MARDI.
Lecture. Lumière d’août (Light in August, William Faulkner, 1932, Gallimard, 1935 pour la première traduction française, rééd. in Œuvres romanesques II, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 417, 1995; traduction de l’américain par Maurice-Edgar Coindreau, revue par André Bleikasten; 1480 p., 66 €).
La lumière. Le lecteur est heureux de la trouver au sortir d’un tunnel le long duquel, du Bruit et la Fureur à Sanctuaire, Faulkner l’a baladé dans ses premiers romans. Elle est là, dans une ouverture claire, lumineuse donc, où l’on découvre un personnage solaire, Lena Grove, une jeune fille enceinte partie de l’Alabama à la recherche du père de l’enfant à naître. Cela dure le temps d’un chapitre qui la voit arriver à Jefferson. Là, le soleil se voile : Lena s’efface au profit de personnages plus sombres, plus complexes, pour lesquels Faulkner va renouer avec sa technique habituelle : multiplication des histoires, des points de vue, brouillage des identités et des chronologies, plongée dans le chaos narratif. Mais le tunnel, là aussi aura une issue avec le dernier chapitre qui retrouve le personnage de Lena. Entre-temps, le lecteur aura eu le loisir de trébucher, de se perdre, et de comprendre la stupeur du jeune Bergounioux lorsqu’il tomba par hasard, dans la pénombre d’une bibliothèque de Brive, sur son premier Faulkner. Heureusement, il y a Bleikasten et sa notice, qu’il reprendra presque mot pour mot dans sa biographie de Faulkner parue en 2007. Il note que, pour la première fois, l’auteur s’attaque frontalement au racisme qui, avec la misogynie et le puritanisme, pèsent sur le Sud dont il est issu. On ne sait comment Faulkner est traité, ces jours-ci, par l’Université américaine : c’est un Blanc, et il parle des Noirs, ce qui est en passe de devenir illégitime. Pour l’instant, on dirait qu’on lui fiche la paix. Pourvu que ça dure.
MERCREDI.
Éphéméride. “23 décembre [1953]
Toujours pas de président. Les crieurs de journaux hurlent : “Les huit jours de Versailles !” comme ils annonceraient “les Vingt-Quatre heures du Mans” ou “les six jours du Vel’ d’Hiv”. La République survit à ces comédies.” (Mathieu Galey, Journal intégral 1953-1986)
VENDREDI.
Vie vacancière. Nous passons Noël sur la route pour gagner le Bourbonnais où nous allons passer quelques jours dans une ancienne maisonnette de garde-barrière, en bordure de la ligne Mâcon – Moulins. La Creuse n’est pas loin et il y a peu de risques, dans ce désert, de contaminer quiconque ou d’être contaminé par qui que ce soit, sauf si un Deschanel en pyjama venait à choir du dur. En attendant que la cabane chauffe un brin, nous partons à l’aventure, sous les averses de neige fondue, dans une campagne sinistre à souhait, agrémentée d’arbres à se pendre et d’étangs à se noyer. Je suis aux anges.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Vestiges de l’âge du fer.
Hautot-sur-Mer (Seine-Inférieure), photo de Jean-Damien Poncet, 15 juin 2019 / Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), photo de Paul Emond, 10 août 2016
SAMEDI.
Films vus.
- Une saison blanche et sèche (A Dry White Season, Euzhan Palcy, É.-U., 1989)
- Matthias et Maxime (Xavier Dolan, Canada – France, 2019)
- Mulan (Niki Caro, É.-U. – Canada – Hong Kong, 2020)
- Le Léopard (Jean-Claude Sussfeld, France, 1984)
- Le Trou (Jacques Becker, France, 1960).
L’Invent’Hair perd ses poils.
La Montagne (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 19 octobre 2011
Poil et pellicule.
Le Bon et les Méchants (Claude Lelouch, France, 1976)
DIMANCHE.
Vie littéraire. Je réponds à une commande éditoriale pour un recueil de nouvelles express intitulé “Cent mots pour un meurtre”. Le travail se fait sans douleur, malgré mes craintes tenant au fait que je suis totalement dépourvu d’imagination. Je crois que c’est la première fois que j’arrive à écrire un texte de fiction. Cent mots, me dira-t-on, ce n’est tout de même pas un exploit mais les nains aussi ont commencé petits.
LUNDI.
Lecture. La Vallée (Bernard Minier, XO Éditions, 2020; 528 p., 21,90 €).
Avec Franck Thilliez, Maxime Chattam et Jean-Christophe Grangé, Bernard Minier fait partie des auteurs français à succès dans un genre qu’on croyait réservé aux écrivains anglo-saxons, le thriller. Pour Minier, les recettes sont simples : un personnage récurrent (l’enquêteur Martin Servaz), un cadre naturel d’envergure (les Pyrénées), des meurtres spectaculairement mis en scène, un épisode de sexe de temps en temps comme dans les vieux SAS, une réactivité immédiate à l’actualité (le coronavirus est mentionné), un soupçon d’occultisme et l’affaire est enlevée. Cela n’a rien de honteux, ce n’est pas franchement passionnant mais c’est lisible. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir comment le produit est présenté. C’est un lourd pavé de plus de cinq cents pages qui, en réalité, est plein d’air : grosses lettres, abus des majuscules et des italiques, chapitres courts, séparés de pages blanches avec des passages de l’un à l’autre du genre “Salut, Martin, dit Irène Ziegler.” (chapitre 11, p. 95) / “Salut, Irène.” (chapitre 12, p. 97). Tout est fait pour donner au lecteur l’impression qu’il lit quelque chose de costaud et sérieux (jusqu’à des citations improbables de Paul Ricœur) alors que ce qu’il a en mains n’est rien d’autre que ce qu’on appelait jadis un roman de gare.
MARDI.
Vie vacancière. Retour aux affaires spinaliennes après ces quelques jours dans l’Allier marqués par un temps épouvantable et des conditions de séjour peu confortables. Tant pis, l’important était de changer d’air et de rythme, de revoir quelques lieux (Moulins, Thionne et Jaligny-sur-Besbre pour un pèlerinage consacré à René Fallet) et d’en découvrir d’autres (Saint-Pourçain-sur-Sioule). Au rayon découverte, signalons aussi que c’est la première fois que l‘on séjourne dans une maison envahie par les coccinelles asiatiques.
MERCREDI.
Éphéméride. “30 décembre [1944]
La radio m’apprend la condamnation à mort d’Henri Béraud. C’est un vieux camarade que j’avais connu vers 1920 parmi les compagnons du Crapouillot. Récemment, il m’avait demandé de le défendre. J’avais refusé, estimant que je ne pouvais, malheureusement, lui trouver d’excuse valable. Sans doute, sa position était prise bien avant guerre : il haïssait les Anglais. Jusqu’en 1939, c’était son droit. Il faut respecter la libre opinion. Puis la guerre est venue, puis la débâcle et l’occupation. L’Angleterre était notre alliée. Nous n’étions plus en paix. Mener campagne contre les Anglais, c’était ébranler le moral déjà si vacillant du pays et faire le jeu de l’ennemi. De plus, entre Béraud et Carbuccia, une querelle mortelle s’organisait. Défendre l’un, c’était accabler l’autre, et je les connais tous les deux. Je ne pouvais me mêler de prendre parti entre eux.” (Maurice Garçon, Journal 1939-1945)
JEUDI.
Obituaire. Robert Hossein, je ne l’avais pas vu venir. Claude Bolling, si, et c’est le sixième mort de l’année pronostiqué dans mon Couic Parade. C’est l’occasion de ressortir des étagères un CD des Parisiennes, le groupe créé par Claude Bolling dans les années 1960 selon le principe, d’une simplicité géniale à l’heure où les Double Six multipliaient les harmonies vocales sophistiquées, consistant à faire chanter un quatuor de la façon la plus basique qui soit : à l’unisson. En 1964, Les Parisiennes chantaient “C’est tout de même malheureux… qu’on ne puisse pas se promener tranquillement dans les rues après neuf heures du soir”. Si elles avaient su…
Lecture. Trois jours chez ma mère (François Weyergans, Grasset, 2005; 270 p.).
Confronté à l’impossibilité d’écrire, Weyergans met en scène un écrivain confronté à l’impossibilité d’écrire. Les jurés Goncourt seront sensibles à ses efforts en lui donnant leur prix, ce qui a rendu moins douloureux à Grasset les à-valoir consentis et les années d’attente. Au spécialiste de faire la part entre le fictionnel et l’autobiographique dans ce livre. Le lecteur ordinaire, lui, se laisse mener par un récit décousu mais plaisant qui n’est pas sans rappeler les romans de Michel Houellebecq. On y trouve la même posture un peu blasée, un peu désinvolte, la même obsession sexuelle confiées à un narrateur en proie à une dépression étudiée. Là encore, au spécialiste de déterminer ce que l’un doit à l’autre.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Fête des voisins, photos de Jean-François Fournié.
Beaune (Côte-d’Or), 16 avril 2017
Morvan, 21 octobre 2016
Bilan annuel 2020.
- * 143 livres lus (+ 21 par rapport à 2019)
- * 335 films vus (- 9)
- * 399 abonnés aux notules courriel + 8 abonnés internet + 1 abonnée papier = 408 (- 2)
Chantiers littéraires :
- * 456 communes visitées (+ 18) d’Ableuvenettes (Les) à Saut-le-Cerf (Le) dans le cadre de l’Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental
- * 339 photos de Bars clos (+ 7)
- * 1 355 tableaux commentés dans la Mémoire louvrière (=)
- * 748 publicités murales et enseignes peintes photographiées (+ 31)
- * 5 000 photographies de salons de coiffure pour l’Invent’Hair (+ 276)
- * 221 frontons d’école photographiés pour un Aperçu d’épigraphie républicaine (+ 6)
- * 127 Lieux où j’ai dormi retrouvés ou ajoutés et photographiés (+ 5)
Parutions :
- * Bulletin de l’Association Georges Perec n° 76, juin 2020
- * Bulletin de l’Association Georges Perec n° 77, décembre 2020
Mentions :
* Marcel Cordier, « Perles rares : Espis, un nouveau Lourdes ? », L’ Écho des Vosges, 18 juin 2020
Internet :
Précision concernant la politique photographique des notules :
* Les notuliens contribuent de façon efficace à l’avancée des chantiers photographiques qui meublent nos livraisons dominicales : le cabinet de curiosités et l’Invent’Hair leur doivent beaucoup, sans parler des aptonymes ou de la rubrique Poil et plume. Merci. Une précision s’impose toutefois : ne sont acceptés que les clichés dûment localisés, pris “en vrai”, à l’aide d’un appareil idoine ou d’un téléphone de poche. Les photos issues de sites internet ou de réseaux plus ou moins sociaux ne sont pas homologuées.
Appel :
* Le début de l’année est généralement propice aux bonnes résolutions. Si parmi ces résolutions figure celle de ne plus vous laisser importuner par des messages électroniques antédiluviens, pesants, inutiles, creux, mal écrits, pompeux, j’en passe, et si vous vous apercevez tout à coup que les notules correspondent à l’une des catégories précitées, inutile d’engorger les tuyaux pour rien : un simple mot « stop » en réponse à ce numéro mettra fin à votre abonnement.
SAMEDI.
Films vus.
- La Grande Illusion (Jean Renoir, France, 1937)
- Mank (David Fincher, É.-U., 2020)
- L’Inconnu dans la maison (Georges Lautner, France, 1992)
- La Religieuse (Jacques Rivette, France, 1966)
- Les Misérables (Ladj Ly, France, 2019)
- Le Cave est piégé (No temas a la ley, Victor Merenda, Espagne – France, 1963).
Lecture/Écriture. Mots croisés 14 (Michel Laclos, Zulma, coll. Grain d’orage, 2009; 50 grilles, 126 p., 15,95 €).
Invent’Hair, bilan d’étape.
Bilan établi au stade de 5 000 salons, atteint le 21 juin 2020.
Bilan géographique.
Classement général par pays.
- 1. France : 4 150 (+ 80)
- 2. Espagne : 179 (+ 1)
- 3. Royaume-Uni : 97 (+ 3)
- 4. Belgique : 77 (=)
- 5. Italie : 61 (+ 2)
- 6. États-Unis : 45 (=)
- 7. Portugal : 37 (=)
- 8. Suisse : 38 (+ 2)
- 9. Allemagne : 35 + 3)
- 10. Danemark : 34 (=)
Le Danemark continue sa descente, dépassé par l’Allemagne après l’avoir été par la Suisse. La République tchèque (12e) gagne 3 places avec 8 salons.
Classement général par régions (France).
- 1. Rhône-Alpes : 706 (+ 2)
- 2. Île-de-France : 666 (+ 9)
- 3. Languedoc-Roussillon : 334 (+ 11)
- 4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 319 (+ 8)
- 5. Lorraine : 311 (+ 4)
- 6. Midi-Pyrénées : 232 (+ 7)
- 7. Bretagne 175 : (+ 4)
- 8. Pays de la Loire : 161 (+ 1)
- 9. Bourgogne : 160 (=)
- 10. Centre : 144 (+ 5)
C’est en bas de classement que l’on trouve la région qui profite le plus de cette centaine : le Nord-Pas-de-Calais gagne 13 salons mais une seule place (21e).
Classement général par départements (France).
- 1. Seine (Paris) : 539 (+ 8)
- 2. Rhône : 336 (=)
- 3. Vosges : 167 (=)
- 4. Loire-Atlantique : 123 (=)
- 5. Hérault : 98 (+ 10)
- 6. Pyrénées-Orientales : 96 (=)
- 7. Meurthe-et-Moselle : 95 (+ 1)
- 8. Loire : 92 (=)
- 9. Bouches-du-Rhône : 89 (=)
- 10. Alpes-Maritimes : 81 (+ 1)
Notons le bond en avant de l’Hérault, qui passe de la 9e à la 5e place. Mais là aussi, c’est dans le nord que les choses bougent le plus : 13 salons de mieux pour le Pas-de-Calais et un bond du 89e au 63e rang.
Classement général par communes.
- 1. Paris : 539 (+ 8)
- 2. Lyon : 158 (=)
- 3. Nantes : 62 (=)
- 4. Barcelone : 58 (+ 1)
- 5. Nancy : 53 (=)
- 6. Épinal : 46 (=)
- 7. Nice : 38 (+ 1)
- 8. Marseille : 32 (=)
- 9. Toulouse : 24 (+ 2)
- “. Strasbourg : 24 (=)
- “. Copenhague : 24 (=)
- “. Villeurbanne : 24 (=)
- “. Le Havre : 24 (=)
Toulouse entre dans le club des 24, rangés à la 9e place. Béziers, avec 8 nouveaux salons pour un total de 23, est juste derrière. Belles entrées de Berck (5 salons), Saint-Lô (4), Avranches et Mayence (2), Grenoble et Le Touquet-Paris-Plage (1).
Bilan humain.
- 1. Jean-Damien Poncet : 440 (+ 26)
- 2. Philippe Didion : 383 (+ 3)
- 3. Pierre Cohen-Hadria : 340 (+ 12)
- 4. François Golfier : 317 (+ 13)
- 5. Jean-Christophe Soum-Fontez : 166 (=)
- 6. Sylvie Mura : 158 (+ 7)
- 7. Hervé Bertin : 139 (+ 1)
- 8. Bernard Cattin : 107 (+ 3)
- 9. Benoît Howson : 82 (+ 1)
- “. Jean-François Fournié : 82 (=)
Étude de cas. Vitrines avec reflet du photographe.
Auxerre (Yonne), photo de Bernard Cattin, 11 novembre 2018
Thiers (Puy-de-Dôme), photo du même, 15 août 2019
Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), photo de Jean-Damien Poncet, 18 juillet 2018
Montferrand-le-Château (Doubs), photo du même, 2 septembre 2017
Poil et pellicule.
L’Homme de la rue (Meet John Doe, Frank Capra, É.-U., 1941)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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