LUNDI.
Lecture.
Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 28 (15 juin 2021, 64 p., 15 €).
Les administrations collégiales.
MARDI.
Lecture.
Le Libertinage (Louis Aragon, Éditions de la N.R.F. 1924, rééd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 436, « Œuvres romanesques complètes I », 1997; 1324 p., 65,50 €).
“Cette histoire rédigée comme la précédente à Berlin, ne se laisse pas clairement déchiffrer.” Ce commentaire de Daniel Bougnoux, qui concerne un des textes rassemblés dans ce recueil, pourrait s’appliquer à la majorité d’entre eux. Difficile de s’y retrouver, en effet, dans cet ensemble disparate. D’où l’importance des notices de cette édition, qui tentent de nous éclairer en se raccrochant à la biographie de l’auteur, aux dates de composition et aux indices donnés plus tard par Aragon lui-même. Au moment où il rassemble ces textes (contes, saynètes, nouvelles), Aragon a rencontré Breton qui cherche à passer de Dada au surréalisme et à établir les codes de ce nouveau mouvement. Cette incertitude et cette bascule sont sensibles dans l’écriture d’Aragon, dans le choix de ses thèmes et laissent le lecteur quelque peu désorienté.
Pour les amateurs de zeugmes : “ Nul de nous ne pouvait lui échapper quand il faisait ce geste de la main qui secouait les idées et les cendres de son cigare.”
Carnet de notes 2016-2020 (Pierre Bergounioux, Verdier, 2021; 926 p., 35,50 €).
Le constat est facile à faire : par rapport au Carnet 2011 – 2015, ce volume est plus court de 300 pages. Gide le notait dans son propre Journal : “Le nombre de choses qu’il n’y a pas lieu de dire augmente chaque jour”. Bergounioux s’assèche, se replie, se racornit. L’âge, bien sûr, est en cause : à l’approche des soixante-dix ans, la vitalité et l’activité ne sont plus les mêmes. Pour la première fois, on le voit renoncer à des rencontres, décliner des rendez-vous. Les promenades suivent toujours le même parcours, les déplacements sont toujours les mêmes, Chartres, Versailles, guère au-delà, sinon bien sûr la Corrèze natale. Plus de longues escapades à Cuba ou à Sarajevo pour tourner avec Godard. Du côté du lecteur, l’intérêt s’essouffle, la monotonie devient contagieuse. Un notulien, peu suspect de tiédeur vis-à-vis de l’auteur, n’hésite pas à le trouver “chiant”. La presse, d’ailleurs, s’est montrée assez discrète : un papier dans Le Monde, un autre dans L’Humanité, un entretien au Matricule des anges, c’est tout ce que j’ai remarqué au moment de la sortie du livre. Pourtant, j’attendais ce volume avec impatience car il recouvre l’époque à laquelle j’ai rencontré Bergou et correspondu avec lui. Enjoué, affable, il m’avait alors semblé ne pas coller à l’image qu’il donnait dans ses Carnets, et j’en avais conclu que ceux-ci ne correspondaient pas à la vérité du bonhomme. Je crois bien que je m’étais trompé, que le vrai Bergounioux est celui, sombre, pessimiste, que son journal laisse paraître et que l’image qu’il affiche “en vrai”, en public, n’est là que pour donner le change. Donc, l’âge, disait-on, et ses corollaires : les connaissances qui disparaissent, les efforts physiques qui coûtent, et puis ce cœur qui récalcitre : les jours sans la mention d’une oppression cardiaque, d’une douleur thoracique, d’une tension anormale sont rares. On ne va pas ici l’en blâmer : le cœur, cela fait trois mois que les notules ne parlent que de ça. La patience s’use, aussi, la vitalité de ses petites-filles – qui ont l’air d’une belle paire de punaises – l’amuse un moment, puis l’exaspère. Les travaux littéraires s’amenuisent, quelques plaquettes, souvent répétitives (“Je couvre trois pages avec, toujours, la sensation de déjà-vu, déjà-dit”), des préfaces, des textes de commande… Quant à la lecture, il se surprend plus d’une fois à ne pas savoir que lire, à rester inoccupé, l’esprit vide. Et puis il y a l’ombre du fils perdu, ce Jean, ô ironie, auteur d’un livre sur l’insuffisance cardiaque que le père parcourt avec des sentiments que l’on n’ose imaginer. À la fin du Carnet, l’auteur termine la lecture du journal de ses parents, entamé en 1960 et poursuivi jusqu’en 1976. Quatre ans plus tard, Bergounioux ouvrait son premier Carnet, une tâche qui l’occupe depuis quarante ans. Qui prendra sa suite ? À le croire, l’échéance fatale est proche, il se voit mourir au moins une fois par semaine, laisse la nuit le portail de sa maison ouvert pour faciliter l’arrivée des secours. On sait qu’il sera bien soigné, vivant dans une région où l’accès aux soins est aisé : il a mal à un œil le jeudi, téléphone aussi sec au cabinet d’ophtalmologie et hop, il a rendez-vous le lundi suivant, ce qui, vu d’ici, laisse rêveur. Dans la noirceur de ces pages, les lumières sont rares : un papillon, une jonquille, et puis, omniprésente, la femme aimée dont on admire la patience. Quant à nous, il ne nous reste qu’à espérer un prochain Carnet complet, cinq ans de plus, la poursuite d’une œuvre qui, en réalité, ne fait rien d’autre que nous renvoyer à notre propre vieillissement et à l’ennui que nous-mêmes distillons autour de nous.
MERCREDI.
Éphéméride.
“22 décembre [1946]
Mort de Pierre Bénard. À force de Pernod et de “tomates”, le malheureux, à 47 ans, ne pouvait plus se mouvoir et sa face tournait de la tomate à l’aubergine. Nous étions brouillés depuis mon départ du Canard en 36; Jeanson, lui, s’était réconcilié.
Que va devenir Le Canard ? Daragnès m’apprend que Céline est très malade au Danemark; il estime qu’on laisse crever en prison ce pestiféré en ne lui fournissant pas les médicaments qui lui sont indispensables.” (Jean Galtier-Boissière, Mon journal dans la Grande Pagaïe)
JEUDI.
Brève de trottoir.
Lecture.
Sensorialité excentrique (Raoul Hausmann, 1970 pour l’édition originale, rééd. Allia, 2005; 80 p., 6,10 €).
Le Train bleu s’arrête treize fois (Boileau-Narcejac, Denoël, 1966, rééd. in « Quarante ans de suspense » vol. 2, Robert Laffont, coll. Bouquins, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1314 p., 120 F).
Nouvelles.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Restriction de liberté.
Ferdrupt (Vosges), photo de Francis Henné, 5 mars 2021
Le Donjon (Allier), photo de l’auteur, 25 octobre 2020
Bestiolaire domestique.
Identification d’un Mouche bleue. Le gibier est rare, en cette saison.
SAMEDI.
Lecture.
Croque Ciguë (Guillaume Houin, auto-édition, 2016; 32 p., 5 €).
“Formules loufoques et pensées absurdes”
Films vus.
- The Day of the Coyote (c.m., Derek W. Hayes, R.-U., 2020)
- L’Événement (Audrey Diwan, France, 2021)
- The Power of the Dog (Jane Campion, R.-U. – Canada – Australie – Nouvelle-Zélande – É.-U., 2021)
- Intrigo: Samaria (Daniel Alfredson, Allemagne – Suède – R.-U., 2019)
- La Grande Évasion (The Great Escape, John Sturges, É.-U., 1963)
- L’Étreinte (Ludovic Bergery, France, 2020).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Altkirch (Haut-Rhin), photo de Laurence Bessac, 18 mars 2012
Bernay (Eure), photo de Pierre Cohen-Hadria, 18 septembre 2019
IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).
4 octobre 2020. 122 km. (39 594 km).
2 339 habitants
Le monument est proche de l’ancien séminaire, qui semble être le seul édifice de la ville épargné par les bombardements. C’est une stèle de pierre rose dominée par les drapeaux européen, français et lorrain. Les noms figurent sur deux plaques métalliques (de cuivre semble-t-il), une pour chaque guerre, mais l’oxydation rend la lecture difficile.
La ville de Saulcy sur Meurthe
À ses morts glorieux
1914-1918 1939-1945
Poil et plume.
“Je traverse la place de la mairie et je vais chez le coiffeur. C’est Moune qui s’occupe de moi. Elle est bonne fille, mais c’est une conne. Sa conversation, c’est zéro. Son travail, c’est zéro. Si Mme Ricci, la patronne, ne venait pas me prendre en route et lui dire gentiment d’aller nous chercher deux thés citron au café d’à côté, je sortirais de là comme un plumeau sur deux jambes.” (Sébastien Japrisot, L’Été meurtrier)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.