26 décembre 2021 – 953

LUNDI.           

Lecture.

Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 28 (15 juin 2021, 64 p., 15 €).   

Les administrations collégiales.    

MARDI.            

Lecture.

Le Libertinage (Louis Aragon, Éditions de la N.R.F. 1924, rééd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 436, « Œuvres romanesques complètes I », 1997; 1324 p., 65,50 €).                          

“Cette histoire rédigée comme la précédente à Berlin, ne se laisse pas clairement déchiffrer.” Ce commentaire de Daniel Bougnoux, qui concerne un des textes rassemblés dans ce recueil, pourrait s’appliquer à la majorité d’entre eux. Difficile de s’y retrouver, en effet, dans cet ensemble disparate. D’où l’importance des notices de cette édition, qui tentent de nous éclairer en se raccrochant à la biographie de l’auteur, aux dates de composition et aux indices donnés plus tard par Aragon lui-même. Au moment où il rassemble ces textes (contes, saynètes, nouvelles), Aragon a rencontré Breton qui cherche à  passer de Dada au surréalisme et à établir les codes de ce nouveau mouvement. Cette incertitude et cette bascule sont sensibles dans l’écriture d’Aragon, dans le choix de ses thèmes et laissent le lecteur quelque peu désorienté.                          

Pour les amateurs de zeugmes : “ Nul de nous ne pouvait lui échapper quand il faisait ce geste de la main qui secouait les idées et les cendres de son cigare.”                            

Carnet de notes 2016-2020 (Pierre Bergounioux, Verdier, 2021; 926 p., 35,50 €).                          

Le constat est facile à faire : par rapport au Carnet 2011 – 2015, ce volume est plus court de 300 pages. Gide le notait dans son propre Journal : “Le nombre de choses qu’il n’y a pas lieu de dire augmente chaque jour”. Bergounioux s’assèche, se replie, se racornit. L’âge, bien sûr, est en cause : à l’approche des soixante-dix ans, la vitalité et l’activité ne sont plus les mêmes. Pour la première fois, on le voit renoncer à des rencontres, décliner des rendez-vous. Les promenades suivent toujours le même parcours, les déplacements sont toujours les mêmes, Chartres, Versailles, guère au-delà, sinon bien sûr la Corrèze natale. Plus de longues escapades à Cuba ou à Sarajevo pour tourner avec Godard. Du côté du lecteur, l’intérêt s’essouffle, la monotonie devient contagieuse. Un notulien, peu suspect de tiédeur vis-à-vis de l’auteur, n’hésite pas à le trouver “chiant”. La presse, d’ailleurs, s’est montrée assez discrète : un papier dans Le Monde, un autre dans L’Humanité, un entretien au Matricule des anges, c’est tout ce que j’ai remarqué au moment de la sortie du livre. Pourtant, j’attendais ce volume avec impatience car il recouvre l’époque à laquelle j’ai rencontré Bergou et correspondu avec lui. Enjoué, affable, il m’avait alors semblé ne pas coller à l’image qu’il donnait dans ses Carnets, et j’en avais conclu que ceux-ci ne correspondaient pas à la vérité du bonhomme. Je crois bien que je m’étais trompé, que le vrai Bergounioux est celui, sombre, pessimiste, que son journal laisse paraître et que l’image qu’il affiche “en vrai”, en public, n’est là que pour donner le change. Donc, l’âge, disait-on, et ses corollaires : les connaissances qui disparaissent, les efforts physiques qui coûtent, et puis ce cœur qui récalcitre : les jours sans la mention d’une oppression cardiaque, d’une douleur thoracique, d’une tension anormale sont rares. On ne va pas ici l’en blâmer : le cœur, cela fait trois mois que les notules ne parlent que de ça. La patience s’use, aussi, la vitalité de ses petites-filles – qui ont l’air d’une belle paire de punaises – l’amuse un moment, puis l’exaspère. Les travaux littéraires s’amenuisent, quelques plaquettes, souvent répétitives (“Je couvre trois pages avec, toujours, la sensation de déjà-vu, déjà-dit”), des préfaces, des textes de commande… Quant à la lecture, il se surprend plus d’une fois à ne pas savoir que lire, à rester inoccupé, l’esprit vide. Et puis il y a l’ombre du fils perdu, ce Jean, ô ironie, auteur d’un livre sur l’insuffisance cardiaque que le père parcourt avec des sentiments que l’on n’ose imaginer. À la fin du Carnet, l’auteur termine la lecture du journal de ses parents, entamé en 1960 et poursuivi jusqu’en 1976. Quatre ans plus tard, Bergounioux ouvrait son premier Carnet, une tâche qui l’occupe depuis quarante ans. Qui prendra sa suite ?  À le croire, l’échéance fatale est proche, il se voit mourir au moins une fois par semaine, laisse la nuit le portail de sa maison ouvert pour faciliter l’arrivée des secours. On sait qu’il sera bien soigné, vivant dans une région où l’accès aux soins est aisé : il a mal à un œil le jeudi, téléphone aussi sec au cabinet d’ophtalmologie et hop, il a rendez-vous le lundi suivant, ce qui, vu d’ici, laisse rêveur. Dans la noirceur de ces pages, les lumières sont rares : un papillon, une jonquille, et puis, omniprésente, la femme aimée dont on admire la patience. Quant à nous, il ne nous reste qu’à espérer un prochain Carnet complet, cinq ans de plus, la poursuite d’une œuvre qui, en réalité, ne fait rien d’autre que nous renvoyer à notre propre vieillissement et à l’ennui que nous-mêmes distillons autour de nous.      

MERCREDI.                  

Éphéméride.

“22 décembre [1946]  

Mort de Pierre Bénard. À force de Pernod et de “tomates”, le malheureux, à 47 ans, ne pouvait plus se mouvoir et sa face tournait de la tomate à l’aubergine. Nous  étions brouillés depuis mon départ du Canard en 36; Jeanson, lui, s’était réconcilié.

Que va devenir Le Canard ?   Daragnès m’apprend que Céline est très malade au Danemark; il estime qu’on laisse crever en prison ce pestiféré en ne lui fournissant pas les médicaments qui lui sont indispensables.” (Jean Galtier-Boissière, Mon journal dans la Grande Pagaïe)  

JEUDI.          

Brève de trottoir.  

Lecture.

Sensorialité excentrique (Raoul Hausmann, 1970 pour l’édition originale, rééd. Allia, 2005; 80 p., 6,10 €).

Le Train bleu s’arrête treize fois (Boileau-Narcejac, Denoël, 1966, rééd. in « Quarante ans de suspense » vol. 2, Robert Laffont, coll. Bouquins, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1314 p., 120 F).

Nouvelles.    

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Restriction de liberté.  

Ferdrupt (Vosges), photo de Francis Henné, 5 mars 2021

Le Donjon (Allier), photo de l’auteur, 25 octobre 2020

Bestiolaire domestique.

Identification d’un Mouche bleue. Le gibier est rare, en cette saison.    

SAMEDI.              

Lecture.

Croque Ciguë (Guillaume Houin, auto-édition, 2016; 32 p., 5 €).                            

“Formules loufoques et pensées absurdes”                

Films vus.

  • The Day of the Coyote (c.m., Derek W. Hayes, R.-U., 2020)                               
  • L’Événement (Audrey Diwan, France, 2021)                               
  • The Power of the Dog (Jane Campion, R.-U. – Canada – Australie – Nouvelle-Zélande – É.-U., 2021)  
  • Intrigo: Samaria (Daniel Alfredson, Allemagne – Suède – R.-U., 2019)                               
  • La Grande Évasion (The Great Escape, John Sturges, É.-U., 1963)                               
  • L’Étreinte (Ludovic Bergery, France, 2020).                     

 L’Invent’Hair perd ses poils.

Altkirch (Haut-Rhin), photo de Laurence Bessac, 18 mars 2012

Bernay (Eure), photo de Pierre Cohen-Hadria, 18 septembre 2019

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

4 octobre 2020. 122 km. (39 594 km).  

2 339 habitants

Le monument est proche de l’ancien séminaire, qui semble être le seul édifice de la ville épargné par les bombardements. C’est une stèle de pierre rose dominée par les drapeaux européen, français et lorrain. Les noms figurent sur deux plaques métalliques (de cuivre semble-t-il), une pour chaque guerre, mais l’oxydation rend la lecture difficile.  

La ville de Saulcy sur Meurthe

À ses morts glorieux

1914-1918     1939-1945

Poil et plume.

“Je traverse la place de la mairie et je vais chez le coiffeur. C’est Moune qui s’occupe de moi. Elle est bonne fille, mais c’est une conne. Sa conversation, c’est zéro. Son travail, c’est zéro. Si Mme Ricci, la patronne, ne venait pas me prendre en route et lui dire gentiment d’aller nous chercher deux thés citron au café d’à côté, je sortirais de là comme un plumeau sur deux jambes.” (Sébastien Japrisot, L’Été meurtrier)    

Bon dimanche,    

Philippe DIDION    

19 décembre 2021 – 952

LUNDI.           

Lecture.

Le Club des hachichins (Théophile Gautier, Revue des Deux Mondes, 1846, rééd. Mille et une nuits n° 583, 2011; 80 p., 2,50 €).

Nouvelle.    

MARDI.            

Lecture.

Secrets de la jungle (Jungle Ways, William Seabrook, 1930 pour l’édition originale, Éditions Jacques Haumont, 1931 pour la traduction française, rééd. Les Belles Lettres, coll. Domaine étranger, 2021, traduit de l’américain par Suzanne Flour; 304 p., 13,90 €).                          

L’Américain William Seabrook s’est fait connaître par un récit de voyage en Haïti, sur les traces du vaudou, remarqué par Michel Leiris et Paul Morand. Il repart ici à l’aventure en Afrique, dans la forêt ivoirienne et en pays dogon. C’est de l’aventure coloniale sur le mode “les porteurs n’iront pas plus loin”, qui mêle péripéties et observation. Seabrook ne se veut pas ethnologue, ce qui ne l’empêche pas d’étudier et de noter scrupuleusement ce qu’il découvre et apprend sur les coutumes des peuples visités, notamment le fétichisme et le cannibalisme. L’humour dont il fait preuve ne tourne jamais à la moquerie et les comparaisons qu’il établit entre le monde dont il est issu et celui qu’il découvre sont empreintes de respect, voire d’admiration envers celui-ci.                            

La Pipe d’opium (Théophile Gautier, La Presse, 1838, rééd. Mille et une nuits n° 583, 2011; 80 p., 2,50 €).  

Nouvelle.    

MERCREDI.                  

Éphéméride.

“15 décembre [1955]. La Haye  

J’habite chez Jan de L. La façade de sa maison (du XVIIe) est en briques patinées; quand je sors, je claque la porte d’un tableau de Vermeer. Du reste, on s’étonnerait à peine de croiser Descartes dans cette rue, qui bute sur un canal, et se prolonge par un petit pont en dos d’âne. Au Mauritshuis, choc à l’estomac devant la Vue de Delft. La Femme au turban est si connue qu’on a l’impression d’être marié avec elle depuis toujours, tandis que Delft, merveille dorée, on n’en finirait pas de la découvrir. Et pas seulement le “petit mur”… Noté aussi un extraordinaire portrait de jeune femme, par Bruyn le Vieux : quelque chose d’italien qui percerait sous la Hollande. Enfin, la Leçon d’anatomie, bien sûr. Mais pas d’émotion comme devant Saül et David, avec sa longue figure pointue, intrigante, qu’on dit le portrait de Spinoza.” (Mathieu Galey, Journal intégral 1953-1986)                    

Lecture.

Leonard Cohen : Sur un fil (Philippe Girard, Casterman, 2021; 120 p., 20 €).    

JEUDI.          

Brève de trottoir.  

Lecture.

Schnock n° 35 (La Tengo, juin 2020; 176 p., 15,50 €).                        

Les Bronzés.                          

Europe n° 1073-1074 (juillet-août 2018, 388 p., 20 €).                        

Gustave Flaubert.    

VENDREDI.                  

Bulletin de santé.

C’est la fin du premier trimestre, pour moi aussi puisque cela fera demain trois mois que j’ai subi mon opération. Quoique détaché (définitivement ?) des affaires scolaires, j’ai aussi le droit de me sentir en vacances : dernière séance de rééducation cardiaque ce matin, on reprendra en janvier, et dépose du corset thoracique porté jour et nuit pendant toute cette période. La sensation est loin d’être agréable, la peau reste sensible à tout contact, cela passera comme passeront les dernières séquelles de ce bouleversement : un traitement toujours difficile à ajuster, une fréquence cardiaque régulière mais toujours trop haute, une fatigue continue. Mais je mène une vie agréable, je prends cet épisode comme un entraînement – y compris sur le plan financier – à la retraite que j’espère toujours atteindre à la date demandée.                    

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Rayonnement du notulographe dans divers domaines.  

L’Obs, 18 octobre 2018*

* Il s’agit bien sûr de Joan Didion.

Thaon-les-Vosges (Vosges), photo d’Hervé Bertin, 10 juin 2020

SAMEDI.              

Films vus.

  • La Femme de l’année (Woman of the Year, George Stevens, É.-U., 1942)                               
  • Felicità (Bruno Merle, France, 2020)                               
  • Hidden (The Hidden, Jack Sholder, É.-U., 1987)                               
  • Mafia Inc. (Daniel Grou, Canada, 2019)                               
  • Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven, John Sturges, É.-U., 1960)                               
  • Histoire de Marie et Julien (Jacques Rivette, France – Italie, 2003)                               
  • En avoir (ou pas) (Laetitia Masson, France, 1995).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Altkirch (Haut-Rhin), photo de Laurence Bessac, 18 mars 2012

Langogne (Lozère), photo de Jean-Damien Poncet, 20 juillet 2018

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

27 septembre 2020. 129 km. (39 472 km).  

328 habitants

Dressé à la sortie du village, le monument, austère et massif, impressionne. Il ressemble à une cheminée en forme de trapèze avec deux ouvertures sur le dessus. Une volée de marches mène à une esplanade gravillonnée ceinte d’une clôture en pierres massives cimentées – comme le monument lui-même. Un trépied métallique porte une gerbe tricolore, un drapeau français est accroché derrière une plaque de tôle portant les armes de la commune. Deux plaques avec les noms des victimes de 1939-1945 encadrent celle, plus grande, consacrée aux morts de la Grande Guerre.  

1914-1918

Le Saulcy

À ses enfants morts pour la France

Colonne de gauche : 16 noms de BACHER Jean à JEANDEL J B   

Colonne de droite : 16 noms de LAUNAY Xavier à THOUVENOT Auguste A  

Victimes civiles

Colonne de gauche : 9 noms de BENOÎT Alfred à FERRY Albert   

Colonne de droite : 9 noms de GEORGES Paul à CLAUVELIN François                

Poil et plume.  

    Bon dimanche,    

Philippe DIDION    

12 décembre 2021 – 951

MERCREDI.                  

Éphéméride.  

À Sainte-Beuve  

[Paris, 8 décembre 1862.]  

“Je vous remercie, cher Maître. Vous m’avez traité aussi aimablement que possible. – Le préambule m’a d’ailleurs touché. Je n’avais pas besoin de cela pour savoir que vous m’aimez. Mais de pareilles preuves d’estime sont toujours très flatteuses – même pour les anthropophages.

Avez-vous jeté les yeux sur l’article du Siècle, par hasard ? C’est un contrepoids, mais qui m’a fait moins peine que le vôtre m’a fait de plaisir.

J’irais vous voir si je ne vous savais trop occupé – et occupé de moi.

Merci donc encore une fois. Je vous serre les mains très tendrement.

Tout à vous.” (Gustave Flaubert, Correspondance)                    

Lecture.

Ça fait une paye (Long Time no See, Ed McBain, 1977 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Super Noire n° 112, 1977 pour la traduction française, rééd. in “87e District 5”, Omnibus, 2000, traduction de l’américain par Michel Deutsch, revue et augmentée par Anne-Judith Descombey; 1374 p., 145 F). 

On loue souvent Ed McBain pour sa virtuosité à mêler plusieurs intrigues dans ses romans de la série du 87° District, intrigues majeures et secondaires qui sollicitent plusieurs membres du célèbre commissariat d’Isola. Ici, changement de pied : l’inspecteur Steve Carella est à peu près seul pour élucider un seul mystère, celui de l’assassinat de trois personnes aveugles dans sa ville. Autre originalité : l’appel à la psychanalyse, car c’est en recherchant la signification d’un rêve récurrent que Carella trouvera le coupable. Ed McBain semble ici au sommet de son art. L’aisance avec laquelle il s’amuse à retarder la révélation finale l’autorise à intervenir directement dans l’histoire par des commentaires ironiques et des adresses au lecteur qui, là aussi, apparaissent comme des nouveautés et la marque d’un désir de se renouveler tout à fait convaincant.    

JEUDI.          

Lecture.

Tati filme (sous la direction d’Alison Castle, in “L’Intégrale Jacques Tati”, Taschen, 2019; 1136 p., 185 €).

Photogrammes.    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Belles devises.  

  Aubusson (Creuse), photo de l’auteur, 12 août 2020

Paris (Seine), photo de Christophe Hubert, 16 mars 2019

SAMEDI.              

Vie littéraire.

Je reçois une requête émanant d’un chercheur qui travaille sur La Messe d’Or, un inédit d’Ernest Gengenbach au sujet duquel il me demande si je suis prêt à lui fournir informations et documentation en ma ma possession. Je vais fouiller, et bien volontiers : voilà trop longtemps que j’ai l’impression d’être le seul à m’intéresser au surréaliste de Gruey-lès-Surance.                

Films vus.

  • The Good Criminal (Honest Thief, Mark Williams, É.-U., 2020)
  • La Vie des morts (Arnaud Desplechin, France, 1991)
  • Black Beach (Esteban Crespo, Espagne – Belgique – É.-U., 2020)
  • Le Syndrome chinois (The China Syndrom, James Bridges, É.-U., 1979)
  • Cross the Line (David Victori, Espagne, 2020).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Caen (Calvados), photo de Pierre Cohen-Hadria, 15 mars 2012

Paris (Seine), rue Godot-de-Mauroy, photo de Francis Henné, 16 février 2016

Poil et pellicule.  

L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune (Jacques Demy, France – Italie, 1973)    

Bon dimanche,    

Philippe DIDION

5 décembre 2021 – 950

LUNDI.           

Vie inclusive.

Je reçois aujourd’hui pour correction la maquette du Bulletin Perec. L’éditorial débutait ainsi : “Covid, vaccination, coronavirus, contagion, manif antivax, soignants applaudis aux balcons, pangolin chinois, distanciation, propagation du virus, Raoult, Macron… Confiné au Moulin d’Andé en 2021, Georges Perec n’aurait pas manqué de noter ces termes en vue de l’écriture d’une Disparition à la mode d’aujourd’hui.” La metteuse en page, une militante, a modifié le début de la première phrase qu’elle réécrit ainsi : “Covid, vaccination, coronavirus, contagion, manif antivax, soignantes et soignants applaudi(e)s aux balcons…” Ce qui, bien sûr, ne tient pas debout au vu de la référence au roman lipogrammatique de Perec. Je m’y attendais, les notules 795 du 3 juin 2018 l’avaient prévu : “éditrice de Perec à son époque, elle aurait fait ajouter des “e” féminisants à La Disparition”. C’est fait. Il suffisait d’être patient.    

MARDI.            

Lecture.

Les Dents du tigre (Maurice Leblanc, Éditions Pierre Lafitte, 1921, rééd. in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 2, Omnibus 2004, 1240 p., 23 €).                          

Pour cette aventure, Arsène Lupin revient sur le devant de la scène alors que dans les épisodes précédents (on parle des épisodes lus dans l’ordre de cette édition qui ne correspond pas à l’ordre de parution, la chronologie lupinienne n’étant pas facile à suivre), Maurice Leblanc se contentait de l’utiliser comme un deus ex machina, en le faisant apparaître au dernier chapitre pour résoudre une énigme. Car Lupin, la guerre de 14 est passée par là, n’est plus le cambrioleur des débuts. S’il pratique toujours plus ou moins son art, ce n’est plus à des fins personnelles mais au service de plus nobles causes, patriotiques entre autres. Il se démène ici pour démêler une histoire complexe d’héritage convoité par de bien méchantes gens au détriment d’une femme dont Lupin est amoureux. Cet amour lui donne des ailes et devient le thème principal de cette histoire menée tambour battant, passionnante de bout en bout avec énigmes, rebondissements, révélations et coups de théâtre à chaque chapitre. C’est du meilleur Leblanc, qui fait avaler sans problème les invraisemblances  de son récit. À l’issue de celui-ci, Lupin, ayant éliminé les méchants et conquis l’amour, se retire sur ses terres et prend sa retraite. Personne n’y croit, bien sûr.

MERCREDI.                  

Lecture.

Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 26 (15 décembre 2020, 112 p., 15 €).                                

Hommage au T.S. Thieri Foulc.                                  

Chevreuse (Patrick Modiano, Gallimard, coll. Blanche, 2021; 176 p., 18 €).                                

“Et il se rappela le titre d’un film italien qu’il avait vu à la Cinémathèque de Chaillot : Les enfants nous regardent.” Tout est dit. En mentionnant, page 35, ce vieux film de Vittorio De Sica (I bambini ci guardano, Italie, 1944), Modiano dévoile la mécanique de ses livres : comme bien d’autres de ses prédécesseurs, le narrateur de Chevreuse a assisté, enfant, à des scènes, entendu des conversations qui ne le concernaient pas, qu’il ne comprenait pas, et dont il retrouve des indices (noms de lieux, de personnes, agendas, numéros de téléphone) à une époque ultérieure de sa vie. Commence alors une enquête qui est aussi une plongée dans le passé pour retrouver le sens de ces actes ou de ces paroles. Cette mécanique mémorielle est celle qu’il utilise dans la majorité de ses romans comme en attestent quelques titres (Du plus loin de l’oubli, Souvenirs dormants, Vestiaire de l’enfance…), celle qui permet d’entretenir l’ambiance floue, incertaine, qui les caractérise et qui fonctionne ici, une fois de plus, admirablement.

Éphéméride.

“1er décembre [1947]. Mais la lutte s’engage ! Les Nouvelles littéraires sortent un très bon papelard. Dans un écho, on prétend que Carco me donnera sa voix au Goncourt. Rien n’est perdu !

Encore une semaine à tirer pour ce scénario. Je m’entends excellemment avec René, boulot intéressant, mais ces levers à 6 h 30 m’arrosent de désespoir…

Ce soir à la gare rencontre avec Minou. Elle froide et moi aussi. J’attendrai donc ses prochaines lettres de douleur (Ah ! Ah!).” (René Fallet, Carnets de jeunesse 3 : 9 septembre 1948 – 25 décembre 1950)  

JEUDI.          

Brève de trottoir.  

Lecture.

Patrick Dewaere : À part ça la vie est belle (LF Le Bollée, Maran Hrachyan, Glénat, coll. 9 1/2, 2020; 132 p., 22 €).    

VENDREDI.                  

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Décoration moderne.  

  Abbeville (Somme), photo de Jean-Damien Poncet, 20 juin 2020

Lyon (Rhône), photo de Caroline Didion, 27 décembre 2018

Lecture.

Trois poèmes dans la NRF (Jean Tardieu, 1927, rééd. in “Œuvres”, Gallimard, coll. Quarto, 2005; 1598 p., 27,50 €).    

SAMEDI.              

Lecture.

Ultima ou La Dernière Heure d’Edmond de Goncourt (Alphonse Daudet, Revue de Paris, 1896, rééd. Mille et une nuits n° 616, 2013; 72 p., 3 €).                

Films vus.

  • Intrigo : chère Agnès (Intrigo: Dear Agnes, Daniel Alfredson, Allemagne – Suède – R.-U., 2019)                             
  • The Shanghai Gesture (Josef von Sternberg, É.-U., 1941)                               
  • Retour à Zombieland (Zombieland: Double Tap, Ruben Fleischer, É.-U., 2019)                               
  • Ma famille t’adore déjà ! (Jérôme Commandeur, Alan Corno, France – Belgique, 2016)    
  • L’Amour flou (Romane Bohringer, Philippe Rebbot, France, 2018).                               
  • La Chanson du passé (Penny Serenade, George Stevens, É.-U., 1941).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

Mirecourt (Vosges), photo de Francis Pierre, 10 mars 2012

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

30 août 2020. 150 km. (39 343 km).  

101 habitants

L’église est imposante pour un village de cette taille. Le monument se trouve sur le côté du parvis, un obélisque de granit poli assez récent apparemment. Il est cerné d’une chaîne métallique aux anneaux rectangulaires, est adossé à une haie de thuyas. À l’avant, un pot de fleurs, à l’arrière un mât à drapeau.  

  À la mémoire

Des enfants de Sartes

Morts pour la France

1914-1918  

MORDAING René

LARCHÉ Louis

PERRIN Léon

MOUGIN Robert

DEVILLARD Léon

DEVILLARD Paul

MILLOT Albert

RAVIER Ernest

PFLAUM Ernest

MAGE Léon     

Droite :  

LIEBAULT Roger

MORDAING André

RENAUD Hubert

1939-1945

Poil et plume.  

Bon dimanche,    

Philippe DIDION