

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

 

 

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