LUNDI.
Lecture.
Journal de 5 à 7 (René Fallet, Éditions des Équateurs, 2021; 464 p., 21 €).
Les trois volumes des Carnets de jeunesse de René Fallet, publiés entre 1990 et 1994, couvraient les années 1947-1950. Il y a ensuite un trou, car ce Journal ne commence qu’en 1962 (avec toutefois quelques notes datant des années 1950), reste à savoir si ce trou sera comblé un jour. En attendant, voici les vingt et une dernières années de l’écrivain bourbonnais vues par lui même, et c’est déjà considérable. En 1964, l’actrice Corinne Marchand est pressentie pour tenir le rôle principal du film Les Pas perdus, d’après son roman paru en 1954. L’actrice ne laisse pas Fallet indifférent. Du coup, du 8 au 12 mars, il va la voir à trois reprises dans Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. Corinne Marchand n’aura pas le rôle (Michèle Morgan la supplantera), René Fallet n’aura pas son histoire d’amour avec elle mais il a trouvé le titre de son journal. Celui-ci mêle les aventures littéraires, sentimentales et amicales de l’auteur, qui se reconnaît deux mentors : Paul Léautaud pour l’écriture et Georges Brassens pour le compagnonnage. Toujours en 1964, il reçoit le Prix Interallié pour Paris au mois d’août, prix synonyme d’une aisance financière que consolidera le succès des romans qui suivront, d’Un idiot à Paris à La Soupe aux choux. Fallet travaille vite, trois semaines lui suffisent pour venir à bout d’un livre, il lui reste du temps pour goûter les plaisirs de la vie. Sans qu’il en soit pour autant satisfait : le journal est le plus souvent pessimiste, voire plaintif, notamment à cause d’histoires d’amour qui finissent mal et dont il tirera ses livres les plus noirs, L’Amour baroque en tête. Mais il y a le Bourbonnais, Thionne puis Jaligny où il se fait construire la maison de la rue du Loup, les copains, les boules, le vélo, la bouteille qui lui permettent de tutoyer le bonheur lorsqu’il y séjourne. Mais à raison de trois paquets de pipes par jour, les éponges s’encrassent vite et la maladie survient. À partir de 1975, on ne compte plus que trois ou quatre pages par an dans le journal, même si la production romanesque reste présente. La dernière entrée porte la date du 14 juin 1983, Fallet mourra le 25 juillet. À l’hôpital, m’a dit Agathe Fallet, l’un de ses derniers visiteurs fut Louis de Funès. Peut-être l’a-t-il fait rire une dernière fois.
MERCREDI.
Éphéméride.
À Madame de Grignan
“À Vichy, lundi 8e juin [1676]
Hélas ! ma très chère et bonne, n’en doutez pas que je ne sois touchée très sensiblement de préférer quelque à vous qui m’êtes si chère et que j’aime si parfaitement. Toute ma consolation, c’est que vous ne sauriez douter de mes sentiments, et que vous verrez un beau sujet de faire votre réflexion de l’autre jour sur la préférence du devoir sur l’inclination; en voici un bel exemple, ma bonne, et je vous conjure, et M. de Grignan, de vouloir bien me consoler de cette violence qui coûte si cher à mon cœur. Voilà donc ce qui s’appelle la vertu et la reconnaissance; je ne m’étonne pas si l’on trouve si peu de presse dans l’exercice de ces belles vertus. Je n’ose, en vérité, appuyer sur ces pensées; elles troublent entièrement la tranquillité qu’on ordonne en ce pays. Je vous conjure donc, une bonne fois, de vous tenir pour toute rangée chez moi, comme vous y étiez, et de croire encore que voilà précisément la chose que je souhaite le plus fortement.” (Madame de Sévigné, Lettres choisies)
Lecture.
Trillium (Jeff Lemire, Vertigo, 2014 pour l’édition originale, Urban Comics, 2014 pour l’édition française, traduit de l’anglais par Benjamin Rivière; 216 p., 20 €).
“Katina” (“Only This”, Roald Dahl, in Ladies’ Home Journal, septembre 1944 pour l’édition originale, in À tire-d’aile, Julliard, 1976 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Jean Malignon, rééd. in “Contes de l’inattendu : nouvelles, romans, récits”, Gallimard, coll. Quarto, 2021; 1568 p., 32 €).
Nouvelle.
“L’Heure du wub” (“Beyond Lies the Wub”, Philip K. Dick, in Planet Stories, juillet 1952, traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti et révisé par Hélène Collon, in “Nouvelles complètes I 1947-1953”, Gallimard, coll. Quarto, 2020; 1280 p., 28 €).
Nouvelle.
JEUDI.
Brève de trottoir.
Courriel.
Une demande d’abonnement aux notules.
VENDREDI.
Lecture.
Parlez-moi d’amour (What We Talk About When We Talk About Love, Raymond Carver, Knopf, 1981 pour l’édition originale, Mazarine, 1986 pour la traduction française, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche biblio n° 3137, 1993, traduit de l’américain par Gabrielle Rolin; 160 p., s.p.m.).
À force d’entendre nombre d’écrivains (Philippe Djian en tête) se réclamer de Raymond Carver, j’avais envie depuis un moment de découvrir ses nouvelles. Celles qui sont rassemblées ici tournent autour du couple, un couple le plus souvent en souffrance, voire en rupture. Plus que des nouvelles construites comme un tout narratif avec un début, un milieu et une fin, ce sont des instantanés, des moments de vie, des épiphanies que donne à voir Carver : pas de conclusion, encore moins de chute, les personnages sont laissés en plan à la dernière ligne et c’est au lecteur d’imaginer ce que sera la suite de leur parcours. C’est très noir, très subtil, écrit avec une grande économie de moyens et digne, effectivement, de servir de modèle.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Presse : titres percutants, collection de l’auteur.
L’Écho des Vosges, 18 mars 2021
Vosges Matin, 16 avril 2021
SAMEDI.
Vie littéraire.
Retour à la normale à Jaligny-sur-Besbre (Allier) pour le Prix René-Fallet après deux éditions tronquées pour cause de virus. C’est un plaisir de retrouver, après le gymnase surchauffé de l’an dernier, le cadre habituel et mes amies du coin, Agathe en tête. L’attribution du prix à Barcella, pour son roman Les Papillons (une prose faite d’alexandrins raboutés, comme dans L’Honneur de Pédonzigue de Roger Rabiniaux qui date tout de même de 1951), en paraîtrait presque anecdotique. Ma préférence allait à Aussi riche que le roi, d’Abigail Assor, mais je ne gagne jamais à ce jeu-là. Et puis Barcella est bien sympathique, il paraît qu’il est aussi chanteur, très à l’aise avec le public assurément. Comme chaque année, il fait beau à Jaligny, et puis Caroline m’accompagne, les soucis s’éloignent, je biche.
Films vus.
- L’Homme de la cave (Philippe Le Guay, France, 2021)
- Chérie, je me sens rajeunir (Monkey Business, Howard Hawks, É.-U., 1952)
- Yoyo (Pierre Étaix, France, 1965)
- Le Maître-nageur (Jean-Louis Trintignant, France, 1979)
- Sans un bruit 2 (A Quiet Place Part II, John Krasinski, É.-U., 2020).
Invent’Hair, bilan d’étape.
Bilan établi au stade de 5 400 salons, atteint le 15 septembre 2021.
Bilan géographique.
Classement général par pays.
- 1. France : 4 511 (+ 84)
- 2. Espagne : 179 (=)
- 3. Royaume-Uni : 110 (=)
- 4. Belgique : 82 (+ 4)
- 5. Italie : 63 (+ 2)
- 6. États-Unis : 45 (=)
- 7. Suisse : 40 (+ 2)
- 8. Portugal : 37 (=)
- 9. Allemagne : 36 (+ 1)
- 10. Danemark : 34 (=)
En dehors du top 10, notons la progression des Pays-Bas (14e) qui gagnent 6 places avec 5 nouveaux salons.
Classement général par régions (France).
- 1. Rhône-Alpes : 731 (+ 10)
- 2. Île-de-France : 730 (+ 19)
- 3. Languedoc-Roussillon : 355 (=)
- 4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 352 (=)
- 5. Lorraine : 337 (+ 9)
- 6. Midi-Pyrénées : 243 (+ 4)
- 7. Bretagne 184 : (+ 2)
- 8. Pays de la Loire : 182 (+ 4)
- 9. Centre : 179 (+ 8)
- 10. Bourgogne : 169 (+ 7)
Pas de changement dans le classement général mais la 1re place de Rhône-Alpes ne tient plus qu’à un cheveu.
Classement général par départements (France).
- 1. Seine (Paris) : 580 (+ 16)
- 2. Rhône : 341 (+ 1)
- 3. Vosges : 181 (+ 5)
- 4. Loire-Atlantique : 135 (+ 3)
- 5. Hérault : 112 (=)
- 6. Alpes-Maritimes : 103 (=)
- 7. Meurthe-et-Moselle : 100 (+ 2)
- 8. Loire : 98 (+ 5)
- 9. Pyrénées-Orientales : 96 (=)
- 10. Bouches-du-Rhône : 92 (=)
La Loire passe devant les Pyrénées-Orientales.
Classement général par communes.
- 1. Paris : 580 (+ 16)
- 2. Lyon : 161 (+ 1)
- 3. Nantes : 68 (=)
- 4. Nice : 59 (=)
- 5. Barcelone : 58 (=)
- 6. Nancy : 54 (=)
- 7. Épinal : 48 (+ 1)
- 8. Marseille : 32 (=)
- 9. Dijon : 28 (+ 6)
- 10. Strasbourg : 27 (=)
Dijon entre dans le top 10 et en expulse Toulouse, Villeurbanne et Le Havre. 31 communes arrivent dans le classement, portant le total à 1 877. Meilleure entrée : Les Andelys, à la 195e place avec 4 salons.
Bilan humain.
- 1. Jean-Damien Poncet : 582 (+ 18)
- 2. Philippe Didion : 410 (+ 6)
- 3. Pierre Cohen-Hadria : 391 (+ 6)
- 4. François Golfier : 341 (+ 2)
- 5. Jean-Christophe Soum-Fontez : 169 (+ 1)
- 6. Sylvie Bernasconi : 158 (=)
- 7. Hervé Bertin : 146 (+ 2)
- 8. Bernard Cattin : 133 (+ 8)
- 9. Jean-François Fournié : 114 (+ 11)
- 10. Benoît Howson : 88 (=)
Pas de changement dans le top 10.
Étude de cas. Poésie de salon.
Saint-Cergue (Suisse), photo de Sylvie Bernasconi, 6 juin 2018
Dunkerque (Nord), photo d’Alain Hardebolle, 7 août 2020
Paris (Seine), photo de Christiane Larocca, 3 avril 2013
idem, rue Lamartine, photo de Jean-Christophe Soum-Fontez, 29 septembre 2018
Barcelone (Espagne), photo d’Alain Mathieu, 25 avril 2012
Poil et plume.
“Alors il va chez le coiffeur, se fait couper les cheveux, assez court pour ressentir un véritable malaise quand il contemple le résultat, comme s’il était étranger à lui-même, reconnaissant son visage mais pas l’identité qu’il s’était construite, sans s’en rendre compte, années après années, et se laisse payer un costume-cravate par le ministère de l’Intérieur.” (Laurent Binet, La Septième Fonction du langage)
DIMANCHE.
Vie des objets.
Les anciens entrepôts de Manufrance abritent désormais la Cité du design à Saint-Étienne (Loire). Nous y sommes pour visiter la Biennale internationale dudit design, à la découverte d’un nouveau lieu et d’un nouveau domaine artistique. Jusqu’à une époque récente, le design, c’était en gros synonyme de plastique. Cette matière étant aujourd’hui honnie, les créateurs ont suivi l’air du temps et on ne voit, dans les bâtiments de la Manu, que des objets en matériaux recyclés, naturels, biologiques : on fait des briques avec de l’urine, des sièges à partir de compost, des vélos en bois, ce genre de choses. Je suis particulièrement attentif au travail de Mathilde Pellé, un projet intitulé “Maison Soustraire” qui présente des objets et des restes d’objets obtenus après qu’elle eut décidé de retirer deux tiers de la matière de chacun de ceux qui occupaient son intérieur. J’ai dit l’autre jour que je n’avais pas de projet pour ma retraite. En fait, j’en ai un, très simple : celui de ne laisser à ceux et celles qui resteront après moi que le minimum de choses à débarrasser. C’est une préoccupation qui ne date pas d’hier et dont je m’étais ouvert dans une ancienne notule que je reproduis ici : “J’aide le père de R. à faire le tri dans ses bouquins. Le cauchemar d’avoir à vider la maison d’un mort, il y a eu un roman là-dessus il y a un ou deux ans, Comment j’ai vidé la maison de mes parents, quelque chose comme ça. Cauchemar de plus en plus présent, avec la volonté de ne pas imposer ça à ceux qui me survivront, le souhait d’arriver au moment final, s’il ne survient pas brusquement, à l’issue d’un lent processus de dépouillement progressif, d’une asymptote soigneusement entretenue. L’idéal : ne laisser, au final, qu’un disque dur effaçable, un livre entamé, une brosse à dents et le pyjama de l’hospice.” (n° 317, 2 septembre 2007). Dans ce but, j’ai entrepris de me débarrasser, à partir du 1er juin dernier, d’un objet par jour. Un objet petit ou gros, précieux ou sans valeur, qui sera donné, jeté, détruit – en tout cas pas vendu, je suis incapable de vendre quoi que ce soit. Le processus est engagé, on verra ce que ça donne.
Lecture.
Le Sommet des Dieux 3 (Kamigami no itadaki, Jirô Taniguchi, Baku Yumemakura, Shūeisha Inc., 2002 pour l’édition originale, Kana, 2010 pour la traduction française, traduit et adapté du japonais par Sylvain Chollet; 338 p., 18 €).
MARDI.
Devoirs de vacances.
Je relis le fichier du Bulletin de l’Association Georges Perec n° 80 et l’envoie à la mise en page.
MERCREDI.
Éphéméride.
“Rome, 15 juin 1834.
Page 9. Et l’on permet le serment !
9, 39. Guerre impossible. Chrétiens conquis sur-le-champ.
9, 1. Mercenaire. La religion n’est qu’un marché.
Page 10, 13. Pater adouci. Vérifier cela; c’est décisif pour cette traduction : et ne nos INDUCAS in tentationem. M. de Sacy dit : ne nous abandonnez point à la tentation au lieu de “ne nous induisez point”, etc.” (Stendhal, Journal)
JEUDI.
Bestiolaire de vacances.
Identification d’une Punaise verte ponctuée.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Comment sonner les cloches en l’église de Malleret-Boussac (Creuse), photos de l’auteur, 5 août 2021.
SAMEDI.
Vie familiale.
Nous rentrons at home après un périple d’une semaine qui nous aura menés du Bourbonnais à la Haute-Savoie, en passant par le Forez et les Cévennes. Nous, c’est Caroline et moi, je le souligne parce que c’est la première fois que nous partons si longtemps sans les filles. Même quand elles eurent atteint l’âge de voler de leurs propres ailes, elles nous ont toujours accompagnés, sans contrainte, sur nos lieux de villégiature, oui, même en Creuse, oui, même et surtout en Creuse. Ce qui, à la fois, me ravit et me surprend dans la mesure où, dans ma jeunesse, le principal attrait des vacances était de pouvoir m’enfuir loin de mes parents.
L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), boulevard Arago, photo de Pierre Cohen-Hadria, 27 mai 2012
Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), photo de l’auteur, 4 novembre 2012
Poil et pellicule.
Mise à mort du cerf sacré (The Killing of a Sacred Deer, Yorgos Lanthimos, Irlande – R.-U., 2017)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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