5 février 2023 – 1000

DIMANCHE.                  

Lecture.

Revue des Deux Mondes, mai-juin 2021 (200 p., 18 €).

Romain Gary, les leçons d’une vie.                                

Lightning (Ed McBain, 1984 pour l’édition originale, Presses de la Cité, 1985 pour la traduction française, rééd. in “87e District 6”, Omnibus, 2001, traduit de l’américain par Jacques Martinache; 1052 p., 145 F). 

Lightning marque la rupture d’Ed McBain (ou du moins de son agent) avec la Série Noire et son entrée aux Presses de la Cité. Ce tournant est marqué par deux éléments tout de suite visibles : l’abandon des titres fantaisistes (genre Soupe aux poulets ou Cause toujours, ma poupée) et la longueur du texte, plus importante car ne dépendant plus du calibrage imposé par la collection de Gallimard. Ce qui ne veut pas dire que l’auteur se lance dans des histoires au long cours : l’intrigue est toujours nerveuse, resserrée au possible, et le nombre de pages plus élevé permet avant tout d’insérer les documents avec lesquels Ed McBain aime illustrer ses récits, feuillets d’agenda, dessins, plans, encarts publicitaires, cartes de visite, etc. Pour le contenu, pas ou guère de changement si ce n’est une présence féminine accrue, aussi bien pour ce qui est des personnages (les femmes ne sont plus seulement les compagnes des enquêteurs, deux inspectrices jouent ici un rôle de premier plan) que du thème choisi puisqu’une association anti-avortement est au cœur de l’intrigue.

Curiosité de traduction : 

“Dis, tu ne m’as pas expliqué pourquoi on ne peut pas toujours couper les cheveux d’une perruque.

– Parce que les faux tifs ne sont pas toujours coupables.”

On se demande bien ce que pouvait donner cet échange, digne de notre rubrique Poil et plume, dans la version originale.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

Mercredi 25 janvier [1956]

Les notes de mon roman s’accumulent et me dépassent, parce que je n’ai pas assez de temps à moi pour les ordonner et les discipliner. N’importe, j’ai la vie devant moi ! D’ailleurs, je ne suis moi-même, en ce moment, ni discipliné, ni ordonné : l’idée de partir pour Cervinia samedi m’excite. Ah, que j’aime l’aventure ! Que j’ai peur de l’aventure et que j’aime l’aventure !” (Jean-René Huguenin, Journal)

Football.

SA Spinalien – Saint-Quentin 3 – 1.

JEUDI.

Lecture.

La Grande Beuverie (René Daumal, Gallimard, 1938, rééd. Allia, 2022; 176 p., 7,50 €).

Courriel.

Une demande d’abonnement aux notules.

VENDREDI.

Lecture.

Le Procès de Gilles de Rais (Georges Bataille, Club Français du Livre, 1959; rééd. 10/18, coll. “Bibliothèques 10/18” n° 2873, 1997; 416 p., s.p.m.).

La majeure partie du volume est consacrée aux documents du procès de Gilles de Rais, des procès plus précisément puisqu’une cour ecclésiastique et une cour séculière se succédèrent pour aboutir au verdict : l’excommunication et la mise à mort sur le bûcher. On notera que pour l’Église, le crime d’hérésie n’était pas moins important que les meurtres d’enfants pour lesquels Gilles de Rais est resté célèbre. Auparavant, Georges Bataille aura retracé la vie du monstre au moyen d’une chronologie précise, s’appuyant sur les faits avérés pour rejeter la part du mythe, notamment l’assimilation à Barbe-Bleue. Les actes du procès, traduits du latin, sont plutôt ardus et répétitifs mais révèlent quelques pépites, comme dans l’acte d’accusation qui souligne l’impossibilité pour l’accusé de renoncer au crime, disant qu’à chaque fois il retourne au mal “ainsi que le chien retourne à son vomi”.

Le Sommet des Dieux 5 (Kamigami no itadaki, Jirô Taniguchi, Baku Yumemakura, Shūeisha Inc., 2003 pour l’édition originale, Kana, 2011 pour la traduction française, traduit et adapté du japonais par Sylvain Chollet; 306 p., 18,50 €).                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Présence de Clet Abraham (ou de ses émules) dans les rues parisiennes.

rue Jacob, photo de l’auteur, 27 août 2016

photo de Barbara Baumann, 2 octobre 2021

SAMEDI.            

Films vus.

  • Après l’amour (Diane Kurys, France, 1992)
  • Nathalie… (Anne Fontaine, France – Espagne, 2003)
  • Fierrot le pou (c.m., Mathieu Kassovitz, France, 1990)                             
  • Babylon (Damien Chazelle, É.-U., 2022)                             
  • Maîtresse (Barbet Schroeder, France, 1976)                             
  • La Brigade (Louis-Julien Petit, France, 2022)                             
  • Dunkerque (Dunkirk, Christophe Nolan, R.-U. – Pays-Bas – France – É.-U., 2017).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Évaux-les-Bains (Creuse), photo de l’auteur, 6 août 2012

Sarrebourg (Moselle), photo de François Golfier, 29 mai 2014

Poil et plume.

“Elles étaient à l’image des femmes laborieuses du pays, pour qui l’apparence n’était pas le souci premier. Toujours en sarrau gris, les pieds chaussés de charentaises, les cheveux blancs bouclés aux reflets lilas quand elles revenaient de chez Andréa, la coiffeuse modiste café dont on identifiait au premier coup d’œil la patte sur la tête de notre tante Marie, c’est pourquoi notre mère, dans un dernier luxe hérité de son enfance, prenait certains jeudis le car à destination de Nantes, direction un salon de coiffure de la rue de Verdun, ce qui était sans doute aussi pour elle une manière de vérifier si tout était encore en place des flâneries de sa jeunesse dont nous étions en mesure de dessiner la carte, avec ses points de passage obligés, les grands magasins Decré et Brunner, les guimauves de chez Bohu, la pâtisserie de la rue Crébillon, la place Viarme pour le car et l’église Sainte-Croix qui était le point de rendez-vous convenu avec sa sœur, quand elles avaient voyagé ensemble, ce qui permettait de s’attendre l’une l’autre, abritées de la pluie et du froid, et de prier pour notre tante Claire qui était à l’origine de ce choix.” (Jean Rouaud, Kiosque)

DIMANCHE.

Vie culturelle.

“Les Portes du possible : Art & science-fiction” : c’est l’intitulé de l’exposition proposée par le Centre Pompidou de Metz que nous visitons aujourd’hui. Sans réussir à franchir ces fameuses portes, sans doute par méconnaissance de l’univers de la science-fiction. Pourtant, il y avait une certaine curiosité à voir des œuvres non seulement inconnues mais signées de noms tout aussi nouveaux à nos yeux – à part celui de Philippe Curval, qui n’a pas fait que des livres. Mais rien ne nous a véritablement convaincus, sans doute encore une fois à cause de notre ignorance. Nous avions passé un meilleur moment la veille à Kanfen (Moselle) où l’on donnait “Voyage de travers dans le Connemara”, spectacle musical drôle et enlevé qui présentait un groupe spécialisé dans la musique d’Europe de l’Est obligé de revoir en urgence son répertoire en vue d’une tournée en Irlande. On passait ainsi du klezmer à l’Irlande, l’Irlande de pacotille d’abord de Michel Sardou et de Manau avant d’aboutir à celle des Chieftains et des Dubliners. Musiciens chevronnés, salle bondée, public enthousiaste, soirée parfaite.

MARDI.           

Lecture.

L’Atlantide (Pierre Benoit, Albin Michel, 1919, rééd. in “Romans I”, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1994; 1012 p., 149 F).

Après la cour imaginaire de Kœnigsmark, cadre de son premier succès, Pierre Benoit emmène ses lecteurs dans le désert d’Afrique du Nord. C’est de l’orientalisme au carré, un morceau copieux de littérature coloniale dans lequel l’auteur, qui a vécu à Alger, ne mégote pas sur le vocabulaire exotique. On retiendra cependant, sur le plan lexical, la phrase suivante : “Et l’homme aux lunettes vertes, s’asseyant devant le bureau, se mit à paperasser fébrilement.” On trouve le verbe paperasser dans le Littré et dans le Trésor de la langue française qui utilise d’ailleurs la phrase de Pierre Benoit comme exemple. Outre le sens évident de remuer des paperasses, paperasser peut aussi signifier faire des écritures inutiles, ce qui en fait donc un bon synonyme de notuler.           

Jour de manif.

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 31 janvier 2023

MERCREDI.

Lendemain de manif.

Le Havre (Seine-Inférieure), photo de Jean-François Toulorge, 1er février 2023                  

Éphéméride.

À Victor Gastilleur

“Laval, 1er février 1907.

Mon cher ami,

Je suis malheureusement parti au moment où vous rentriez : j’ai prétexté – pour les non intimes – des raisons de santé, mais vous aviez vu d’assez près mes dernières aventures pour être au courant : Chanteclair a été une sinistre duperie où je fus de ma poche, tant en phinance qu’en temps perdu (je ne sais même, à ce propos, si je pourrai retrouver votre manuscrit), et comme je me résous assez mal à ne point “manger comme un tigre”, j’ai fui pour un bout de temps dans ma famille où j’ai tout le loisir de me livrer à ce curieux exercice. Je déplore seulement de ne vous point avoir comme partenaire en ce noble jeu. Mais mon absence ne sera pas longue, jusqu’à la fin février au plus.” (Alfred Jarry, Correspondance)                 

Lecture.

Tintin en Amérique (Hergé, Casterman, 1932, 62 p., 11,95 €).

JEUDI.

Brève de trottoir.

Lecture.

Télé-crime (Boileau-Narcejac, Denoël, 1967, in Constellation, 1968, rééd. in « Quarante ans de suspense » vol. 2, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1314 p., 120 F).                 

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Commerces divers, photos de Jean-Damien Poncet.

Paris (Seine), rue de Cotte, 23 avril 2022

idem, rue Delambre, 13 octobre 2016

Lecture.

Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel (Atti relativi alla morte di Raymond Roussel, Leonardo Sciascia, Esse, 1971 pour l’édition originale, L’Herne, 1972, rééd. Allia, 2022 pour la traduction française, traduit de l’italien par Jean-Pierre Pisetta; 64 p., 7 €).

Ce n’est pas avec Leonardo Sciascia que l’on va éclaircir le mystère de la mort de Raymond Roussel mais l’auteur italien apporte des éléments intéressants dans la mesure où il a eu accès à des archives de la police et de la justice de Palerme, ville où mourut Roussel le 14 juillet 1933, aujourd’hui disparues. On retiendra toutefois qu’entre les deux thèses qui s’opposent sur le sujet, il réfute, en argumentant, le suicide, pour lui préférer la surdose médicamenteuse accidentelle. On pourra s’étonner que Sciascia cite François Caradec alors que la biographie de Roussel due à ce dernier date de 1972 mais Caradec a écrit sur le sujet bien avant cette date, notamment dans le numéro spécial de la revue Bizarre qui date de 1964 (mais dans lequel il ne parle pas de sa mort).

SAMEDI.            

Films vus.

  • Mort sur le Nil (Death on the Nile, Kenneth Branagh, É.-U. – R.-U., 2022)                             
  • Leur dernière nuit (Georges Lacombe, France, 1953)                              
  • L’Ours (Jean-Jacques Annaud, France – É.-U., 1988)                              
  • K-19 : Le Piège des profondeurs (K-19: The Widowmaker, Kathryn Bigelow, R.-U. – Allemagne – Canada – É.-U., 2002)
  • Tendre et saignant (Christopher Thompson, France – Belgique, 2021)                              
  • La Mélodie du bonheur (The Sound of Music, Robert Wise, É.-U., 1965).             

Football.

SA Spinalien – Furiani Agliani 3 –0.             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Évaux-les-Bains (Creuse), photo de l’auteur, 6 août 2012

Le Mas-d’Azil (Ariège), photo de François Golfier, 23 décembre 2020

Poil et plume.

“La plus longue chevelure signalée semble être celle d’une femme nommée Miss Owens, qui s’exhibait au XIXe siècle. Elle avait une longueur de 2,51 mètres. Voilà qui les plongeait dans le plus complet ravissement. Jacqueline sortit un mètre ruban d’une des poches de sa robe chasuble et le déroula à mes pieds en me demandant d’en maintenir une extrémité. Les deux mètres cinquante et un de ruban traçaient devant moi une frontière infranchissable. L’enjamber, c’eût été fouler un fleuve de cheveux. Cette Miss Owens, n’est-elle pas admirable ? me demanda-t-elle, avant d’insister pour que je l’accompagne chez le coiffeur où je pourrais lire toutes les revues que je voulais.” (Claro, Substance)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

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