1er janvier 2023 – 996

DIMANCHE.

Vie littéraire.

Il y a un an environ, j’ai été contacté par un universitaire qui se disait désireux de travailler sur Ernest Gengenbach et avait trouvé trace des écrits que j’avais consacrés à l’énergumène. Nous avons correspondu de façon assez suivie, je l’ai guidé vers le fonds Gengenbach de la bibliothèque de Saint-Dié et vers d’autres horizons, lui ai transmis tout ce que j’avais trouvé et entrepris pour lui quelques recherches supplémentaires. Je n’ai pas eu à le regretter car l’homme a travaillé vite et a auto-édité sur le sujet (avec tous les inconvénients de cette pratique) quatre forts volumes dans lesquels le notulographe est crédité, cité et remercié pour son humble contribution. François Angelier, à qui rien n’échappe, l’a invité à en parler dans son émission Mauvais genres, diffusée hier soir sur France Culture. Un réveillon avec Gengenbach, il fallait oser. J’écoute ça aujourd’hui avec intérêt, heureux d’avoir pu passer le relais et de voir le défroqué remis en lumière par des gens plus compétents et plus audibles que moi. Maintenant, Gengenbach, pour moi, c’est terminé. C’est ce que disait Jean-Jacques Lefrère à propos de Lautréamont en 1976 – sans savoir qu’il allait passer quasiment le reste de sa vie à travailler dessus.

LUNDI.

Lecture.

En attendant Dogo (Jean-Bernard Pouy, Gallimard, coll. “ La Noire”, 2022; 206 p., 18 €).

En publiant de façon plus que soutenue (on lui prête plus d’une centaine de romans), Jean-Bernard Pouy prend le risque de connaître quelques coups de mou et il faut bien dire, malgré la sympathie qu’on a pour le personnage, qu’il a parfois déçu. Sa dernière collaboration avec Marc Villard (La Mère noire) ne cassait pas des briques, on est d’autant plus heureux de le retrouver ici en pleine forme. On reconnaît dans Dogo son goût pour la politique, son attrait pour les communautés (voir Ma ZAD), son penchant pour les jeux de mots lamentables (voir le titre). En attendant Dogo rappelle les romans de la collection “Pierre de Gondol”, à laquelle il a participé, où le polar se mêlait à la “grande” littérature, mélange qu’on retrouve ici en voyant les œuvres de Raymond Roussel et de Fernando Pessoa jouer un rôle dans l’histoire. Pouy ne néglige pas celle-ci, racontée par une femme en quête de son frère disparu sans laisser d’adresse, pleine d’intérêt et empreinte d’un léger suspense.

“Le Philosophe” (“The Philosopher”, Sherwood Anderson, in Winesburg, Ohio, B.W. Huebsch, 1919 pour l’édition originale, in Les Meilleures Nouvelles de Sherwood Anderson, Éditions Rue Saint Ambroise, coll. “Les Meilleures Nouvelles”, 2021 pour la traduction française, traduit de l’américain par Nathalie Barrié; 348 p., 16,50 €).

Nouvelle.

MERCREDI.

Éphéméride.

“28 décembre [1946]

Bossuet parle des “points de foi qu’il faut croire explicitement pour être sauvé” (États d’oraison, II, 19). Il rugirait en voyant aujourd’hui l’Église se montrer si accommodante et d’entendre parler de son évolution. Il la veut immuable, et toutes les “variations” appartiennent à l’hérésie.

À Genève : Préface à l’Anthologie. Scénario d’Isabelle.

“Je n’ai point connu qu’elle ait dans l’âme aucun ressentiment de mon ardeur.” (Amants Magnifiques, acte I, scène II.)

et plus loin : acte II, scène I, quatrième réplique : “J’en ai, madame, tout le ressentiment qu’il est possible (des soins qu’on a pris pour moi).” (André Gide, Journal)

JEUDI.

Vie touristique.

Nous rentrons d’un séjour à Reims (Marne) au cours duquel le poids des choses vues (la cathédrale, incontournable, la bibliothèque Carnegie, la maison-musée Le Vergeur, la basilique saint Remi et son musée) aura tout de même dépassé celui des choses manquées (le Musée des Beaux-Arts, fermé, la chapelle Foujita, fermée, le musée de l’automobile, fermé, la Villa Demoiselle, trop chère), de toute façon on ne pouvait pas tout faire.         

Lecture.

Chroniques de la vie quotidienne (René Fallet, Les Belles Lettres, 2006; 200 p., 19 €).

En 1989, André Santini remportait le prix de l’humour politique pour la phrase : “Si Saint Louis rendait la justice sous un chêne, Arpaillange [alors garde des Sceaux] la rend comme un gland.” En 1955, René Fallet écrivait dans Le Monde libertaire : “Saint Louis rendait la justice sous un chêne. De nos jours, ce sont les glands qui rendent la justice.” Rendons à César… C’est la première chronique de ce recueil qui reprend principalement celles parues dans Franc-Tireur au cours de l’année 1956. Fallet livrait un billet par semaine à ce journal qui, à le lire, ne mégotait pas sur la liberté d’expression. L’auteur y exprime sans retenue son antimilitarisme, son anticléricalisme (avec comme réjouissante tête de Turc le Spinalien Daniel-Rops, dit Daniel-Roll Mops) et son peu de goût pour les figures politiques de l’époque, se dresse contre la peine de mort et, quinze ans avant le Manifeste des 343, réclame le libre droit à la contraception. Plus léger, il parle aussi de son coin du Bourbonnais, des monuments aux morts (qu’il n’aime guère), d’un marchand de bestiaux originaire d’Haréville-les-Châteaux, commune qui ne semble pas exister. L’annotateur, Michel Lécureur je pense, la situe dans le département des Vosges (où l’on trouve un Haréville-sous-Montfort) mais il pourrait bien s’agir d’Harréville-les-Chanteurs, en Haute-Marne. Qu’importe, l’essentiel est de retrouver notre René féroce, léger, drôle, comme on l’aime. La chronique est un art difficile, je m’y suis exercé pendant plusieurs années à la demande de Jean-Jacques Lefrère, dont on parlait plus haut, pour sa revue. Une revue trimestrielle, le rythme n’était donc pas effréné, mais suffisamment prenant pour prendre la mesure du travail de ceux qui s’y adonnent chaque semaine. Après Franc-Tireur, René Fallet livrera encore quelques billets dans d’autres publications (France-Soir, Le Monde…), plus amers (il y est question d’urbanisme, on est en train de détruire les Halles, son quartier) et moins intéressantes.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Soupe salée.

Paris (Seine), photo de Lucie Didion, 22 septembre 2022

SAMEDI.

Films vus.

  • Pinocchio (Guillermo del Toro’s Pinocchio, Guillermo del Toro, Mark Gustafson, É.-U. – Mexique – France, 2022)
  • Le Nouveau Monde (The New World, Terrence Malick, É.-U. – R.-U., 2005)                              
  • Forrest Gump (Robert Zemeckis, É.-U., 1994)                              
  • Zootopie (Zootopia, Byron Howard, Rich Moore, Jared Bush, É.-U., 2016)                              
  • La Dernière Bourrée à Paris (Raoul André, Italie – France, 1973).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Pouldergat (Finistère), photo de Bernard Bretonnière, 22 juillet 2012

Nice (Alpes-Maritimes), photo de Jean-Damien Poncet, 31 août 2020

Poil et plume.

“Une rafale a balayé mes cheveux en tous sens. J’avais horreur de ça. Horreur du vent et d’être décoiffée. J’étais complexée par mes extrémités, mes pieds et mes cheveux, et si je m’étais faite aux premiers, les seconds occupaient toute mon attention. J’avais beau dépenser des fortunes en produits capillaires, coupes et brushing, rien n’y faisait, ils demeuraient mous, fins, minables.” (Vanessa Bramberger, Alto Braco)

Bon dimanche, et surtout

Lyon (Rhône), photo de Gérard Luraschi, 25 décembre 2022

Philippe DIDION

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