20 octobre 2019 – 853

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 3 novembre 2019.

DIMANCHE.

Lecture. Une confession (Cul-de-sac, John Wainwright, St. Martins’s Press, 1984 pour l’édition originale, Sonatine, 2019 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Laurence Romance; 272 p., 20 €).

Autour de 1980, Le Masque et la Série noire se partageaient les traductions des romans de John Wainwright. J’ai lu trois de ses titres, à l’époque, avec grand plaisir et je ne crois pas avoir trouvé depuis son équivalent dans le polar anglais. Dans son genre tout du moins : Wainwright fait dans le classique, la procédure policière, et sa condition d’ancien flic ne le conduit pas à émettre un regard critique sur l’institution qui l’a nourri. Dans Une confession, bizarrement oublié à l’époque et judicieusement exhumé par Sonatine, la police a le beau rôle et l’enquêteur saura déterminer si John Duxbury a poussé sa femme du haut de la falaise ou s’il s’agit d’un accident. L’Angleterre, la lande, une falaise, une chute, du classique, on vous le disait. Du classique un peu désuet même car il y a une sorte de goût suranné à suivre, trente-cinq ans après sa publication, une enquête dans laquelle les forces de police ne disposent pas des technologies d’aujourd’hui. Pas d’Internet, pas de téléphone de poche, de l’artisanat réalisé avec un bon savoir-faire.

LUNDI.

Lecture. Mon âme (Raymond Roussel, première publication dans Le Gaulois, 12 juillet 1897, rééd. in “Œuvres” I, Pauvert, 1994; 396 p., 25,40 €).

Les œuvres complètes de Raymond Roussel paraissent ces jours-ci en un volume de la collection Bouquins. Ce sera un gain de place par rapport à l’édition Pauvert en 9 volumes, curieusement numérotés de I à X (Le VIII n’existe pas) et c’est surtout l’occasion de se plonger dans celle-ci avant de faire une étude comparative. Le premier texte de Roussel fut publié dans la presse en 1897, Roussel avait vingt ans mais Mon âme était dans ses tiroirs depuis trois ans. C’est un poème qui, dans sa facture, annonce l’œuvre à venir : cinq cent cinquante octosyllabes réunis en cent trente-six quatrains qui ne comportent aucune audace poétique, aucune image frappante à l’exception du premier (“Mon âme est une étrange usine”). Roussel, on le sait, composait en alignant d’abord les rimes, puis en comblant le reste au gré de son inspiration, ce qui donne l’inverse du poème en prose, une sorte de prose mise en vers qui intrigue par sa platitude assumée. Mon âme est un poème sur la poésie, Roussel dépeint son usine à vers avec une grandiloquence assumée : il se sait l’égal des plus grands, promis à la gloire annoncée dans les derniers vers :

“À cette explosion voisine

De mon génie universel

Je vois le monde qui s’incline

Devant ce nom : Raymond Roussel.”

MERCREDI.

Éphéméride. “Lundi 16 octobre [1939]

Leny a couché avec le “beau Bubi”. Du moins, Zoe le prétend. Zoe court toujours après le “beau Bubi”. Du moins, Leny le prétend. Moi, je les écoute à tour de rôle – et je m’amuse. Un enchaînement de comédies dont, malgré moi, je suis un maillon. “Le beau Bubi” reçoit les confessions de l’une et de l’autre et apprend que j’ai été fou tantôt de Leny, tantôt de Zoe. Cette histoire ressemble à un vaudeville dans lequel je ne pense pas jouer le rôle le plus avantageux. Celui du jeune premier est pris. Mais tout cela dure depuis plusieurs mois – et je ne l’apprends que maintenant. Avec assez de sérénité pour pouvoir en sourire.

Il y a toujours la guerre, mais quelque part loin de nous, sur un autre continent.” (Mihail Sebastian, Journal 1935-1944)

Lecture. En pièces détachées (Jigsaw, Ed McBain, 1970 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Série Noire n° 1396, 1971 pour la traduction française, , rééd. in “87e District 4”, Omnibus, 1999, traduction de l’américain par Simone Hilling, revue et augmentée par Anne-Judith Descombey; 1042 p., 145 F).

JEUDI.

Brèves de trottoir.

853-min 853 (5)-min *

* Bertolt Brecht

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Librairies flamboyantes.

853 (1)-min 853 (2)-min

Goussainville (Val-d’Oise), photo de Jean-Damien Poncet, 1er avril 2017 / Paris (Seine), rue des Francs-Bourgeois, photo de l’auteur, 26 août 2016

SAMEDI.

Films vus. Paranoïa (Unsane, Steven Soderbergh, É.-U., 2018)

Galia (Georges Lautner, France, 1966)

Et à la fin un ballon éclate (Al final explota un globo, court métrage, Antonio Panderas, Espagne, 2017)

Ceux qui travaillent (Antoine Russbach, Suisse – Belgique – France, 2018)

Sur la plage de Chesil (On Chesil Beach, Dominic Cooke, R.-U., 2017)

Une nuit à l’Assemblée Nationale (Jean-Pierre Mocky, France, 1988)*

Anastasia (Don Bluth & Gary Goldman, É.-U., 1997).

* Où il m’a bien semblé reconnaître, en figurant, Daniel Zinszner, l’ancien ténor du Colloque des Invalides.

L’Invent’Hair perd ses poils.

853 (3)-min 853 (4)-min

Paris (Seine), rue Moret, photo de Pierre Cohen-Hadria, 26 mai 2011 / idem, rue de Douai, photo du même, 10 avril 2015

              Poil et plume.       

“Coupe de cheveux

 

Tellement de choses impossibles se sont déjà

produites dans cette vie. Il ne réfléchit pas

à deux fois quand elle lui dit de se préparer :

il va se faire couper les cheveux.

Il s’assoit sur la chaise dans la pièce du haut,

celle qu’ils appellent en blaguant

la bibliothèque. Il y a une fenêtre

pleine de lumière. Dehors, la neige

tombe tandis que les journaux choient

à ses pieds. Elle couvre ses épaules

d’une grande serviette. Puis

sort ses ciseaux, son peigne, sa brosse.”

(Raymond Carver, Là où les eaux se mêlent)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

13 octobre 2019 – 852

LUNDI.
           Lecture. Jean le Bleu (Jean Giono, Grasset, 1932, rééd. in “Œuvres romanesques complètes” II, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 237, 1972; 1494 p., 55 €).
                         Jean Giono sera à l’honneur à l’occasion des Rencontres de Chaminadour 2020 et il n’est pas trop tôt pour se préparer. D’autant que je n’ai quasiment jamais rien lu de lui, ou alors il y a très longtemps. Jean le Bleu semble être une bonne ouverture sur l’œuvre puisque Giono y raconte ses premières années passées à Manosque jusqu’à son départ pour la guerre. On débat abondamment dans les notes et dans l’introduction pour savoir si tel personnage ou tel événement font partie de la vie réelle ou de la fiction mais cela n’intéressera que les spécialistes. Mieux vaut se laisser porter par un récit très ancré dans la langue et dans la géographie régionales, constitué de multiples fragments parmi lesquels on a la surprise de trouver l’histoire qui donnera lieu à La Femme du boulanger de Pagnol.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “Jeudi 9 octobre [2014]. Cent deux ans. Deux mois et quatre jours.
Patrick Modiano vient de recevoir le prix Nobel de littérature. Elle est très contente, elle l’aime beaucoup. Il est si timide. Elle évoque aussi notre dernier petit voyage à Cabourg en 2004. Dix ans déjà, comme le temps passe !” (Véronique Robert-Chovin, Lucette Destouches, épouse Céline)
                  Lecture. Chez les Flamands (Georges Simenon, Arthème Fayard, 1932, rééd. Rencontre, 1967, in “Œuvres complètes Maigret” IV; 528 p., s.p.m.).
                                Simenon note scrupuleusement, à la fin de chaque roman, la date et le lieu de sa rédaction. Chez les Flamands a été écrit aux Roches-Grises, à Antibes, en janvier 1932. Comme son prédécesseur, L’Affaire Saint-Fiacre. Deux Maigret par mois, c’est le rythme. Un rythme assez élevé qui peut entraîner quelques approximations. Ici, par exemple, lorsque Maigret pénètre pour la première fois “chez les Flamands”, à la page 275 de cette édition, “la table était dressée : une nappe à grands carreaux, des couverts en argent, des tasses de fine porcelaine”. Six pages plus loin, alors qu’on n’a changé ni de lieu ni d’heure, “Mme Peeters mettait la table pour le dîner”. Même chose un peu plus tard quand Maigret écrit deux fois la même lettre, une fois au bureau de poste, une fois dans sa chambre d’hôtel. Tout cela n’est pas bien grave au regard du reste : Chez les Flamands est un très bon Maigret, situé à Givet (Ardennes), au bord de la Meuse, et donne lieu à un très beau portrait de femme. Anna Peeters est la fille d’épiciers flamands qui a fait appel au commissaire pour résoudre le mystère d’une disparition. La méthode Maigret marche à plein : imprégnation, observation, réflexion, résolution de l’énigme. Son rôle s’arrête là : il ne prend même pas la peine d’arrêter le coupable.
                               Décapage n° 58 (Flammarion, hiver-printemps 2018; 172 p., 16 €).
                                “L’épreuve de la critique”
                                58 numéros déjà et je découvre seulement cette revue qui sait donner à ses dossiers des titres accrocheurs : “Ces livres qu’on ne lit pas”, “Les dessous de la dédicace”, “Que font les écrivains quand ils n’écrivent pas ?”, etc. C’est une revue qui donne la parole aux écrivains, et uniquement aux écrivains : pas de critiques, pas de spécialistes. Les écrivains qui s’expriment dans Décapage ont rarement l’occasion de le faire ailleurs : ce sont des gens qui ne brillent pas vraiment au firmament littéraire. Ils sont jeunes, peu connus mais ambitieux et voués à la cause littéraire. J’ai plaisir à en retrouver quelques-uns qui ont fait leurs premières armes à Jaligny, Frédéric Ciriez, Miguel Bonnefoy par exemple dans ce numéro, à en découvrir d’autres – même si le cahier de créations est très décevant. Les écrivains semblent se plaire dans ces pages et il y de quoi car ils sont bien traités : qui d’autre que Décapage offrirait un dossier de 40 pages à Nathalie Kuperman ?
                                J’ai renvoyé Marta (Nathalie Kuperman, Gallimard, 2005 pour l’édition originale, rééd. coll. Folio n° 4529 ; 162 p., 6,20 €).
                                Parlons-en, justement, de Nathalie Kuperman, que je découvre grâce à Décapage. Découverte très intéressante : un roman court, une histoire simple, l’embauche et le renvoi d’une femme de ménage. En un rien de temps, Kuperman nous fait ressentir le malaise, le sentiment de culpabilité d’un couple bourgeois face à la domesticité. Sur un sujet semblable, Leïla Slimani a obtenu le Goncourt avec Chanson douce, qui est loin de valoir J’ai renvoyé Marta.
JEUDI.
          Brèves de trottoir.

852 (6)-min* 852 (5)-min**

 

* Chamfort
**René Fallet
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Aperçu d’une collection de Léon Noël.
852 (1)-min  852 (2)-min
Le Figaro, 3 mai 2018 / Plombières-les-Bains (Vosges), photo de l’auteur, 22 avril 2018
SAMEDI.
              Films vus. 2 minutes (court métrage, Maxence Pupillo, France, 2018)
                               Alice et le maire (Nicolas Pariser, France – Belgique, 2019)
                               Adieu l’ami (Jean Herman, France – Italie, 1968)
                               Pupille (Jeanne Herry, France – Belgique, 2018)
                               L’Albatros (Jean-Pierre Mocky, France, 1971)
                               Les Affamés (Léa Frédeval, France, 2018)
                               Riz amer (Riso amaro, Italie, 1949)
                               Mon ket (François Damiens, France – Belgique, 2018)
                               Gribouille (Marc Allégret, France, 1937).
             L’Invent’Hair perd ses poils. Hommage à Marie-José Nat (1940-2019)
852 (3)-min  852 (4)-min
Lalinde (Dordogne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 26 mars 2013 / Sète (Hérault), photo du même, 11 décembre 2015
             IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 2 septembre 2018. 127 km. (35 122 km).
852-min
Commune d’Hagnéville-et-Roncourt
   Pas de monument extérieur visible, l’église est fermée.
             Poil et plume. “Ayant pris sa voiture, Gaspar passa lentement devant le modeste salon de coiffure, situé dans un petit quartier commerçant des faubourgs, et là il entrevit, fidèle au poste, impeccable dans sa blouse blanche amidonnée, l’ambigu Mr La Roche occupé à émonder allégrement d’un ciseau agile une tête touffue.” (Fletcher Flora, “Figaro double face” in Alfred Hitchcock présente : Encore 109 histoires extraordinaires)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

6 octobre 2019 – 851

DIMANCHE.
                   Vie littéraire. L’église de Liézey (Vosges) abrite ces jours-ci une exposition qui raconte la vie passée du village. Beaucoup de choses sur la vie quotidienne, les commerces, les fêtes, mais rien sur la vie de la paroisse à la tête de laquelle officia, jusqu’en 1992, l’abbé Jean Gengenbach, frère de notre Ernest. Je laisse mes coordonnées sur le livre d’or – on ne sait jamais.
                   Lecture. Un homme de glace (Complicity, Iain Banks, Little, Brown & Company, 1993 pour l’édition originale, Denoël, 1996 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Hélène Collon, rééd. Pocket n°10 477, 1998 ; 352 p., s.p.m.).
                                 Disparu en 2013, Iain Banks fut en son temps un représentant estimé du polar écossais – il a sa notice dans le Mesplède -, même s’il fut plus productif dans le domaine de la science-fiction. Un homme de glace est un roman clairement daté : on y suit un journaliste de gauche occupé à traiter des sujets politiques avec un point de vue qui irrite ses employeurs tout en s’infusant whisky et drogues diverses à forte cadence. C’est sans surprise, un peu désuet mais, à son milieu, le roman change d’orientation, le personnage prend une autre épaisseur, l’enquête qu’il mène le conduisant à replonger dans son passé. On suit alors, avec beaucoup plus d’intérêt, la description nostalgique et bien menée d’une enfance et d’une adolescence écossaises qui sauve le livre.
MERCREDI.
                  Éphéméride.                                                                                                                                                                                                                                     
“Aden, le 2 octobre 1884
Chers amis,
Il y a longtemps que je n’ai reçu de vos nouvelles.
Pour moi, mon affaire va toujours de même. Je ne suis ni mieux ni pire qu’avant ni qu’ensuite; et je n’ai rien d’intéressant à vous annoncer pour cette fois.
Je vous souhaite seulement bonne santé et prospérité.
Bien à vous,
RIMBAUD.
Maison Bardey, Aden.”
(Arthur Rimbaud, Correspondance)
                  Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Alex Riva, Quand l’imprévu s’en mêle, J’ai lu, 2017.
                  Lecture. Perec en Amérique (Jean-Jacques Tomas, Les Impressions nouvelles, 2019; 176 p., 17 €).
                                Compte rendu à rédiger pour la revue Histoires littéraires.
JEUDI.
          Brèves de trottoir.

851-min 851 (2)-min

VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Correspondance élyséenne, collection de l’auteur.
851 (3)-min
SAMEDI.
              Films vus. Ma reum (Frédéric Quiring, France – Belgique, 2018)
                               La Ritournelle (Marc Fitoussi, France, 2014)
                               Les Bonnes Intentions (Gilles Legrand, France, 2018)
                               Trois jours et une vie (Nicolas Boukhrief, France – Belgique, 2019)
                               Charmants garçons (Henri Decoin, France, 1957)*
                               I Feel Good (Benoît Delépine & Gustave Kervern, France, 2018).
* Dans lequel Zizi Jeanmaire interprète “La Gambille”, musique de Guy Béart, paroles de René Fallet.
              L’Invent’Hair perd ses poils.
851 (1)-min  851 (4)-min
Empuriabrava (Catalogne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 19 mai 2011 / Puget-sur-Argens (Var), photo du même, 6 juillet 2017
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 26 août 2018. 65 km. (34 995 km).
851 (7)-min
366 habitants
   Sur le côté de l’église, le monument est au sommet d’une volée de marches, adossé à une haire de thuyas en demi-cercle. Sur le parterre gravillonné, quatre ogives d’obus couleur bronze et des spots électriques coulés dans le sol.
851 (8)-min
Aux enfants de Romont

Morts pour la France

1914-1918

FERRY Henri

POLMARD Pierre

FRENO Camille

HAUBERDON Charles

HAUBERDON Léon

HUSSON Édouard

JACQUES Charles

L’HUILLIER Maurice

MENZEIN Auguste

ROCHEL Émile

SIBILLE Henri

SIMON Nicolas

1939-1945

BOMBARDE Robert                     DELAITRE Francis

                              BOURA Jean                     MOUGEOLLE Robert Déporté

   Gauche :

CROPSAL Maurice

HUSSON Joseph

MANGEON Émile

RICHARD Georges

   Droite :

BALAY Léon

BAILLY Henri

BOURGEOIS Émile

COLIN Auguste

              Plumes sans poils.
851 (5)-min  851 (6)-min
Madrid (Espagne)
Bon dimanche,
Philippe DIDION