29 septembre 2019 – 850

LUNDI.

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Anthony Ryan, Le Seigneur de la Tour : Blood Song, tome 2, Bragelonne, 2015.

MARDI.

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, J’ai lu, 2007.

MERCREDI.

Éphéméride. “18 septembre [1931] 50 a – Dans le tramway. Je donne mes trois tickets au contrôleur; il les laisse échapper et ils s’envolent. Il veut me les faire repayer. Je m’y refuse. Finalement je lui dis : “Tenez, ça ne me fait rien, je suis riche, je ne suis pas à vingt-quatre sous près, etc., je les paye.“ Lui : “Bon, très bien. Voici. Mais vous étiez dans votre droit.” Moi : “Eh bien ! Ça vous épate peut-être, mais je ne les payerai pas.” Il veut me sortir. Je résiste. Je m’enferme dans le tramway. On le dirige sur le dépôt. Puis une femme entre; elle est grande, assez laide et a des bas de soie couleur champagne mal tirés. C’est dieu. D’ailleurs moi aussi, je suis dieu.” (Raymond Queneau, Une campagne de rêves, 1928-1932)

Lecture. En attendant le jour (The Late Show, Michael Connelly, Little, Brown & Company, New York, 2017 pour l’édition originale; Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente…, 2019 pour la traduction française, traduit de l’américain par Robert Pépin; 432 p., 21,90 €).

Face au vieillissement de son personnage fétiche Harry Bosch, Michael Connelly a longtemps cherché des subterfuges pour ne pas l’abandonner, faisant de lui un semi-retraité amené à donner un coup de main occasionnel à ses anciens collègues. Cette fois, le cordon semble être enfin rompu puisqu’il met en scène une nouvelle héroïne, Renée Ballard, jeune et active au sein de la police de Los Angeles. Elle possède bien des points communs avec son illustre devancier : outre ses qualités d’enquêtrice, elle entretient des liens compliqués avec sa hiérarchie qui l’amènent à lutter à la fois contre les criminels et contre ses supérieurs. Comme Harry Bosch, Renée Ballard triomphera de ces difficultés. C’est que comme Harry Bosch, elle a un atout appréciable dans sa manche : elle sait tout. Connelly ne se prive pas de le faire savoir et c’est devenu chez lui un tic d’écriture : le nombre de phrases qui commencent par « Elle savait que… » est incalculable. Renée Ballard sait donc comment vont réagir ses partenaires ou adversaires dans telle situation, elle sait comment court-circuiter les procédures ordinaires, elle sait ce qui se cache derrière tel geste ou telle attitude, elle sait toujours quelle personne contacter, quelle personne éviter, elle sait tout, absolument tout. Le doute n’existe pas chez les personnages de Connelly, ce qui empêche toute identification, toute empathie. Le lecteur admire la façon dont ils se débrouillent dans le monde extraordinairement complexe de la police et de la justice californiennes, il admire la façon dont l’auteur le guide dans ce labyrinthe sans le perdre, mais l’émotion reste absente. Les héros de Connelly sont des monstres froids.

JEUDI.

Brèves de trottoir.

850-min 850 (4)-min *

* Arthur Rimbaud

VENDREDI.

Lecture. Prudence Hautechaume (Marcel Jouhandeau, Gallimard, 1927; rééd. in “Chaminadour, contes nouvelles et récits”, Gallimard 2006, coll. Quarto; 1540 p., 29,90 €).

Le cabinet de curiosités du notulographe. Aperçu d’une collection de Lion d’or.

850 (2) 850 (3)-min

Chassigny (Haute-Marne), photo de Jean-Damien Poncet, 4 juillet 2018 / Gouzon (Creuse), photo de l’auteur, 4 août 2015

On pouvait lire ceci dans les notules 673 du 9 août 2015 : “Je lis la presse du jour dans l’auto qui nous conduit à notre lieu de villégiature, notamment un bel article du Monde sur le séjour de Nabokov à Montreux. Comme lui, j’aimerais passer la fin de ma vie à l’hôtel. Le Montreux Palace m’étant inaccessible, je me contenterais volontiers du Lion d’Or de Gouzon (Creuse) pour mes vieux jours. Ai-je dit que je collectionnais les photos d’hôtels du Lion d’Or ?” Aujourd’hui, le rêve devient réalité, le Lion d’Or de Gouzon s’ajoute à ma liste de Lieux où j’ai dormi. Dépaysement spatio-temporel assuré, meubles lourds et sombres, papier peint chamarré, abat-jour à glands, assiettes aux murs, chatons de porcelaine, petits pots d’étain et casseroles en cuivre, je ne suis plus à Gouzon, je suis à Tigreville, dans l’hôtel tenu par Albert Quentin et sa femme, Jean Gabin va surgir et m’emmener descendre le Yang-Tsé-Kiang et force cruchons en sa compagnie.

SAMEDI.

Lecture. Maurice Leblanc (Jacques Derouard, in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 1, Omnibus 2004, 1216 p., 23 €).

Films vus. 3 Billboards : Les Panneaux de la vengeance (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, Martin McDonagh, R.-U. – É.-U., 2017)

Ce bon vieux Sam (Good Sam, Leo McCarey, É.-U., 1948)

Love, Simon (Greg Berlanti, É.-U., 2018)

Je suis nous (court métrage, Noé Depoortere, France, 2019)

Un jour de pluie à New York (A Rainy Day in New York, Woody Allen, É.-U., 2019)

La Porteuse de pain (Maurice Cloche, Italie – France, 1963).

 

   L’Invent’Hair perd ses poils.

850 (5)-min

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de l’auteur, 20 mai 2011

             Poil et plume. “Dire que Madeleine était une fausse blonde, franchement, ça ne résoudrait rien. D’accord, l’hypothèse ne manque pas d’intérêt : la différence entre une vraie blonde et une fausse, c’est une bonne question. Qu’est-ce que ça veut dire, d’abord, une fausse blonde ? La couleur des poils serait-elle plus honnête que celle des cheveux ?” (Daniel Arasse, On n’y voit rien)

LUNDI.

Lecture. La Légende de Victor Hugo (Paul Lafargue, in La Défense des travailleurs, 1885, rééd. Libertalia, coll. La Petite Littéraire, 2014 ; 128 p., 8 €).

On n’a pas beaucoup entendu de mal au sujet de Victor Hugo la semaine dernière à Guéret (Creuse). Les Rencontres de Chaminadour étaient consacrées au grand homme et il a fallu attendre l’intervention de Michel Winock sur le parcours politique de Hugo pour qu’un peu de soufre se mêle à l’encens largement diffusé jusqu’alors. Paul Lafargue se montrait, en 1885, plus radical que Winock, qui s’est contenté de rappeler l’ode composée pour saluer le sacre de Charles X par un Totor de vingt-trois ans. Lafargue attaque Hugo bille en tête, quelques jours après sa mort et ses funérailles nationales, vaste opération commerciale de récupération à ses yeux. C’est un feu roulant qu’il envoie contre l’écrivain national qui n’aura été l’homme que d’une seule cause, la sienne : ami de la royauté puis de la bourgeoisie, homme d’argent, homme sans parole, menteur, dissimulateur, tout y passe. Il faut bien sûr faire la part de l’outrance dans les propos d’un socialiste qui après avoir épousé les idées et la fille de Karl Marx était du genre intransigeant. Ce qui ne l’empêche pas de savoir se tenir : à aucun moment il ne parle de la vie privée de Victor Hugo, dont on sait qu’elle ne fut pas d’une grande droiture. Ces choses-là ne se faisaient pas à cette époque, on n’en est pas fâché.

MERCREDI.

Éphéméride. “25 septembre [1903]

Nous lui donnons huit livres de pain par semaine. Timide, honteuse, comme tous les ans elle apporte ses deux poulets à Marinette et lui dit :

– J’ai essayé de me contenter de six livres, mais je n’ai pas pu.” (Jules Renard, Journal)

JEUDI.

Brèves de trottoir.

                   850 (6)-min 850 (8)-min *

* Gérard Durand

Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Scott Hawkins, La Bibliothèque de Mount Char, Denoël, 2017.

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Agences tous risques.

850 (9)-min 850 (10)-min

Tours (Indre-et-Loire), photo de Sylvie Mura, 14 septembre 2017 / Paris (Seine), avenue de Tourville, photo d’Alain Hardebolle, 13 janvier 2019

SAMEDI.

Films vus. Un couteau dans le cœur (Yann Gonzalez, France – Mexique –Suisse, 2018)

Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda, France – Italie, 1962)

850 (7)-min

Épinal (Vosges), photo de l’auteur, 24 septembre 2019

                               Guy (Alex Lutz, France, 2018)

Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari, Kenji Mizoguchi, Japon, 1953)

Paul Sanchez est revenu ! (Patricia Mazuy, France – Belgique, 2018)

Dark Crystal (The Dark Crystal, Jim Henson & Frank Oz, É.-U., 1982)

Los Medios (court métrage, Polo Menárguez, Espagne, 2018)

Au nom de la terre (Édouard Bergeon, France – Belgique, 2019).

L’Invent’Hair perd ses poils.

850 (11)-min 850 (1)-min

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de l’auteur, 20 mai 2011 / Bilbao (Espagne), photo de Jean-Damien Poncet, 27 avril 2017

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 19 août 2018. 154 km. (34 930 km).

850 (1a)-min

47 habitants

   Le faible nombre d’habitants annoncé par le calendrier des Postes ne laissait pas imaginer un monument aussi important, aussi bien tenu, ni une liste de noms aussi conséquente. L’obélisque est en effet de belle taille, en pierre propre, entouré de thuyas bien taillés et de plants de lavande mêlés à des bégonias (?) et des dahlias (?). La composition placée dans une vasque ornée d’un ruban tricolore a mal supporté les récentes chaleurs.

850 (3a)-min

1870-1871

GODARD Félicien

1914-1918

OZENNE Constant

CORNEVIN Hyppolyte

BRICARD Henri

MOUROT Gustave

MOUROT Auguste

GODARD Jules

PETIT Auguste

PETIT Henri

PETIT Camille

HUGUENEL Armand

SOYER Émile

GORGELIER Théophile

PORTE Jules

VINCENT Henri

GORGELIER Maurice

MOUGINOT Paul

SOYER Lucien

1939-1945

Aux Armées

CORNEVIN Hyppolyte

PAIN Maurice

Victimes civiles

PAIN Henri

PAIN Marthe

La commune de Romain-au-Bois

À ses morts glorieux

   Le Cornevin Hyppolyte de la Seconde Guerre mondiale est-il le fils du Cornevin Hyppolyte de la Première ?

              Poil et plume. “Je suis coiffeur. C’est une chose qui peut arriver à tout le monde. Je peux dire que je suis un bon coiffeur. À chacun ses manies, moi je n’aime pas les boutons.

C’est arrivé comme ça : je me suis mis à le raser tranquillement, je le savonnai avec adresse, j’affilai mon rasoir sur la courroie et je l’adoucis sur la paume de la main. Je suis un bon barbier ! Je n’ai jamais écorché personne et de plus cet homme n’avait pas la barbe très fournie. Mais il avait des boutons. Je dois reconnaître que ces boutons n’avaient rien de très particulier; cependant, ils me dérangeaient et me rendaient nerveux, ils me retournaient les sangs.

Le premier, je l’ai pris dans le bon sens, sans plus de mal, mais le second s’est mis à saigner par-dessous. Alors, je ne sais pas ce qui m’est arrivé, il me semble que c’est une chose tout à fait naturelle, j’ai agrandi la blessure et ensuite, sans que je puisse faire autrement, d’un seul coup, je lui ai tranché la tête.” (Max Aub, Crimes exemplaires)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

15 septembre 2019 – 849

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 29 septembre 2019.
MERCREDI.

                  Éphéméride.
“Jeudi soir [11 septembre 1958]
[JL à GP]
I need books. Rien d’autre à lire que Sélection. Si : The mirror of the sea, que tu m’offris naguère et que je lis aujourd’hui avec profit. Vraiment un grand et beau livre. Malgré mon goût pour Conrad, j’ai pourtant abandonné le Frère de la côte, qui m’a emmerdé au bout de cinquante pages. Je ne connais que Dosto qu’il faille accepter de subir pendant deux cents pages pour être emballé ensuite. Vais-je acheter Balzac ? Trop fauché. Il faut donc que je relise mes bouquins.”(“Cher, très cher, admirable et charmant ami…” : Correspondance Georges Perec & Jacques Lederer)
                  Lecture. Meurtre en clair-obscur (Murder in Black and White, David Alexander, 1951 pour l’édition originale, Presses de la Cité, coll. Un Mystère n° 100, 1952 pour la traduction française, traduit de l’américain par Jacques David, rééd. in « Polars années 50 », vol. 2, Omnibus, 1996; 1078 p., 145 F).
Tout ce qui est repris de la collection Un mystère dans ces volumes “Polars années 50” ne tient pas du chef-d’œuvre. Comme pour la Série noire de l’époque, il faut creuser pour trouver les pépites dans la masse d’auteurs et de titres américains qui déferlent. Ce Meurtre en clair-obscur ne méritait peut-être pas de passer à la postérité : son rythme échevelé donne vite le tournis et sa fantaisie bon enfant devient, à la longue, lourdingue. On peut oublier.
JEUDI.
          Brèves de trottoir.

849-min849 (6)-min**

 

* Alexandre (Jean-Pierre Léaud), dans La Maman et la Putain (Jean Eustache, France, 1973)
** Sir Seumas Boardfay
          Lecture. Le Reste sans changement (André Blanchard, Le Dilettante, 2015; 192 p., 18 €).
VENDREDI.
                  Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Raphaëlle Giordano, Cupidon a des ailes en carton, Plon, 2019.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Horloges urbaines approximatives, photos de l’auteur.
849 (2)-min849 (3)-min
Nancy (Meurthe-et-Moselle), 9 août 2016 16 h 20 / Lyon (Rhône), 26 décembre 2019 17 h 22
SAMEDI.
              Vie ferroviaire. J’ai à faire aujourd’hui à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Je me rends à la gare pour acheter un billet au guichet. J’ai mon abonnement professionnel pour la partie Épinal – Châtel-Nomexy, précisé-je au guichetier affable, je n’ai donc à payer que le reste du trajet, de Châtel-Nomexy à Nancy. Ah mais, dit le guichetier sévère, vous n’avez pas droit aux soudures. Le bricoleur qui sommeille en moi s’inquiète, s’enquiert et apprend ce qu’est une soudure en langage ferroviaire : c’est un trajet en tronçons à tarifs différents. Il me faudra donc, ajoute le guichetier bienveillant, après avoir effectué la partie gratuite de mon voyage, descendre en gare de Châtel-Nomexy pour composter le billet qui en couvre la partie payante et regrimper fissa dans le dur. Ce qui serait déjà sportif si un détail ne s’ajoutait à l’affaire en la compliquant diablement : le dernier composteur aperçu en gare de Châtel-Nomexy a disparu depuis une bonne dizaine d’années.
              Films vus. 37°2 le matin (Jean-Jacques Beineix, France, 1986)
                               Fleuve noir (Érick Zonca, France – Belgique, 2018)
                               Les Guichets du Louvre (Michel Mitrani, France, 1974)
                               je ne vois que toi (All I See Is You, Marc Forster, Thaïlande – É.-U., 2016)
                               Souffle court (court métrage, Pierre-Marie Adnet, Jean-Luc Dessertaine, Guillaume Pochez, Tristan Poulain, Vincent Rouzière, Alessandro Vergonnier, France, 2018)
                               Roubaix, une lumière (Arnaud Desplechin, France, 2019)
                               Gremlins (Joe Dante, É.-U., 1984).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
849 (1)-min  849 (5)-min
Offranville (Seine-Inférieure), photo de Charles-Édouard de Pontalba, 5 septembre 2010 / Ussel (Corrèze), photo de l’auteur, 9 août 2011
La situation inhabituelle de l’apostrophe sur l’enseigne d’Offranville est due à la présence d’un if majestueux à proximité du salon. On la trouve cependant, sans justification sylvestre, à Sézanne (Marne) et à Maubourguet (Hautes-Pyrénées) comme l’ont montré les notules 706 du 17 avril 2016.
849 (4)-min
photo de Jean-Damien Poncet, 15 juin 2019
              Poil et pellicule.
849 (7)-min
Éperdument (Pierre Godeau, France – Belgique, 2016)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

8 septembre 2019 – 848

DIMANCHE.
                   Lecture.Journal. Mémoires de la vie littéraire III. 1887-1896 (Edmond et Jules de Goncourt, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1989; 1476 p., 120 F.).
                                 Les dix dernières années du Journal des Goncourt ne sont pas des plus passionnantes. Edmond, seul aux commandes, vieillit, s’aigrit, se racornit. Certes, il n’a jamais été très jovial mais les échecs qu’il rencontre au théâtre et les ennuis que lui apporte la publication des premières années de son journal n’arrangent pas son caractère. Ces dernières pages sont marquées par des jalousies de plus en plus marquées (à l’égard de Zola notamment), des critiques de plus en plus acerbes, un isolement de plus en plus flagrant et qui serait total sans la fidélité de son dernier ami, Alphonse Daudet.
LUNDI.
           Lecture. California Girls (Simon Liberati, Grasset, 2016 pour l’édition originale, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche n° 34706, 2017; 320 p., 7,30 €).
                         Comme Quentin Tarantino réécrit l’histoire de Sharon Tate dans son dernier film, il était nécessaire de se rafraîchir la mémoire au sujet de celle-ci, notamment sur les circonstances de sa fin tragique. Bien sûr, le livre de Simon Liberati n’est pas un ouvrage historique, c’est un roman qui s’inspire de faits réels pour reconstituer la tuerie de 1969 perpétrée par les émules de Charles Manson. L’auteur brode, reconstitue les dialogues, imagine, bouche les trous laissés par les témoignages livrés lors des procès mais donne un aperçu crédible et saisissant de l’affaire, notamment dans le récit de la vie quotidienne du Spahn Ranch, siège de la Manson Family.
MARDI.
             Vie professionnelle. J’entame mon antépénultième tour de piste avec la tristesse et l’appréhension qui m’accompagnent fidèlement à ce stade de l’année. C’est parti pour de longs mois à officier en salle 23, tout en rêvant d’échappées vers le département pareillement numéroté.
MERCREDI.
                  Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Liz Rigbey, Totale éclipse, Le Livre de poche, 2008.
                  Lecture. Qui a tué l’homme-homard ? (J.M. Erre, Buchet-Chastel, 2019; 368 p., 19 €).
                                Ceci n’est pas une biographie de François de Rugy mais un polar rural tendance parodique comme ADG a pu en écrire pendant ses bons jours à la Série noire. Fort de la tendance du polar moderne à présenter des enquêteurs affectés de tares diverses, J.M. Erre prend comme héroïne une jeune fille privée de la parole et de l’usage de ses membres, rien que ça. Son enquête en fauteuil s’accompagne de digressions, de commentaires et d’adresses au lecteur dans la tradition de San-Antonio. C’est assez réussi, souvent drôle mais beaucoup trop long. Dans la même veine, J.M. Erre livre à Fluide glacial des nouvelles beaucoup plus digestes.
                  Éphéméride.
                                        « 4 septembre [1897]
Qu’il était délicieux de lire, hier presqu’au bord des étangs de Comelle, à Chantilly, les Mémoires de Mme d’Épinay ! Un vrai roman où le cynisme est à peine déguisé ! Ce XVIIIe siècle manquait de sens moral. Ce d’Épinay qui rend malade sa femme, laquelle à son tour, rend malade Dupin de Francueil… Horreur ! Ça doit encore aujourd’hui se passer de même. Ce que j’aime dans ce monde, c’est le cadre, les noms, les belles demeures, la réunion des beaux esprits, le contact des célébrités…” (Abbé Mugnier, Journal 1879-1939)
JEUDI.
          Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Toni Morrison, Playing in the Dark, Christian Bourgois, 2007 à l’aller, J.M. Coetzee, Disgrace, Vintage, 2000 au retour.
          Brèves de trottoir.

848-min 848 (2)-min*

* Avant-hier, pour une raison inconnue, un bus de ville a raté son virage et est venu défoncer la devanture de l’échoppe voisine du Tassigny Café, l’établissement qui expose ces brèves de trottoir. Grand fracas, grosse frousse, on n’est pas passé loin du balayage de terrasse façon niçoise. Du coup, D., le bistrot, est devenu beaucoup plus tolérant à l’égard des trottinettes.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Home sweet home.
848 (1)-min 848 (3)-min
Légéville-et-Bonfays (Vosges), photo de l’auteur, 14 février 2016 / Gérardmer (Vosges), photo de l’auteur, 14 avril 2017
SAMEDI.
               Lecture.Miss Harriet (Guy de Maupassant, éditions Victor Havard, 1884, rééd.  in « Contes et nouvelles », Robert Laffont/Quid, coll. Bouquins, 1988, vol. 1; 1160 p., 120 F).
                            Nouvelles.
              Football. SA Spinalien – Mulhouse 0 – 1.
              Films vus. My father, ce héros (My Father the Hero, Steve Miner, É.-U., 1994)
                               La Fête des mères (Marie-Castille Mention-Schaar, France, 2018)
                               Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon, Jacques Tourneur, R.-U., 1957)
                               Per tutta la vita (court métrage, Roberto Catani, France – Italie, 2018)
                               Fête de famille (Cédric Kahn, France, 2019)
                               Cornélius, le meunier hurlant (Yann Le Quellec, France – Belgique, 2017)
                               Roulez jeunesse (Julien Guetta, France, 2018).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
848 (4)-min 848 (5)-min
Saint-Valery-en-Caux (Seine-Inférieure), photo de Charles-Édouard de Pontalba, 4 septembre 2010 / Gérardmer (Vosges), photo de Caroline Didion, 24 juillet 2011
             IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 12 août 2018. 142 km. (34 776 km).
848 (6)-min
311 habitants

   Le monument est adossé à une belle église romane. Il porte en bas-relief une croix, une couronne et une palme. Les noms figurent sur une plaque de marbre blanc rivetée à la base de la flèche.

848 (7)-min

Aux morts

De la Grande Guerre

1914-1918

La commune reconnaissante

POTIER Gaston    ADT

BLOND Édouard    SERGT

GALAND Henri    SERGT

PETITJEAN René    SERGT

ANTOINE JosephAbbé

AURY Henri

AURY Pierre

BOGARD Pierre

BOGARD Hubert

BLONDEL Émilien

CHAMBRÉ Jules

COURRIÈRE Camille

ÉMERAUX Jules

GEORGES Ernest

HENRY Émile

JACQUOT Louis

TROUCHARD Camille

AURY Léon 1944

CHARRETTE Ernest 1944

MAUCOTEL Paul 1945

              Poil et plume. “Je me souviens en particulier d’un salon de coiffure au sol en damier, où je m’étais aventuré au cœur de la résidence, que tenaient trois jeunes filles riantes, joyeuses, complices, les jambes recouvertes de leggings turquoise aux motifs fleuris, qui riaient de bon cœur chaque fois que je disais une phrase en chinois. Assis dans mon fauteuil de coiffeur, une cape de barbier en nylon verdâtre autour du cou, je leur expliquais que j’étais Belge (wo shi bilishiren, leur disais-je en chinois). Je leur faisais signe de la main pour dire “attendez, attendez, ce n’est pas tout”. Je suis écrivain, ajoutais-je (wo shi zuodjia), et LOL des trois filles qui s’esclaffaient de plus belle. Elles étaient pliées en deux à chaque fois que j’ouvrais la bouche. Je reprenais mon souffle, j’avais déjà épuisé presque tout mon répertoire. Je lâchais alors ma dernière cartouche. J’aime les champignons, disais-je (wo xihuan mogu), et c’était le bouquet final, l’apothéose dans l’étroite officine (je me demande encore aujourd’hui ce que je faisais dans un salon de coiffure).” (Jean Philippe Toussaint, Made in China)

Bon dimanche,
Philippe DIDION

1er septembre 2019 – 847

DIMANCHE.
                   Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’une Guêpe germanique.
                   Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.
LUNDI.
           Lecture. Trompe-l’œil (Marcel F. Lanteaume, Éditions S.E.P.E., coll. Le Labyrinthe, 1946 pour la première édition, rééd. in in « Mystères à huis clos », Omnibus, 2007; 1148 p., 27 €).
           Vie touristique. Derniers feux des vacances à Dijon (Côte-d’Or) pour la visite du Musée des Beaux-Arts, récemment rénové. C’est l’occasion d’agréables retrouvailles avec Pompon, qui occupe une belle salle, et d’un clin d’œil à la Creuse avec une vue de Crozant peinte par Guillaumin. Si l’on suit, comme dans tout musée de province, l’ordre chronologique suggéré, on prend mesure du temps qu’il a fallu, dans le domaine de la peinture, pour arriver à l’audace, à l’éclatement des codes, à la variété, voire à l’absence des sujets. Comme en littérature d’ailleurs, avec la différence que la rupture semble plus brutale et définitive en peinture : les artistes ont moins tendance à regarder en arrière que les écrivains qui, pour certains, se plaisent encore à endosser les oripeaux d’hier.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “Samedi 28 août 1971
À quelques dizaines de pages de la fin de La Proie facile, je piétine sur des questions de rythme. Il faut soudain poser le personnage de Fuentès d’une façon frappante. C’est malaisé.
J’ai lu les deux romans de Silverberg. Silverberg semble être un auteur ultra-prolifique, riche de beaucoup de métier et d’une culture éclectique et qui se plaît à réaliser deux œuvres au goût du jour. L’Homme dans le labyrinthe, sur un sujet de short-story, énonce une philosophie fort courue sur la solidarité humaine. Les personnages sont stéréotypés mais l’énumération baroque des difficultés rencontrées dans le labyrinthe rend le livre prenant. Les Masques du temps est une fable à la Sheckley fortement pornographique et parfois hilarante. Silverberg est un faiseur sachant faire. Bravo, mais sans plus.
Je suis soucieux de finir La Proie facile assez vite pour boucler A Long Way to Fall et The Nature of Animals en septembre. Oui, je suis soucieux.” (Jean-Patrick Manchette, Journal 1966-1974)
JEUDI.
          Lecture. Le Meilleur de l’absurde (Sébastien Bailly, Mille et une nuits n° 531, 2007; 96 p., 2,50 €).
          Brèves de trottoir.

847-min 847 (2)-min*

  • Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) dans Baisers volés (François Truffaut, France, 1968)
VENDREDI.
                  Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 17 (8 septembre 2018, 96 p., 15 €).
                                “L’esprit de l’escalier B”
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Gros mots.
847 (1)-min  847 (3)-min
Hérault, photo de Laurent Lagarde, 12 mai 2018 / Épinal (Vosges), photo de l’auteur, 2 avril 2018
SAMEDI.
              Films vus. Le Monde est à toi (Romain Gavras,, France, 2018)
                               Hôtel Woodstock (Taking Woodstock, Ang Lee, É.-U., 2009)
                               Low Blow (court métrage, Márcio Nicolosi, Gabriel Nóbrega, Rodrigo Paulicchi, Brésil, 2018)
                               Frankie (Ira Sachs, France – Portugal, 2019)
                               L’Apparition (Xavier Giannoli, France – Belgique – Jordanie, 2018)*
                               Kill Bill : Volume II (Kill Bill : Vol. 2, Quentin Tarantino, É.-U., 2004)
                               Le Vent tourne (Bettina Oberli, Suisse – France, 2018).
* Impossible de ne pas penser à Gengenbach en découvrant ce film dans lequel Vincent Lindon interprète un journaliste chargé d’enquêter, comme l’Ernest à Espis, sur des phénomènes d’apparition mariale dans le sud de la France : le cadre, le thème et certains personnages sont pratiquement les mêmes. Ainsi, Gengenbach ne m’aura pas quitté de tout l’été. L’an passé, il avait fallu établir le texte, fabriquer le bouquin; ces derniers temps, il a fallu le faire connaître, voire le vendre, et pour cela contacter la presse, alerter les sites spécialisés, envoyer des exemplaires tous azimuts. Les retours sont plutôt satisfaisants, à part du côté des libraires, même locaux, qui ne semblent pas intéressés. Tant pis, la postérité, elle, est assurée : l’ouvrage figure désormais dans les collections de la Bibliotheca Apostolica Vaticana à Rome et de la Library of Congress à Washington.
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Saint-Valery-en-Caux (Seine-Inférieure), photo de Charles-Édouard de Pontalba, 4 septembre 2010 / Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), photo de l’auteur, 2 janvier 2014
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 3 juin 2018. 134 km. (34 634 km).
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27 habitants
   Pas de monument aux morts visible.
              Poil et plume. L’initiation intensive pour devenir commissaire-priseur a duré un mois et a eu lieu chaque jour de quinze heures à vingt et une heures dans l’arrière-boutique de Hair Charisma, un coiffeur nippo-coréen de la Calle Londres. Le professeur – japonais d’origine – se faisait appeler Maître Oklahoma, car c’est là-bas qu’il avait appris le métier de commissaire-priseur. Son vrai nom était Kenta Yushimito et son nom occidental Carlos Yushimito. C’était un homme d’une grande largesse d’esprit, élégant, distingué; la discrétion incarnée. […]
Lors de notre premier rendez-vous, Maître Oklahoma était assis devant un siège de coiffeur et, pour illustrer la méthode parabolique, a mis aux enchères une paire de ciseaux. Il a réussi à la vendre en racontant une histoire simple et brève au sujet de son origine. Nous avions beau être tous là, assis devant lui, cahiers et crayons à la main, tout à fait conscients d’être ses élèves et non pas un quelconque groupe d’acheteurs, car nous nous étions déjà acquittés du prix exorbitant du cours, notre grand maître a pris la paire de ciseaux sur le comptoir et nous a travaillés au corps jusqu’à ce qu’un des élèves, M. Morato, sorte son portefeuille et paye 750 pesos pour la paire de ciseaux.”
(Valeria Luiselli, L’Histoire de mes dents)
Bon dimanche,
Philippe DIDION