26 juillet 2020 – 892

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 16 août 2020.

DIMANCHE.
                   Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’une Mouche dorée.
LUNDI.
           Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’un Fadet commun.
MARDI.
            Lecture. Le Loup dans la bergerie (Bukken til havresekken, Gunnar Staalesen, Gyldendal Norsk Forlag AS, 1977 pour l’édition originale, Éditions du Rocher, 1994 pour la traduction française, rééd. Gallimard, Folio policier n° 332, 2004, traduit du norvégien par Olivier Gouchet; 320 p., s.p.m.).
                          Il faut voir les polars de Gunnar Staalesen comme des exercices de style effectués en hommage aux maîtres américains de l’après-guerre. Varg Veum, détective privé de Bergen (Norvège), dans son bureau poussiéreux, avec son manque de clients, son goût pour la bagarre, sa descente d’aquavit, ses déboires familiaux et sa perspicacité, est le décalque des ténors de la Série noire. Ici, Staalesen ajoute encore une touche au tableau en imaginant une intrigue embrouillée à souhait à laquelle, comme souvent chez Chandler, on ne comprend strictement rien. On n’en veut pas pour autant à l’auteur, capable de faire oublier ce travers par une écriture souvent inventive et drôle.
MERCREDI.
                  Lecture. B-17G (Pierre Bergounioux, Les Flohic éditeurs, 2001 pour l’édition originale, rééd. Argol, coll. Poche, 2016; 96 p., 8 €).
                                Les éditions Flohic n’ont vécu que de 1990 à 2006 mais elles resteront dans les mémoires (dans la mienne tout au moins) pour avoir publié deux livres : Le Patrimoine de la SNCF et des chemins de fer français et ce B-17G. On sait Bergounioux intéressé par tout ce qui est technique : le machinisme agricole, dont il a fait un livre et dont les éléments servent de points de départ à ses sculptures, l’automobile, l’aviation. Le B-17G est une forteresse volante américaine qui a participé, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, aux raids sur l’Allemagne. Bergounioux installe le lecteur à l’intérieur de l’avion et lui fait vivre une mission de bombardement. Le procédé est magistral, l’effet saisissant, le résultat d’autant plus inattendu que l’auteur ne manque pas d’inscrire ce fait de guerre dans la littérature. Les aviateurs sont américains, ce qui conduit à Hemingway, à Faulkner, et à Melville dans un parallèle entre l’avion et le baleinier de Moby Dick, parallèle développé par Pierre Michon dans une postface lumineuse. Quand Benoît Howson m’a offert son livre sur le Lancaster tombé à Renauvoid, je lui ai donné, potlatch oblige, B-17G : les deux livres sont en parfaite résonance.
                  Éphéméride. “22 juillet [1887].
Je ne me sens jamais assez mûr pour une œuvre forte. Apparemment, j’attends de tomber en ruine.
L’amour d’une vierge est aussi assommant qu’un appartement neuf. Il semble qu’on essuie les plâtres. Il est vrai qu’on n’a pas à redouter les germes maladifs, pestilentiels, d’un autre locataire.
La mer, en grande artiste, tue pour tuer, et rejette aux rochers ses débris, avec dédain.” (Jules Renard, Journal)
VENDREDI.
                  Lecture. La Princesse du sang (Jean-Patrick Manchette, Gallimard, coll. Quarto, “Romans noirs”, 2005; 1344 p., 29,50 €).
                                Fragments inédits.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Du bon usage de la cédille.

892 (1)-min 892 (2)-min

Anost (Saône-et-Loire), photos de l’auteur, 11 & 14 avril 2019
SAMEDI.
               Lecture. Ximénès Malinjoude (Marcel Jouhandeau, Éditions de la Galerie Simon, 1927; rééd. in “Chaminadour, contes nouvelles et récits”, Gallimard 2006, coll. Quarto; 1540 p., 29,90 €).
               Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’une Coccinelle asiatique et d’un Paon du jour.
               Films vus. Chamboultout (Éric Lavaine, France – Belgique, 2019)
                                Le Gouffre aux chimères (Ace in the Hole, Billy Wilder, É.-U., 1951)
                                Galveston (Mélanie Laurent,  É.-U., 2018)
                                La Ferme des sept péchés (Jean Devaivre, France, 1949)
                                El reino (Rodrigo Sorogoyen, Espagne – France, 2018)
                                Exodus (Otto Preminger, É.-U., 1960).
               L’Invent’Hair perd ses poils.
892-min 892 (3)-min
Alfortville (Val-de-Marne), photo de Pierre Cohen-Hadria, 30 juillet 2011 / Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes), photo de l’auteur, 16 avril 2012
               IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 22 avril 2019. 68 km. (36 896 km).
892 (8)-min
132 habitants
   Pas de monument aux morts visible. Ce qui s’en rapproche le plus est la tombe de Louis Coudret, encadrée par deux croix : celle de Louis COUDRET lui-même (2e Canonnier Servant 1er RAC mort pour la France le 27.08.1914) et celle de Nicolas PRÊTRE (Trompette 1er RAC mort pour la France le 26.08.1914).
892 (9)-min
   Il existe aussi une plaque dans l’église, aujourd’hui fermée mais dont Bernard Visse nous avait envoyé la photo en 2011. Curieusement, Coudret et Prêtre ne figurent pas sur la liste des victimes.
892 (7)-min
               Poil et pellicule.
892 (4)-min 892 (5)-min
892 (6)-min
Gran Torino (Clint Eastwood, Allemagne – É.-U., 2008)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

19 juillet 2020 – 891

DIMANCHE.

Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’un Myrtil.

LUNDI.

Lecture. Nécropsie (Hubert Corbin, Albin Michel, 1995 pour l’édition originale, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche n° 17022, 1998; 384 p., s.p.m.).

La tentation de l’Amérique a toujours existé chez les romanciers populaires. Sans remonter jusqu’à Gustave Le Rouge, nombreux sont les auteurs européens, de Léo Malet à Joël Dicker en passant pas James Hadley Chase, à avoir essayé d’écrire des roman américains. Là-bas, le flic est plus rusé, le gangster plus fort, le journaliste plus perspicace, la femme fatale plus fatale. La plupart du temps ces tentatives n’aboutissent qu’à des histoires caricaturales situées dans une Amérique de carton-pâte. Quand Hubert Corbin s’y essaie en créant un personnage de médecin légiste aux prises avec un serial killer d’un perversion peu commune, il lorgne manifestement du côté de Patricia Cornwell et de Thomas Harris. Et, contrairement à l’habitude, ça marche : son docteur est bien plus crédible que Kay Scarpetta, son tueur aussi impressionnant que Hannibal Lecter. Nécropsie est un roman implacable, construit de façon savante sur un suspense parfaitement maîtrisé. Hubert Corbin n’a écrit que trois romans dans les années 1990, celui-ci est remarquable.

Le Bonnet d’âne (Raymond Radiguet, 1919, rééd. in “Œuvres complètes”, Omnibus, 2012; 890 p., 25 €).

Poèmes.

MERCREDI.

Éphéméride. “Samedi 15 [juillet 1939] –  Bain le matin. Grec, Gide, un roman policier.” (Raymond Queneau, Journal de guerre, 1939-1940)

                   Lecture. La Nouvelle Revue française n° 634 (Gallimard, janvier 2019; 176 p., 15 €).

JEUDI.

Lecture. Une étude en noir (Into the Night, William Irish, 1987 pour l’édition originale, Presses de la Cité, 1988 pour la première traduction française, rééd. coll. Omnibus, vol. « Nuit noire », 1994, d’après la traduction de Marie-Louise Navarro; 948 p., 135 F).

Ce roman inachevé a été retrouvé dans les archives de William Irish après sa mort en 1968. Pour le compléter et imaginer ce qui se cachait derrière les passages biffés, on a fait appel à un maître du polar, Lawrence Block. Sans la postface qui indique précisément à quel endroit celui-ci est intervenu, il serait impossible de démêler l’original de l’imitation qui concerne, en particulier, les premières et dernières pages. Si le dénouement apparaît un peu trop optimiste pour correspondre à ce qu’on connaît d’Irish, l’ouverture du roman est en revanche parfaitement conforme à ce qu’on peut attendre de cet écrivain. L’histoire racontée concerne, comme dans La Mariée était en noir, la vengeance d’une femme, et sa noirceur – mis à part, rappelons-le, sa conclusion – est le fidèle reflet de l’ambiance crépusculaire dans laquelle William Irish vécut ses dernières années.

VENDREDI.

Lecture. Les Aventures de Télémaque (Louis Aragon, Gallimard, 1922, rééd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 436, « Œuvres romanesques complètes I », 1997; 1324 p., 65,50 €).

Le cabinet de curiosités du notulographe. Calcul bancal.

891-min

M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder, Fritz Lang, Allemagne, 1931), photo de Caroline Didion, 24 août 2018

SAMEDI.

Films vus. Wake Up (Aleksandr Chernyaev, É.-U., 2019)

Il était une fois en Chine (Wong Fei Hung, Tsui Hark, Hong Kong, 1991)

C’est ça l’amour (Claire Burger, France – Belgique, 2018)

Folies d’avril (The April Fools, Stuart Rosenberg, É.-U., 1969)

  Été 85 (François Ozon, France – Belgique, 2020)

Quand on crie au loup (Marilou Berry, France, 2019)

L’Homme au bras d’or (The Man With the Golden Arm, Otto Preminger, É.-U., 1955).

               Invent’Hair, bilan d’étape. Bilan établi au stade de 4 900 salons, atteint le 31 mars 2020.

Bilan géographique.    

Classement général par pays.

  1. France : 4 070 (+ 74)
  2. Espagne : 178 (+ 1)
  3. Royaume-Uni : 94 (+ 4)
  4. Belgique : 77 (+ 7)
  5. Italie : 59 (+ 1)
  6. États-Unis : 45 (=)
  7. Portugal : 37 (=)
  8. Suisse : 36 (+ 2)
  9. Danemark : 34 (=)
  10. Allemagne : 32 (+ 1)

La Suisse dépasse le Danemark dans le top 10. La Lettonie gagne 8 salons et passe de la 19e à la 14e place.

Classement général par régions (France).

1. Rhône-Alpes : 704 (+ 1)
2. Île-de-France : 657 (+ 13)
3. Languedoc-Roussillon : 323 (+ 9)
4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 319 (+ 8)
5. Lorraine : 307 (+ 7)
6. Midi-Pyrénées : 225 (+ 1)
7. Bretagne 171 : (=)
8. Pays de la Loire : 160 (+ 2)
“. Bourgogne : 160 (+ 11)
10. Centre : 139 (=)

La Bourgogne rejoint les Pays de la Loire. Les 12 salons engrangés par la Champagne-Ardenne ne lui rapportent qu’une place. (15e).

Classement général par départements (France).

  1. Seine (Paris) : 531 (+ 12)
  2. Rhône : 336 (=)
  3. Vosges : 167 (+ 2)
  4. Loire-Atlantique : 123 (+ 2)
  5. Pyrénées-Orientales : 96 (+ 1)
  6. Meurthe-et-Moselle : 94 (+ 2)
  7. Loire : 92 (=)
  8. Bouches-du-Rhône : 89 (=)
  9. Hérault : 88 (+ 7)
  10. Alpes-Maritimes : 80 (+ 1)

Après l’avoir rejointe lors du dernier classement, la Meurthe-et-Moselle dépasse la Loire. Les positions sont très serrées entre la 5e et la 10e place. Plus loin, la Côte-d’Or (33e) fait un bond de 18 places avec 10 nouveaux salons. Le Var en gagne 7 et passe du 25e au 17e rang.

Classement général par communes.

1. Paris : 531 (+ 12)
2. Lyon : 158 (=)
3. Nantes : 62 (+ 1)
4. Barcelone : 57 (=)
5. Nancy : 53 (=)
6. Épinal : 46 (=)
7. Nice : 37 (=)
8. Marseille : 32 (=)
9. Strasbourg : 24 (=)
“. Copenhague : 24 (=)
“. Villeurbanne : 24 (=)
“. Le Havre : 24 (=)

Pas de changement dans le top 10. Belle progression de Dijon (15e), 10 salons de mieux pour un gain de 22 places.

Bilan humain.

Nous nous étions arrêtés à la 116e place. Nous arrivons à la fin du classement avec les one hit wonders.

117. Véronique Daniel 1 (+ 1)
“. Fleur Dubuis 1 (+ 1)
“. Claude Morin 1 (+ 1)
“. Frédéric Abergel, Arno Bertina, Patrick Bléron, François Bougnet, Clément Bretonnière, Michel-André Carton, Noémi Chamontin, Nicolas Chantoiseau, Suzanne Chapuis, Évelyne Charpentier, Joëlle Cousin, Mélanie Daix, Christophe Didion, Michel Didion, Sylvie Dolidon, Kathie Durand, Jean-Claude Febvre, Garibeuil, Alexandre Geffen, Alain Girard-Daudon, Marie-José Gonand, Martin Granger, Laurent Grisel, Francis Grossmann, Xavier Guézou, Marie-Christine H., Maryse Hache, Dominique Hasselmann, M.-C. Hergault, Dominique Jeangette, Hervé Jeanney, Pierre Jeannin, Luc Jodoin, Juliette Julien, Alain Lafarge, Joël Lambolez, Myriam Langlest, Catherine Le Cam, Nicolas Leboucq, Jean-Nicolas Lefilleul, Henri Lessard, Phillip Lund, Gérard Luraschi, Paul Antoine M., Jean-Luc Margueron, Alain Mathieu, Grégoire Matuszewski, Magali Maurelli, Joëlle Molina, Guilhem Monédiaire, Flavie Najean, Gérard Noël, Jacques Noizet, Paul Olry, Julien Pauthe, Marie Peyrat, Alain Pierrot, Pipolka, Jean-Louis Pirlot, Claire Pisson, Alain Poncet, Giulia Prada, Franck Queyraud, Dominique Renaux, Étienne Roba, Sébastien Rongier, Jean-Pierre Salgas, Anne Savelli, Jean Schaming, Olivier Thirion, Florence Trocmé, Éléonore Trois, Patrick Valroff, Christine Vauzelle, Anne-Marie Vichard, Marie-Noëlle Visse, Jürg X, Patrick Zecchin 1 (=).

Étude de cas. Les pas bégueules : patronne et patrons fiers de figurer dans l’Invent’Hair.

891 (1)-min 891 (2)-min

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Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes), 21 février 2016 / Rochefort-en-Terre (Morbihan), 1995 / Le Havre (Seine-Inférieure), 12 mars 2016, photos de Jean-Damien Poncet

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 17 avril 2019. 67 km. (36 828 km).

891 (6)-min

3 836 habitants

   Un Poilu en buste, casque lauré, poitrail décoré, nous attend, posé sur une courte base de granit, sur le côté de l’église. Sur le sol, des pensées fraîchement repiquées. À l’entour, trois mâts à drapeau, quatre plots de béton et, sur le côté, une stèle pour les morts d’Indochine et d’Algérie.

891 (5)-min

ST  Étienne

À ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

   Face : 40 noms sur deux colonnes, d’ALEXANDRE. A à DURUPT. C.

Gauche : 40 noms sur deux colonnes, de DURUPT. P à MASSIN. J, 4 noms sous la mention Campagne d’Algérie (les mêmes que sur la stèle).

Droite : 39 noms sur deux colonnes, de MATHIEU. R à ZELLER. J, 3 noms sous la mention Campagne d’Indochine (les mêmes que sur la stèle).

Dos : 20 noms sur deux colonnes, de BAILLY. A à YUX. A, sous la mention Guerre 1939-1945

8 noms sur deux colonnes, d’ANDRE. A à VOIRIN. A, sous la mention Victimes civiles

7 noms sur deux colonnes de BICHOTTE R. à VARROY R., sous la mention Maquisards morts le 25.09.1944 pour la libération de Saint-Étienne.

L’église est ouverte et contient un souvenir patriotique. Les noms sont inscrits sur des plaques sombres, insérées dans le socle d’une pietà.

891 (3)-min

               Poil et pellicule.

891 (7)-min

Blow Up (Blowup, Michelangelo Antonioni, R.-U. – Italie, 1966)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

12 juillet 2020 – 890

MARDI.
            Lecture. Les Saisons (Maurice Pons, Julliard, 1965 pour l’édition originale, rééd. Christian Bourgois, coll. Titres, 2020; 264 p., 7,50 €).
                          “Au Moulin d’Andé, Avril 1965.” Ainsi se termine le livre de Maurice Pons. On n’écrivait pas des choses banales, au Moulin d’Andé dans les années 60. Perec – invité à découvrir les lieux par Maurice Pons – y concocta La Disparition et Pons – qui y finit ses jours en 2016 – Les Saisons. Rien que pour ces deux livres, le moulin mériterait d’être classé monument historique. Car Les Saisons est un livre extraordinaire, unique, stupéfiant. Un voyageur, Siméon, arrive dans un village perdu où règne un climat singulier : des dizaines de mois de pluie ininterrompue, suivis d’une saison aussi longue de “gel bleu” puis d’une saison de neige. Les habitants, frustes, méchants, incultes, y survivent en mangeant des lentilles, rien que des lentilles. Siméon cherche à remplir la tâche qu’il s’est assignée en venant dans cet endroit, écrire un livre, mais les efforts qu’il doit faire pour simplement survivre et l’hostilité des habitants ne lui permettent pas d’accomplir sa mission. On ne peut que résumer ainsi ce livre, qui échappe, pour moi tout au moins, à toute analyse. Toujours est-il qu’on n’a jamais rien lu de tel depuis le Valcrétin de Régis Messac, seul livre qui peut approcher Les Saisons par sa vision noire et désespérante de l’humanité.
MERCREDI.
                   Vacances apprenantes. Le 11 novembre 2008, l’IPAD faisait halte à Chaumousey et notait la présence, dans le cimetière local, de six tombes alignées “sous un drapeau canadien. Il s’agit de cinq membres de la Royal Air Force et d’un membre de la Canadian Air Force, tous tombés le 29 juillet 1944.” Un notulien local s’est intéressé depuis à cet événement. Il en a retracé l’histoire, celle d’un bombardier en partance pour Stuttgart et abattu au-dessus de la commune de Renauvoid. Le cas n’est pas isolé, quatre autres avions ont subi le même sort dans les Vosges au cours de la même nuit, mais c’est sur ce Lancaster qui s’est écrasé en pleine forêt que notre ami a concentré ses recherches. Depuis des années, il a collecté des informations sur l’avion et son équipage, les cinq jeunes Britanniques et le Canadien qui y ont perdu la vie, et le pilote néo-zélandais qui a survécu. Il a retrouvé des membres de leur famille, recueilli des témoignages, entrepris des démarches multiples pour que leur souvenir soit conservé, leur sacrifice reconnu. Car les boys ne sont pas tous tombés sur les plages de Normandie, il y en a aussi qui ont tâté du sapin des Vosges…  Aujourd’hui, il me raconte tout cela sur le chemin qui nous conduit à la stèle commémorative plantée au milieu des bois, sur le lieu du crash dont j’ignorais l’existence. Je le quitte porteur de la plaquette qu’il a rédigée sur le sujet et d’un morceau du fuselage de l’avion, convaincu une fois de plus des bienfaits de la micro-histoire et de la recherche extra-universitaire.

890-min

                  Éphéméride.

À Reynaldo Hahn

[Le mercredi 8 ? juillet 1896]
“Mon bon petit Reynaldo
Je vous ai télégraphié ma réponse. Je serais heureux que sans avoir les fatigues d’un nouveau voyage vous puissiez profiter un peu de suite de votre “bonne Allemagne” comme dit la Reine dans Ruy Blas. Je ne suis pas comme les Lemaire hostile à tous les endroits où nous ne pouvons pas être ensemble. Et ravi de vous savoir au calme je souhaite que vous y restiez le plus longtemps possible. Je vous jure que si les rares instants où j’ai envie de prendre le train pour vous voir tout de suite se rapprochaient et devenaient intolérables je vous demanderais de venir ou que vous reveniez. Mais cette hypothèse est tout à fait invraisemblable. Restez là-bas tant que vous y serez bien.
Marcel.” (Marcel Proust, Lettres)
JEUDI.
          Vie immobilière. La rentré universitaire se prépare déjà, il faut que les filles trouvent un nouveau logement, l’une à Bordeaux, l’autre à Nancy. Ce n’est pas une nouveauté, ce n’est pas une découverte, mais c’est toujours instructif de se frotter, à cette époque de l’année, aux mœurs des marchands de sommeil, pudiquement autobaptisés “investisseurs” et autres purs arnaqueurs prêts à vous estourbir au Bon Coin d’un bois. Le concentré de malhonnêteté et de rapacité que l’on trouve chez ces gens-là, dans le monde d’avant comme dans celui d’après, est proprement stupéfiant.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Hippocrate au bistrot.
890 (2)-min 890 (1)-min 890 (3)-min
Paris (Seine), boulevard Diderot, 16 février 2016 / Liège (Belgique), 6 février 2017 / Tongres (Belgique), 29 avril 2018, photos de Jean-François Fournié
SAMEDI.
              Bestiolaire domestique. Identification d’une Tipule.
              Films vus. Premières vacances (Patrick Cassir, France, 2018)
                               La Voleuse de Saint-Lubin (Claire Devers, France, 1999)
                               La Dernière Folie de Claire Darling (Julie Bertuccelli, France, 2018)
                               La Rivière sans retour (River of No Return, Otto Preminger, É.-U., 1954)
                              Creed 2 (Steven Caple Jr., É.-U., 2018)
                               Deux moi (Cédric Klapisch, France – Belgique, 2019)
                               À nous les petites Anglaises (Michel Lang, France, 1976).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
890 (4)-min 890 (5)-min
Paris (Seine), rue Rambuteau, photo de Pierre Cohen-Hadria, 29 juillet 2011 / Alès (Gard), photo de Jean-Damien Poncet, 25 juillet 2018
              Poil et presse.
890 (6)-min
Toilet Paper n° 15, septembre 2017
Bon dimanche,
Philippe DIDION

5 juillet 2020 – 889

DIMANCHE.
                   Lecture. Alexis ou le Traité du vain combat (Marguerite Yourcenar, Au Sans Pareil, 1929 pour la première édition, rééd. Gallimard in ”Œuvres romanesques”, Bibliothèque de la Pléiade n° 303, 1982; 1370 p., 60,50 €).
                                                    Les auteurs publiés de leur vivant dans la Pléiade sont seuls à choisir ce qui leur semble digne de figurer dans les volumes qui leur sont consacrés. Sans aller jusqu’à réécrire leur œuvre, façon Saint-John Perse, ils modèlent leur anthologie à leur guise. Ainsi, Marguerite Yourcenar a laissé de côté plusieurs textes de jeunesse pour faire commencer le tome consacré à ses romans par Alexis. Autre décision, et pas des moindres : pas de notes, pas de présentation ni de commentaires, tout est de sa main. On sait, pour avoir lu le Journal de Matthieu Galey, que la dame était d’un caractère peu commode et on ne s’étonne pas de ce refus de tout voisinage. Alexis prend la forme d’une longue lettre de rupture écrite par un homme à son épouse. Un homme qui a cru, dans le mariage, échapper aux penchants “anormaux et condamnables” qu’il a satisfaits pendant une partie de sa jeunesse. Rien n’est exprimé clairement au sujet de ceux-ci mais on devine l’influence de Gide dans cette confession écrite dans une langue très classique. Le récit de la vie d’Alexis est sans cesse coupé par des généralités, des lois tirées de son expérience (“Les confidences sont toujours pernicieuses, quand elles n’ont pas pour but de simplifier la vie d’un autre”, ce genre de choses), comme on peut en trouver chez Proust mais avec beaucoup plus d’éclat et de justesse chez celui-ci.
MERCREDI.
                  Éphéméride. 1er juillet [1666]. – Dimanche. Je suis donc revenu à la Tour pour m’occuper des hommes recrutés de force et les faire embarquer, cela jusqu’à plus de minuit. Mais, Seigneur, que de pauvres femmes en larmes ! De ma vie je n’avais vu une expression de douleur aussi naturelle. Elles se lamentaient, s’élançaient vers tous les groupes d’hommes qu’on amenait pour y découvrir leur mari, elles pleuraient chaque fois qu’un navire s’éloignait, à l’idée qu’il se trouvait peut-être à bord, elles suivaient le bateau des yeux aussi longtemps qu’elles le pouvaient, à la lumière de la lune. Cela me fendait le cœur. Tous ces hommes, ces pères de famille, pauvres, patients, travailleurs, quittant leurs femmes et leurs enfants, enlevés brutalement par des étrangers, c’est bien dur; et cela sans argent, par contrainte, en dépit de toute loi. C’est une grande tyrannie. Cela fait j’allai souhaiter une bonne nuit au lieutenant de la Tour et ensuite au lit.” (Samuel Pepys, Journal)
                  Bestiolaire de Saint-Jean-du- Marché. Identification d’un Robert-le-diable.
JEUDI.
          Lecture. Histoires à vous mettre K.O. (Tales to Make Your Hair stand on End, Collectif, Davis Publications, 1981 pour l’édition originale, Pocket n° 2364, 1988, rééd. in « Alfred Hitchcock présente : Encore 109 histoires extraordinaires », Presses de la Cité, 1994; 1230 p., 145 F). 
                         Nouvelles.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe.

889 (3)

L’Est Républicain, 2 juillet 2020, coupure transmise par Christophe Didion
Cet avis de décès m’a remis en mémoire celui qui figurait dans les notules n° 522 du 5 février 2012 :
889-min
L’Est Républicain, 27 mai 2005, coupure transmise par Suzanne Chapuis
Soit la mutation génétique inverse… Décidément, Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle) abrite une drôle de basse-cour.
SAMEDI.
              Lecture. Europe n° 1057 (mai 2017, 352 p., 20 €).
                            Pierre Bergounioux – Jean-Paul Michel – Raphaëlle George.
              Films vus. La Petite Bande (Michel Deville, France, 1983)
                               Les Aveux de l’innocent (Jean-Pierre Améris, France – Belgique, 1996)
                               La Situation est grave… mais pas désespérée (Jacques Besnard, France, 1976)
                               Creed : L’Héritage de Rocky Balboa (Creed, Ryan Coogler, É.-U., 2015)
                               Mes jours de gloire (Antoine de Bary, France, 2019)
                               Duelles (Olivier Masset-Depasse, France – Belgique, 2018)
                               Les Chaussons rouges (The Red Shoes, Michael Powell & Emeric Pressburger, R.-U., 1948).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
889 (1)-min 889 (2)-min
Barcelonnette (Basses-Alpes), photo d’Hervé Bertin, 23 juillet 2011 / Avignon (Vaucluse), photo du même, 2 décembre 2013
              Poil et plume.

« Une enseigne de la rue San Dalmazzo, là où il y avait le restaurant Canelli, refait surface, symbole de la consumation d’un morceau de bois peint : Travaux en cheveux, c’était marqué au-dessous, et dans la vitrine pas plus large qu’un piège à renards, derrière un voile de poussière, trônait, tragique, le buste scié d’une femme qu’une perruque rougeâtre protégeait d’une calvitie honteuse. » (Guido Ceronetti, Petit enfer de Turin)

Bon dimanche,
Philippe DIDION