11 octobre 2020 – 901

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 1er novembre 2020.    

LUNDI.           

Vie littéraire. Je participe à ma première réunion Zoom, une pratique fort en vogue depuis la période de claustration. Pas pour des raisons professionnelles, Dieu m’en préserve, mais pour une cause plus noble puisqu’il s’agit du comité de pilotage d’Histoires littéraires, une revue qui a connu quelques transformations ces derniers temps. Je patauge un moment dans les codes et mots de passe mais parviens à rejoindre la troupe sans trop de retard. Je retrouve avec plaisir les anciens, Michel Pierssens et Jean-Paul Goujon, et fais connaissance avec les troupes fraîches. On parle de tout ce qui fait l’ordinaire d’une revue, l’édition, la diffusion, le contenu, l’exposition médiatique. Je décline l’idée de reprendre la chronique de l’actualité littéraire que j’ai tenue de 2005 à 2009, il n’est pas bon de faire du réchauffé, mais je me remettrai sans tarder à la tâche qui consiste à éplucher Livres Hebdo pour repérer les livres à chroniquer et commander les services de presse.             

Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.    

MERCREDI.                  

Éphéméride.

Joseph Chaikin New York  

“07.10.83

Paris  

Cher Joe 

Merci pour votre lettre non datée.

Quand récemment j’ai relu Lear j’ai pensé : injouable. Je sais que j’ai tort.

Tous mes vœux pour cette redoutable aventure.

Oui, ce serait bien de nous revoir bientôt.

Affectueusement

Sam”  (Samuel Beckett, Lettres IV 1966-1989)                    

Lecture. Le Triangle d’or (Maurice Leblanc, Éditions Pierre Lafitte, 1918, rééd. in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 2, Omnibus 2004, 1240 p., 23 €).                                

Maurice Leblanc, un an après L’Éclat d’obus, a modéré ses élans patriotiques. Bien sûr, Arsène Lupin vole ici des millions pour la France et non pour lui-même, mais on est loin des diatribes anti-allemandes étalées dans le volume précédent de ses aventures. Comme dans celui-ci, Lupin n’intervient qu’au milieu de l’histoire, volant au secours d’un officier mutilé aux prises avec des ennemis prêts à tout pour l’empêcher de vivre son histoire d’amour. Car on est en pleine romance dans ce livre, romance qui se mêle aux péripéties habituelles – meurtres, poursuites, vols, changements d’apparence et d’identité, tout cela dans un joyeux climat d’invraisemblance  – qu’affectionnent Maurice Leblanc et ses lecteurs.    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe. Chromatisme divergent à Copenhague (Danemark), photo de Jean-Damien Poncet, 10 septembre 2017.

Lecture. Evaristo Carriego (Jorge Luis Borges, 1930 pour l’édition originale, Gallimard, in « Œuvres complètes I », Bibliothèque de la Pléiade n° 400, 2010, traduit de l’espagnol par Françoise Rosset et Jean-Pierre Bernès; 1766 p., 68,50 €).    

SAMEDI.              

Films vus. 

Le Mystère Henri Pick (Rémi Bezançon, France – Belgique, 2019)

Les Idoles (Marc’o, France, 1968)                               

Damien veut changer le monde (Xavier de Choudens, France, 2019)                 

Le Salon de musique (Jalsaghar, Satyajit Ray, Inde, 1958)

Domino – La Guerre silencieuse (Domino, Brian De Palma, Danemark – France – Belgique – Italie – Pays-Bas – É.-U. – R.-U., 2019)

Miller’s Crossing (Joel Coen, É.-U., 1990)                               

Searching : Portée disparue (Searching, Aneesh Chaganty, Russie – É.-U., 2018).                

Football. SA Spinalien – Paris 13 Atletico 0 – 2.

L’Invent’Hair perd ses poils.  

Paris (Seine), rue de Richelieu, photo de Pierre Cohen-Hadria, 13 septembre 2011                

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 18 août 2019. 70 km. (37 392 km).  

181 habitants

   Dressé entre la Mairie et l’église, l’obélisque de granit est entouré d’une grille métallique aux piquants acérés. Une chaîne et des ogives d’obus le séparent de la chaussée.

Aux glorieux morts

De ST Maurice

Et de Hardancourt

1914-1918  

Auguste BERNARD

Charles BERNARD

Albert DOMPTAIL

Joseph DOMPTAIL

Paul FOLCHER

Albert GASSE

Constant LAURENT

Charles LEGA

Paul MARQUIS

Joseph MELLE

Paul MONCHABLON

Camille PITANCE

Auguste STOTE

Joseph STOUVENEL     

Une plaque a été ajoutée pour les victimes de 1939-1945 :  

DOMPTAIL Raymond

DRAND Marcel

MARQUIS André

WYNCKE André  

Victime civile  

LAURENT Louis                

Poil et plume. “Un autre jour, peu avant notre départ, à la porte de Xizhimen, je monte avec Wen dans un bus en partance pour Haidian et l’université de Pékin. Le bus est déjà plein et nous trouvons deux places assises tout au fond du véhicule. Au moment où le chauffeur s’apprête à démarrer, un garde rouge monte à bord, ordonne au chauffeur d’arrêter le moteur et se met à vérifier que tous les voyageurs ont la tenue révolutionnaire de rigueur. Aucun signe de “pensée bourgeoise” ne doit subsister. Pour les femmes, les cheveux coupés droit sont obligatoires, mais Wen a toujours la longue tresse noire qui lui tombe dans le dos. Je vois le jeune homme inspecter rangée après rangée et se rapprocher de nous. Il ne nous a pas encore aperçus. Je prends les devants, je me lève et je lui dis, désignant Wen : Cette personne est mon épouse et demain nous partons à l’étranger. Il reste interdit, renonce à terminer son inspection, descend du bus en faisant signe au chauffeur qu’il peut démarrer et rejoint d’autres gardes rouges qui étaient restés dehors. Si je n’avais pas eu cette présence d’esprit, il aurait coupé la tresse de Wen séance tenante et l’aurait peut-être obligée à le suivre. Mais comme tous les Chinois, il savait que s’en prendre à un étranger pouvait coûter très cher et qu’une Chinoise qui se rendait à l’étranger ne pouvait le faire qu’à la suite d’une décision prise en haut lieu.” (Jean-François Billeter, Une rencontre à Pékin)  

Bon dimanche,  

Philippe DIDION    

4 octobre 2020 – 900

LUNDI.           

Brève de trottoir.  

MERCREDI.                  

Éphéméride. Billet à ordre  

“[Paris, ce 30 septembre 1863.]  

B. P. 1 000 francs.  

Fin décembre prochain je paierai à M. Arthur Stevens ou à son ordre la somme de mille francs, valeur reçue en espèces.  

CHARLES BAUDELAIRE

Paris, 22, rue d’Amsterdam.” 

Lecture. Le Corbusier (François Chaslin, Le Seuil, 2015, rééd. Points Essais n° 878, 2019; 684 p., 12 €).                                

François Chaslin l’annonce dès les premières lignes : son livre n’est pas une biographie du célèbre architecte. Heureusement d’ailleurs car on se demande quelles proportions aurait alors prises l’ouvrage… Refusant l’exhaustivité, l’auteur a choisi de se concentrer sur deux éléments de la vie du Corbu : son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale et la construction de ses “unités d’habitation”, la Cité radieuse de Marseille et ses satellites. On se trouve donc en présence d’un livre séparé en deux parties d’égale importance, la guerre et la paix, l’ombre et la lumière, les idées et les faits. La première répond sans ambiguïté à la question souvent posée : “Le Corbusier était-il fasciste ?” La réponse est oui, assortie des précautions d’usage concernant la définition du terme, le recul du temps, la sensibilité du sujet. Le parcours de l’architecte à Vichy, ses prises de parole publiques et sa correspondance privée sont analysées avec une minutie louable quoiqu’un peu lassante. Le parcours est donc assez ardu mais quand on arrive à la deuxième partie, tout change. On parle enfin d’architecture et ça, Chaslin sait le faire comme il l’a montré pendant de nombreuses années dans son émission Métropolitains sur France Culture. Toute l’histoire des immeubles de Marseille, Briey, Rezé et Firminy est passée au crible avec ses polémiques, ses réussites, ses échecs. On parle de politique, de sociologie, d’urbanisme, d’éducation, d’écologie, de poésie, on croise Malraux, Cendrars, Tati, de Gaulle et Picasso et c’est, de bout en bout, passionnant. Au final, sans peut-être le vouloir, François Chaslin nous offre un livre à l’image de Le Corbusier : parfois grandiloquent, démesuré, énervant mais toujours intelligent, brillant et fascinant.    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe. Reliques de saint Crépin, photos de l’auteur.  

Dijon (Côte-d’Or), 26 août 2019
Scionzier (Haute-Savoie), 13 juillet 2017

SAMEDI.              

Films vus. Babysitting 2 (Nicolas Benamou & Philippe Lacheau, France, 2015)

                  Just a Gigolo (Olivier Baroux, France, 2019)

                   Les 55 Jours de Pékin (55 Days at Peking, Nicholas Ray, É.-U., 1963)

                  Tanguy, le retour (Étienne Chatiliez, France, 2019)

                  Les Roseaux sauvages (André Téchiné, France, 1994).

L’Invent’Hair perd ses poils.  

0rsay (Essonne), photo de Maryse Hache, 9 juillet 2011
Chartres (Eure-et-Loir), photo de Pierre Cohen-Hadria, 30 janvier 2013  

 IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 14 juillet 2019. 101 km. (37 322 km).  

1 355 habitants

   C’est un monument imposant de granit gris, dressé sur une vaste place vide. À l’arrière, un drapeau tricolore, à l’avant une gerbe patriotique en provenance de Brigitte Fleurs à Anould. Le sol se partage entre un parterre de fleurs à dominante mauve et un parterre de cailloux blancs. En avancée, une stèle portant les noms des six victimes de 1939-1945 (Victimes civiles, Prisonniers, S.T.O.).

   Face :  

Aux enfants

De ST LÉONARD

Morts pour la Patrie

1914-1918     

10 noms d’ANDRE Roger à DURAIN Émile     

Droite : 11 noms de DUVOID Charles à JEANNETTE Léon     

Gauche : 10 noms de LEMOINE Émile à VINCENT Charles     

Dos :  

Civils  

AUBERTIN Célestin

FRANCIN Philomène née MATHIEU  

INDOCHINE 1951  

CLAUDEL Henri  

ALGÉRIE  

1958 PERRIN Roger     

Sur une plaque ajoutée :  

Hommage aux S.SGT Charley A. HOLM

SGT Archie M. TAYLOR

36EME Division U.S. Texas

143EME Régiment d’Infanterie

Morts au combat Le 20 novembre 1944 pour la libération de Saint-Léonard

  Sur une autre :  

INDOCHINE 1953  

Mort pour la France

JEANNETTE Gilbert                

Poil et plume. “Voilà près d’un siècle que sa famille vit de la cascatura, cette coutume sicilienne qui consiste à garder les cheveux qui tombent ou que l’on coupe, pour en faire des postiches ou perruques. Fondée en 1926 par l’arrière-grand-père de Giulia, l’atelier Lanfredi est le dernier de ce type à Palerme. Il compte une dizaine d’ouvrières spécialisées qui démêlent, lavent et traitent des mèches envoyées ensuite en Italie et dans toute l’Europe.” (Laetitia Colombani, La Tresse)    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION