26 mars 2023 – 1007

DIMANCHE.                  

Lecture.

Gaston d’Ercoule (Valery Larbaud, Éditions Vrille, 1952, rééd. in “Œuvres”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 126, 1958; 1316 p., 52,99 €).

“La femme du professeur, aussi, est en bon point”, écrit Larbaud. Le Trésor de la langue française m’apprend que l’embonpoint d’aujourd’hui est issu de cette expression qui signifiait jadis “en bonne santé”.

LUNDI.

Transhumance.

Alice a suivi son dernier cours samedi, quitté son statut d’étudiante et laissé son logement messin à Lucie. Elle va désormais exercer ses talents à Bruxelles, où nous débarquons en fin de journée pour prendre nos quartiers à Anderlecht. Anderlecht, pour moi, c’est le football, nous sommes d’ailleurs à portée de fumigène du stade. Un coup d’œil sur le calendrier… Mince, pas de match domicile cette semaine.

MARDI.

Chez les Belges.

Installation d’Alice dans son nouveau logis, à Schaerbeeck, arpentage du quartier, photos de salons et curiosités, ravitaillement. J’achète Le Soir, déception, il n’y pas d’avis de décès. J’essaierai demain La Libre Belgique. Après-midi touristique, à la découverte de Bruxelles. Nous prenons le métro à la station Saint-Guidon qui, c’est une bonne chose, se trouve sur la même ligne que la station Eddy Merckx. Le hasard nous mène sur la Grand-Place, puis au pied de la colonne du Congrès qui sert de monument aux morts, en passant par les galeries royales Saint-Hubert, là où Paul Verlaine acheta, le 10 juillet 1873, certain objet qui allait être à l’origine d’un sacré coup de pétard. Promenade agréable mais le cœur n’y est pas, les nouvelles de Metz ne sont pas bonnes.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“Lundi 22 mars [1943]

Marine de 9h1/2 à 12h. Passé à Comœdia. Vu personne. Rabourdin m’a fait vendre 800 francs mes Ronsard de la Pléiade. Un coup de téléphone de Reyer me demandant de venir à 3h à l’imprimerie de La Gerbe, 16 rue du Croissant, parce que mon récit sur Dominique de Gourgue doit paraître, qu’il y a des coupures à faire, et qu’il veut mon avis. Je demande mon après-midi à Braibant. Allé chez le percepteur toucher mes 570 francs de prime de constat et allé à pied rue du Croissant, par un temps inouï de douceur.” (Jacques Lemarchand, Journal 1942-1944)                 

Chez les Belges.

Poursuite du circuit touristique avec la visite des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (découverte d’un certain Léon Frédéric qui rappelle étrangement Émile Friant et Bastien-Lepage) et la Bibliothèque royale. Pendant ce temps, Lucie est admise à l’hôpital de Mercy à Metz. Inutile d’écourter notre séjour, les visites ne sont pas autorisées.

JEUDI.

Chez les Belges.

La visite du Muséum des sciences naturelles, dont la signalétique restera toujours pour nous un mystère, nous rassure sur la vitalité et la vigueur des cordes vocales de l’écolier belge. Nous arpentons Ixelles où les cafés proposent l’expresso à 3 euros, récupérons Alice satisfaite de sa première journée de labeur et visitons la famille de mon frère à Rhode-Saint-Genèse. Volière locale. Je photographie un couple de Pies bavardes au nid et une Ouette d’Égypte dans le parc du Muséum.

VENDREDI.

Vie familiale.

Nous quittons Bruxelles pour Metz, rassemblons quelques affaires et papiers dans l’appartement de Lucie, assurons quelques démarches administratives en ville et à l’hôpital où nous montons en début d’après-midi. Une interne bienveillante nous explique la situation, qui est encore incertaine. Nous sommes dans le couloir, à deux pas de la chambre de Lucie mais les visites restent interdites. Nous repartons avec l’espoir de la voir la semaine prochaine. Le soir venu, nous regardons un épisode de la série Hippocrate, histoire de rester dans l’ambiance. C’était ça ou relire La Montagne magique.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Ferronnerie dard.

Renaix (Belgique), photo de Monique Carlier, 2 mars 2021

Nantes (Loire-Inférieure), photo de Christophe Hubert, 10 janvier 2021

SAMEDI.             

Film vu.

Mission : Impossible – Protocole fantôme (Mission: Impossible – Ghost Protocol, Brad Bird ,É.-U., 2011).             

Lecture.

Histoires à lire et à pâlir (Death-Reach,Collectif, Davis Publications, 1982 pour l’édition originale, Pocket, 1983 pour la traduction française, rééd. in « Alfred Hitchcock présente : 100 autres histoires extraordinaires », Presses de la Cité, coll. Omnibus, 1995; 1224 p., 145 F). 

Nouvelles.

Vie littéraire.

Nous restons à Metz, même si ça ne sert à rien. J’achète le nouveau livre de Pierre Michon, sans savoir si je l’ouvrirai un jour. Michon, couvert de prix et de louanges à chaque pas qu’il fait et à chaque ligne qu’il écrit, est devenu la statue du Commandeur des lettres. On n’imagine plus tenter un mot un peu tiède sur l’homme ou l’œuvre. Et si le bouquin, tant attendu, était finalement décevant ? Je n’y crois guère, j’ai confiance, mais comme l’écrit aujourd’hui Jean-Claude Bourdais dans un billet, si c’est le cas personne n’osera le dire. Avant de rentrer, nous faisons une courte incursion au Petit Salon du livre de Kanfen (Moselle). Le rassemblement d’auteurs locaux fait penser à celui de Felletin (Creuse), Raymond Poulidor en moins. Nous y faisons la connaissance de l’alerte Nicolas Truon, auteur de petites plaquettes policières sur tous les bleds de Moselle et des alentours, qui nous confie son intention de sévir bientôt sur Épinal.             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Badonviller (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 27 juillet 2012

Laragne-Montéglin (Hautes-Alpes), photo d’Hervé Bertin, 17 avril 2016

Poil et pellicule.

L’Étrange Histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button, David Fincher, É.-U., 2008)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

19 mars 2023 – 1006

DIMANCHE.

Lecture.

Le Matin des origines (Pierre Bergounioux, Verdier, 1992; 64 p., 9 €).

Nous voici à un tournant du parcours de Bergounioux. Avec Le Matin des origines, il se détourne de Gallimard (il y reviendra) et abandonne le roman (il y reviendra) pour se tourner vers le récit court qui, à l’exception des volumineux Carnets de notes, sera sa marque de fabrique. Désormais, il fera preuve d’un nomadisme éditorial peu commun, livrant ses textes tantôt à des grandes maisons (Nathan, L’Oliver, Fayard) ou à des structures plus modestes (Galilée, Cécile Defaut), tantôt à d’obscures boutiques au nom de coopératives bio (À une soie, Les Prairies ordinaires, L’Atelier du grand tétras), tout en privilégiant les amis de William Blake & Co., Fata Morgana et Verdier. Verdier qui, en publiant au tournant des années 2000 François Bon, Pierre Michon, Bergounioux et Mathieu Riboulet, fera preuve d’une rare cohérence éditoriale. Le Matin des origines revient sur les racines lotoises de l’auteur, sur la maison rose qui fut le titre d’un de ses premiers romans. L’abord est toujours ardu, la phrase tortueuse, et il convient d’être vigilant si l’on ne veut pas en être éjecté en cours de route. Mais il n’y a plus de déguisement, plus de masque, plus d’appareil fictionnel. Maintenant, c’est moi qui cause, c’est mon enfance, mes souvenirs, mes lieux, mes morts. C’est lui, c’est Bergou.

LUNDI.          

Vie familiale.

C’est une journée à haut potentiel festif puisque c’est celle où mes parents intègrent l’EHPAD où ils vont désormais couler leurs vieux jours. Ma mère y est déjà installée quand nous arrivons avec mon père, je ne verrai donc pas la chambre double qu’ils sont appelés à partager. Lui est ravi, l’établissement est bâti sur les hauteurs de la ville, au milieu des champs, c’est son quartier, là où il venait jouer enfant. Je laisse ma sœur et mon frère le conduire pendant que je m’occupe des formalités d’entrée. Auparavant, nous avons rassemblé ses affaires, son trousseau, embarqué des photos, des cadres, des objets familiers. Lui devant sa bibliothèque, regardant ses livres qu’il ne peut plus comprendre : “Alors je suis obligé de laisser tout ça ?” Je suis ému bien sûr, je ne verrai plus mon père à moins que son état de santé ou le veuvage ne le conduisent ailleurs. Ému, mais moins que je pouvais le redouter. Je suis avant tout soulagé, égoïstement d’abord parce que c’est pour moi la fin d’une longue période de tension épuisante, et puis aussi parce que je le sais maintenant en sécurité. Pour la première fois depuis bien longtemps, je respire.

MARDI.           

Vie familiale.

Comme je l’ai fait tous les jours ou presque ces temps-ci, je monte chez mes parents. C’est qu’il y a maintenant là-haut un tas de choses à faire, à ranger, à arranger dans la maison vide. En chemin, je m’aperçois que, pour la première fois depuis bien longtemps aussi, je fais le trajet sans la peur au ventre, la boule qui m’étreignait à l’idée de ce que j’allais trouver sur place ou de l’accueil qui allait m’être réservé. Non seulement je respire, mais je respire à pleins poumons.             

Lecture.

Tati filme (sous la direction d’Alison Castle, in “L’Intégrale Jacques Tati”, Taschen, 2019; 1136 p., 185 €).

Scénarios.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

15 mars [1932]

Breakfast à la mission, pas mauvais. Coup d’œil sur l’arrière de la mission : ravin plein de palmiers, deux ou trois paillotes; sous la pluie qui tombe depuis ce matin, c’est (bien que nous soyons remontés un peu au nord) un coin de forêt vierge. Remerciements aux hôtes. Départ.

Autre type de villages : cases coniques à toits de paille très grands, bulbeux comme des coupoles d’églises russes. Quelques femmes ont le front bleui. Mais tout se civilise… Les enfants ne disent plus seulement bonjour; souvent, ils tendent la main. Sans doute des touristes leur ont-ils donné des sous.” (Michel Leiris, L’Afrique fantôme)

JEUDI.

Contrepèterie de trottoir.

VENDREDI.

Lecture.

M’appelle pas fillette! (The Deep, Mickey Spillane, 1961 pour l’édition originale, Le Cherche Midi, coll. “Borderline”, 2022 pour la traduction française, traduit de l’américain par Paul Marc-Ayre; 300 p., 15 €).

Curiosités.

De l’influence de la sécheresse sur le dynamisme commercial des villes de province.

Charmes (Vosges), photo de l’auteur, 1er juillet 2021

Dole (Jura), photo de Jean-François Fournié, 5 février 2022

SAMEDI.             

Films vus.

  • La Syndicaliste (Jean-Paul Salomé, France – Allemagne, 2022)                              
  • L’Habit vert (Roger Richebé, France, 1937)                              
  • Coupez (Michel Hazanavicius, France – É.-U. – R.U. – Japon, 2022)                              
  • Bullitt (Peter Yates, É.-U., 1968)                              
  • Les Tuche 4 (Olivier Baroux, France, 2021).                                          

L’Invent’Hair perd ses poils.

Badonviller (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 27 juillet 2012

Mers-les-Bains (Somme), photo de Gérard Viry, 27 décembre 2020

IPAD. (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

1er mai 2022. 87 km. (42 028 km).

581 habitants

Une stèle de granit gris s’élève au pied de la Mairie. Pas de décoration, sinon une plaque ornée d’un cor de chasse et d’une palme. Les noms sont répartis sur quatre colonnes.

À nos morts

1914-1918

Colonne 1 : 1939-1945 : HOCQUAUX Camille, LASSAUCE Fernand, MARTIN Marie

Colonne 2 : 19 noms d’APTEL Albert à LAMBERT Émile

Colonne 3 : 19 noms de LECOMTE Georges à FALCH Émile

Colonne 4 : 5 noms de BOUILLET Pierre à PIERRE René Marcel.

Le monument est signé Marcadella – Thiéfosse.             

Poil et pellicule.

Robert et Robert (Claude Lelouch, France, 1978)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

12 mars 2023 – 1005

MARDI.

Lecture.

Vercoquin et le plancton

(Boris Vian, Gallimard, 1946, rééd. in « Œuvres romanesques complètes I », Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 562, 2010; 1312 p., 57,50 €).

C’était la fin des années 1970, on découvrait Boris Vian, souvent au lycée, et on s’apercevait avec délice que la littérature n’était pas forcément synonyme d’austérité et d’ennui. On pouvait assouvir sa curiosité parce qu’à ce moment-là, 10-18 rendait accessible en poche tout ce qu’avait écrit Bison Ravi. Ou presque tout. Pour des raisons qui nous échappaient, Vercoquin et le plancton était disponible mais ailleurs, en Folio. Je refusais de l’acheter pour ne pas casser mon bel alignement de 10-18 et ce n’est qu’aujourd’hui que je découvre cette histoire à la gloire du jazz et des surprises-parties qui est une sorte de préambule, dans l’écriture, à L’Écume des jours. Comme quoi tout arrive.

MERCREDI.                 

Lecture.

“Le Festival” (“The Festival”, Howard Phillips Lovecraft, 1922, Belfond pour la traduction française, rééd. in “Œuvres I”, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1991, d’après la traduction de Paule Pérez; 1172 p., 31 €).

Nouvelle.                 

Éphéméride.

Dimanche 8 mars 1936. […] M’a marqué aussi son étonnement de ces gens qui attendent, je ne sais quel âge, pour savoir ce que c’est que l’amour : “Toi, par exemple, qui as attendu soixante ans pour savoir ce qu’est l’amour-passion.” Elle entend celui que j’ai pour elle. Je n’ai pas répondu. Mon amour pour elle, est-il bien différent, je ne dirais pas des précédents, mais de mon amour pour le Fléau ? Je n’ose prononcer le reste de sang-froid avec elle, comme je l’ai toujours été. Pas le moindre aveuglement, ni sur le moral, ni sur le physique. Alors ?” (Paul Léautaud, Journal particulier 1936)                  

Obituaire.

Ce n’est pas pour me vanter, mais j’ai tapé sur l’épaule de Marcel Amont, dont j’apprends la mort aujourd’hui. Je retrouve la date sur Internet, c’était en juin 1980, nous étions partis sur un coup de tête pour le rassemblement antinucléaire de La Hague (Manche), c’était loin, nous avions dormi à mi-chemin chez Albert Marcœur, “le Frank Zappa français”. Le Monde parlait à l’époque d’un “Woodstock à la française”, ce qui était sans doute abusif, même si un élément du festival historique était bien présent : la pluie. Une pluie torrentielle qui noya rapidement le site et obligea tout le monde à se réfugier à Sainte-Mère-Église où Jacques Higelin donna, jusqu’aux heures du petit matin, un concert mémorable. Outre Higelin, il y avait là le gratin du rock français de l’époque, je n’ai plus tous les noms en tête. Et puis Marcel Amont, égaré dans ce monde de brutes. C’est lui qui avait fait l’ouverture, sous les huées de la jeune assemblée, et il s’était fait rapidement éjecter. Moi, ça ne me dérangeait pas qu’il soit là, Marcel Amont n’était déjà plus tout neuf mais Brassens n’avait pas pour habitude de donner ses chansons à n’importe qui et il en avait offert une à Marcel Amont (“Le Chapeau de Mireille”), ça suffisait à me le rendre sympathique. Je ne sais plus comment je m’étais retrouvé en backstage, mais j’étais là quand Marcel Amont est descendu de la scène, effondré, réconforté par ses musiciens. Je m’étais approché, lui avais donc tapé sur l’épaule et dit ces mots historiques : “T’en fais pas Marcel, il n’y comprennent rien”. Je me souviens de son sourire navré.

JEUDI.         

Lecture.

Le Lieutenant Burda (Leutnant Burda, Ferdinand von Saar, in Deutsche Dichtung, 1887 pour l’édition originale, Bartillat, 2022 pour la traduction française, traduit de l’allemand par Jacques Le Rider; 128 p., 16 €).

Dans son article du Monde des livres rendant compte de la sortie de ce court roman, l’ami Denis Cosnard parlait à propos de Ferdinand von Saar d’un “Maupassant viennois”. Ce qui est tout à fait justifié si l’on considère la virtuosité narrative dont il fait preuve et le plaisir de lecture qu’elle procure. En plus, il y a l’atmosphère viennoise que l’on goûte chez Zweig, Roth ou Schnitzler, les bals, les cafés, les casernes, les officiers à lorgnon aux uniformes chamarrés et aux moustaches improbables. Dans ce cadre, le lieutenant Burda, qui ne se prénomme pas Nestor, vit une histoire d’amour à distance avec une belle qui n’est pas de son rang. Un amour unidirectionnel mais qu’il croit réciproque – et il est bien le seul. Dans son délire d’auto-persuasion, il voit se multiplier les preuves d’amour dans ce qui n’est qu’une accumulation de hasards, et les mises en garde du narrateur, son ami, ne suffiront pas à le détourner d’une issue fatale. Histoire tragique, menée d’une plume de maître, Maupassant n’aurait pas fait mieux.

Le Débat n° 210 (Gallimard, mai-août 2020; 288 p., 24 €).

“40 ans”

Gallimard fait le ménage dans ses revues : après Les Temps modernes, c’est Le Débat qui tire sa révérence suite à ce numéro anniversaire. Il reste la NRf, devenue semestrielle, et L’Infini à la publication irrégulière. C’est maigre.

VENDREDI.

Lecture.

Un Mexicain sur son vélo : et 119 autres droodles (Roger Price, Tallfellow Press, 2000 pour l’édition originale, La Table ronde, 2015 pour la traduction française, traduit de l’américain par Jean-Christophe Napias; 168 p., 12,90 €).

Dans sa présentation, Jean-Christophe Napias écrit que c’est Charlie mensuel qui, en 1969, publia les premiers droodles en France. Les légendes de ces énigmes dessinées par Roger Price étaient traduites par Delfeil de Ton. Je me souviens bien d’avoir découvert les droodles à cette époque mais je ne lisais pas Charlie, ce devait être dans Le Journal de Mickey. J’avais gardé en mémoire le Mexicain sur son vélo, qui donne son titre à cette rétrospective, et celui-ci, qui n’y figure pas :

Un Mexicain faisant cuire deux œufs sur le plat

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Écriteaux divers.

 Chine, photo de Phillip Lund, 25 mars 2006

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo d’Alice Didion, 26 juin 2020

SAMEDI.

Bougies.

22 ans de notules. Elles nous enterreront tous.

Films vus.

  • La Rumeur (The Children’s Hour, William Wyler, É.-U., 1961)                              
  • Enquête sur un scandale d’État (Thierry de Peretti, France, 2021)                              
  • The Son (Florian Zeller, R.-U. – France, 2022)                              
  • Les Valeurs de la famille Addams (Addams Family Values, Barry Sonnenfeld, É.-U., 1993)                              
  • The Innocents (De uskyldige, Eskil Vogt, Norvège – Suède – Danemark – Finlande – France – R.-U., 2021)                              
  • Chut ! (Jean-Pierre Mocky, France, 1972)                              
  • Decision to Leave (Heojik kyolshim, Park-Chan-wook, Corée du Sud, 2022).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Lons-le-Saunier (Jura), photo de Francis Pierre, 25 juillet 2012

Cusset (Allier), photo de Jean-Damien Poncet, 18 avril 2022             

Poil et plume.

“Faute d’électricité, les coiffeurs travaillaient irrégulièrement, une mise en plis devenait tout une affaire, aussi les turbans étaient-ils à la mode : ils tenaient lieu à la fois de chapeau et de coiffure; j’en avais porté, de temps en temps, par commodité et parce qu’ils me seyaient; je m’y ralliai définitivement.” (Simone de Beauvoir, La Force de l’âge)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

5 mars 2023 – 1004

DIMANCHE.

Lecture.

De beaux lendemains (The Sweet Hereafter, Russell Banks, Harper Collins, 1991 pour l’édition originale, Actes Sud, 1994 pour la traduction française, rééd. coll. “Babel” n° 294, 1997, traduit de l’américain par Christine Le Bœuf; 336 p., 9,20 €).

Ce roman sortirait aujourd’hui, on parlerait sans doute de résilience, puisqu’il s’agit, pour ses personnages, de vivre après un traumatisme (la mort d’un groupe d’enfants dans un accident de car scolaire). Comme il est aussi question d’une sorte de vengeance exercée par une rescapée sur la personne de son père incestueux, on parlerait aussi certainement de roman post #metoo. Dieu merci, Russell Banks a échappé à tout ça et on peut encore lire son livre, sans les étiquettes d’aujourd’hui, comme un roman simplement poignant et très bien construit. Le récit de l’accident est suivi de différents témoignages et tranches de vie (des parents privés de leurs enfants, un avocat se proposant de les défendre, une survivante, la conductrice du bus) qui s’enchaînent pour livrer le récit d’une ville entière. Il faudra revoir d’urgence le film d’Atom Egoyan tiré du livre dont, je l’avoue, je n’ai pas gardé un souvenir précis.

MERCREDI.  

Éphéméride.

“Vendredi 1er [mars 1918]. – Depuis que j’ai arrêté d’écrire ici j’ai connu des jours de santé presque parfaite, des jours de maladie, et des jours où j’ai été accablé par l’Humeur. Février a été très beau à Alicante, et j’ai eu des matinées merveilleuses, ces matinées sud-méditerranéennes, presque trop belles, qui font penser aux chansons napolitaines et à la mauvaise poésie allemande. Mais il semble que mars veuille nous faire payer tout ce bonheur et cette chaleur. Je ne me suis pas senti bien ni hier, ni aujourd’hui.” (Valery Larbaud, Journal)                 

Lecture.

Fête nationale et autres poèmes (Laurent Tailhade, Grasset, coll. “Les Cahiers rouges”, 2013; 112 p., 7,90 €).

On dirait bien que tout ce qui sort de Tarbes (Hautes-Pyrénées) ne peut laisser indifférent. Si l’on met de côté le maréchal Foch et Yvette Horner, on ne peut oublier que le lycée de la ville forma Jules Laforgue, Isidore Ducasse et son biographe éclairé Jean-Jacques Lefrère. Toujours dans le domaine littéraire, si Théophile Gautier brille encore d’un certain éclat, on a tendance à ignorer Laurent Tailhade. Celui-ci, comme les autres, quitta la ville assez tôt et entreprit à Paris une carrière de poète iconoclaste dont on trouve une bonne illustration dans cette anthologie. Les pièces rassemblées proviennent de deux recueils, Poèmes aristophanesques (1904) et Poèmes élégiaques (1907). Le second porte la marque de l’époque, entre Parnasse et symbolisme, montre le goût de Tailhade pour les termes rares ou nouveaux, sacrifie aux thèmes, aux mythes et aux personnages de la poésie traditionnelle, Dionysos, Aphrodite, Ophélie “Et Narcisse au grand cœur qui mourut de s’aimer”. Le premier est plus intéressant car il révèle le Tailhade féroce, batailleur, pourfendeur des valeurs et des gloires de l’époque : les soutanes, les culottes de peau et les parlementaires en prennent pour leur grade, notamment Barrès et Drumont. Le bourgeois est l’ennemi, grossier, grotesque, ridicule, dans des poèmes qui rappellent les “Monsieur Prudhomme” et “À la musique” de ses illustres devanciers. Donnons comme exemple le savoureux “Hydrothérapie” :

Le vieux monsieur, pour prendre une douche ascendante,

A couronné son chef d’un casque d’hidalgo

Qui, malgré sa bedaine ample et son lumbago,

Lui donne un certain air de famille avec Dante.

Ainsi ses membres gourds et sa vertèbre à point

Traversent l’appareil des tuyaux et des lances,

Tandis que des masseurs, tout gonflés d’insolences,

Frottent au gant de crin son dos où l’acné point.

Oh ! l’eau froide ! oh ! la bonne et rare panacée

Qui, seule, raffermit la charpente lassée

Et le protoplasma des sénateurs pesants !

Voici que, dans la rue, au sortir de sa douche,

Le vieux monsieur qu’on sait un magistrat farouche

Tient des propos grivois aux filles de douze ans.

JEUDI.         

Contrepèterie de trottoir.

VENDREDI.

Lecture.

Les Cigares du pharaon (Hergé, Casterman, 1934, 62 p., 11,95 €).

Vie culturelle.

Nous sommes ce soir au vernissage de l’exposition “Cosmos”, à Épinal, qui rassemble sur ce thème des œuvres provenant des Fonds Régionaux d’Art Contemporain du Grand Est. On ne dira rien de la valeur artistiques des œuvres présentées : celle-ci passe pour nous au second plan, derrière la manière dont elles ont été accrochées ou installées. C’est que l’ensemble a été monté, au cours des deux dernières semaines, par la régisseuse des collections et projets hors les murs du FRAC Lorraine, que nous connaissons un peu.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Histoires d’eau, photos de Jean-François Fournié.

Châteauvillain (Haute-Marne), 1er mai 2019

Torgny (Belgique), 9 mars 2019

SAMEDI.

Football.

SA Spinalien – Wasquehal 3 – 1.

Lecture.

Tout ce qui est à toi brûlera (The Last Thing To Burn, Will Dean, Hodder & Stoughton, 2020 pour l’édition originale, Belfond, coll. “Noir”, 2022 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Laurent Bury; 272 p., 20 €).

Will Dean est un auteur anglais qui, apparemment, sait d’où vient le vent. En pleine vague du polar scandinave, il sort une trilogie basée sur les enquêtes d’une journaliste suédoise, aujourd’hui que les histoires de femmes sous emprise se multiplient, il s’y colle immédiatement avec ce dernier titre. Mais on est loin de La Deuxième Femme de Louise Mey, un modèle dans le genre. C’est ici une histoire en gros sabots, interminable, dont chaque phrase pèse des tonnes. 

Films vus.

  • Le Coup de l’escalier (Odds Against Tomorrow, Robert Wise, É.-U., 1959)                              
  • Canicule (The Dry, Robert Connolly, Australie – É.-U – R.-U., 2020)                              
  • Dis-moi oui… (Alexandre Arcady, France, 1995)                              
  • Mignonnes (Maïmouna Doucouré, France, 2020).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Lons-le-Saunier (Jura), photo de Francis Pierre, 25 juillet 2012

Abbeville (Somme), photo de Jean-Damien Poncet, 21 juin 2020

Le chant du poil.

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), Lyon (Rhône), 1987

Bon dimanche,

Philippe DIDION

26 février 2023 – 1003

DIMANCHE.

Courriel.

Une demande de désabonnement aux notules.

LUNDI.

Courriel.

Une demande de réabonnement aux notules. L’honneur est sauf.

Lecture.

Une vie de chien (Senninger, Collège de ‘Pataphysique, coll. Bibliothèque optimatique n° 2, 2005; 32 p., hors commerce).

La Place du mort (Pascal Garnier, Zulma, 2010, rééd. Points Roman noir P 2946, 2013; 168 p., 5,70 €).

C’est toujours un plaisir de découvrir qu’on n’a pas tout lu de Pascal Garnier, un des auteurs de polars les plus intéressants des dernières années. Il est mort en 2010, ce roman devait être le dernier publié de son vivant ou son premier posthume. Il montre l’auteur en pleine possession de ce qui fut sa marque de fabrique : une histoire courte, noire, digne d’un Manchette débarrassé de ses préoccupations politiques, qui n’offre aucune issue à ses personnages sinon la violence et la mort.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

22 février [1915] – Complète incapacité sous tous les rapports.” (Franz Kafka, Journaux)                 

Lecture.

“Premiers écrits et articles” (Antonin Artaud, 1921-1924, in “Œuvres”, Gallimard, coll. “Quarto”, 2004; 1792 p., 35 €).

Ce volume présente les écrits d’Artaud dans un ordre strictement chronologique. Il omet volontairement Tric Trac du Ciel, son premier recueil de poèmes publié en 1922 puis renié. On ouvre donc avec deux nouvelles et quelques articles qui montrent la curiosité d’Artaud le jeune : peinture, cinéma, et, bien sûr, théâtre. La seconde nouvelle est un rien hermétique mais comme l’écrivait l’auteur dans le préambule à ses œuvres complètes en 1946 : “Que mes phrases sonnent le français ou le papou c’est exactement ce dont je me fous.”                               

“Le Crâne” (“The Skull”, Philip K. Dick, in If, juillet-août 1952, traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti et révisé par Hélène Collon, in “Nouvelles complètes I 1947-1953”, Gallimard, coll. Quarto, 2020; 1280 p., 28 €).                               

Nouvelle.

JEUDI.

Vie familiale.

Quand on me demandait ce que j’allais faire de ma retraite, la réponse “voyager” était bien la dernière qui me serait venue à l’esprit. J’aspirais plutôt à goûter le confort douillet de mon home et à pantoufler sans entraves. C’était sans compter sur une situation familiale qui m’empoisonne et m’épuise depuis un an maintenant. Après une période d’accalmie, l’hospitalisation de ma mère, devenue flèche de haine n’ayant que ma pomme pour cible, m’a redonné accès à mon père. Je vais le voir tous les jours ou presque, même s’il ne sait plus qui je suis. Il me prend tantôt pour un jardinier, tantôt pour un infirmier, au mieux pour un voisin, jamais pour un fils. Il ne sait plus distinguer le jour de la nuit, l’armoire du frigo, l’endroit de l’envers. Toute chose sur laquelle il met la main disparaît comme par enchantement. Quand je passe, j’essaie de rétablir un peu d’ordre dans son esprit et dans sa maison, je fais la chasse aux objets manquants et aux papiers nécessaires à son hébergement car la situation ne peut s’éterniser. C’est éreintant : j’y reste une heure, je vieillis d’un mois. Mais je le fais, relayé par mes frères et sœur quand ils peuvent se déplacer, parce que, contrairement à ma ma mère que je ne reverrai plus jamais, lui est resté doux et paisible, désespérant mais touchant. Il a l’Alzheimer docile, mais cavaleur : il s’enfuit régulièrement, laissant la maison vide et ouverte à tous les vents, il faut courir dans tous les azimuts pour le récupérer. Heureusement, toute la ville le connaît ou presque et c’est souvent une relation plus ou moins vague qui le ramène au bercail. L’autre jour – facile à retenir, c’est celui où Alice s’est cassé le bras, ces choses arrivent en cascade – l’Alzheimer familial s’est doublé d’un Alzheimer vicinal : notre voisin du dessus, dont l’esprit flotte aussi dans l’éther, s’est endormi en laissant un robinet ouvert dans sa cuisine, ce sont les cataractes dégringolant du plafond qui nous ont alertés. Pas trop de dégâts mais des démarches à entreprendre, des travaux à faire réaliser, des devis, des déclarations, des pièces à vider, ce genre de choses. Alors, voyager, oui, ou plutôt déguerpir, prendre la tangente, fuir, là-bas fuir, pour respirer un peu. Je n’aspire qu’à sacrer mon camp, à repartir en mer avec mon capitaine courageux, à aller visiter les amis lointains, à partir installer Alice à Bruxelles, à revoir Jaligny et la Creuse le plus tôt possible, à aller encombrer sans vergogne, définition du tourisme, ceux qui ne m’ont rien demandé. Aujourd’hui, une première dans nos annales, nous avons acheté des billets d’avion. C’est dire si la situation est grave.         

Lecture.

Spéculations.Viridis Candela, 10e série, n° 5 (15 septembre 2022, 48 p., 15 €).

Michel Leiris pataphysicien.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Murs en colère, photos de l’auteur.

Moulins (Allier), 20 juin 2021

Le Syndicat (Vosges), 12 décembre 2021

SAMEDI.

Films vus.

  • Adorables créatures (Christian-Jaque, France – Italie, 1952)
  • La Montagne (Thomas Salvador, France, 2022)
  • As bestas (Rodrigo Sorogoyen, Espagne – France, 2022)
  • Une aussi longue absence (Henri Colpi, France – Italie, 1961)
  • Retour à la bien-aimée (Jean-François Adam, France, 1979).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Arles (Bouches-du-Rhône), photo de Sylvie Bernasconi, 23 juillet 2012

Sault (Vaucluse), photo d’Hervé Bertin, 10 juin 2013

IPAD. (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

17 avril 2022. 95 km. (41 941 km).

128 habitants

Dans la partie encore inoccupée du cimetière (où reposent six aviateurs de la R.A.F.), l’obélisque de pierre usée a été reposé sur un socle de granit récent, agrémenté par quelques pissenlits en fleur. Récente aussi la plaque sur laquelle les noms sont inscrits.

1914-1918

They-sous-Montfort

À ses enfants

Morts pour la France

THIÉRY Charles                    COLIN Auguste

CLÉMENT Gustave                    COLAS Louis

NOËL Léon                    FRANCAIS François

DORGET Eugène                    DORGET Jules

1939-1945

Georges BECK – Charles SIMUS            

Poil et pellicule.

Brice 3 (James Huth, France, 2016)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

19 février 2023 – 1002

LUNDI.          

Lecture.

L’Univers concentrationnaire (David Rousset, Éditions du Pavois, 1946, rééd. in “L’Espèce humaine et autres écrits des camps”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 660, 2021; 1614 p., 71 €).

En 1946, de nombreux récits de captivité ont déjà été publiés par les rescapés des camps nazis. David Rousset, revenu de Buchenwald et de Neuengamme, ne veut pas ajouter un nouveau témoignage : son but est d’analyser, d’essayer d’expliquer le système concentrationnaire (il crée l’adjectif pour l’occasion) dont il a été victime. Arrêté et déporté pour raisons politiques, c’est d’un point de vue communiste, ou plus exactement trotskiste, qu’il examine le fonctionnement des camps. Pour lui, le camp n’est pas une manifestation exceptionnelle de la barbarie mais l’aboutissement logique d’un système capitaliste et impérialiste, ce qui le rend reproductible sous d’autres cieux et à d’autres époques. D’où l’aspect bénéfique de l’expérience, qui justifie à ses yeux l’importance de la lutte politique nécessaire pour éviter cette reproduction. Georges Perec, qui a écrit sur l’œuvre d’un autre survivant, Robert Antelme, a repris un passage de L’Univers concentrationnaire à la fin de W ou le souvenir d’enfance.

MARDI.

Courriel.

Une demande d’abonnement aux notules.

MERCREDI. 

Éphéméride.

Valery Larbaud à Sylvia Beach (Lettre écrite en anglais)“Mercredi matin [15 février 1921]. 71, rue du Cardinal-Lemoine. [Paris] Ve.

[…] Merci aussi pour la Little Review. Je suis en train de lire Ulysse. En fait, je ne peux rien lire d’autre, je ne peux même pas penser à autre chose. Tout juste ce qu’il me faut. Je l’aime encore mieux que le Portrait. Retourne un sol nouveau, va plus profond. […]” (James Joyce, Choix de lettres)             

Lecture.

Les Treize Énigmes (Georges Simenon, Arthème Fayard, 1932, rééd. Rencontre, 1967, in “Œuvres complètes Maigret” VI; 576 p., s.p.m.).                               

Nouvelles.                               

Comme dans ses Treize Mystères rassemblés en volume la même année, Simenon tourne autour de Maigret, cherche son personnage. Le détective en chambre Joseph Leborgne cède la place à un policier surnommé G7 qui, lui, n’hésite pas à se déplacer sur les lieux des enquêtes, se rapprochant ainsi du personnage emblématique de Simenon. L’intérêt est donc avant tout historique pour ce qu’il révèle de la genèse de Maigret et ne va guère plus loin car il faut bien dire que les énigmes criminelles présentées sont un peu faiblardes. Autre chose : une nouvelle est intitulée “Le Chien jaune”, comme le roman qui relate une des premières aventures de Maigret. Les deux textes n’ont rien d’autre en commun, la nouvelle ayant pour cadre un “village en heim des environs de Mulhouse”, loin de Concarneau où se déroule le roman.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Niaiserie du langage relatif à la petite enfance.

Ruaux (Vosges), photo de l’auteur, 6 janvier 2019

Brignac (Hérault), photo de Caroline Didion, 15 juin 2022

Lecture.

Décapage n° 64 (Flammarion, automne-hiver 2021; 172 p., 16 €).                               

Marie-Hélène Lafon.                               

Schnock n° 40 (La Tengo, septembre 2021; 176 p., 15,50 €).

Le Dîner de cons.

SAMEDI.

Lecture.

Je vais mourir cette nuit (Esta noche moriré, Fernando Marías, 1996 pour l’édition originale, Éditions Cénomane, 2007 pour la traduction française, rééd. Actes Sud, coll. “Babel” n° 1293, 2015, traduit de l’espagnol par Raoul Gomez; 128 p., 7 €).                          

Roman noir très noir, qui raconte la vengeance posthume ourdie par un escroc à l’encontre du policier qui l’a arrêté. C’est assez brillant, totalement invraisemblable certes, mais écrit dans un style ample et raffiné qui donne au livre une dimension plus vaste que celle d’un simple roman de genre.            

Films vus.

  • Une femme mariée (Jean-Luc Godard, France, 1964)
  • Le Grand Sommeil (The Big Sleep, Michael Winner, R.-U. – É.-U., 1978)
  • Murder at Yellowstone City (Richard Gray, É.-U., 2022)
  • Au royaume des cieux (Julien Duvivier, France, 1949)
  • Hommes au bord de la crise de nerfs (Audrey Dana, Belgique – France, 2022).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Diou (Allier), photo de Laurence Bessac, 7 avril 2012

Yverdon-les-Bains (Suisse), photo de Jean Prod’hom, 7 janvier 2017

Poil et plumes de prestige.

Bon dimanche,

Philippe DIDION

12 février 2023 – 1001

MARDI.           

Lecture.

Les 1001 Tableaux qu’il faut avoir vus dans sa vie (1001 Paintings You Must See Before You Die, Collectif, 2006 pour l’édition originale, Flammarion, 2007 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Amandine Chastaing et al.; 960 p., 32 €).

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“Mercredi 8 février [18]99

[…] Pris tub. Écrit à d’Esparbès qui vient d’être décoré de la Légion d’honneur et à qui on fait un banquet et qui me fait parvenir une invitation. Je lui demande si je peux venir au café, car son banquet est à sept f[rancs] cinquante c[entimes] par tête et dam ! c’est trop cher pour moi.

Je me fous des honneurs officiels mais je suis sincèrement heureux quand un de mes copains qui y tient se les procure.” (Jehan-Rictus, Journal quotidien 21 septembre 1898 – 26 avril 1899)

En feuilletant Livres Hebdo.

Bernard Joubert, Flatulences en cases : une évocation culturelle du pet dans la BD, Dynamite, 2023; 160 p., 15 €. Les amateurs de pets et contrepets trouveront certainement l’ouvrage dans cette échoppe :

Indre (Loire-Inférieure), photo Ouest-France transmise par Bernard Bretonnière, 19 août 2018

Lecture.

Spéculations. Viridis Candela, 10e série, n° 3 (15 mars 2022, 95 p., 15 €).

Les Banquets.

Encyclopédie des farces et attrapes (Collectif, Pauvert, 1964; 576 p., s.p.m.).

JEUDI.

Lecture.

La Fiancée du pendu (The Bride of Newgate, John Dixon Carr, Hamish Hamilton Limited, 1950 pour l’édition originale, Librairie des Champs-Élysées, coll. “Le Masque”, 1992 pour la traduction française, traduit de l’américain par Joëlle Girardin; 320 p., s.p.m.)

“L’escalier n’était pas assez large pour que Dolly ait pu rouler sur elle-même ou essayer de freiner sa chute. Elle était tombée comme un pantin désarticulé dans le tourbillon de velours jaune de sa robe de soie jaune bordée de dentelle de son jupon.” Comprend qui peut.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Cordonneries.

Bordeaux (Gironde), photo de l’auteur, 13 janvier 2022

Saint-Thiébault (Haute-Marne), photo de Jean-François Fournié, 30 août 2005

SAMEDI.            

Films vus.

  • Call Jane (Phyllis Nagy, É.-U., 2022)                             
  • Tempête à Washington (Advise & Consent, Otto Preminger, É.-U., 1962)                             
  • On est fait pour s’entendre (Pascal Elbé, France, 2021)                             
  • La Loi du Seigneur (Friendly Persuasion, William Wyler, É.-U., 1965)                             
  • L’Île aux fleurs (Ilha das Flores, c.m., Jorge Furtado, Brésil, 1989)                             
  • Youssef Salem a du succès (Baya Kasmi, France, 2022)                             
  • Cœurs vaillants (Mona Achache, France – Belgique, 2021)                             
  • La Science des rêves (Michel Gondry, France – Italie, 2006).            

Football.

SA Spinalien – Fleury 2 – 1.            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Boussac (Creuse), photo de l’auteur, 13 août 2012

Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), photo de Jean-Damien Poncet, 19 juillet 2018

IPAD. (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

10 avril 2022. 26 km. (41 846 km).

7 895 habitants

Thaon-les-Vosges a disparu du calendrier des postes en 2018. Thaon n’existait plus, suite à une fusion de communes qui concernait aussi celles de Girmont et d’Oncourt. Le cas n’est pas rare mais ce qui rend celui de Thaon original, c’est que la commune a retrouvé son nom à la fin de l’année 2021. Lorsqu’il s’était agi de trouver un nom à la nouvelle entité, les édiles de l’époque, faisant fi de la directive du Ministère de l’aménagement du territoire adressée aux préfets en 2017 qui demandait d’éviter des “dénominations dénuées de tout lien avec la toponymie”, avaient choisi “Capavenir Vosges”. Ainsi, à rebours de leurs collègues qui avaient opté pour des noms en rapport avec leur situation géographique ou des toponymes accolant leurs anciens noms (La Vôge-les-Bains ou Granges-Aumontzey par exemple pour notre département), les maires des trois communes concernées avaient préféré donner à leur regroupement un nom digne d’un centre commercial. Cela ne fut pas du goût des habitants : lors des dernières élections municipales, le maire sortant fut nettement battu. Son remplaçant avait promis de redonner à sa ville son ancien nom – ce qu’il fit. Il n’avait pas besoin d’autre chose dans son programme pour l’emporter largement.

Le monument est tout en pierre blanche d’une propreté parfaite. Deux drapeaux tricolores sur mâts la flanquent sur une pelouse elle aussi impeccable, agrémentée d’un parterre de pensées. À la base d’une colonne supportant une Victoire aux ailes déployées, un Poilu tient dans une main un drapeau, dans l’autre une grenade qu’il s’apprête à balancer. Un de ses camarades agonise à ses pieds. Les noms sont inscrits sur des plaques apposées à l’arrière, contre le mur du Foyer des mutilés et anciens combattants de la Grande Guerre. L’ensemble compte 12 colonnes.

Aux enfants de Thaon

Morts pour la France

Colonne 1 : 1939-1945 : 58 noms d’ABDALLAH à MATHIEU, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 2 : 40 noms d’ADAM à BLAUDEZ, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 3 : 40 noms de BOBAN à COURTIAL, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 4 : 40 noms de CROLET à FEVE. P, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 5 : 40 noms de FILLINGER à GUIMBERT, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 6 : 40 noms de HACQUARD à KIBLAIRE. R, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 7 : 40 noms de KIRCHHOFFER à MARTIN. R, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 8 : 40 noms de MASSON. C à PARMENTELOT, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 9 : 40 noms de PERISSE à ROSE. C, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 10 : 40 noms de ROSE. J à VIARD, plus 6 autres sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 11 : 37 noms de VICHARD à SAGET, plus 1 autre sur une plaque ajoutée en bas

Colonne 12 : 1939-1945 : 41 noms de MEGNIN à SEILLER A. et E.; T.O.E. : 6 noms; A.F.N. : 4 noms.            

Poil et plume.

“Ce coiffeur passerait volontiers son temps à me remettre à neuf : c’est sa passion. Tous les matins, sans me demander mon avis, il me masse le visage pendant trois, quatre minutes, autour de la bouche, sur les deux rides : je m’y suis habitué. Oui, c’est sa marotte. Je le laisse faire, je ne veux pas le perturber : malgré tout, je ne constate pas l’amélioration spectaculaire censée résulter de ses soins. Cela dit, il ne me les fait pas payer. C’est une manie chez lui que d’embellir le client.” (Sándor Márai, Le Premier Amour)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

5 février 2023 – 1000

DIMANCHE.                  

Lecture.

Revue des Deux Mondes, mai-juin 2021 (200 p., 18 €).

Romain Gary, les leçons d’une vie.                                

Lightning (Ed McBain, 1984 pour l’édition originale, Presses de la Cité, 1985 pour la traduction française, rééd. in “87e District 6”, Omnibus, 2001, traduit de l’américain par Jacques Martinache; 1052 p., 145 F). 

Lightning marque la rupture d’Ed McBain (ou du moins de son agent) avec la Série Noire et son entrée aux Presses de la Cité. Ce tournant est marqué par deux éléments tout de suite visibles : l’abandon des titres fantaisistes (genre Soupe aux poulets ou Cause toujours, ma poupée) et la longueur du texte, plus importante car ne dépendant plus du calibrage imposé par la collection de Gallimard. Ce qui ne veut pas dire que l’auteur se lance dans des histoires au long cours : l’intrigue est toujours nerveuse, resserrée au possible, et le nombre de pages plus élevé permet avant tout d’insérer les documents avec lesquels Ed McBain aime illustrer ses récits, feuillets d’agenda, dessins, plans, encarts publicitaires, cartes de visite, etc. Pour le contenu, pas ou guère de changement si ce n’est une présence féminine accrue, aussi bien pour ce qui est des personnages (les femmes ne sont plus seulement les compagnes des enquêteurs, deux inspectrices jouent ici un rôle de premier plan) que du thème choisi puisqu’une association anti-avortement est au cœur de l’intrigue.

Curiosité de traduction : 

“Dis, tu ne m’as pas expliqué pourquoi on ne peut pas toujours couper les cheveux d’une perruque.

– Parce que les faux tifs ne sont pas toujours coupables.”

On se demande bien ce que pouvait donner cet échange, digne de notre rubrique Poil et plume, dans la version originale.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

Mercredi 25 janvier [1956]

Les notes de mon roman s’accumulent et me dépassent, parce que je n’ai pas assez de temps à moi pour les ordonner et les discipliner. N’importe, j’ai la vie devant moi ! D’ailleurs, je ne suis moi-même, en ce moment, ni discipliné, ni ordonné : l’idée de partir pour Cervinia samedi m’excite. Ah, que j’aime l’aventure ! Que j’ai peur de l’aventure et que j’aime l’aventure !” (Jean-René Huguenin, Journal)

Football.

SA Spinalien – Saint-Quentin 3 – 1.

JEUDI.

Lecture.

La Grande Beuverie (René Daumal, Gallimard, 1938, rééd. Allia, 2022; 176 p., 7,50 €).

Courriel.

Une demande d’abonnement aux notules.

VENDREDI.

Lecture.

Le Procès de Gilles de Rais (Georges Bataille, Club Français du Livre, 1959; rééd. 10/18, coll. “Bibliothèques 10/18” n° 2873, 1997; 416 p., s.p.m.).

La majeure partie du volume est consacrée aux documents du procès de Gilles de Rais, des procès plus précisément puisqu’une cour ecclésiastique et une cour séculière se succédèrent pour aboutir au verdict : l’excommunication et la mise à mort sur le bûcher. On notera que pour l’Église, le crime d’hérésie n’était pas moins important que les meurtres d’enfants pour lesquels Gilles de Rais est resté célèbre. Auparavant, Georges Bataille aura retracé la vie du monstre au moyen d’une chronologie précise, s’appuyant sur les faits avérés pour rejeter la part du mythe, notamment l’assimilation à Barbe-Bleue. Les actes du procès, traduits du latin, sont plutôt ardus et répétitifs mais révèlent quelques pépites, comme dans l’acte d’accusation qui souligne l’impossibilité pour l’accusé de renoncer au crime, disant qu’à chaque fois il retourne au mal “ainsi que le chien retourne à son vomi”.

Le Sommet des Dieux 5 (Kamigami no itadaki, Jirô Taniguchi, Baku Yumemakura, Shūeisha Inc., 2003 pour l’édition originale, Kana, 2011 pour la traduction française, traduit et adapté du japonais par Sylvain Chollet; 306 p., 18,50 €).                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Présence de Clet Abraham (ou de ses émules) dans les rues parisiennes.

rue Jacob, photo de l’auteur, 27 août 2016

photo de Barbara Baumann, 2 octobre 2021

SAMEDI.            

Films vus.

  • Après l’amour (Diane Kurys, France, 1992)
  • Nathalie… (Anne Fontaine, France – Espagne, 2003)
  • Fierrot le pou (c.m., Mathieu Kassovitz, France, 1990)                             
  • Babylon (Damien Chazelle, É.-U., 2022)                             
  • Maîtresse (Barbet Schroeder, France, 1976)                             
  • La Brigade (Louis-Julien Petit, France, 2022)                             
  • Dunkerque (Dunkirk, Christophe Nolan, R.-U. – Pays-Bas – France – É.-U., 2017).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Évaux-les-Bains (Creuse), photo de l’auteur, 6 août 2012

Sarrebourg (Moselle), photo de François Golfier, 29 mai 2014

Poil et plume.

“Elles étaient à l’image des femmes laborieuses du pays, pour qui l’apparence n’était pas le souci premier. Toujours en sarrau gris, les pieds chaussés de charentaises, les cheveux blancs bouclés aux reflets lilas quand elles revenaient de chez Andréa, la coiffeuse modiste café dont on identifiait au premier coup d’œil la patte sur la tête de notre tante Marie, c’est pourquoi notre mère, dans un dernier luxe hérité de son enfance, prenait certains jeudis le car à destination de Nantes, direction un salon de coiffure de la rue de Verdun, ce qui était sans doute aussi pour elle une manière de vérifier si tout était encore en place des flâneries de sa jeunesse dont nous étions en mesure de dessiner la carte, avec ses points de passage obligés, les grands magasins Decré et Brunner, les guimauves de chez Bohu, la pâtisserie de la rue Crébillon, la place Viarme pour le car et l’église Sainte-Croix qui était le point de rendez-vous convenu avec sa sœur, quand elles avaient voyagé ensemble, ce qui permettait de s’attendre l’une l’autre, abritées de la pluie et du froid, et de prier pour notre tante Claire qui était à l’origine de ce choix.” (Jean Rouaud, Kiosque)

DIMANCHE.

Vie culturelle.

“Les Portes du possible : Art & science-fiction” : c’est l’intitulé de l’exposition proposée par le Centre Pompidou de Metz que nous visitons aujourd’hui. Sans réussir à franchir ces fameuses portes, sans doute par méconnaissance de l’univers de la science-fiction. Pourtant, il y avait une certaine curiosité à voir des œuvres non seulement inconnues mais signées de noms tout aussi nouveaux à nos yeux – à part celui de Philippe Curval, qui n’a pas fait que des livres. Mais rien ne nous a véritablement convaincus, sans doute encore une fois à cause de notre ignorance. Nous avions passé un meilleur moment la veille à Kanfen (Moselle) où l’on donnait “Voyage de travers dans le Connemara”, spectacle musical drôle et enlevé qui présentait un groupe spécialisé dans la musique d’Europe de l’Est obligé de revoir en urgence son répertoire en vue d’une tournée en Irlande. On passait ainsi du klezmer à l’Irlande, l’Irlande de pacotille d’abord de Michel Sardou et de Manau avant d’aboutir à celle des Chieftains et des Dubliners. Musiciens chevronnés, salle bondée, public enthousiaste, soirée parfaite.

MARDI.           

Lecture.

L’Atlantide (Pierre Benoit, Albin Michel, 1919, rééd. in “Romans I”, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1994; 1012 p., 149 F).

Après la cour imaginaire de Kœnigsmark, cadre de son premier succès, Pierre Benoit emmène ses lecteurs dans le désert d’Afrique du Nord. C’est de l’orientalisme au carré, un morceau copieux de littérature coloniale dans lequel l’auteur, qui a vécu à Alger, ne mégote pas sur le vocabulaire exotique. On retiendra cependant, sur le plan lexical, la phrase suivante : “Et l’homme aux lunettes vertes, s’asseyant devant le bureau, se mit à paperasser fébrilement.” On trouve le verbe paperasser dans le Littré et dans le Trésor de la langue française qui utilise d’ailleurs la phrase de Pierre Benoit comme exemple. Outre le sens évident de remuer des paperasses, paperasser peut aussi signifier faire des écritures inutiles, ce qui en fait donc un bon synonyme de notuler.           

Jour de manif.

Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 31 janvier 2023

MERCREDI.

Lendemain de manif.

Le Havre (Seine-Inférieure), photo de Jean-François Toulorge, 1er février 2023                  

Éphéméride.

À Victor Gastilleur

“Laval, 1er février 1907.

Mon cher ami,

Je suis malheureusement parti au moment où vous rentriez : j’ai prétexté – pour les non intimes – des raisons de santé, mais vous aviez vu d’assez près mes dernières aventures pour être au courant : Chanteclair a été une sinistre duperie où je fus de ma poche, tant en phinance qu’en temps perdu (je ne sais même, à ce propos, si je pourrai retrouver votre manuscrit), et comme je me résous assez mal à ne point “manger comme un tigre”, j’ai fui pour un bout de temps dans ma famille où j’ai tout le loisir de me livrer à ce curieux exercice. Je déplore seulement de ne vous point avoir comme partenaire en ce noble jeu. Mais mon absence ne sera pas longue, jusqu’à la fin février au plus.” (Alfred Jarry, Correspondance)                 

Lecture.

Tintin en Amérique (Hergé, Casterman, 1932, 62 p., 11,95 €).

JEUDI.

Brève de trottoir.

Lecture.

Télé-crime (Boileau-Narcejac, Denoël, 1967, in Constellation, 1968, rééd. in « Quarante ans de suspense » vol. 2, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1314 p., 120 F).                 

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Commerces divers, photos de Jean-Damien Poncet.

Paris (Seine), rue de Cotte, 23 avril 2022

idem, rue Delambre, 13 octobre 2016

Lecture.

Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel (Atti relativi alla morte di Raymond Roussel, Leonardo Sciascia, Esse, 1971 pour l’édition originale, L’Herne, 1972, rééd. Allia, 2022 pour la traduction française, traduit de l’italien par Jean-Pierre Pisetta; 64 p., 7 €).

Ce n’est pas avec Leonardo Sciascia que l’on va éclaircir le mystère de la mort de Raymond Roussel mais l’auteur italien apporte des éléments intéressants dans la mesure où il a eu accès à des archives de la police et de la justice de Palerme, ville où mourut Roussel le 14 juillet 1933, aujourd’hui disparues. On retiendra toutefois qu’entre les deux thèses qui s’opposent sur le sujet, il réfute, en argumentant, le suicide, pour lui préférer la surdose médicamenteuse accidentelle. On pourra s’étonner que Sciascia cite François Caradec alors que la biographie de Roussel due à ce dernier date de 1972 mais Caradec a écrit sur le sujet bien avant cette date, notamment dans le numéro spécial de la revue Bizarre qui date de 1964 (mais dans lequel il ne parle pas de sa mort).

SAMEDI.            

Films vus.

  • Mort sur le Nil (Death on the Nile, Kenneth Branagh, É.-U. – R.-U., 2022)                             
  • Leur dernière nuit (Georges Lacombe, France, 1953)                              
  • L’Ours (Jean-Jacques Annaud, France – É.-U., 1988)                              
  • K-19 : Le Piège des profondeurs (K-19: The Widowmaker, Kathryn Bigelow, R.-U. – Allemagne – Canada – É.-U., 2002)
  • Tendre et saignant (Christopher Thompson, France – Belgique, 2021)                              
  • La Mélodie du bonheur (The Sound of Music, Robert Wise, É.-U., 1965).             

Football.

SA Spinalien – Furiani Agliani 3 –0.             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Évaux-les-Bains (Creuse), photo de l’auteur, 6 août 2012

Le Mas-d’Azil (Ariège), photo de François Golfier, 23 décembre 2020

Poil et plume.

“La plus longue chevelure signalée semble être celle d’une femme nommée Miss Owens, qui s’exhibait au XIXe siècle. Elle avait une longueur de 2,51 mètres. Voilà qui les plongeait dans le plus complet ravissement. Jacqueline sortit un mètre ruban d’une des poches de sa robe chasuble et le déroula à mes pieds en me demandant d’en maintenir une extrémité. Les deux mètres cinquante et un de ruban traçaient devant moi une frontière infranchissable. L’enjamber, c’eût été fouler un fleuve de cheveux. Cette Miss Owens, n’est-elle pas admirable ? me demanda-t-elle, avant d’insister pour que je l’accompagne chez le coiffeur où je pourrais lire toutes les revues que je voulais.” (Claro, Substance)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

22 janvier 2023 – 999

N.B.

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 5 février 2023.

LUNDI.

Obituaire.

“… et le courrier du soir au milieu duquel on remarque surtout le Jours de France de Madame Moreau dont la couverture représente, bras dessus, bras dessous sur la Croisette, Gina Lollobrigida, Gérard Philipe et René Clair avec la légende “Il y a vingt ans Les Belles de Nuit triomphaient à Cannes”.” (Georges Perec, La Vie mode d’emploi)

MERCREDI.                  

Éphéméride.

“18 janvier [1910] : Effroyable remue-ménage des cercles d’art de Bruxelles en vue de la prochaine exposition universelle pour l’élection d’un jury de placement. Il faut admirer le courage des prétendants qui veulent tenir tête à toutes ces hordes si belliqueuses dénommées : l’Essor, l’En-avant, le Sillon, l’Élan, le Cercle artistique et littéraire, Art, Sciences et Lettres de Schaerbeek; Doe, Stil Voort, l’Estampe, la Libre Esthétique, les Indépendants, Pour l’art, le Lierre, Société nationale des aquarellistes et pastellistes, Société royale belge des aquarellistes, Société royale des Beaux-Arts, Vie et Lumière, le dernier Carré, En pleine pâte, le cercle Cambronne, etc., – etc. – etc.” (Henry de Groux, Journal)                 

Lecture.

Absalon, Absalon ! (Absalom, Absalom!, William Faulkner, Random House, 1936 pour l’édition originale, Gallimard, 1953 pour la traduction française, rééd. in “Œuvres romanesques II”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 417, 1995, traduction de l’américain par R.-N. Raimbault et Ch.-P. Vorce, revue par François Pitavy; 1480 p., 66 €).

Paru la même année qu’Autant en emporte le vent, Absalon, Absalon ! en utilise le même thème et les  mêmes ingrédients : l’histoire du Sud des États-Unis dans la seconde moitié du XIXe siècle, la guerre, la famille, la cohabitation entre Noirs et Blancs, les histoires d’amour, la richesse et la ruine, la destruction des idéaux, la renaissance, la mort. Mais là où Margaret Mitchell livre un récit ordonné et linéaire voué au romanesque, Faulkner place ces ingrédients dans sa lessiveuse créatrice et les ressort en désordre, incomplets, émiettés. Tout y est, mais dispersé aux quatre coins du roman, comme les morceaux d’un tableau cubiste. Ceci parce que la narration est confiée à différentes voix, plusieurs narrateurs qui cherchent à reconstituer la vie de la famille Sutpen sans en connaître tous les épisodes, se livrant à des conjectures pour meubler leurs manques ou leurs oublis, imaginant les motivations, actes et pensées des protagonistes quand ils ne les connaissent pas. Au lecteur de reconstituer le puzzle en essayant de tracer un chemin dans ce dédale sans que Faulkner, par son écriture tortueuse, ses phrases torrentielles “aux limites possibles de la patience et de la compréhension” comme le dit justement François Pitavy dans sa notice, ne leur apporte aucune aide. On comprend, après en avoir lu quelques-uns, la fascination qu’ont pu exercer les romans de Faulkner sur le jeune Pierre Bergounioux et leur influence sur les premiers livres de celui-ci : avant de tourner le dos au roman, Bergounioux a essayé d’être une sorte de Faulkner corrézien, aussi abrupt et déroutant.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Ciné flipper.

Belle fille (Méliane Marcaggi, France, 2020)

Blood Father (Jean-François Richet, France, 2016)

SAMEDI.            

Films vus.

  • Qui m’aime me suive ! (José Alcala, France, 2019)
  • Madeleine Collins (Antoine Barraud, France – Belgique – Suisse, 2021)
  • Fedora (Billy Wilder, France – R.F.A., 1978)
  • Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari, Sergio Leone, Italie – Espagne – R.F.A., 1964)
  • La Conspiration du Caire (Wald Min Al Janna, Tarik Saleh, Suède – France – Finlande – Danemark, 2021)
  • Daguerreotypes (Agnès Varda, France – R.F.A., 1975).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Chambon-sur-Voueize (Creuse), photo de l’auteur, 5 août 2012

Liège (Belgique), photo de Jean-François Fournié, 31 mai 2016

IPAD. (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

3 mars 2022. 52 km. (41 820 km).

513 habitants

L’obélisque de granit se dresse sur le côté de l’église sur une base bétonnée ceinte d’une chaîne métallique. Les décorations traditionnelles, palme et Croix de Guerre, sont au rendez-vous.

À la

Mémoire glorieuse

Des enfants de Tendon et

Faucompierre

Morts pour la France

   Notons tout d’abord que Faucompierre possède son propre monument aux morts.

   Gauche : 31 noms de BABEL Camille à GRAVIER Louis, plus une plaque pour les victimes de 39-45.

   Dos : Une plaque pour les morts d’Indochine.

   Droite : 31 noms de JACQUEMIN Paul à GEORGES Fernand Léon (ajouté après VINOT Constant).            

Poil et plume.

“Dans le car qui rentrait de la ville, Winnie a vu Irene et elle lui a demandé si elle était allée chez le coiffeur. Irene a porté la main à sa tête, bien qu’elle n’en ait pas eu l’intention. Elle a répondu à Winnie que c’était seulement sa coiffure ordinaire. Je l’entretiens, a-t-elle expliqué. Enfin, ça vous va bien, lui a dit Winnie. Irene s’est contentée de hocher la tête, puis elle s’est tournée pour faire face à l’avant du car. Winnie s’est demandé si elle ne l’avait pas blessée. Ce n’était pas toujours facile à dire, avec Irene. À l’arrêt du car, Irene a vu Sally Fletcher, qui voulait se renseigner sur les projets concernant la prochaine vente à l’Institut des Femmes et qui a également trouvé nécessaire de lui faire des réflexions sur ses cheveux. Quel merveilleux travail ils ont fait là, a-t-elle dit, puis elle a posé un instant la main sur l’épaule d’Irene, l’air de vouloir la tourner et retourner comme un genre de mannequin de couture. Eh bien, a dit Irene, je les préfère courts, vous savez. C’est pratique.” (John McGregor, Réservoir 13)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

15 janvier 2023 – 998

DIMANCHE.

Lecture.

Solak (Caroline Hinault, Éditions du Rouergue, coll. “Rouergue Noir”, 2021; 128 p., 15 €).

Du fait de sa présence dans une collection policière, ce roman semble avoir échappé à la critique autorisée au moment de sa sortie. Il s’agit cependant, pour ce que j’ai lu, d’un des meilleurs romans de ces derniers temps, à tel point que la touche policière, un meurtre survenant dans les dernières pages, apparaît comme une justification inutile. L’essentiel est ailleurs, dans la description de la vie menée par quatre hommes, trois militaires et un scientifique, isolés sur la presqu’île de Solak, une base située au nord du cercle arctique. Quatre hommes qui n’ont rien en commun, n’éprouvent aucun sentiment d’amitié l’un envers l’autre et qui sont pourtant obligés de cohabiter dans le froid, la nuit et la solitude. La tension permanente qui résulte de cette proximité forcée est rendue par une langue chaotique, à la limite du poétique, très travaillée, qui surprend à chaque phrase et fait de ce roman une œuvre remarquable.

LUNDI.

Courriel.

Une demande de désabonnement aux notules suite à l’appel annuel.

MARDI.

Vie littéraire.

On connaît le rôle joué par le dessin de Saül Steinberg dans la genèse de La Vie mode d’emploi mais ce n’est pas la seule représentation d’un immeuble dépourvu de façade. Georges Perec aurait tout aussi bien tomber sur cette image d’Épinal intitulée “Les Quatre Étages”. On imagine que le nom de l’imprimeur – et même son initiale – ne me laisse pas indifférent.

MERCREDI.

Éphéméride.

Lundi 11 janvier [1943]. Courses exténuantes pour trouver un appartement. Tout cela m’est rendu supportable seulement par la présence de Robert, qui transforme tout. Cet après-midi, seul chez Stechert dans la 10e Rue. J’ai regardé des Bibles grecques et hébraïques. Cela m’a permis de me replonger dans ce qui est pour moi “l’atmosphère” de la vérité, dans ce qui demeure alors que le monde se précipite follement vers sa perte. J’ai feuilleté ces vieux livres avec un peu du bonheur que j’éprouvais, jadis, à Paris. Bibliothèques, débris de notre Atlantide.” (Julien Green, Journal intégral 1940-1945)

JEUDI.         

Courriel.

Une demande d’abonnement aux notules. L’équilibre est rétabli.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Cave canem, support céramique, photos de l’auteur.

Charmes (Vosges), 4 juillet 2017

Saint-Remimont (Vosges), 5 janvier 2020

SAMEDI.

Films vus.

  • Murder Party (Nicolas Pleskof, France, 2022)
  • Le Parfum vert (Nicolas Pariser, France – Belgique, 2022)
  • Doute (Doubt, John Patrick Shanley, É.-U., 2008).             

Invent’Hair, bilan d’étape.

Bilan établi au stade de 5 600 salons, atteint le 7 mai 2022.

Bilan géographique.

Classement général par pays.

  1. France : 4 684 (+ 87)
  2. Espagne : 180 (=)
  3. Royaume-Uni : 120 (+ 10)
  4. Belgique : 82 (=)
  5. Italie : 65 (+ 1)
  6. Suisse : 47 (=)
  7. États-Unis : 45 (=)
  8. Portugal : 39 (+ 1)
  9. Allemagne : 36 (=)
  10. Danemark : 34 (=)

Pas de changement en tête du classement.

Classement général par régions.

  1. Rhône-Alpes : 760 (+ 1)
  2. Île-de-France : 748 (+ 14)
  3. Languedoc-Roussillon : 372 (+ 1)
  4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 353 (+ 1)
  5. Lorraine : 349 (+ 3)
  6. Midi-Pyrénées : 245 (=)
  7. Pays de la Loire : 193 (+ 11)
  8. Bretagne 187 : (+ 1)
  9. Centre : 179 (=)
  10. Bourgogne : 176 (+ 5)

Les Pays de la Loire passent devant la Bretagne. Le top 10 est encore loin pour l’Auvergne qui engrange 34 salons et gagne 4 places (11e avec 137 unités).

Classement général par départements (France).

  1. Seine (Paris) : 593 (+ 10)
  2. Rhône : 343 (=)
  3. Vosges : 185 (=)
  4. Loire-Atlantique : 135 (=)
  5. Hérault : 128 (=)
  6. Alpes-Maritimes : 103 (=)
  7. Meurthe-et-Moselle : 102 (=)
  8. Loire : 101 (+ 1)
  9. Pyrénées-Orientales : 96 (=)
  10. Bouches-du-Rhône : 93 (+ 1)

L’Allier connaît la progression la plus importante avec 26 nouveaux salons et un bond de la 36e à la 13e place pour un total de 74.

Classement général par communes.

  1. Paris : 593 (+ 10)
  2. Lyon : 163 (=)
  3. Nantes : 68 (=)
  4. Nice : 59 (=)
    “. Barcelone : 59 (=)
  5. Nancy : 56 (=)
  6. Épinal : 52 (=)
  7. Montpellier (=)
  8. Marseille : 32 (=)
  9. Dijon : 28 (=)
    “. Metz : 28 (+ 3)

Notons l’entrée de Metz dans un top 10 particulièrement figé. Vichy engrange 18 salons et passe de la 101e à la 17e place.

Bilan humain.

  1. Jean-Damien Poncet : 697 (+ 47)
  2. Philippe Didion : 418 (=)
  3. Pierre Cohen-Hadria : 417 (+ 22)
  4. François Golfier : 348 (=)
  5. Jean-Christophe Soum-Fontez : 173 (+ 3)
  6. Sylvie Bernasconi : 159 (+ 1)
  7. Hervé Bertin : 148 (+ 1)
  8. Bernard Cattin : 133 (=)
  9. Jean-François Fournié : 119 (+ 4)
  10. Benoît Howson : 88 (=)

Pas de changement dans le top 10 mais la 2e place du notulographe est fortement menacée.

Étude de cas.

Coiffure mythologique.

  Paris (Seine), rue Daguerre, photo de Jean-Damien Poncet, 22 septembre 2017

Besançon (Doubs), photo du même, 10 mai 2018

Saint-Pierre (Martinique), photo de François Golfier, 17 juin 2013

Paris (Seine), rue Lamartine, photo de Jean-Damien Poncet, 25 janvier 2020

              L’Invent’Hair perd ses poils.

Bouguenais (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 3 août 2012

La Chevrolière (id.), photo du même, 20 août 2012

Poil et plume.

“Métamorphoses, alibis, migrations. J’ai rencontré un jour, chez un coiffeur pour dames, une mère de famille qui, d’avance, voulait se vivre dans le rôle de veuve. Elle était venue se faire faire exprès une permanente. Comme elle était en noir et couverte de crêpes, le coiffeur s’étonnait (il connaissait le mari). Elle expliqua sans aucun embarras qu’elle voulait aller se faire photographier d’avance sur le riche tombeau de son époux. C’était flatteur, et elle concevait la chose comme une attention conjugale. Les morts jouissent trop peu du désespoir de leur femme.” (Alexandre Vialatte, “Le Carnaval du baron Corvo”, Le Spectacle du monde, n°13, avril 1963)

Bon dimanche,

Philippe DIDION