MERCREDI.
Éphéméride.
“39 gzn 21.2.83
Cher vieux,
Je me suis décidé (avec l’utile complicité de Pauvert) à écrire une biographie de WILLY.
(J’ai prévenu Rameil qui met une petite note dans l’Étoile Absomphe).
Si tu connais quelque chose de peu connu, veux-tu me le dire ? (Je commence d’ailleurs à être bien armé).
À toi
Caradec
P.S. Je pense que Brunella Eruli va en crever.” (François Caradec et Noël Arnaud, Correspondance incomplète 1951-1996)
Lecture.
Le Roman lumineux (La novela luminosa, Mario Levrero, 2005 pour l’édition originale, Noir sur Blanc, coll. “Notabilia” n° 67, 2021 pour la traduction française, traduit de l’espagnol par Robert Amutio; 592 p., 29 €).
En 2000, l’écrivain uruguayen Mario Levrero reçoit une bourse destinée à lui donner les coudées franches pour terminer un roman en chantier. Débarrassé des contraintes matérielles, Levrero se met au boulot. Ou plutôt, il écrit qu’il va se mettre au boulot. On est le samedi 5 août 2000, et c’est la première entrée de ce qu’il appelle le “Journal de la bourse” qui va occuper 450 pages de ce volume. 450 pages au long desquelles il raconte sa vie au jour le jour, sans ajouter la moindre ligne au roman en question. Le résultat est fascinant, comme a pu l’être pour nous la découverte des premiers Carnets de notes de Pierre Bergounioux. On se trouve face à une masse énorme, dans laquelle il ne se passe pratiquement rien, et dont on ne peut se détacher. Pourtant, Levrero est l’opposé de Bergounioux. Il se lève à l’heure où celui-ci se couche, passe son temps à jouer ou à visiter des sites pornographiques sur son ordinateur, lit principalement des romans policiers parus dans des collections populaires, ne mange que des yaourts, des tomates et des escalopes milanaises. Les deux hommes partagent toutefois le même penchant hypocondriaque, une tendance marquée à la réclusion et un goût prononcé pour l’introspection. Mais surtout, ils parviennent à faire œuvre avec du rien, en notant simplement le cours des jours. Levrero, qui ne lève jamais ses volets, les entrouvre parfois pour observer le cadavre d’un pigeon mort sur sa terrasse. Ça dure des heures, des jours, des mois, des pages et des pages… et c’est passionnant. Sur la fin, en voyant la masse d’écrits accumulés, Levrero se met à croire que son journal est publiable. L’intervention d’un lecteur potentiel est visible dans son écriture, qui devient plus retenue, plus bridée, et le journal perd peu à peu de son intérêt. Parallèlement, il se met tout de même au travail, au bout d’un an ou presque, relit et corrige les chapitres du Roman lumineux pour lequel il a touché sa bourse. Ces chapitres sont offerts à la fin du livre, ils ne sont pas d’un intérêt renversant. Le projet romanesque se solde donc par un échec et c’est le récit de cet échec qui est, lui, absolument lumineux. Curieusement, comme pour me caler sur le mode de vie de Levrero, j’ai lu son livre de nuit, presque exclusivement, en mettant à profit les moments de veille procurés par le sommeil mité qui est le mien ces derniers temps. L’activité nocturne me permettait de compenser le temps manquant des journées, occupées par les conséquences de la mort de ma mère. Tout le monde connaît ça un jour ou l’autre, les démarches, les visites, les communications, les questions, les réponses induites par le décès d’un proche. Au moins, cela me permet de vivre l’ordinaire de tout un chacun dans ces circonstances, ce qui ne m’a pas été possible sur le plan émotionnel. La haine aussi féroce qu’incompréhensible (pour moi) que ma mère a nourrie à mon endroit pendant ces dernières années m’aura fait voir son départ comme un soulagement. Je le regrette, j’aurais préféré être triste. Je n’ai pas pu l’être mais je crains que la tristesse que je n’ai pas connue sur le moment surgisse un jour, revienne me frapper comme un boomerang, et de façon violente. En attendant, je me remémore le cauchemar, j’essaie de le comprendre sans parvenir à me sentir coupable. J’ai mis de façon commode la violence de ma mère sur le compte de la démence sénile, ce qui me conduit à une éventualité peu confortable. Je me demande en effet si cette démence n’a pas permis de libérer ce qui était enfoui en elle depuis toujours, à savoir cette haine que je n’avais jamais décelée mais qu’elle avait toujours eue à mon égard, une haine qui pouvait enfin s’exprimer sans contrainte. Je ne le saurai jamais, et cela vaut peut-être mieux pour moi.
VENDREDI.
Football.
SA Spinalien – Chamois Niortais 0-3.
Le cabinet de curiosités du notulographe.
Ciné flipper.
Adorables créatures (Christian-Jaque, France – Italie, 1952)
Boy Meets Girl (Leos Carax, France, 1984)
SAMEDI.
Films vus.
- Le Journal des trésors (c.m.) (Robin Barrière, France, 2023)
- La Zone d’intérêt (The Zone of Interest, Jonathan Glazer, É.-U. – R.-U. – Pologne, 2023)
- Goutte d’Or (Clément Cogitore, France, 2022)
- Bonne pomme (Florence Quentin, France – Belgique, 2017)
- Tempête (Christian Duguay, France – Canada, 2022)
- Documenteur (Agnès Varda, France – É.-U., 1981)
- 10 jours encore sans maman (Ludovic Bernard, France, 2023)
- Dragées au poivre (Jacques Baratier, France – Italie, 1963, qui réunit au générique Sophie Desmarets et Jacques Seiler).
Lecture.
Les Trois Meurtres de William Drever (The Distaff Factor, John Wainwright, Macmillan, 1982 pour l’édition originale, Sonatine, 2022 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Clément Baude; 240 p., 21 €).
L’Invent’Hair perd ses poils.
Metz (Moselle), photo de l’auteur, 31 août 2012
Béziers (Hérault), photo de Victorio Palmas, 15 janvier 2015
IPAD. (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental).
1er mai 2023. 96 km. (42 968 km).
119 habitants
Le monument est collé au mur de l’église, à côté de la porte d’entrée. La pierre est grise et abîmée mais la plaque de marbre portant les noms est récente.
À nos morts
1870-1871
BURNEL Auguste
TOCQUARD Auguste
1914-1918
LT CHRETIEN Georges
MARCHAL Jules
TASSIN Émile
JOLY Henri
BURNEL Fernand
USUNIER Marcel
DROUOT Constant
TAILLARD Paul
Honneur et Gloire
Curiosité : Dans le film Bonne pomme vu cette semaine, on voit un monument aux morts. Jusque là, rien d’exceptionnel, je photographie le plan pour ma collection de monuments cinématographiques et je l’identifie, c’est celui de Flagy (Seine-et-Marne).
Mais en regardant plus attentivement la séquence, j’aperçois, dans un plan qui suit, un homme en train de photographier le monument. Il y aurait un IPAD de la Seine-et-Marne en cours et on ne m’aurait rien dit ?
Poil et pellicule.
Les Frères Sister (Jacques Audiard, France – Espagne – Roumanie – Belgique – É.-U., 2018)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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