17 juillet 2022 – 979

N.B.

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 7 août 2022.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“Depuis deux heures le candidat se creusait vainement la tête, lorsqu’il s’aperçut qu’autour de lui tout le monde copiait. Alors il passa de l’inquiétude à la terreur; il se dit qu’à côté des autres il ferait l’effet d’un âne; il se rappela qu’il avait gardé dans sa poche quelques résumés de physique; il y porta la main, les les sortit à moitié, se crut surveillé, rougit, jeta maladroitement une feuille par terre, fut emmené, fouillé, et exclu pour trois mois. […]” (Alain, Propos d’un Normand, 13 juillet 1907)                 

Lecture.

Histoires à faire peur (Your Share of Fear,Collectif, Davis Publications, 1982 pour l’édition originale, Pocket n° 2369, 1987 pour la traduction française, rééd. in « Alfred Hitchcock présente : 100 autres histoires extraordinaires », Presses de la Cité, coll. Omnibus, 1995; 1224 p., 145 F). 

Nouvelles.

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Toilettes champêtres, photos de Jean-François Fournié.

Marnay-sur-Marne (Haute-Marne), 9 octobre 2005

Condes (Haute-Marne), 2 juillet 2021

Lecture.

Le Sabotage amoureux (Amélie Nothomb, Albin Michel, 1993, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche n° 13945, 2003; 128 p., 3,50 €).

Amélie Nothomb avait résisté à la tentation autobiographique pour son premier roman, elle y cède dès le second. Il faut dire que la vie mouvementée de ses premières années, au gré des affectations de son diplomate de père, a de quoi nourrir une œuvre. La voilà donc en Chine, pays aussi détesté que le Japon fut aimé, à l’âge de cinq ans, faisant son apprentissage amoureux au contact d’une jeune fille qu’elle vénère et qui la néglige. C’est du meilleur Nothomb, vif, drôle, dans lequel l’auteure sait trouver le bon équilibre entre la mise en avant de sa personne, autobiographie oblige, et sa mise à distance à l’aide de l’auto-ironie.

SAMEDI.            

Films vus.

  • Délicieux (Éric Besnard, France – Belgique, 2021)
  • Confessions d’un barjo (Jérôme Boivin, France, 1992)
  • I Know Her (c.m., Fawzia Mirza, É.-U., 2019)                             
  • El buen patrón (Fernando León de Aranoa, Espagne, 2021)                             
  • Un espion ordinaire (The Courier, Dominic Cooke, R.-U. – É.-U., 2020)                             
  • La Maison des sept jeunes filles (Albert Valentin, France, 1942)                             
  • The Desperate Hour (Lakewood, Phillip Noyce, É.-U., 2021)                             
  • Super 8 (J.J. Abrams, É.-U., 2011)                             
  • Rifkin’s Festival (Woody Allen, Espagne – É.-U. – Italie, 2021).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Paris (Seine), rue de Turbigo, photo de Pierre Cohen-Hadria, 6 juin 2012

Épinal (Vosges), photo de Lucie Didion, 15 novembre 2015

Poil et plume.

“À ce moment-là, Alice habitait avec ses parents dans un petit appartement deux chambres, quatre-vingts mètres carrés dans la rue des Combattants. Un petit appartement au premier étage, sans ascenseur, situé au-dessus d’un salon de coiffure qui s’appelait Inter Planet Hair et qui coiffait pour 15 ou 20 euros les hommes et les femmes de la rue des Combattants.” (Thomas Gunzig, Feel Good) Bon dimanche,

Philippe DIDION

10 juillet 2022 – 978

DIMANCHE.

Lecture.

Dernier arrêt avant l’automne (René Frégni, Gallimard, coll. Blanche, 2019; 176 p., 16,50 €).

Je crois avoir tout lu de René Frégni, depuis la révélation des Chemins noirs (1988) jusqu’à L’Été (2002). Après, je l’ai laissé tomber, sans trop savoir pourquoi, pas par lassitude en tout cas, je ne pense pas qu’il m’ait jamais déçu. Les hasards des rencontres de boîtes à livres l’ont remis sur ma route avec ce Dernier arrêt et je l’ai retrouvé avec plaisir. En vingt ans, il n’a pas changé, ni dans son écriture, ni dans ses sujets, ni dans son procédé qui consiste à se mettre lui-même en scène sous les traits d’un narrateur transparent, partant de situations autobiographiques pour bâtir une fiction. Il est ici embauché par le mystérieux propriétaire d’un monastère abandonné, chargé de nettoyer et débroussailler les abords du lieu. Un lieu perdu dans la campagne dans lequel il s’installe en espérant tirer un livre de cette expérience, jusqu’à ce qu’un fait divers vienne troubler cette existence virgilienne. C’est un plaisir de renouer avec René Frégni et ses thèmes, son humanité et son amour pour la Provence que je ne peux partager que par la littérature, ayant dans ce pays connu trop de bonheurs pour vouloir y retourner un jour.

LUNDI.

Lecture.

Jean Gabin : L’Homme aux yeux bleus (Noël Simsolo, Vincenzo Bizzarri, Glénat, coll. 91/2, 2021; 212 p., 25,50 €).

Les ouvrages de cette collection consacrés à Lino Ventura et à Patrick Dewaere racontaient la vie de ces acteurs suivant un parcours sinueux en jouant avec la chronologie, en mélangeant les époques. Ce n’est pas le cas ici, peut-être à cause de la présence au scénario de Noël Simsolo, historien rigoureux du cinéma. On suit donc Gabin pas à pas, année après année, film après film, et c’est un peu monotone. Heureusement, quelques échappées en dehors du cinéma, sur son ambition de n’être plus qu’un gentleman farmer en Normandie, cassent un peu ce rythme répétitif.

MARDI.

Courriel.

Une demande d’abonnement aux notules.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

À Julia Ward Howe

“6 juillet [1882]

Augusta, Géorgie

Ma chère Mrs. Howe, Mon projet actuel est d’arriver de Richmond à New York mercredi soir et de partir le soir même pour Newport, afin de vous voir jeudi matin et de rester chez vous, si vous voulez bien de moi, jusqu’à samedi. J’ai une énorme malle et un valet, mais il ne faut pas qu’ils vous dérangent. Je peux les envoyer à l’hôtel. Comme on s’encombre en voyage ! Il n’est pas dans la bonne harmonie des choses que je possède un carton à chapeaux, un secrétaire, une trousse de toilette, une malle, une valise et un valet qui me suivent toujours. Je m’attends quotidiennement à ce que la foudre tombe sur moi, mais les dieux sont endormis : je ferais peut-être mieux de ne pas parler d’eux, de peur qu’ils ne m’entendent et ne se réveillent. Mais qu’aurait dit Thoreau de mon carton à chapeaux ! Ou Emerson, de la taille de ma malle, qui est gigantesque ! Pourtant je ne peux voyager sans Balzac ni Gautier et ils tiennent tant de place ! Mais, tant que je peux m’amuser à dire des inepties aux fleurs et aux enfants, je n’ai pas peur du luxe dépravé d’un carton à chapeaux. […]

OSCAR WILDE.” (Oscar Wilde, Lettres)

JEUDI.

Vie professionnelle (fin finale).

Pour ce dernier jour, mes collègues m’ont aimablement invité à participer à leurs agapes de fin d’année scolaire. On boit, on mange, on chante, on me couvre de présents comme un sultan obèse, je prononce quelques mots sur le thème “des profs comme moi, on n’en fait plus et c’est tant mieux”, je martyrise une guitare qui ne m’avait rien fait, bref, on se paie une belle tranche de bon temps qui me permet d’échapper à la nostalgie que je redoutais et me rend simplement heureux. Pour un peu, je rempilerais.

VENDREDI.

Lecture.

L’Éducation de Nick Adams (suite) ou Nick Adams et la Grande Guerre (Ernest Hemingway, traduit de l’américain par Marcel Duhamel, Henri Robillot et Céline Zins, in “Œuvres romanesques I”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 186, 1966; 1882 p., 66 €). 

Nouvelles.                              

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Fumons un peu.

Ajaccio (Corse), photo de Jean-Damien Poncet, 2 novembre 2017

Talence (Gironde), photo de l’auteur, 23 octobre 2020

SAMEDI.            

Films vus.

  • Boulevard (Julien Duvivier, France, 1960)
  • Les Fantasmes (David & Stéphane Foenkinos, France, 2021)
  • Adiós (Paco Cabezas, Espagne, 2019)                             
  • L’Argent des autres (Christian de Chalonge, France, 1978)                             
  • La Dernière Séance (The Last Picture Show, Peter Bogdanovich, É.-U., 1971).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Chaumont (Haute-Marne), photo de Thierry Vohl, 3 juin 2012

Mortain (Manche), photo de Pierre Cohen-Hadria, 25 août 2020

Poil et plume.

“Mallarmé m’a raconté que Villiers ne voulait pas se faire peindre pour ceci : il craint que les peintres ne le trouvent pas beau comme il s’aime – entièrement frisé, hideux. Les grands jours, il passe sept heures chez le coiffeur.” (Henri de Régnier, Les Cahiers inédits 1887-1936)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

3 juillet 2022 – 977

DIMANCHE.

Lecture.

Les Trois Mousquetaires (Alexandre Dumas, Baudry, 1844, rééd. in “Les Trois Mousquetaires – Vingt ans après”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 159, 1962; 1742 p., 65 €).

Curiosité. Où Alexandre Dumas apparaît comme un précurseur de l’Oulipo : “Depuis lors, continua Aramis, je vis agréablement. J’ai commencé un poème en vers d’une syllabe; c’est assez difficile, mais le mérite en toutes choses est dans la difficulté. La matière est galante, je vous lirai le premier chant, il a quatre cents vers et dure une minute.”                                

“Le Molosse” (“The Hound”, Howard Phillips Lovecraft, 1922, Denoël pour la traduction française, rééd. in “Œuvres I”, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1991, traduit de l’américain par Yves Rivière; 1172 p., 31 €).

Nouvelle.

LUNDI.          

Lecture.

Histoires littéraires n° 83 (Du Lérot éditeur, juillet-août-septembre 2020; 184 p., 25 €).

Paul Verlaine – Eugène Vermersch – Alphonse Allais – Jacques Prévert – Alain-Fournier – René Crevel et Alberto Giacometti – Julien Gracq.

MARDI.           

Lecture.

Les Trois Roses jaunes (Where I’m Calling From: New and Selected Stories, Raymond Carver, 1988 pour l’édition originale, Payot, 1988 pour la traduction française, rééd. Points P 3100, 2013, traduit de l’américain par François Lasquin; 192 p., 6,50 €).

En bon maître de la nouvelle, Carver présente des intrigues sous forme de nœuds fictionnels, ceux-ci tournant toujours chez lui autour du couple : la mère du narrateur de “Cartons” déménagera-t-elle ? La femme qui réveille chaque nuit le narrateur de “Débranchés” au téléphone est-elle son ex-épouse ? Le narrateur de “Menudo” quittera-t-il sa femme pour sa voisine ? et ainsi de suite. L’originalité de Carver tient au fait que les nœuds qu’il présente ne sont jamais défaits, et que les questions qu’il pose restent sans réponses. On pourrait se sentir frustré, taxer l’auteur de paresse, mais on reste délicieusement interdit devant cette suspension qui ne dit rien d’autre que rien n’est figé et que tout est toujours possible.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“29 juin [1918]

Je suis un peu mieux installé qu’hier avec table, chaise, un joli bouquet de roses dans un vase. Il paraît que c’est la rose de Dijon. Je n’y connais rien, mais c’est le vieux civil qui m’en a fait cadeau qui me l’a dit. J’ai à te remercier pour deux grandes lettres du 22 et du 23 que Martin m’a apportées hier dans la soirée. Je les ai relues plusieurs fois tout en regardant dans ma lunette si aucun boche ne se montrait.

Ma Jeannette fait la cueillette des groseilles, et j’aime bien son idée de dire des prières en attendant le fouet. C’est une bonne fifille quand même, hein !” (Albert Viard, Lettres à Léa)                 

Lecture.

Leconte fait son cinéma (Nicoby / Joub, Dupuis, coll. Aire libre, 2021; 144 p., 19 €).

La première partie de cette bande dessinée est un résumé de la carrière de Patrice Leconte, où l’on apprend, surprise, qu’il a débuté comme dessinateur dans Pilote. La seconde est une sorte de documentaire sur la fabrication de son dernier film, Maigret, du montage financier au début du tournage. Les auteurs ont donc accompagné le réalisateur pendant une assez longue période, une sorte de complicité s’est établie entre eux. Ils se mettent eux-mêmes en scène et poussent régulièrement des cris d’admiration qui finissent par être un peu lassants. Autre bémol : le traitement infligé aux noms propres, régulièrement déformés : qui sont donc Christian Flechner, les frères Cohen, et Francis Weber ? Patrice Leconte, qui est un type gentil, avait soutenu, jadis, Luc Besson qui avait déclaré, en réponse à de méchantes critiques, qu’un film est “un objet gentil”. Nicoby et Joub lui consacrent un livre gentil, et plaisant.

JEUDI.

Lecture.

Les Contrerimes (Paul-Jean Toulet, Éditions du Divan, 1921, rééd. in “Œuvres complètes”, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1986; 1534 p., 32 €).

“La contrerime est cette pièce formée le plus souvent de trois quatrains, construits d’après le schéma 8-6-8-6, rimant a-b-b-a, de sorte que le grand vers rime avec le petit”, telle est la définition que l’on trouve dans les traités de poésie. S’il n’a pas inventé cette forme qui crée un déséquilibre séduisant, Toulet lui a donné ses titres de noblesse avec ce recueil posthume. Mais celui-ci ne contient pas que des contrerimes : le poème le plus célèbre de l’auteur, “Dans Arle, où sont les Aliscams…” appartient à une rubrique “Chansons” et on trouve à la suite une section “Dixains” et une section “Coples”, qui rassemble des poèmes courts, distiques et quatrains, alternés. C’est l’œuvre d’une vie, qui évoque les souvenirs d’amitié, d’amour, de voyages avec humour et nostalgie et, forme courte oblige, un soin remarquable dans le choix de chaque élément.

VENDREDI.

Lecture.

Les Trois Claude (Pierre Véry, Gallimard, 1936, rééd. in « Les Intégrales du Masque », tome 2, 1994; 980 p., s.p.m.).                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Les animaux et la signalisation routière, photos de Jean-François Fournié.

CD 04 (Haute-Marne), 22 octobre 2005

Châteauvillain (Haute-Marne), 12 septembre 2021

SAMEDI.            

Films vus.

  • Incroyable mais vrai (Quentin Dupieux, France – Belgique, 2022)
  • Le Gang des pianos à bretelles (Gilles de Turenne, France, 1953)
  • La Mort d’un tueur (Robert Hossein, France – Italie, 1964)
  • Moonlight (Barry Jenkins, É.-U., 2016)                             
  • Les Jeux dangereux (Pierre Chenal, Italie – France, 1958)                             
  • Greenfields (c.m., Luis Betancourt, Joseph Coury, Michel Durin, Charly Nzekwu, Benjamin Vedrenne, France, 2013)                             
  • En roue libre (Didier Barcelo, France, 2022).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de l’auteur, 30 mai 2012

Metz (Moselle), photo de Jean-Damien Poncet, 3 septembre 2019

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

15 août 2021. 66 km. (41 093 km).

270 habitants

Au milieu du cimetière haut perché, une plaque est accolée à un conglomérat de moellons surmonté d’une croix et flanqué d’un mât à drapeau.

La commune de Socourt et les souscripteurs

Reconnaissance

À nos héros tombés pour le droit et la liberté

L. ROYER mort à Morhange 20 août 1914

E. CUGNIEN id. Haraucourt 8 7BRE 1914

H. THIRION disparu à Camp de Mailly 10 7BRE 1914

A. GÉRARD mort à Suippes 24 avril 1916

Ch. GRANGE id. Cléry 13 7BRE 1916

Ch. STER id. Louvemont 25 XBRE 1916

A. THIRION id. Chézy-Vinly 7 juin 1918

C. THOMASSIN id. Matougues 1er août 1918

A. EURY id. La Malgrange 2 août 1918

A. MARCHAL id. Vauxaillon 16 7BRE 1918

G. MARTIN mort à Kassel (Allgne) 23 mai 1943

J. BARBE id. à Hat-Lot (Tonkin) 8 Novbre 1951

Poil et plume.

“Après le musée, j’erre dans les rues à pavés pointus. Je ne vois rien que de laid et que de grossier. Si je rentre chez moi, je m’endors. J’entre dans une belle boutique de coiffeur dans la belle rue Saint-Rome, je crois, au nord-ouest du Capitole.
Grossièreté étonnante et curiosité des deux petits barbiers.
En sortant de leur maison, je vais prendre du café à l’un des trente cafés qui bordent la place du Capitole : c’est le meilleur, le café Lissençon. Un peu ranimé, malgré le pavé pointu, je vais à Saint-Sernin.” Stendhal, Voyage dans le Midi de la France)

Bon dimanche,

Philippe DIDION