25 septembre 2022 – 986

N.B.

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 16 octobre 2022.

DIMANCHE.

Bestiolaire domestique.

Identification d’une drosophile. Ce travail d’identification est devenu beaucoup plus facile depuis que j’ai acquis mon téléphone de poche. J’ai en effet installé, pour un prix raisonnable, une application de reconnaissance d’insectes dont l’efficacité me stupéfie. Après avoir passé des heures à compter, à la loupe, les points sur les dos des coccinelles et les segments sur les corps des libellules, à feuilleter les guides Delachaux, à hésiter, à trancher sans certitude, c’est merveille de n’avoir plus qu’à soumettre une photo à l’outil pour connaître en quelques secondes à quelle bestiole on a affaire. Outil efficace mais pas infaillible : j’ai pu constater des erreurs, il faut toujours vérifier. Moralité : mes guides sont toujours à portée de main.

Lecture.

Histoires littéraires n° 84 (Du Lérot éditeur, octobre-novembre-décembre 2020; 192 p., 25 €).

Le bestiaire de Grandville – La Prima Donna et le garçon boucher – Edmond Rostand – Guinoiseau – Charles Baudelaire – Michel Butor – Paul Otchakovsky-Laurens.

Monsieur Vénus (Rachilde, Auguste Blancart éditeur, 1884, rééd. Gallimard, coll. L’Imaginaire n° 738, 192 p., 11 €).

Les temps changent. Jusqu’à une époque récente, lorsqu’on trouvait le nom de Rachilde, ce n’était que pour mentionner qu’elle avait été l’épouse d’Alfred Vallette et qu’à ce titre elle avait bien connu Jarry, Léautaud et autres grands noms du Mercure de France alors dirigé par son mari. On avait oublié qu’elle écrivait aussi. Aujourd’hui, on la réédite et les textes de présentation de ses romans ne parlent même plus de ses fréquentations masculines. On découvre donc enfin Rachilde en tant qu’auteure à temps complet, notamment de ce Monsieur Vénus, son titre le plus connu car auréolé d’un parfum de scandale. Rachilde y développe en effet de façon plutôt crue pour l’époque son thème de prédilection, l’inversion des genres, illustrée par ce titre ambigu. On y suit les tribulations et galipettes d’un couple dont les membres ne s’épanouissent qu’en revêtant les oripeaux et en adoptant les gestes du sexe opposé à celui de leur naissance. L’homme devient femme, la femme devient homme, voilà qui fait aujourd’hui résolument moderne. C’est donc une œuvre importante dans l’histoire littéraire et dans l’histoire des identités sexuelles. Son intérêt s’arrête là : c’est un texte qui a terriblement vieilli, devenu presque illisible par ses afféteries fin-de-siècle et son style ampoulé à l’excès. 

Curiosité. Le nom “sport” apparaît, selon le Trésor de la langue française, en 1828. L’adjectif “sportif” le suit en 1862. On le trouve dans Monsieur Vénus mais Rachilde utilise aussi une forme disparue en évoquant une “fête sportique”.

LUNDI.

Lecture.

Madame Edwarda (Georges Bataille, Éditions du Solitaire, 1941, rééd. in “Romans et récits”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 511, 2004; 1410 p., 68 €).

MARDI.           

Obituaire.

”Je fais rater une prise de vue. J’étais censé parler et me retourner pour prendre une coupe. Je ne vois pas venir la serveuse – je lui tournais le dos – et il faut recommencer. Bien ennuyé. Nous rentrons à l’hôtel. Je suis devant l’ascenseur lorsque, gentiment, on me bouscule, comme un gosse. C’est Jean-Luc Godard, pour effacer, je suppose, le souvenir de la prise ratée, par ma faute. » (Pierre Bergounioux sur le tournage de Notre histoire de Jean-Luc Godard, Carnets de notes 2001-2010)MERCREDI. 

Éphéméride.

Mardi 14 septembre [1954]

Qu’il était charmant lorsqu’il racontait sa première aventure ! (Je n’aime pas beaucoup ce mot, parce qu’autrefois j’entendais critiquer certaines personnes “qui avaient des aventures”. Mais j’ai tort, il faut que je réagisse : c’est très bien d’avoir des aventures, et ceux qui m’ont sali ce mot devraient justement regretter de n’en avoir pas.)” (Jacques Brenner, Journal, tome II : À Saint-Germain-des-Prés 1950-1959)

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

On ne joue pas avec la nourriture.

Document transmis par Alain Zalmanski, octobre 2020

Trentemoult (Loire-Inférieure), photo d’Alain Nowak, 7 septembre 2019

Vie en Creuse.

Nous sommes à Guéret depuis hier soir. Je ne sais quand ni comment M. Macron l’a appris, toujours est-il qu’il s’est empressé d’essayer de nous voler la vedette en programmant une visite éclair en Creuse à l’occasion des Journées du patrimoine. Qu’à cela ne tienne, puisque le centre-ville nous est interdit, nous nous dirigeons vers les faubourgs, plus précisément le bâtiment des Archives départementales de la Creuse qui abrite, voyez l’aubaine, une exposition sur les monuments aux morts du département. Exposition bien faite et dont deux volets m’attirent particulièrement : la présence de deux grands panneaux rassemblant tous les monuments du département classés, hommage au notulographe, par ordre alphabétique, et la dimension statistique du travail qui permet d’apprendre que 84 % des monuments sont construits en granite, qu’un Poilu figure sur 21 % d’entre eux, que 81 % possèdent encore un entourage (grille, clôture…) et autres choses essentielles. L’après-midi, une fois le calme revenu et le couple présidentiel envolé vers Aubusson, nous sommes aux Rencontres de Chaminadour pour écouter Arno Bertina parler de L’Afrique fantôme, puis Patrick Boucheron, Tiphaine Samoyault et Yannick Haenel échanger, de façon plutôt obscure, sur Bataille et Leiris.

SAMEDI.

Vie technologique.

Autant ne pas faire les choses à moitié : avec mon nouvel appareil, j’ai fait mon apparition sur les réseaux dits sociaux. En me demandant de quelle manière je pourrais bien contribuer aux débats enfiévrés qui y ont cours. Je n’ai pas la réactivité de ceux qui, trente secondes après l’annonce de la mort de la reine Elizabeth, trouvent de suite un commentaire à faire ou une photo à poster. Cette course incessante à la nouveauté ne fait que me conforter dans la lenteur archaïque qui règne dans la confection et la diffusion des notules. Cependant, il fallait bien que j’essaie d’alimenter la chose. De quelle manière ? Je ne vais quand même pas infliger ma fiole à ceux qui se seraient égarés sur mes pages, je n’ai pas de chien, pas de chat, mon coin de Creuse, je le garde pour moi et, dans les 985 numéros des notules déjà parus, il doit y avoir deux photos de mes filles – de dos. Finalement j’ai choisi de poster à un rythme hebdomadaire sur un réseau des photos de livres, sur un autre mes photos d’insectes, maintenant que j’ai plus de certitudes concernant leur identité. Nous sommes là dans le domaine extra-notulien mais voici, en guise d’exemple, ma livraison du jour :

Adieu à la Nouvelle Vague

Phalène hérissée (en son jeune âge), Saint-Jean-du-Marché (Vosges), 21 juin 2018

Films vus.

  • Une fille et des fusils (Claude Lelouch, France, 1965)
  • Le Joueur d’échecs (Schachnovelle, Philipp Stölzl, Allemagne- Autriche, 2021)
  • Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, John Glen, R.-U., 1981)
  • Pourris gâtés (Nicolas Cuche, France, 2021).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

New York (New York, É.-U.), photo de Michel-André Carton, 13 mars 2011

Paris (Seine), rue Biot, photo de Joachim Séné, 4 mars 2013

Poil et plume.

“À eux quatre, ils gagnaient bien leur vie, et M. Georges payait facilement les traites de cet appartement et de la boutique de coiffeur pour hommes qui se trouvait au rez-de-chaussée de la même maison, une maison toute neuve, à la porte d’Orléans. Mme Donzert, pardon, Mme Georges tenait la caisse de la boutique, et il y avait deux garçons. Elle aurait préféré continuer son métier de coiffeuse, mais le local ne s’y prêtait pas, et elle n’aurait pour rien au monde voulu contrarier en quoi que ce fût son mari. M. Georges était la gentillesse même, pimpant comme un coiffeur pour dames, grand et – qu’y faire ? – chauve.” (Elsa Triolet, Roses à crédit)

DIMANCHE.                  

Vie en Creuse.

Les Rencontres de Chaminadour se terminent aujourd’hui avec la traditionnelle parade derrière la limousine (sur sabots, pas sur roues) au son de l’orchestre New Orleans, la harangue pour la défense de la culture et de l’agriculture sous les fenêtres de la préfète, et le rassemblement devant la maison natale de Jouhandeau. Je dois dire que cette année, les rencontres m’auront laissé un peu sur ma faim. Nous n’y avons d’ailleurs pas été très assidus, désertant la salle plus souvent qu’à notre tour pour aller nous promener à Aubusson, visiter le petit théâtre de Guéret ou retrouver nos amis de Ladapeyre. Georges Bataille, je l’ai dit, ne fait pas partie de mes lectures familières, Jean-Pierre Salgas, prévu au programme et que je me faisais une joie de retrouver pour remuer nos souvenirs du séminaire Perec n’est pas venu, et j’avoue avoir été un peu agacé par les autres intervenants, leur entre-soi (le dernier feuilleton de Tiphaine Samoyault dans Le Monde des livres est bien sûr consacré à Yannick Haenel) et leurs retards systématiques. Aujourd’hui, la plupart sont déjà repartis et je retrouve mon plaisir intact, assorti de l’émotion qui m’étreint toujours au moment de quitter ces lieux. La prochaine fois, je ne viendrai peut-être que pour le départ.

LUNDI.          

Obituaire.

On enterre aujourd’hui la reine d’Angleterre, morte le 8 septembre dernier. Ce qui redonne de l’actualité à une ancienne notule : “La reine mère est morte le 30 mars. La cérémonie funèbre est prévue pour le 9 avril. La princesse Margaret, décédée le 9 février dernier, a été enterrée le 15. On peut reprocher beaucoup de choses aux Anglais mais on ne peut que s’incliner devant la qualité de leurs frigos.” (n° 55, 7 avril 2002)

MARDI.

Lecture.

La Mort a dit : peut-être (Boileau-Narcejac, Denoël, 1967, rééd. in « Quarante ans de suspense » vol. 2, Robert Laffont, coll. Bouquins, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1314 p., 120 F).

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“Penne-du-Tarn, le 21 septembre 1963.

Cher fainéant,

Voici une nouvelle tranche d’andouille.

As-tu retrouvé le Chapeau à Musique d’Alexandre Pothey ? Il doit se trouver au mot Musique, mais évidemment on pourrait le mettre au mot Chapeau ou au mot Transports. Si tu ne remets pas la main dessus, j’en ai un double que je peux t’envoyer.

La suite suit.

Il y a longtemps que je dis que les seuls types sérieux, ponctuels et travailleurs sont les lettristes. En voici une nouvelle preuve : l’article de Lemaître sur le Pastiche Valéry réduit de moitié illico et sans barguigner.

Bien tien.

Noël” (François Caradec et Noël Arnaud, Correspondance incomplète 1951-1996)

JEUDI.                          

Lecture.

Au travail avec Eustache (making of) (Luc Béraud, Institut Lumière/Actes Sud, 2017; 272 p., 23 €).

Brève de trottoir.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

La vie des animaux.

Anzême (Creuse), photo de l’auteur, 5 août 2021

Bordeaux (Gironde), réserves du Muséum d’histoire naturelle, photo de Lucie Didion, 28 septembre 2021                 

Lecture.

Sengo 1. Retrouvailles (Areyo hoshikuzu 1, Sansuke Yamada, Enterbrain, 2014 pour l’édition originale, Casterman, 2020 pour la traduction française, traduit du japonais par Sébastien Ludmann; 184 p., 9,45 €).                 

Vie cinématographique.

Je revois aujourd’hui au cinéma La Maman et la Putain de Jean Eustache. La Maman et la Putain, c’est mon film, celui que je place en tête de tous les classements, mon film d’île déserte. 3 heures 40 au cours desquelles on fume 219 gauloises et on prononce 65 fois le verbe baiser. Un joyau. Découvert à la télévision grâce au ciné-club d’Antenne 2 en 1986, il m’a fallu attendre plus de trente ans pour le voir sur grand écran. C’était en mai 2017, et nous avions fait Lucie et moi le voyage à Paris pour assister à une projection donnée à la Cinémathèque en présence d’Isabelle Weingarten, une des actrices du film, chargée de la présentation. Quelques années plus tard, hasard ou prédestination, Lucie devait elle aussi présenter un film au cinéma Jean-Eustache de Pessac (Gironde), la ville natale du réalisateur.

SAMEDI.

Films vus.

  • Trafic en haute mer (The Breaking Point, Michael Curtiz, É.-U., 1950)                              
  • Graffiti (c.m., Julien Blanche, Nollan Laroque, France, 2021)                              
  • Chronique d’une liaison passagère (Emmanuel Mouret, France, 2022)                              
  • La Croisade (Louis Garrel, France, 2021)                              
  • Senso (Luchino Visconti, Italie, 1954)                              
  • The French Dispatch (Wes Anderson, Allemagne – É.-U., 2021)                              
  • La Maman et la Putain (Jean Eustache, France, 1973)                              
  • Capitaine sans peur (Captain Horatio Hornblower R.N., Raoul Walsh, R.-U. – É.-U. – France, 2021).

Lecture.

La Normandie et le Bas-Languedoc (André Gide, L’Occident, 1902, rééd. in “Souvenirs et voyages”, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 473, 2001; 1468 p., 60,50 €).              

L’Invent’Hair perd ses poils.

Chinon (Indre-et-Loire), photo de Pierre Cohen-Hadria, 7 juillet 2012

Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), photo d’Élisabeth Chamontin, 27 décembre 2015

Poil et pellicule.

De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds, Paul Newman, É.-U., 1972)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

11 septembre 2022 – 985

N.B.

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 25 septembre 2022.

MARDI.           

Lecture.

Mobylette (Frédéric Ploussard, Éditions Héloïse d’Ormesson, 2021;  416 p., 21 €).                         

Le passage de l’adolescence à l’âge adulte n’est pas une expérience facile, surtout en Lorraine semble-t-il. Marchant résolument sur les traces de Nicolas Mathieu, Frédéric Ploussard, régional de l’étape comme lui, nous en présente sa version en suivant les pas d’un jeune éducateur spécialisé témoin, après en avoir été victime, de toutes les misères sociales de la région. Après tout, il y a bien une école de Missoula, pourquoi n’y aurait-il pas une école de Briey ou de Villerupt. Pour le lecteur d’ici, il y a bien sûr l’intérêt de l’autochtone qui connaît les lieux et reconnaît ses habitants et leurs travers (délicieuse évocation des Vosgiens dégénérés, alcooliques et tueurs d’enfants) sous la loupe de l’auteur. Mais sur la selle de cette Mobylette, on ne va guère plus loin et on s’ennuie vite. L’auteur, défaut assez commun, a manifestement voulu mettre trop de choses dans son premier roman : souvenirs d’enfance, préoccupations sociales, intrigue policière, tout cela dans une langue qui se veut à la fois relâchée et élégante sans réussir à atteindre pleinement son but. Il y a des qualités chez ce romancier, malheureusement noyées dans la masse. Il lui aura manqué un vrai travail d’éditeur capable de le guider dans un sérieux travail d’élagage.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

“Élisabeth vient déjeuner. Je lui donne les Histoires désobligeantes avec ceci : “On ne choisit pas son parrain.”

Commencé difficilement un nouveau travail. Je vais parler des Fioretti.

On se bat furieusement sur la Somme. Le vent d’ouest nous apporte le bruit de la canonnade, qui doit être terrible, pour qu’on l’entende à une telle distance.” (Léon Bloy, La Porte des humbles, 7 septembre 1916)

Lecture.

Ulysse (Ulysses, James Joyce et Team Banmikas, East Press, coll. Manga de dokuha, 2009 pour l’édition originale, Soleil, coll. Manga, 2021 pour la traduction française, traduit du japonais par Sophie Piauger; n.p., 9,99 €).

À partir de 2007, l’éditeur japonais East Press a entrepris d’adapter en manga les œuvres de la littérature mondiale essentielles, universellement connues mais en réalité peu lues du fait de leur longueur ou de leur complexité. Certains titres de cette collection ont été traduits en français chez Soleil Manga, ce qui permet au lecteur pressé ou simplement économe de son temps d’avaler en une ou deux heures la Recherche, Le Capital, les poèmes homériques ou la Bible. Ulysse fait partie de cette collection. Un Ulysse raboté, simplifié, mais pas trahi : le résultat est tout à fait estimable. Bien sûr, des choix ont été faits, des scènes raccourcies ou supprimées (le monologue final de Molly Bloom par exemple) mais le chapitrage joycien est respecté, même si on ne retrouve pas non plus la couleur stylistique propre à chaque chapitre choisie par Joyce. On ne peut saisir tout le travail de l’auteur irlandais à cette lecture mais pour quelqu’un qui décide de s’embarquer dans l’odyssée dublinoise de Stephen Dedalus et de Leopold Bloom, le manga peut être un précieux compagnon de lecture, lecture qui peut être faite en parallèle avec celle du texte complet. Le pari n’avait rien d’évident au départ (tous les cinéastes s’y sont cassé les dents à part Manoel de Oliveira qui adapte l’ouverture d’Ulysse dans une séquence de Je rentre à la maison) mais il est tenu.

VENDREDI.                 

Lecture.

Le Livre des sœurs (Amélie Nothomb, Albin Michel, 2022; 198 p., 18,90 €).

Je termine cette lecture dans le dur qui nous emmène, Alice et moi, à Nancy où se déroule Le Livre sur la place, le gros barnum de la rentrée littéraire. C’est qu’Amélie Nothomb doit tenir une causerie en compagnie de sa grande sœur Juliette dans un salon de l’Hôtel de ville et que nous comptons bien y assister. Nous y sommes. On comprend mieux, à entendre les conversations dans la file d’attente et à suivre l’échange entre les deux frangines, ce qui fait le succès de l’Amélie. On loue partout sa disponibilité, son amabilité, sa gentillesse, sa lisibilité, et son propos, comme j’avais déjà pu le constater à l’écoute de nombreux entretiens radiophoniques, est encore une fois brillant, enjoué, intéressant. Amélie est aimable, on l’aime, c’est aussi simple que ça. À partir de là, le livre s’efface devant la personne et devient secondaire. Qu’importe si telle ou telle de ses productions annuelles se révèle un peu faiblarde ou paresseuse, le succès sera au rendez-vous. C’est le charme qui compte et je n’ai pas honte d’avouer que j’ai plaisir à y succomber. Il nous reste ensuite à aller saluer l’équipe des Refusés, qui m’a aimablement réservé une place dans le sommaire du dernier numéro de sa revue, et l’ami Thierry Beinstingel, venu présenter son Dernier travail,avant de rentrer at home à temps pour assister au concert enlevé des Fils Canouche. Il fera bon au lit.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Pas de pitié pour les marmots.

Huelgoat (Finistère), photo de Jean-François Toulorge, 11 août 2018

Bordeaux (Gironde), photo de Lucie Didion, 22 octobre 2021

SAMEDI.            

Films vus.

  • Old (M. Night Shyamalan, É.-U. – Japon – Chine, 2021)
  • Montparnasse – Pondichéry (Yves Robert, France, 1994)
  • La Page blanche (Murielle Magellan, France, 2022)
  • Tralala (Arnaud & Jean-Marie Larrieu, France, 2021)
  • Tre piani (Nanni Moretti, Italie – France, 2021)
  • Revoir Paris (Alice Winocour, France, 2022).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Chevilly (Loiret), photo de Pierre Cohen-Hadria, 7 juillet 2012

Saint-Baldoph (Savoie), photo de François Golfier, 27 septembre 2018

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

5 décembre 2021. 103 km. (41 473 km).

214 habitants

Au chevet de l’église, un monument neuf (“Création France-Collombarium 06 03 44 36 16”), sans intérêt, que je me refuse à décrire. D’ailleurs, l’appareil photo n’en veut pas non plus, il ne réalise que des clichés flous. Les noms sont sur deux colonnes, séparés par une flamme stylisée.

   Colonne de gauche :

1914

GRANDJEAN Louis

RACLOT Robert

BARTHÉLEMY Henri Cal

ROBIN Paul

GIRARDIN Adrien

BERARD Paul

COLLIN Albert

BOULANGIER Georges Cal

JALLET  Henri

GÉRARD Gustave

GUERIOT Henri Cne

Colonne de droite :

1918 TOCQUART Émile Cal

BLIN Charles

HENRY Alcide Ss/Lnt

RACLOT André

THIÉRY Paul

RACLOT Georges Cal

BRENEL Jules

BRENEL Charles

VIVIERS Albert

VIVIERS Marcel

COLLIN Émile

Poil et pellicule.

Volver (Pedro Almodóvar, Espagne, 2006)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

4 septembre 2022 – 984

DIMANCHE.                   

Lecture.

Schnock n° 38 (La Tengo, mars 2021; 176 p., 15,50 €).

Henri Salvador.

La revue propose un “Top 15 capillaire” qui recense les éléments mythiques de la profession de coiffeur : fer à friser, sèche-cheveux, bigoudis, Pétrole Hahn, laque Elnett, etc. Dernier élément de la liste qui a bien sûr mis en alerte le notulographe : les jeux de mots.  “La liste des jeux de mots avec tifs est presque épuisée (“défini-tif”, les “inven-tifs”), comme celle en “hair”. Curieusement, personne n’a encore songé à “ça crin velu”, “tifs oïdes” ou “salon Hair aux tiques.” Patience…                                

Spéculations.Viridis Candela, 10e série, n° 2 (15 décembre 2021, 80 p., 15 €).

Numéro divers.

Où l’on apprend l’existence d’un livre au titre programmatique alléchant : “Découvrez le livre le plus ennuyeux au monde qui n’est ni stimulant ni intéressant, mais qui vous saoûle [sic] d’informations inutiles et vous endort en quelques lignes.” Intitulé plus sobrement Le Livre qui vous endort, l’ouvrage traite aussi bien des débuts de l’empire des Habsbourg que de l’artichaut à travers les âges. Son recenseur, sous un pseudonyme derrière lequel il m’a semblé reconnaître le notulien Alain Chevrier, souligne l’échec du programme présenté : loin de l’endormir, le bouquin a su éveiller son intérêt par la variété et l’originalité des sujets traités. Ce dont je ne doute pas un instant et m’a conduit à ajouter de suite l’objet à ma liste des livres à acheter.

H.P. Lovecraft : contre le monde, contre la vie (Michel Houellebecq, Éditions du Rocher, coll. Les Infréquentables, 1991, rééd. in “Michel Houellebecq 1991-2000”, Flammarion, coll. Mille & une pages, 2015; 1088 p., 30 €).

Lors de la sortie d’Anéantir, le dernier roman de Houellebecq, les critiques se sont presque autant attachés au contenant qu’au contenu, soulignant le fait que Michel Houellebecq avait lui-même supervisé le choix du format, du papier, des caractères, des couleurs de la couverture et du signet. Mais il n’en était pas à son coup d’essai dans ce domaine : ses deux volumes d’œuvres complètes, sortis chez Flammarion en 2015 avaient fait l’objet du même traitement personnel, annoncé par l’auteur dans son avant-propos : “J’ai participé à tous les choix, concernant sa fabrication. D’abord celui de la typographie […] mais aussi celui du papier, de sa couleur, de son grammage […].” On se doute que Flammarion, au vu des chiffres de vente, n’a pas dû opposer beaucoup de résistance aux désirs de l’auteur, d’autant que le résultat est plutôt réussi.

LUNDI.

Lecture.

Coup de chaleur (Heat, Ed McBain, 1981 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Série Noire n° 1886, 1982 pour la traduction française, rééd. in “87e District 5”, Omnibus, 2000, traduit de l’américain par Jean-Bernard Piat; 1374 p., 145 F).                          

Pour enquêter sur un suicide suspect, l’inspecteur Steve Carella fait équipe avec une autre figure bien connue du 87e District, Bert Kling. Mais celui-ci a d’autres soucis : sa femme, mannequin professionnel, semble bien arpenter avec résolution les voies de l’adultère. Kling se lance dans une enquête personnelle, non officielle, comme un vulgaire détective privé, enchaîne filatures et perquisitions illégales pour en avoir le cœur net. Et cette enquête parallèle, secondaire, s’avère beaucoup plus intéressante à suivre que l’autre. La vie sentimentale de Bert Kling, un des personnages les plus attachants de la série, est une succession de drames et d’échecs que l’on peut récapituler grâce au dictionnaire des personnages réalisé par Jacques Baudou en complément de cette édition intégrale : Le 87e District d’Ed McBain : Tout le monde est là. À ses débuts, Kling file le parfait amour avec Claire Townsend avant que celle-ci soit assassinée dans Le Sonneur; dans 80 millions de voyeurs, il rencontre Cindy Forrest mais les fiançailles sont rompues; dans Le Sourdingue, il rencontre la superbe Augusta Blair, le mannequin qui deviendra sa femme dans N’épousez pas un flic et qui le trompera dans Coup de chaleur, et ce n’est pas fini.                        

Curiosité. Lors de son enquête conjugale, Bert Kling tombe sur un couple, Franny et son petit ami, Frank Ziegler, surnommé Zooey. Petit clin d’œil d’Ed McBain à J.D. Salinger, auteur d’une paire de nouvelles rassemblées sous le titre Franny et Zooey en 1961.

MERCREDI.                 

Éphéméride.

Vendredi 31 août [1979]

J’avais inauguré mon été de façon précautionneuse, en relisant : Tendre est la nuit, qui me touche plus que Gatsby, cette apologie bien amerloque de l’arrivisme, pour séduire une Zelda certes, mais celle-ci nous est plus proche ici; Le Portrait de Dorian Gray, qui est toujours du solide parmi les apparences, et ça m’a fait me souvenir de ce que j’ai lu il y a peu de Wilde, où on va à rebours, un de ses Poèmes en prose, publiés avec Le Portrait de Mr. W.H., l’histoire de l’artiste qui utilise le bronze de la Douleur qui dure à jamais afin de façonner la statue du Plaisir qui ne dure qu’un instant; enfin, Thérèse Desqueyroux, où Mauriac, impérial, se place dans la lignée de Racine pour l’évocation de ce cœur en prison, et dans la lignée de Pascal bien sûr, ce qui donne cet avant-propos édifiant afin d’atténuer l’effet du livre sur son public de croyants. C’est en trop.” (André Blanchard, Un début loin de la vie)

JEUDI.

Vie à terre.

Comme tel ancien président de la République, j’ai un ami qui a un bateau. Mon Bolloré à moi s’appelle François, c’est mon plus vieil ami, cela fait aujourd’hui cinquante ans que nous nous connaissons. Comme nous sommes du même âge et que nous sommes tout deux exemptés de service salarié, François m’a invité à l’accompagner sur son bateau pour voguer sur les flots atlantiques au cours de cette première quinzaine de septembre. La perspective de cette expérience, nouvelle pour moi, aura occupé et réjoui mon esprit tout l’été. J’ai acheté des bottes et un suroît, j’ai consulté atlas et portulans, j’ai enrichi mes faibles connaissances en oiseaux marins dans mon guide ornithologique, j’ai relu Robinson Crusoé, appris du vocabulaire pour éviter de confondre le rouf avec le deck, le coq avec le bosco, la misaine avec l’artimon, j’ai clamé et bramé à tous les vents ”Homme libre, toujours tu chériras la mer !” et “Je te salue, vieil océan !”, je me suis prémuni contre le scorbut et le vomito negro, je me suis nourri de pemmican et abreuvé de rhum frelaté, j’ai appris à chiquer comme un mataf, bref, je n’ai pensé qu’à ça pendant des mois. Mais les aléas climatiques sont passés par là : les écluses de la Vilaine, que devait emprunter le bateau pour gagner le large, sont fermées à cause de la sécheresse et la croisière est annulée. Je suis bien sûr déçu, mais pas trop : ce n’est que partie remise, il y aura d’autres occasions. Et puis, si je ne craignais que mon ami prenne ceci pour argent comptant, je pourrais dire que la perspective du voyage aura suffi à mon bonheur. Dès les notules 48 (17 février 2002), je disais préférer “l’idée de vacances aux vacances elles-mêmes. Les meilleurs moments des vacances : la rédaction des listes de choses à emporter, l’établissement de l’itinéraire, le choix des livres, le voyage, la découverte et l’investissement d’un lieu, la première nuit, le premier matin où l’on prend ses marques et découvre le fonctionnement de la cafetière autochtone dans le silence de l’aube… Après, c’est la routine, une autre forme de routine mais la routine tout de même.”

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Avec l’accent.

Grenoble (Isère), photo de Jean-Damien Poncet, 15 septembre 2021

Liège (Belgique), photo de Jean-François Fournié, 4 octobre 2017

SAMEDI.            

Films vus.

  • Rouge (Farid Bentoumi, France – Belgique, 2020)
  • Naïs (Raymond Leboursier, Marcel Pagnol, France, 1945)
  • Et Satan conduit le bal (Grisha Dabat, France, 1962)
  • Les Volets verts (Jean Becker, France, 2022)
  • Six Minutes to Midnight (Andy Goddard, R.-U., 2020)
  • Le Grand McLintock (McLintock!, Andrew V. McLaglen, É.-U., 1963).            

L’Invent’Hair perd ses poils.

Beaugency (Loiret), photo de Pierre Cohen-Hadria, 9 juillet 2012

Beaune (Côte-d’Or), photo de Jean-Damien Poncet, 27 décembre 2016

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).

21 novembre 2021. 144 km. (41 370 km).

646 habitants

Le 28 octobre 2007, l’IPAD nous conduisait à Brancourt, une ancienne commune qui fusionna avec Fruze, Saint-Élophe et Soulosse pour former celle de Soulosse-sous-Saint-Élophe. Le monument consacré aux morts de ce regroupement se trouve sur le territoire de Brancourt. Je l’avais alors photographié et j’en avais recopié les noms, que l’on retrouvera dans les notules n° 431 du 24 janvier 2010. La liste n’a pas été modifiée. En comparant les deux photos, on ne remarque qu’un changement de couleur dans la grille qui ceint le monument.

Photo du 28 octobre 2007

Photo du jour            

Poil et pellicule.

L’Argent de poche (François Truffaut, France, 1976)

Bon dimanche,

Philippe DIDION