DIMANCHE.
Vie professionnelle (fin ?).
Le message est tombé à 7 heures 39. “L’instruction de votre dossier de départ à la retraite est terminée. Votre demande est validée.” Le soulagement est immense. Je n’y ai jamais cru. J’ai beau avoir eu une “carrière” aussi linéaire que possible, j’ai beau être salarié depuis l’âge de 18 ans, j’ai beau avoir toutes les années et tous les trimestres requis, j’ai beau avoir reçu l’estimation de ma pension, j’ai beau savoir que reprendre le travail est désormais, littéralement, au-dessus de mes forces, je n’y crois toujours pas. Je n’ai jamais eu confiance dans ces démarches sur Internet, j’ai toujours eu la crainte d’un document manquant, d’un message non délivré, d’une avarie dans les tuyaux. J’ai toujours pris soin de dire que j’avais fait ma demande, je n’ai jamais affirmé que je partirais à la date demandée. Encore asteure, j’ai du mal à me convaincre que la cause est entendue. Une demande validée est-elle une demande acceptée ? Ne manque-t-il pas la réponse à cette demande ? On me promet maintenant l’envoi d’un “titre de pension”. Quand je l’aurai reçu, je serai peut-être un peu plus rassuré. Une étape est franchie, pas la ligne d’arrivée.
MERCREDI.
Éphéméride.
“Lundi 9 [mars 1914]
Je fais ma première conférence à la salle des Champs-Élysées sur la femme turque, assiste de Mme Barthou; salle comble.” (Pierre Loti, Soldats bleus : Journal intime 1914-1918)
Lecture.
Le meilleur des insultes : et autres noms d’oiseaux (Jean-Paul Morel, Mille et une nuits, n° 625, 2015; 144 p., hors commerce).
Je me souviens de l’excellent Jean-Paul Morel, qui fut un pilier du Colloque des Invalides. Il faisait partie du groupe, de plus en plus restreint, qui se retrouvait à chaque moment de pause sur le boulevard pour griller une cigarette. La dernière année, il avait troqué la cibiche traditionnelle pour un mini-bazooka électronique. Comme je lui en faisais la remarque, il m’avait confié qu’une visite à un cardiologue l’avait convaincu de la nécessité de ce changement. Surtout après que, quand l’homme de l’art lui avait demandé depuis quand il fumait, Morel lui avait répondu : “Depuis l’âge de huit ans.”
Séquences mortelles (Fair Warning, Michael Connelly, Little, Brown & Company, New York, 2020 pour l’édition originale; Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente…, 2021 pour la traduction française, traduit de l’américain par Robert Pépin; 450 p., 21,90 €).
Jack McEvoy est un peu le mal-aimé des héros de Michael Connelly : trois apparitions en vingt ans (Le Poète, L’Épouvantail et ces Séquences mortelles), c’est peu par rapport à Harry Bosch et à Mickey Haller. McEvoy est journaliste. Depuis ses débuts, il est passé de la presse papier à Internet mais il fait toujours dans le journalisme d’investigation. L’ADN et le commerce de ses données sont au cœur de son dernier reportage, qui tourne vite à l’enquête policière autour d’un bon vieux tueur en série. C’est comme toujours chez Connelly extrêmement documenté, plein de rythme et de rebondissements. Malgré tout, le sujet est trop technique, trop complexe pour susciter un intérêt soutenu. Mal connu, mal défini, dépourvu de la richesse des autres créations de l’auteur, McEvoy apparaît comme un personnage secondaire, une sorte de bouche-trou entre deux livres consacrés à ses concurrents.
VENDREDI.
Vie professionnelle (fin).
Prenons cela comme un cadeau d’anniversaire pour les notules, nées le 11 mars 2001, et pour leur auteur. La lettre arrivée ce matin ne laisse cette fois plus de place au doute : “Suite à votre demande, je vous rappelle que vous êtes admis à la retraite pour ancienneté d’âge et de service à compter du 01/06/2022.” Si le soulagement, lundi, était immense, il atteint aujourd’hui des proportions extraordinaires. D’autant que cette lettre contient aussi l’avis favorable à la prolongation de mon congé de longue maladie jusqu’au 31 mai, avis prononcé par le médecin de prévention du rectorat suite aux derniers examens, bilans et certificats – datant d’une période où je marchais encore sur deux bras. Il semble bien que je n’aurai à retourner au collège que pour vider mon armoire et rendre mes clés. La sortie est certes peu glorieuse (“Il est toujours pas là l’ancien ? Ben non, il paraît qu’il ne reviendra plus…”) mais le fait de m’effacer ainsi n’est pas pour me déplaire. J’ai vécu ces derniers mois dans la terreur d’avoir à reprendre le travail, même pour une courte durée : revenir diminué dans un lieu et auprès d’un public que j’avais quittés en bon état, les abandonner en laissant cette impression me faisait peur. Je n’ai pas eu un parcours étincelant, loin de là (“J’ai eu la vie professionnelle d’un bibelot : on m’a posé dans un coin et j’ai pris la poussière”, disait une notule de 2014), mais j’ai tenu ma place vaille que vaille et vécu en bonne entente avec mes élèves, leurs parents, mes collègues et mes supérieurs immédiats. Il est encore trop tôt pour en faire le bilan mais je suis soulagé d’avoir atteint l’objectif qui a toujours été le mien : sortir de chaque heure de cours sans être blessé et sans avoir blessé personne.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Aperçu d’une collection de Lions d’or, photos de l’auteur.
La Clusaz (Haute-Savoie), 15 mai 2016
La Cluse-et-Mijoux (Doubs), 16 mai 2016
SAMEDI.
Lecture.
L’Écrivain fantôme (The Ghost Writer, Philip Roth, Farrar, Straus & Giroux, New York, 1979, Gallimard, 1981 pour la traduction française, traduit de l’américain par Henri Robillot, rééd. in “Romans et récits 1979-1991”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 663, 2022, traduction revue par Philippe Jaworski; 1546 p., 69 €).
Football.
SA Spinalien – Fleury 1 – 1.
Films vus.
- Trop d’amour (Frankie Wallach, France, 2020)
- Une histoire simple (Claude Sautet, France – R.F.A., 1978)
- Tokyo Shaking (Olivier Peyon, France – Belgique, 2021)
- Procès de singe (Inherit the Wind, Stanley Kramer, É.-U., 1960)
- Open Season (Jagdzeit, Sabine Boss, Suisse – Luxembourg), 2020)
- Sept ans de réflexion (The Seven Year Itch, Billy Wilder, É.-U., 1955)
- Tueurs nés (Natural Born Killers, Oliver Stone, É.-U., 1994).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Strasbourg (Bas-Rhin), photo de Christian Ramette, 6 avril 2012
Saint-Nicolas (Belgique), photo de Jean-François Fournié, 31 mai 2018
Poil et pellicule.
Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur, Fritz Lang, R.F.A. – France – Italie, 1959)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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