27 juin 2021 – 933

DIMANCHE.                   

Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’un Lepture tacheté.    

MERCREDI.

Éphéméride.                                                                                                                                                                                                                                     

“Aden, le 16 juin 1884.  

Chers amis,  

Je suis toujours en bonne santé, et je compte reprendre le travail prochainement.

Bien à vous,  

RIMBAUD.

Maison Bardey, Aden.”  

– N’écrivez plus sur l’adresse : Mazeran et Viannay, parce que la raison sociale est Bardey (seul) à présent.    

JEUDI.          

Lecture. Pylône (Pylon, William Faulkner, Smith & Haas, 1935 pour l’édition originale, Gallimard, 1946 pour la traduction française, rééd. in “Œuvres romanesques II”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 417, 1995; traduction de l’américain par R.-N. Raimbault et G. L. Rousselet, revue par François Pitavy; 1480 p., 66 €).                        

Quand on pratique Faulkner depuis un moment et qu’on sait le bazar qu’il peut créer rien qu’en entassant quatre ou cinq Noirs dans une charrette et en les laissant bavarder et divaguer, on n’aborde pas Pylône sans une certaine appréhension. Le roman se situe en effet à La Nouvelle-Orléans en plein Mardi gras, à l’occasion d’un meeting d’aviation suivi par une foule immense. Il y a de quoi semer la confusion, Faulkner ne s’en prive pas, et c’est sans doute par euphémisme que le traducteur parle dans son introduction de “la relative difficulté du texte”. Mais la focalisation sur un petit nombre de personnages, la fréquentation désormais régulière de l’auteur et, qui sait, l’effet prolongé de l’anesthésique m’ont permis de tracer mon chemin dans cette histoire sans trop de souffrance et de percer par moments le mystère de ses phrases quasi-joyciennes.    

VENDREDI.                  

Lecture. Esprit n° 459 (novembre 2019; 192 p., 20 €).                                

“Vivre en province”                    

Le cabinet de curiosités du notulographe. Vêtements amples.  

  Marseille (Bouches-du-Rhône), photo de Jean-Damien Poncet, 29 décembre 2016

Paris (Seine), rue Saint-Placide, photo de Chantal Potart, 2 novembre 2018    

SAMEDI.              

Vie littéraire. On fait d’une pierre deux coups aujourd’hui à Jaligny-sur-Besbre (Allier) où sont remis les Prix René-Fallet 2020 et 2021. La cérémonie se déroule dans un gymnase qu’il faut rapidement fuir pour s’installer à l’extérieur, tant la chaleur est étouffante. J’en profite pour explorer ce coin de Jaligny que je ne connais pas, notamment le stade qui me réserve une surprise de taille. Je peux dire, sans me vanter, que je commence à toucher ma bille en ce qui concerne les monuments aux morts, j’en ai vu de toutes sortes et en tous lieux, mais là, j’en reste pantois. Une modeste stèle est dressée dans un coin du terrain, derrière le poteau de corner. Elle est dédiée aux licenciés du club local, l’USJ, tombés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ceux-ci peuvent désormais suivre de près, sans bourse délier, les évolutions de leurs successeurs.  

Films vus.

  • Sushi Sushi (Laurent Perrin, France, 1991)                               
  • Slumdog Millionaire (Danny Boyle, Loveleen Tandan, R.-U. – É.-U., 2008)                               
  • La Morte-saison des amours (Pierre Kast, France, 1961)                               
  • The Father (Florian Zeller, R.-U. – France, 2020)                               
  • Noir comme le souvenir (Jean-Pierre Mocky, France – Allemagne – Suisse, 1995).                 

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Lalevade-d’Ardèche (Ardèche), photo de Jean-François Fournié, 2 août 2020

Oberbronn (Bas-Rhin), photo de François Golfier, 13 septembre 2015                

Poil et plume.  

DIMANCHE.                   

Vie bourbonnaise. Où l’on s’attarde dans l’Allier, toujours difficile à quitter, pour visiter, à Moulins, le Centre National du Costume de Scène. Je m’attendais à y voir des choses essentielles comme la robe de chambre de Zaza Napoli dans La Cage aux folles, le masque de Fantômas ou l’uniforme de Cruchot dans Le Gendarme de Saint-Tropez (m’en fous, l’ai déjà vu à la Cinémathèque) mais on s’occupe ici de scènes plus nobles, celles du théâtre, de l’opéra, du ballet, que l’on ne fréquente guère. L’exposition permanente est consacrée à Noureev, la temporaire à un Yánnis Kókkos inconnu de nos services. Ma foi, on est là pour apprendre, le cadre est majestueux et la richesse des costumes présentés est impressionnante, même aux yeux des béotiens que nous sommes.    

LUNDI.           

Lecture. N’épousez pas un flic (So Long as You Both Shall Live, Ed McBain, 1976 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Série Noire n° 1716, 1977 pour la traduction française, rééd. in “87e District 5”, Omnibus, 2000, traduction de l’américain par M. Charvet, revue et augmentée par Pierre de Laubier; 1374 p., 145 F).                            

MERCREDI.                  

Éphéméride. “Mardi 23 juin [2015].Cent deux ans. Dix mois et six jours.  

Lucette me demande encore et toujours si je m’amuse car “Dans la vie, s’amuser est le plus important. Les gens sont tous trop sérieux et rasoirs, ils se donnent de l’importance et ne rigolent pas. Tout ça pour se retrouver morts dans la terre. C’est ridicule.” (Véronique Robert-Chovin, Lucette Destouches, épouse Céline)    

JEUDI.          

Brève de trottoir.  

Lecture. Silbermann (Jacques de Lacretelle, Gallimard, 1922, rééd. coll. Folio n° 417, 1973; 128 p., 5,70 €).

VENDREDI.                             

Lecture. Les Amants d’Hérouville : Une histoire vraie (Yann Le Quellec, Romain Ronzeau, Delcourt, coll. Mirages, 2021; 256 p., 27,95 €).                    

Le cabinet de curiosités du notulographe. Vin de messe.  

Photo de Christophe Hubert, 23 décembre 2019    

SAMEDI.              

Films vus.

  • L’Orchestre rouge (Jacques Rouffio, Italie – France – Belgique, 1989)                               
  • Slalom (Charlène Favier, France – Belgique, 2020)                               
  • Le Rat d’Amérique (Jean-Gabriel Albicocco, France – Italie, 1963)                               
  • Ombres et brouillard (Shadows and Fog, Woody Allen, É.-U., 1991)                               
  • Mon roi (Maïwenn, France, 2015)                               
  • Everybody’s Fine (Kirk Jones, É.-U., 2009).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Lalevade-d’Ardèche (Ardèche), photo de Jean-François Fournié, 2 août 2020

Autun (Saône-et-Loire), photo de Gilles Bertin, 22 octobre 2018                

Poil et pellicule.  

À cause, à cause d’une femme (Michel Deville, France, 1963)    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION    

13 juin 2021 – 932

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 27 juin 2021.    

LUNDI.           

Lecture. L’Anomalie (Hervé Le Tellier, Gallimard, coll. Blanche, 2020; 336 p., 20 €).                         

On imagine d’ici la satisfaction des crocodiles de l’Oulipo, les Roubaud, les Bénabou, Jouet et autres… Les voilà enfin tranquilles, dispensés de faire la retape pour leur cénacle, de justifier l’existence de celui-ci, de vanter les bienfaits de la contrainte et de raconter leurs souvenirs de Georges Perec. Deux événements sont venus les soulager : l’entrée dans leur ouvroir de Clémentine Mélois et l’obtention du Prix Goncourt par l’un des leurs. La première publie à tour de bras et se précipite sur tout micro tendu, le second, Hervé le Tellier, rencontre avec L’Anomalie un succès aussi retentissant qu’inattendu. L’Oulipo sort de l’ombre, les crocodiles peuvent roupiller en paix. On est content pour eux, on est content pour Le Tellier, qui est un homme sympathique, même si l’on n’est pas convaincu par son livre : il semblerait que, comme pour Houellebecq et Pierre Lemaitre, les jurés Goncourt n’aient pas couronné le meilleur livre de l’auteur élu.    

MARDI.            

Vie professionnelle. J’allais dire “Je ne sais combien de fois…” mais en réalité je sais très bien combien de fois j’ai été absent du boulot ces vingt dernières années : j’ai manqué une matinée le jour où Lucie a été hospitalisée en urgence, j’ai manqué un après-midi pour assister aux obsèques de mon parrain. Le lendemain de ce triste événement, le principal de l’époque, homme d’une subtilité rare, m’avait accueilli avec ces mots : “Vous n’oublierez pas de rattraper vos heures.” J’ai pris ça pour des condoléances et n’ai plus jamais été absent depuis. Il n’y a pas de quoi se vanter : c’est juste une question de chance, celle d’avoir été épargné par les deuils, les accidents, la maladie. Et puis la roue tourne : absent cet après-midi, absent mardi prochain, parce qu’il y a des moments où l’on n’est plus maître de son emploi du temps. Absences légitimes, raisons justifiées, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Alors d’où vient cette stupide sensation de culpabilité, cette peur de passer pour un tire-au-flanc ? M’accompagneront-elles quand j’aurai le droit de m’absenter définitivement ?    

MERCREDI.                  

Éphéméride. “9 juin [1893].  

C’est gentil, cette nuque découverte des femmes. Quelques-unes ont même de petits poils dessus.” (Jules Renard, Journal)    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe. Aménagement du territoire canin.  

  Sant Pere de Rodes (Espagne), photo de Jean-François Fournié, 7 août 2019

Dieppe (Seine-Inférieure), photo du même, 10 juillet 2020    

SAMEDI.              

Lecture. Nous avons les mains rouges (Jean Meckert, Gallimard, 1947, rééd. Éditions Joëlle Losfeld, coll. Arcanes, 2020; 320 p., 12,80 €).                            

“Laurent hésita toutefois à lui demander s’il y avait moyen de moyenner avec les deux pépées…” Où l’on retrouve une expression sur laquelle on s’était attardé quand on l’avait dénichée dans Au Bon Beurre de Jean Dutourd et qui avait donné lieu à un billet publié par le notulien Benoît Melançon en 2013. Autre curiosité lexicale, inconnue de nos services celle-là, le mot “holpète”, qui apparaît dans la phrase “C’est holpète, tu verras ! Grouille-toi !” Le Dictionnaire de l’argot d’Albert Doillon ne le mentionne pas et Internet n’offre pas grand-chose de lumineux à son sujet… Plus loin, on trouve un fille “du genre acquisivitif et assuré”. Cette fois, c’est ma propre ignorance qui est en cause car si l’adjectif n’apparaît nulle part, le nom “acquisivité” figure dans le Petit Littré. C’est le “nom donné par les phrénologues à l’instinct qui porte l’homme à acquérir”. En ligne, soyons moderne, le Trésor de la Langue Française offre à son sujet une citation extraite de Bouvard et Pécuchet : “L’acquisivité englobe le tact des filous et l’ardeur des commerçants.” Dernière chose à noter, cette phrase : “Les mots ont une sonnette qu’il faut savoir faire tinter” qui pourrait bien être une réminiscence du Manifeste de Monsieur Antipyrine (1916) dans lequel Tristan Tzara réglait son compte à la poésie traditionnelle : “L’art était un jeu noisette, les enfants assemblaient les mots qui ont une sonnerie à la fin, puis ils pleuraient et ciraient la strophe, et lui mettaient les bottines des poupées et la strophe devint reine pour mourir un peu et la reine devint baleine, les enfants couraient à perdre haleine.” Décidément, c’est rien riche, Jean Meckert.                

Films vus.

  • Des hommes (Lucas Belvaux, France – Belgique, 2020)                               
  • Gloria (John Cassavetes, É.-U., 1980)                               
  • Brelan d’as (Henri Verneuil, France, 1952)                               
  • Lila Lili (Marie Vermillard, France, 1999)                               
  • Vacances portugaises (Pierre Kast, France – Portugal, 1963)                               
  • L’Ennemi intime (Florent-Emilio Siri, France – Maroc, 2007)                               
  • Carlotta’s Face (c.m., Valentin Riedl, Frédéric Schuld, Allemagne, 2018)                              
  • Nomadland (Chloé Zhao, É.-U. – Allemagne, 2020).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Couëron (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 18 décembre 2011

Plouharnel (Morbihan), photo de Michèle Thiébaut, 9 août 2013                

Le chant du poil.  

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), direction Pierre Boulez, mise en scène Peter Stein, 1993

Bon dimanche,  

Philippe DIDION    

6 juin 2021 – 931

DIMANCHE.                    

Vie littéraire. Je boucle le Bulletin de l’Association Georges Perec, 78e du nom, l’envoie à la mise en page avant ma mise au page.                      

Bestiolaire de Saint-Jean-du-Marché. Identification d’une Belle-dame.    

LUNDI.           

Lecture. La Nouvelle Revue française n° 640 (Gallimard, janvier 2020; 160 p., 15 €).    

MERCREDI.                  

Éphéméride. “Bobino music-hall  

2 juin [1933]  

Il ne me déplaît point, en pleine “saison de Paris”, en pleines “mondanités”, en plein snobisme, en plein gringue, pour parler franchement, de vous entretenir cette fois-ci, tout à fait hors de propos, semble-t-il, d’un établissement auquel on ne pense pas à cette époque-ci et qui s’appelle Bobino. Bobino, music-hall, 20, rue de la Gaîté, ainsi qu’il est écrit sur le programme qui représente une femme en chapeau haut de forme à rayures et à plumes, levant la jambe, au milieu d’un délire d’étoiles, par-dessus les six lettres du mot “Bobino”, qui dégringolent de gauche à droite de la couverture, comme un éclat de rire…” (Pierre de Régnier, Chroniques d’un patachon : Paris 1930-1935)

Lecture. Alphonse Allais en verve : mots, propos, aphorismes (Alphonse Allais, Horay, coll. En verve, 1970, rééd. 2004; 128 p., 7,50 €).                                

Je lis ça dans la salle d’attente d’un service d’anesthésie où j’ai rendez-vous cet après-midi. L’homme de l’art se pointe et appelle la dame qui est assise à côté de moi : “Madame Landormy !” Elle a pris de l’avance, pensé-je, face à cette situation tout à fait digne d’une brève d’Alphonse Allais. Du coup, pendant un bref moment, je ne sais plus si je suis en train de vivre ce moment ou de le lire.    

JEUDI.          

Lecture. L’Île aux trente cercueils (Maurice Leblanc, Éditions Pierre Lafitte, 1919, rééd. in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 2, Omnibus 2004, 1240 p., 23 €).                        

Citation : “Les trois cryptes étaient identiquement pareilles.”    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe. En cas de besoins.  

  Copenhague (Danemark), photo de François Golfier, 20 février 2017

Cannes (Alpes-Maritimes), photo de Jean-Hugues Blondel, 10 janvier 2020    

SAMEDI.             

Films vus.

  • La Môme vert-de-gris (Bernard Borderie, France, 1953)                              
  • Hope and Glory : La Guerre à sept ans (Hope and Glory, John Boorman, R.-U. – É.-U., 1987)                              
  • Le Bon Dieu sans confession (Claude Autant-Lara, France, 1953)                              
  • Lost Highway (David Lynch, France – É.-U., 1997)                              
  • Le Milliardaire (Let’s Make Love, George Cukor, É.-U., 1960)                              
  • Rien que pour vos cheveux (You Don’t Mess with the Zohan, Dennis Dugan, É.-U., 2008)                              
  • L’Ombre de Staline (Mr. Jones, Agnieszka Holland, Pologne – R.-U. – Ukraine, 2019).               

Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 25 (8 septembre 2020, 80 p., 15 €).               Injures et flagorneries.               

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Couëron (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 18 décembre 2011

La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), photo de Christiane Larocca, 21 avril 2018               

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 21 mai 2020. 78 km. (38 629 km).  

282 habitants     

Six gros obus encadrent le monument surmonté d’un coq. Quatre plots reliés par une lourde chaîne le séparent de la route. Le sol alentour est gazonné, un drapeau tricolore flotte au vent. La gerbe du 8 mai, déjà fanée, porte un ruban tricolore signé de la commune de Sainte-Barbe.  

  1914-1919  

Aux enfants et citoyens

De Sainte-Barbe

Morts pour la France  

BARTHÉLÉMY Léon Cap.l                    CLAIRE André

BAYARD Camille                    COLIN Achille Adj.t

BAYARD Gaston                    DEMANGE Abel

BERTEAUX Raymond                    DIDIER Léon

CHALIMANDRÉ Henri                     FRÉZARD Aimé

CHALIMANDRÉ René                    GÉRARD Georges

CHANAL Abel                    HAITE Abel

CHANAL René                    HAITE Charles Serg.t  

1939-1945  

8 noms de Militaires et F.F.I.

7 noms de Victimes civiles     

Droite :  

HAITE Édouard                    RICHARD Abel

LECOMTE Edmond                    RICHARD André

LEROY Adolphe                    SAINT-DIZIER Louis

MARY Edmond                    SIMON Gaston

MARY Joseph                    THIBAUT Charles

MATHIEU Léon                     VIRION René

MAURICE Abel                    MARCHAL Henri

PIERRON Martin                    ROUSSEL Paul

PETIT Édouard MldL                    ROGNON André L.NT               

Poil et pellicule.  

Printemps, été, automne, hiver… et printemps (Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom, Kim Ki-duk, Corée du Sud – Allemagne, 2003)    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION