N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 3 novembre 2019.
DIMANCHE.
Lecture. Une confession (Cul-de-sac, John Wainwright, St. Martins’s Press, 1984 pour l’édition originale, Sonatine, 2019 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Laurence Romance; 272 p., 20 €).
Autour de 1980, Le Masque et la Série noire se partageaient les traductions des romans de John Wainwright. J’ai lu trois de ses titres, à l’époque, avec grand plaisir et je ne crois pas avoir trouvé depuis son équivalent dans le polar anglais. Dans son genre tout du moins : Wainwright fait dans le classique, la procédure policière, et sa condition d’ancien flic ne le conduit pas à émettre un regard critique sur l’institution qui l’a nourri. Dans Une confession, bizarrement oublié à l’époque et judicieusement exhumé par Sonatine, la police a le beau rôle et l’enquêteur saura déterminer si John Duxbury a poussé sa femme du haut de la falaise ou s’il s’agit d’un accident. L’Angleterre, la lande, une falaise, une chute, du classique, on vous le disait. Du classique un peu désuet même car il y a une sorte de goût suranné à suivre, trente-cinq ans après sa publication, une enquête dans laquelle les forces de police ne disposent pas des technologies d’aujourd’hui. Pas d’Internet, pas de téléphone de poche, de l’artisanat réalisé avec un bon savoir-faire.
LUNDI.
Lecture. Mon âme (Raymond Roussel, première publication dans Le Gaulois, 12 juillet 1897, rééd. in “Œuvres” I, Pauvert, 1994; 396 p., 25,40 €).
Les œuvres complètes de Raymond Roussel paraissent ces jours-ci en un volume de la collection Bouquins. Ce sera un gain de place par rapport à l’édition Pauvert en 9 volumes, curieusement numérotés de I à X (Le VIII n’existe pas) et c’est surtout l’occasion de se plonger dans celle-ci avant de faire une étude comparative. Le premier texte de Roussel fut publié dans la presse en 1897, Roussel avait vingt ans mais Mon âme était dans ses tiroirs depuis trois ans. C’est un poème qui, dans sa facture, annonce l’œuvre à venir : cinq cent cinquante octosyllabes réunis en cent trente-six quatrains qui ne comportent aucune audace poétique, aucune image frappante à l’exception du premier (“Mon âme est une étrange usine”). Roussel, on le sait, composait en alignant d’abord les rimes, puis en comblant le reste au gré de son inspiration, ce qui donne l’inverse du poème en prose, une sorte de prose mise en vers qui intrigue par sa platitude assumée. Mon âme est un poème sur la poésie, Roussel dépeint son usine à vers avec une grandiloquence assumée : il se sait l’égal des plus grands, promis à la gloire annoncée dans les derniers vers :
“À cette explosion voisine
De mon génie universel
Je vois le monde qui s’incline
Devant ce nom : Raymond Roussel.”
MERCREDI.
Éphéméride. “Lundi 16 octobre [1939]
Leny a couché avec le “beau Bubi”. Du moins, Zoe le prétend. Zoe court toujours après le “beau Bubi”. Du moins, Leny le prétend. Moi, je les écoute à tour de rôle – et je m’amuse. Un enchaînement de comédies dont, malgré moi, je suis un maillon. “Le beau Bubi” reçoit les confessions de l’une et de l’autre et apprend que j’ai été fou tantôt de Leny, tantôt de Zoe. Cette histoire ressemble à un vaudeville dans lequel je ne pense pas jouer le rôle le plus avantageux. Celui du jeune premier est pris. Mais tout cela dure depuis plusieurs mois – et je ne l’apprends que maintenant. Avec assez de sérénité pour pouvoir en sourire.
Il y a toujours la guerre, mais quelque part loin de nous, sur un autre continent.” (Mihail Sebastian, Journal 1935-1944)
Lecture. En pièces détachées (Jigsaw, Ed McBain, 1970 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Série Noire n° 1396, 1971 pour la traduction française, , rééd. in “87e District 4”, Omnibus, 1999, traduction de l’américain par Simone Hilling, revue et augmentée par Anne-Judith Descombey; 1042 p., 145 F).
JEUDI.
Brèves de trottoir.
*
* Bertolt Brecht
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Librairies flamboyantes.
Goussainville (Val-d’Oise), photo de Jean-Damien Poncet, 1er avril 2017 / Paris (Seine), rue des Francs-Bourgeois, photo de l’auteur, 26 août 2016
SAMEDI.
Films vus. Paranoïa (Unsane, Steven Soderbergh, É.-U., 2018)
Galia (Georges Lautner, France, 1966)
Et à la fin un ballon éclate (Al final explota un globo, court métrage, Antonio Panderas, Espagne, 2017)
Ceux qui travaillent (Antoine Russbach, Suisse – Belgique – France, 2018)
Sur la plage de Chesil (On Chesil Beach, Dominic Cooke, R.-U., 2017)
Une nuit à l’Assemblée Nationale (Jean-Pierre Mocky, France, 1988)*
Anastasia (Don Bluth & Gary Goldman, É.-U., 1997).
* Où il m’a bien semblé reconnaître, en figurant, Daniel Zinszner, l’ancien ténor du Colloque des Invalides.
L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), rue Moret, photo de Pierre Cohen-Hadria, 26 mai 2011 / idem, rue de Douai, photo du même, 10 avril 2015
Poil et plume.
“Coupe de cheveux
Tellement de choses impossibles se sont déjà
produites dans cette vie. Il ne réfléchit pas
à deux fois quand elle lui dit de se préparer :
il va se faire couper les cheveux.
Il s’assoit sur la chaise dans la pièce du haut,
celle qu’ils appellent en blaguant
la bibliothèque. Il y a une fenêtre
pleine de lumière. Dehors, la neige
tombe tandis que les journaux choient
à ses pieds. Elle couvre ses épaules
d’une grande serviette. Puis
sort ses ciseaux, son peigne, sa brosse.”
(Raymond Carver, Là où les eaux se mêlent)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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