LUNDI.
Lecture. On tue dans Central Park (The Park, Don Gold, Harper & Row, 1978 pour l’édition originale, Librairie des Champs-Elysées, coll. Le Masque n° 1613, 1980 pour la traduction française, adapté de l’américain par Jean-André et Claudine Rey; 160 p., s.p.m.)
Extrait. “Parvenus au cinéma, Samuels s’avança vers le guichet d’un pas assuré, les deux autres se tenant à l’écart et hors de la vue de l’employé.
– Qu’est-ce que c’est que ce film ? demanda Morgan.
– Un homme et une femme. Je crois que c’est un porno.”
MERCREDI.
Éphéméride.
“Sa. 14.10.1989
Je pars sous un ciel matelassé de nuées sombres, auquel je trouve un charme secret, expédie vigoureusement mes trois heures de cours et me retrouve libre pour un jour et demi. Pareil répit, cette année, est un bonheur. Il me semble passer ma vie au collège.” (Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1980-1990)
Lecture. La Nouvelle Revue française n° 636 (Gallimard, mai 2019; 160 p., 15 €).
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Couteaux émoussés à Aubusson (Creuse), photo de l’auteur, 28 juillet 2016.
SAMEDI.
Films vus.
Robin des Bois, la véritable histoire (Anthony Marciano, France, 2015)
Crypto (John Stalberg Jr., É.-U., 2019)
Tombé du ciel (Strange Invaders, court métrage, Cordell Barker, Canada, 2001)
Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (Emmanuel Mouret, France, 2020)
Night Moves (Kelly Reichardt, É.-U., 2013)
Une fille facile (Rebecca Zlotowski, France, 2019)
Les Proscrits (Berg-Ejvind och hans hustru, Victor Sjöström, Suède, 1918)
Greta (Neil Jordan, Irlande – É.-U., 2019).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), rue Vivienne, photo de Pierre Cohen-Hadria, 13 septembre 2011 / Pont-Sainte-Maxence (Oise), photo de Jean-Christophe Soum-Fontez, 30 juin 2014
Poil et pellicule.
Un sac de billes (Christian Duguay, France – Canada – République tchèque, 2017)
DIMANCHE.
Vie notulaire. Pas de notules aujourd’hui, c’était ce qui était écrit. En fait, le numéro aurait pu partir : les agapes prévues en cette fin de semaine, qui devaient nous tenir éloignés du foyer, ont été logiquement annulées. On se faisait une joie de se réunir en l’honneur de M. et F., mon plus vieil ami sur terre et, à ce titre, premier notulien de l’humanité, mais la prudence a prévalu.
LUNDI.
Vie spinalienne. Il paraît que Nicolas Mathieu, le jeune écrivain originaire d’Épinal, est très actif sur les réseaux qu’on dit sociaux. C’est ce qu’affirmait un récent article du Monde, je crois bien, qui soulignait sa promptitude à donner son avis sur à peu près tous les sujets et à se faire notamment le défenseur des gens de peu qu’il a dépeints avec talent dans ses romans. Avocat du populo, Nicolas Mathieu n’est pas pour autant un prolo. Il n’a jamais prétendu l’être mais il le laisse dire sans moufter. “Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sou”, chantait Jacques Brel, l’inverse est vrai aussi. Non, Mathieu vient des classes moyennes, ce qui n’a rien de honteux. Il était élève de l’institution Saint-Joseph, ici on dit Saint-Jo, établissement catholique bon teint de la ville, et il allait au hockey, pas au foot. Quand il est revenu dans sa ville natale auréolé du Prix Goncourt en décembre 2018, il n’est pas allé distribuer son livre à la Bourse du Travail ou à la porte des usines : sa première visite a été pour Saint-Jo où il a été reçu avec les honneurs que l’on devine. Mon pote L., qui me visite ces jours-ci, est lui aussi passé par Saint-Jo. Cet après-midi, nous y sommes retournés, nous avons grimpé les escaliers qui mènent au lycée, nous avons traîné dans la cour de récréation, jeté un œil par les fenêtres. L. y tenait. Il n’a vécu que deux ans à Épinal mais il en garde un souvenir ébloui car c’étaient les années des premières cigarettes, des premières amourettes, des premières canettes, des premières amitiés solides et durables, la preuve, ce sont des choses qu’on n’oublie pas. Depuis qu’il a quitté la ville, L. voue à Épinal un amour déraisonnable : il s’émerveille devant des façades qui cachent des logements inhabitables, il ne voit pas les vitrines borgnes et les trottoirs crevés, il passe sans peur sous des balcons qui risquent de s’effondrer, il voit le quai des Bons-Enfants comme d’autres voient les Champs-Élysées. On sait ce que c’est : L. à Épinal, c’est le notulographe à Guéret.
MERCREDI.
Éphéméride.
“Mercredi 21 octobre [1942]
Il a téléphoné son résultat pendant que j’étais rue Raynouard, j’ai rappelé après le dîner.” (Hélène Berr, Journal)
JEUDI.
Vie nomade. On en parlait, voilà qui est fait : je suis à Guéret, en transit après une nuit passée à l’Alzire de Jarnages. Je ne m’attarde pas, il faut continuer vers Bordeaux pour retrouver Lucie mais le peu d’air creusois que j’ai pu respirer hier et aujourd’hui suffit à me requinquer.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Végétalisation du langage relatif à la petite enfance.
Nancy (Meurthe-et-Moselle) photo d’Alice Didion, 10 octobre 2019 / Épinal (Vosges), photo de l’auteur, 8 septembre 2019
SAMEDI.
Films vus.
Very Bad Trip (The Hangover, Todd Phillips, É.-U. – Allemagne, 2009)
Cécile est morte (Maurice Tourneur, France, 1944)
Drunk (Druk, Thomas Vinterberg, Danemark – Suède – Pays-Bas, 2020)
Trois chambres à Manhattan (Marcel Carné, France, 1965).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), photo de Pierre Cohen-Hadria, 13 septembre 2011
Poil et pellicule.
La Folle Histoire de Max et Léon (Jonathan Barré, France – Belgique, 2016)
DIMANCHE.
Vie nomade. Toujours pas de notules, cette fois l’annonce était justifiée. Je passe la journée dans l’auto avec Lucie pour un long trajet Talence – Épinal qui n’autorise cette fois qu’un rapide arrêt buffet à Guéret. J’aurai eu le temps, ces deux derniers jours, d’explorer Bordeaux de façon un peu plus approfondie que l’été dernier et ressors de l’expérience assez impressionné par l’ampleur de la ville à côté de laquelle nos capitales régionales paraissent bien riquiqui. À la pompe de l’Intermarché de Sainte-Feyre, où il faut aussi abreuver l’auto, la voix de l’automate se fait insistante : “Vous n’avez pas décroché le bon pistolet”. N’est pas John Wayne qui veut.
LUNDI.
Lecture. Le Matin des magiciens (Louis Pauwels, Jacques Bergier, Gallimard, 1960, rééd. Folio n° 129, 1972; 640 p., 10,30 €).
Le succès phénoménal que rencontra Le Matin des magiciens à sa sortie peut étonner aujourd’hui. L’époque était sans doute marquée par une grande curiosité scientifique : on n’était pas loin d’Hiroshima, on s’apprêtait à aller dans la Lune, on découvrait la télévision, on parlait d’ordinateurs, de soucoupes volantes… Bergier et Pauwels, en posant les bases de ce qu’ils appellent le “réalisme fantastique”, une notion qu’ils déclineront ensuite dans la revue Planète, sont parfaitement dans l’air du temps. Tournant le dos à la science officielle, ils se lancent à l’assaut de tous les domaines que celle-ci refuse : alchimie, occultisme, civilisations englouties, magie, communication extra-terrestre, pour conclure sur le probable avènement d’un surhomme. Avec prudence toutefois : ils se présentent comme de simples recenseurs de phénomènes inexplicables sans affirmer formellement que ceux-ci se sont réellement produits. Aujourd’hui, la chose apparaît comme un galimatias peu convaincant et aux références incertaines, rendu particulièrement indigeste par la prose lourde de Pauwels qui semble tenir la plume, Bergier étant là pour la caution scientifique et érudite. Notons tout de même un beau chapitre sur Charles Fort, pionnier américain du paranormal. C’est d’ailleurs dans La Nouvelle Gazette Fortéenne (que j’ai cherchée en vain à Bordeaux) qu’on peut trouver, ces temps-ci, un dossier sur les soixante ans du Matin des magiciens.
MERCREDI.
Éphéméride. “28 octobre [1941]. Finalement, je n’ai pas tenu compte de la plupart des suggestions de Leger, sauf pour la note sur les ballades, que j’ai raccourcie et placée à la fin.” (Katherine Biddle, Journal 1940-1970)
JEUDI.
Lecture. Liberty Bar (Georges Simenon, Arthème Fayard, 1932, rééd. Rencontre, 1967, in “Œuvres complètes Maigret” V; 552 p., s.p.m.).
Propos impertinents (1906-1914) (Alain, Mille et une nuits n° 397, 2002; 104 p., 2,50 €).
Vie d’avant. La ville est animée aujourd’hui, l’ambiance est celle, en moins festif, d’une veille de Noël à l’heure des cadeaux de dernière minute. Avant la nouvelle glaciation, nous filons à Saint-Dié voir in extremis l’exposition consacrée aux rapports entre Jean Prouvé et Le Corbusier au Musée Pierre-Noël. Entendre parler de la Maison des Jours Meilleurs de l’un et de la Cité Radieuse de l’autre a quelque chose de réconfortant en cette période peu chatoyante.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Nostalgie coloniale à Paris (Seine), rue d’Abbeville, photo de Jean-Damien Poncet, 28 mai 2019.
SAMEDI.
Films vus.
La Salamandre (Alain Tanner, Suisse – France, 1971)
Les Pieds sous la table (court métrage, Marc-Henri Dufresne & François Morel, France, 1994)
Adieu les cons (Albert Dupontel, France, 2020)
Les Cadavres ne portent pas de costard (Dead Men Don’t Wear Plaid, Carl Reiner, É.-U., 1982)
Le Prince des joyaux (court métrage, Michel Ocelot, France, 1992)
ADN (Maïwenn, France – Algérie, 2020)
L’Amour trop fort (Daniel Duval, France, 1981)
La Nuit (La notte, Michelangelo Antonioni, Italie – France, 1961).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Paris (Seine), rue du Faubourg-Poissonnière, photo de Pierre Cohen-Hadria, 15 septembre 2011 / Murat (Cantal), photo de François Golfier, 26 juillet 2015
Poil et pellicule.
L’Homme qui voulut être roi (The Man Who Would Be King, John Huston, R.-U. – É.-U., 1975)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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