DIMANCHE.
Lecture.
De beaux lendemains (The Sweet Hereafter, Russell Banks, Harper Collins, 1991 pour l’édition originale, Actes Sud, 1994 pour la traduction française, rééd. coll. “Babel” n° 294, 1997, traduit de l’américain par Christine Le Bœuf; 336 p., 9,20 €).
Ce roman sortirait aujourd’hui, on parlerait sans doute de résilience, puisqu’il s’agit, pour ses personnages, de vivre après un traumatisme (la mort d’un groupe d’enfants dans un accident de car scolaire). Comme il est aussi question d’une sorte de vengeance exercée par une rescapée sur la personne de son père incestueux, on parlerait aussi certainement de roman post #metoo. Dieu merci, Russell Banks a échappé à tout ça et on peut encore lire son livre, sans les étiquettes d’aujourd’hui, comme un roman simplement poignant et très bien construit. Le récit de l’accident est suivi de différents témoignages et tranches de vie (des parents privés de leurs enfants, un avocat se proposant de les défendre, une survivante, la conductrice du bus) qui s’enchaînent pour livrer le récit d’une ville entière. Il faudra revoir d’urgence le film d’Atom Egoyan tiré du livre dont, je l’avoue, je n’ai pas gardé un souvenir précis.
MERCREDI.
Éphéméride.
“Vendredi 1er [mars 1918]. – Depuis que j’ai arrêté d’écrire ici j’ai connu des jours de santé presque parfaite, des jours de maladie, et des jours où j’ai été accablé par l’Humeur. Février a été très beau à Alicante, et j’ai eu des matinées merveilleuses, ces matinées sud-méditerranéennes, presque trop belles, qui font penser aux chansons napolitaines et à la mauvaise poésie allemande. Mais il semble que mars veuille nous faire payer tout ce bonheur et cette chaleur. Je ne me suis pas senti bien ni hier, ni aujourd’hui.” (Valery Larbaud, Journal)
Lecture.
Fête nationale et autres poèmes (Laurent Tailhade, Grasset, coll. “Les Cahiers rouges”, 2013; 112 p., 7,90 €).
On dirait bien que tout ce qui sort de Tarbes (Hautes-Pyrénées) ne peut laisser indifférent. Si l’on met de côté le maréchal Foch et Yvette Horner, on ne peut oublier que le lycée de la ville forma Jules Laforgue, Isidore Ducasse et son biographe éclairé Jean-Jacques Lefrère. Toujours dans le domaine littéraire, si Théophile Gautier brille encore d’un certain éclat, on a tendance à ignorer Laurent Tailhade. Celui-ci, comme les autres, quitta la ville assez tôt et entreprit à Paris une carrière de poète iconoclaste dont on trouve une bonne illustration dans cette anthologie. Les pièces rassemblées proviennent de deux recueils, Poèmes aristophanesques (1904) et Poèmes élégiaques (1907). Le second porte la marque de l’époque, entre Parnasse et symbolisme, montre le goût de Tailhade pour les termes rares ou nouveaux, sacrifie aux thèmes, aux mythes et aux personnages de la poésie traditionnelle, Dionysos, Aphrodite, Ophélie “Et Narcisse au grand cœur qui mourut de s’aimer”. Le premier est plus intéressant car il révèle le Tailhade féroce, batailleur, pourfendeur des valeurs et des gloires de l’époque : les soutanes, les culottes de peau et les parlementaires en prennent pour leur grade, notamment Barrès et Drumont. Le bourgeois est l’ennemi, grossier, grotesque, ridicule, dans des poèmes qui rappellent les “Monsieur Prudhomme” et “À la musique” de ses illustres devanciers. Donnons comme exemple le savoureux “Hydrothérapie” :
Le vieux monsieur, pour prendre une douche ascendante,
A couronné son chef d’un casque d’hidalgo
Qui, malgré sa bedaine ample et son lumbago,
Lui donne un certain air de famille avec Dante.
Ainsi ses membres gourds et sa vertèbre à point
Traversent l’appareil des tuyaux et des lances,
Tandis que des masseurs, tout gonflés d’insolences,
Frottent au gant de crin son dos où l’acné point.
Oh ! l’eau froide ! oh ! la bonne et rare panacée
Qui, seule, raffermit la charpente lassée
Et le protoplasma des sénateurs pesants !
Voici que, dans la rue, au sortir de sa douche,
Le vieux monsieur qu’on sait un magistrat farouche
Tient des propos grivois aux filles de douze ans.
JEUDI.
Contrepèterie de trottoir.
VENDREDI.
Lecture.
Les Cigares du pharaon (Hergé, Casterman, 1934, 62 p., 11,95 €).
Vie culturelle.
Nous sommes ce soir au vernissage de l’exposition “Cosmos”, à Épinal, qui rassemble sur ce thème des œuvres provenant des Fonds Régionaux d’Art Contemporain du Grand Est. On ne dira rien de la valeur artistiques des œuvres présentées : celle-ci passe pour nous au second plan, derrière la manière dont elles ont été accrochées ou installées. C’est que l’ensemble a été monté, au cours des deux dernières semaines, par la régisseuse des collections et projets hors les murs du FRAC Lorraine, que nous connaissons un peu.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Histoires d’eau, photos de Jean-François Fournié.
Châteauvillain (Haute-Marne), 1er mai 2019
Torgny (Belgique), 9 mars 2019
SAMEDI.
Football.
SA Spinalien – Wasquehal 3 – 1.
Lecture.
Tout ce qui est à toi brûlera (The Last Thing To Burn, Will Dean, Hodder & Stoughton, 2020 pour l’édition originale, Belfond, coll. “Noir”, 2022 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Laurent Bury; 272 p., 20 €).
Will Dean est un auteur anglais qui, apparemment, sait d’où vient le vent. En pleine vague du polar scandinave, il sort une trilogie basée sur les enquêtes d’une journaliste suédoise, aujourd’hui que les histoires de femmes sous emprise se multiplient, il s’y colle immédiatement avec ce dernier titre. Mais on est loin de La Deuxième Femme de Louise Mey, un modèle dans le genre. C’est ici une histoire en gros sabots, interminable, dont chaque phrase pèse des tonnes.
Films vus.
- Le Coup de l’escalier (Odds Against Tomorrow, Robert Wise, É.-U., 1959)
- Canicule (The Dry, Robert Connolly, Australie – É.-U – R.-U., 2020)
- Dis-moi oui… (Alexandre Arcady, France, 1995)
- Mignonnes (Maïmouna Doucouré, France, 2020).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Lons-le-Saunier (Jura), photo de Francis Pierre, 25 juillet 2012
Abbeville (Somme), photo de Jean-Damien Poncet, 21 juin 2020
Le chant du poil.
Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), Lyon (Rhône), 1987
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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