20 décembre 2020 – 909

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 3 janvier 2021.    

DIMANCHE.                   

Lecture. Le Dico Sherlock Holmes (Jacques Baudou, Paul Gayot, Les Moutons électriques, coll. La Bibliothèque rouge, 2015; 240 p., 21 €).                                 

Sherlock Holmes, c’est d’abord des enquêtes racontées par Watson. L’ensemble de celles-ci s’appelle le Canon, il est constitué de 4 romans et de 56 nouvelles. Mais au fil de ses récits, Watson fait parfois allusion à des enquêtes qu’il a choisi de ne pas raconter, et qui reposent sous forme de notes et de dossiers dans une malle déposée dans le coffre d’une banque. Sherlock Holmes, c’est aussi un homme, avec ses idées, ses manies, ses talents et ses défauts. Là-dessus non plus, Watson ne dit pas tout : il procède parfois par allusions, il laisse des trous dans la biographie de son ami – le plus large, nommé le Grand Hiatus, concerne les activités du détective entre sa mort présumée aux chutes de Reichenbach et sa réapparition trois ans plus tard. A partir du dit et du non-dit, les spécialistes de Sherlock Holmes, regroupés au sein de sociétés aussi savantes que rivales, tentent depuis un siècle de reconstituer la vie complète du détective qui a fini par devenir, par leurs investigations à eux, une personne réelle. On ne voit guère que Tintin qui ait pu susciter une telle passion biographique – Lupin aussi, j’oubliais. Au fil des articles de leur dictionnaire, Baudou et Gayot réunissent tous les éléments de la vie de Sherlock Holmes, ceux vérifiables chez Conan Doyle comme ceux imaginés par les holmésiens, et le fruit de leur collecte est passionnant : du plan de son appartement (des plans, plutôt car bien sûr les experts ne sont pas d’accord entre eux) à la marque du tabac qu’il fume dans sa pipe en passant par son cursus universitaire et sa vie amoureuse, tout y passe. Leurs recherches concernent aussi la vie du personnage sous toutes ses formes, au cinéma, au théâtre, à la radio, ainsi que les histoires ajoutées au Canon, les imitations, les pastiches… C’est passionnant de bout en bout et cela donne envie de relire, une fois de plus, toutes les aventures du bonhomme.  

MERCREDI.                  

Éphéméride. À Louise Colet  

[Rouen, 16 décembre 1846.]

Allons, puisqu’on y tient, d’accord ! Puisque tu ne trouves plus rien à me dire, la franchise exige que je t’avoue ne pas trouver davantage de mon côté, ayant épuisé toutes les formes possibles pour te faire comprendre ce que tu t’obstines depuis 5 grands mois à ne pas vouloir entendre. J’y ai pourtant mis toutes les délicatesses de mon cœur et toute la variété de ma plume. Pourquoi as-tu voulu empiéter sur une vie qui ne m’appartenait pas à moi-même et changer toute cette existence au gré de ton amour ? J’en ai souffert, voyant les efforts inutiles que tu faisais pour ébranler ce rocher qui ensanglante les mains quand on y touche. Tu m’accuses sans cesse d’égoïsme et de dureté. En toi-même depuis longtemps tu as reconnu que je ne t’aimais pas. Erreur ! erreur, ma pauvre amie ! Je suis venu à toi parce que je t’aimais. Je t’aime encore tout autant. Je t’aime à ma façon, à ma mode, selon ma nature. Il t’eût fallu, je te l’ai dit dès les premiers jours, un homme plus jeune et plus naïf, dont le cœur moins mûr ait eu un parfum plus vert.” (Gustave Flaubert, Correspondance)

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe. Faits divers torrides.  

Vosges Matin, 6 août 2017 / idem, 18 avril 2020, collection de l’auteur    

SAMEDI.              

Films vus.

  • Quartet (Dustin Hoffman, R.-U., 2012)                               
  • Un, deux, trois soleil (Bertrand Blier, France, 1993)                               
  • Les Démons de l’aube (Yves Allégret, France, 1946)                               
  • Yves (Benoît Forgeard, France, 2019)                               
  • Van Gogh (Maurice Pialat, France, 1991)                               
  • La Faute de l’abbé Mouret (Georges Franju, France, 1970).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Dieppe (Seine-Inférieure), photo de Pierre Cohen-Hadria, 14 octobre 2011

Montluçon (Allier), photo de Lucie Didion, 7 août 2013                

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 15 septembre 2019. 100 km. (37 609 km).  

129 habitants

   Pas de monument aux morts visible. La raison nous en est donnée par une dame qui prend le soleil sur un banc, dans le cimetière : le maire de l’époque, n’ayant pas eu de fils tués à la guerre, n’a pas jugé bon d’en faire ériger un. Elle semblait encore lui en vouloir. Il y a une plaque, ajoute-t-elle, dans l’église, fermée.                

Poil et plume.  

Bizarre, nouvelle série, n° 2, octobre 1955    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION

13 décembre 2020 – 908

LUNDI.           

Vie laborieuse. Il ne faut pas le dire, car l’institution tient absolument à présenter un visage lisse et à prétendre que tout va pour le mieux dans les établissements scolaires, mais les conditions de travail qui sont mon ordinaire depuis le nouveau confinement sont très éprouvantes. Je ne veux pas parler au nom de tout le monde ni entrer dans les détails mais le fait est que j’en bave des ronds de chapeau. Ces temps-ci, rêvant à des temps plus cléments et sachant que j’aurai bientôt l’âge requis pour dire good bye à tout cela, je me suis mis à consulter les sites – car il y en a plusieurs, et qui vous renvoient l’un vers l’autre – qui devraient me permettre de demander ma mise au rencard. Au vu de mon parcours plat et rectiligne, je m’attendais à trouver un chemin balisé de pâquerettes. Stupeur : c’est un labyrinthe où l’on se heurte, à chaque détour, à une porte nécessitant numéro d’identification, mot de passe et code secret, et où l’on finit par se retrouver à son point de départ. J’imagine que quelques mois d’acharnement me permettront un jour de faire ma demande – n’empêche : depuis que j’ai jeté cet imprudent coup de périscope vers l’avenir, la nuit je ne dors plus, le jour je ne vis plus, je me vois condamné à travailler jusqu’à mon dernier souffle pour cause d’illectronisme incurable.    

MARDI.            

Lecture. Le Braconnier de Dieu (René Fallet, Denoël, 1973, rééd. Bleu autour, 2020; 288 p., 27 €).                           Je ne sais de quand date ma première lecture de ce roman. D’avant novembre 1978, c’est sûr, puisque c’est à cette date que j’ai commencé à prendre des notes sur ce que je lisais et que ce titre ne figure pas dans mes cahiers. Toujours est-il que j’en avais gardé un bon souvenir, que la relecture n’a pas gâché. Contrairement à d’autres romans de Fallet, Le Braconnier de Dieu n’a pas mal vieilli et tient encore la route. D’autant que l’éditeur a fait un très bon travail pour accompagner le texte d’illustrations et de commentaires dus à la clique amie de Jaligny que je n’ai pu retrouver en juin dernier : Philibert Humm, Michel Lécureur, Jacqueline Tissier, Agathe Fallet bien sûr, et d’autres que je ne connais pas mais qui donnent à cette réédition des éclairages historiques, géographiques, critiques de fort bon aloi. J’y ajouterai le plaisir de voir, dans cette histoire de moine défroqué adepte des plaisirs terrestres et fondateur d’une nouvelle Thélème, la peinture d’une religion apaisée, joyeuse, au service d’un Dieu débonnaire, à cent lieues de la triste réalité qui sévit de nos jours.    

MERCREDI.                  

Éphéméride. “Mardi 9 [décembre 1947]. Quel salaud que ce Charbonnier ! Veut travailler ce soir, parce que ça m’aurait arrangé de ne pas gratter demain. J’ai claqué les portes en disant que je viendrai ce soir moi aussi, ce qui était une connerie car, à tout prendre, mieux vaut un congé que des prunes. De plus il se permet de m’engueuler parce que je n’ai pas été ramper aux pieds des Interalliés ! Un Fallet ne rampe pas, fût-ce pour cent sacs, espèce de brocanteur ès photos. Vivement que je quitte une boîte où je n’aurais à regretter qu’Alex, le père Manevy, Bedel et d’autres rares.” (René Fallet, Carnets de jeunesse 2, 9 août 1947 – 2 août 1948)    

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe. Façades ouvertes, à la mode de La Vie mode d’emploi.  

Soyez sympa, rembobinez (Michel Gondry, R.-U. – France – É.-U., 2008)  

Tout va bien (Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin, France – Italie, 1972)    

SAMEDI.              

Films vus.

  • Sherlock Holmes (Guy Ritchie, É.-U. – Allemagne – R.-U. – Australie, 2009)                               
  • Fahim (Pierre-François Martin-Laval, France, 2019)                               
  • Le Carrefour des enfants perdus (Léo Joannon, France, 1944)                               
  • Le Mans ‘66 (Ford v Ferrari, James Mangold, É.-U., 2019)                               
  • Nos étoiles contraires (The Fault in Our Stars, Josh Boone, É.-U., 2014)                               
  • Le Petit Locataire (Nadège Loiseau, France, 2016).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Paris (Seine), rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, photo de Pierre Cohen-Hadria, 9 octobre 2011

Bâle (Suisse), photo de Caroline Didion, 15 février 2016                

Poil et pellicule.  

Hairspray (Adam Shankman, É.-U. – R.-U. – Canada, 2007)    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION

6 décembre 2020 – 907

DIMANCHE.                   

Vie informatique. Midi, l’heure des notules. Au moment d’envoyer le numéro du jour, fausse manœuvre, celui-ci disparaît dans les entrailles de l’ordinateur. Impossible de le récupérer. Que faire ? Envoyer un message pour annoncer son absence, ce qui serait une première en vingt ans d’existence ? Rester silencieux et voir si ce silence suscite des réactions, bon moyen de tester l’attention des notuliens, l’équivalent d’une interrogation écrite surprise ? Finalement, je recompose le numéro à la hâte, j’en ai le squelette en tête, tant pis pour les commentaires de lecture, ce n’est pas une grosse perte, et je réussis à l’envoyer sans encombre – mais sans doute pas sans coquilles.    

LUNDI.           

Courriel. Coquilles ou pas coquilles, la sanction est immédiate : une demande de désabonnement aux notules.

MERCREDI.                   

Éphéméride. “2 déc. 2007. Il est bon que le nom des objets nous éclaire aussi sur leurs propriétés et leurs usages. C’est ainsi qu’il suffit effectivement d’une toute petite poussée pour envoyer rouler la poussette sous les roues d’un camion.” (Éric Chevillard, L’Autofictif)                     

Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 23 (15 mars 2020, 80 p., 15 €).                             

L’esprit de l’escalier C.    

JEUDI.          

Lecture. La 13e Marche (Thirteen Steps Down, Ruth Rendell, Hutchinson, 2004 pour l’édition originale, Éditions des Deux Terres, 2007 pour la traduction française, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche n° 35048, 2008, traduit de l’anglais par Johan-Frédérik Hel Guedj; 448 p., 6,95 €).                         

Il y a des hauts et des bas dans l’œuvre de Ruth Rendell, tout n’est pas passionnant mais là, il faut bien dire qu’elle tutoie les sommets atteints par son meilleur titre à mes yeux, Véra va mourir. On a ici affaire à un pauvre type qui a à peu près tout raté dans sa vie et que sa passion pour un tueur en série amène à vivre dans le quartier de Londres où celui-ci a sévi. Sa tentative d’imitation du maître va lui montrer qu’il n’a pas le niveau : encombré de cadavres dont il ne sait comment se débarrasser, empêtré dans une autre passion, sentimentale celle-ci, qu’il nourrit à l’égard d’un inaccessible mannequin, viré de son boulot, l’homme s’enfonce dans une mouise d’autant plus extraordinaire qu’il n’en a pas conscience. Croyant toujours à une rebond certain, il multiplie les initiatives désastreuses sous la plume goguenarde de l’auteure et sous l’œil gourmand du lecteur, ravi.    

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe. Ferronnerie dard.  

  Semur-en-Auxois (Côte-d’Or), photo de Thierry Vohl, 2 novembre 2016 / Metz (Moselle), photo de Caroline Didion, 29 février 2020    

SAMEDI.              

Films vus.

  • Le Mort en fuite (André Berthomieu, France, 1936)                               
  • Les Monstres (I mostri, Italie – France, 1963)                               
  • Les Histoires d’amour finissent mal… en général (Anne Fontaine, France, 1993)                               
  • Serial Mother (Serial Mom, John Waters, É.-U., 1994)                               
  • Vivarium (Lorcan Finnegan, Irlande – Belgique – Danemark – Canada, 2019)                               
  • Un jour (One Day, Lone Scherfig, É.-U. – R.-U., 2011)                               
  • Ad Astra (James Gray, 2019, Chine É.-U. – Brésil, 2019).           

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Vagney (Vosges), photo de l’auteur, 9 octobre 2011 /Marseille (Bouches-du-Rhône), photo de Jean-Damien Poncet, 29 décembre 2016                

Poil et plume. “Ce jour-là, il était d’une humeur de rêve. Il avait écrit une lettre de remerciement pleine d’effusion à un homme qui l’avait aidé, s’était rassuré avec des gestes propitiatoires comme mettre la chemise mauve à rayures qu’elle aimait, boire de l’eau au déjeuner, aller chez le coiffeur de l’hôtel. Il avait espéré que, quand il entrerait dans sa chambre, elle lui tomberait dans les bras. Au lieu de cela, elle lui donna un baiser des plus rapides et lui lança un regard, pas méchant, mais qui disait : que les hommes sont ridicules quand ils sortent de chez le coiffeur !” (Harry Mathews, Cigarettes)     

Bon dimanche,  

Philippe DIDION