27 février 2022 – 961

MARDI.

Lecture.

Le Crime de Sylvestre Bonnard (Anatole France, Calmann-Lévy, 1881, rééd. Gallimard in “Œuvres I”, Bibliothèque de la Pléiade n° 315, 1984; 1476 p., 54 €).

En général, j’aime bien, lorsque je m’attaque à un auteur, découvrir ses œuvres dans l’ordre chronologique. D’où mon goût pour la Pléiade, qui propose cette lecture et permet de suivre l’évolution d’un écrivain. Ainsi, avant de m’attaquer à ce Crime, j’avais lu en janvier dernier Jocaste et le Chat maigre, premier titre de ce volume. Problème : quand j’ai voulu relire la notule consacrée à ce roman, je me suis aperçu que, par manque de temps ou d’inspiration, je m’était contenté d’en signaler la lecture, sans aucune précision. Deuxième problème : je n’ai gardé aucun souvenir de l’histoire racontée, ni de la façon dont elle est racontée. Tout ce que je me rappelle, c’est que ce fut une découverte agréable, comme le fut celle de ce Sylvestre Bonnard. Je le constate depuis un bon moment : les livres, les films aussi d’ailleurs, glissent sur moi sans marquer ma mémoire, j’oublie au fur et à mesure ce que je vois et ce que je lis. Depuis bien longtemps, je ne suis plus capable d’apprendre un poème ou une chanson. Aujourd’hui, si j’ai à copier un numéro de téléphone, je ne peux le faire que de façon fractionnée, il m’est impossible de retenir les six chiffres d’un coup (ah bon, c’est huit ? dix ? j’avais oublié). Je croise dans la rue des jeunes gens qui furent mes élèves jusqu’en juillet dernier et dont je suis incapable de retrouver le nom, alors que je peux réciter in extenso la liste de ceux qui me furent confiés lors de ma première rentrée scolaire en tant que professeur en septembre 1982 au collège André Theuriet de Bar-le-Duc (Meuse). Si j’ai à ranger deux objets en même temps, je place très souvent l’un à la place qui était destinée à l’autre. Je suis obligé de réfléchir avant de décrocher le bon pistolet de carburant pour remplir le réservoir de l’auto mais pour l’instant, je n’ai pas encore oublié le code de ma carte bancaire. D’autres signes montrent que je n’imprime plus grand-chose de neuf dans ma cervelle, je ne m’en formalise pas mais j’y suis d’autant plus sensible que dans la famille, certains de nos aînés les manifestent de façon inquiétante. D’où l’importance des notules qui me servent de pense-bête, et des cahiers que je noircis chaque jour pour garder trace des événements les plus triviaux. Il ne fait aucun doute que j’aurai tout oublié de Sylvestre Bonnard et de la nature de son crime quand je reprendrai ce volume d’Anatole France. Je me demande si je ne ferais pas mieux de me contenter de lire et relire une même poignée de livres, de voir et revoir une même sélection de films, qui seraient à chaque fois pour moi une découverte.

MERCREDI.  

Éphéméride.

“Denia. Sunday 16 [février 1919]. – Couldn’t stay any longer in Alicante : had worked too much and with too little interruption since the first days of January, so I went to see Don H. and told him I should go and spend Sunday in Benidorm. He said : you had better go to Denia; I know of a good inn there, and I’ll give you a word of introduction for the French Consul, etc. etc. So, yesterday, at about 41/2 p.m. I left calle Canalejas and Doña Pepita.” (Valery Larbaud, Journal)

Lecture.

“La Cité sans nom” (“The Nameless City”, Howard Phillips Lovecraft, 1921, Denoël pour la traduction française, rééd. in “Œuvres I”, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1991, traduit de l’américain par Yves Rivière; 1172 p., 31 €).

Nouvelle.

JEUDI.

Vie casse-gueule.

Marcher, marcher, il faut marcher. Il faut marcher le plus souvent possible pour solliciter le coeur, je m’y emploie sans réticence. Tiens, aujourd’hui, plutôt qu’aller acheter le pain dans le quartier, je me rends dans une boulangerie éloignée, ça fera bien une heure de marche au total, c’est ma dose. Pour le retour, je choisis des chemins de traverse, des sentiers rendus boueux par les pluies récentes. Trop boueux. Je vais passer par le talus pour éviter de ruiner mes pompes. Je glisse, tends le bras pour amortir la chute, m’étale dans la glaise. À ma droite, je découvre un truc inerte, bizarrement tordu, qui ne semble pas m’appartenir. C’est mon bras, je le reconnais à la manche du manteau. Je ramasse la chose, tire dessus violemment histoire de remboîter les morceaux au cas où – j’ai vu des films. Après avoir poussé quelques hurlements dans le vide, je repars. La pharmacie n’est pas loin, Caroline ne travaille pas aujourd’hui – elle est au chevet de sa mère, il y a des périodes comme ça – mais une de ses collègues s’occupe de moi, me nettoie, me passe un coude au corps et me conduit aux urgences. Sur place, on fait des radiographies, la manipulatrice me conseille de ne pas regarder, je jette un oeil, ce n’est plus un bras mais un beau jambon de Bayonne. Le médecin qui examine les clichés pense à une fracture à cause de la présence de sang dans l’articulation mais ne parvient pas à la localiser. Il faudra revenir demain pour passer un scanner. Caroline et Alice me récupèrent et je rentre at home un rien groggy. Le sommeil est long à venir, je pense aux échéances prévues, au déplacement à Bordeaux, à l’impossibilité de conduire qui m’éloigne de mes parents, ceux-ci nécessitant une attention constante. Je n’ai même pas la consolation de prétendre que je me suis fait ça en skiant aux Arcs ou aux Deux-Alpes, ce qui conférerait une certaine noblesse à ma blessure. Avouer que je me suis vautré lamentablement dans le ravin de Courcy manque un peu de panache.

VENDREDI.                 

Vie sanitaire.

Retour à la clinique pour le scanner. Le médecin me rassure : pas de fracture, juste un “volumineux hématome du muscle biceps brachial d’environ 60 x 45 mm en axial”, ce qui suffit à mon bonheur. Le pire est évité mais il y en a pour un mois. En attendant, le jambon de Bayonne tourne gentiment à l’aubergine de concours agricole.  

Le cabinet de curiosités du notulographe.

C’est marqué dessus.

Deyvillers (Vosges), photo de Caroline Didion, 29 mai 2021

SAMEDI.             

Films vus.

  • Les Vacances de Monsieur Hulot (Jacques Tati, France, 1953)
  • The Boy Behind the Door (David Charbonier, Justin Powell, É.-U., 2020)
  • Les Pépées font la loi (Raoul André, France, 1955)
  • Sous les étoiles de Paris (Claus Drexel, France – Belgique, 2020)
  • Moby Dick (John Huston, R.-U., 1956).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Pézenas (Hérault), photo de Philippe de Jonckheere, 26 mars 2012

La Gacilly (Morbihan), photo de François Golfier, 18 janvier 2020

Poil et pellicule.

HHhH (Cédric Jimenez, France – Belgique – R.-U. – É.-U. – Allemagne – Hongrie, 2017)

DIMANCHE.

Vie notulaire.

Je tape de la main gauche un message signalant l’interruption momentanée des notules. Pas de notules, pas de parents, pas de monument aux morts, je laisse couler et demande à Alice de me faire découvrir une série. Moi qui ne pratique pas ce sport, j’avale à la suite trois épisodes de Black Mirror, inerte, vidé, béat.

Lecture.

Porca miseria (Tonino Benacquista, Gallimard, coll. Blanche, 2022; 208 p., 17 €).

Benacquista s’est bien assagi depuis ses débuts à la Série Noire, ses polars issus de ses expériences dans les petits boulots exercés pour gagner sa croûte. En passant dans la collection Blanche, il est devenu un romancier plus traditionnel mais toujours talentueux. Le voici aujourd’hui rendu à l’autobiographie, à écrire ses Ritals à lui, ses souvenirs de fils d’émigrés italiens. L’exercice est sans surprise, souvenirs familiaux, scolaires, éveil – difficile – à la littérature, montrant un auteur apaisé, installé, ayant vaincu ses tourments et ses démons. On le lit toujours avec plaisir.

MARDI.

Vie de transit.

Caroline doit s’appuyer toute la conduite sur la route de Bordeaux, aussi faisons-nous halte à Vichy pour la nuit. Ici, on trouve du Vialatte dans les librairies et j’achète Les Fruits du Congo. Pas moyen de savoir cependant si le café “Au fidèle berger” doit son enseigne au titre de Vialatte.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

Dimanche 23 février. –J’ai eu le même plaisir à raconter aujourd’hui, à Marie Dormoy, comme hier , au “Fléau”, l’histoire des rendez-vous de masturbation Cassegrain-Contournet, à Courbevoie, quand j’avais quatorze ou quinze ans, dans un petit bois, à un tournant de l’avenue de la République.” (Paul Léautaud, Journal particulier 1936)                 

Vie aquitaine.

Nous retrouvons Lucie à Talence (Gironde). Son studio doit être libéré pour la fin de la semaine et il s’agit de rapatrier l’enfant et ses possessions. Inutile de dire que je ne serai pas d’une grande utilité pour les opérations de manutention. Mais ce déplacement est aussi, ne le cachons pas, une fuite devant une situation locale qui devient plus difficile à maîtriser de jour en jour, et je ne parle pas de mes cabrioles. Espérons que nous y rechargerons suffisamment nos accus pour y faire face à notre retour. Il y a ici du vin frais, du mimosa, des jonquilles, des papillons, des cris de grues en vol de nuit qui sont de bons ingrédients de départ.                  

Lecture.

Traverser la nuit (Hervé Le Corre, Payot & Rivages, coll. Noir, 2021; 320 p, 20,90 €).                                

La France, disait je ne sais plus qui, ne peut accueillir toute la misère du monde. Toute cette misère, Hervé Le Corre fait le pari de l’accueillir dans son livre. Tous ses personnages, victimes, criminels, enquêteurs, sont les réceptacles de toutes les avanies du monde moderne : solitude, misère, violence déclinées sous toutes leurs formes. La noirceur choisie tourne à l’accumulation de tares et d’obstacles et la compassion demandée au lecteur dépasse ses capacités. Malgré un final inattendu qui sauve un peu la mise, il faut bien se rendre à l’évidence : trop de noir tue le noir.

JEUDI.          

Vie sanitaire.

La douleur et la gêne occasionnées par le muscle mâché s’atténuent. J’arrive maintenant à porter des objets essentiels (rasoir, brosse à dents, fourchette) à hauteur de mon visage. L’écriture, sur papier et sur écran, redevient possible. J’en profite pour faire un peu de courrier et rattraper le retard dans la rédaction des notules, qui devraient partir dimanche.

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Aperçu d’une collection de Léon Noël.

Livres Hebdo n° 1309, 27 mai 2021

Renée Ventresque, La “Pléiade” de Saint-John Perse, Classiques Garnier, 2011

Lecture.

Eyrimah (J.-H. Rosny aîné, Éditions Léon Chailley, 1896 pour l’édition originale, rééd. Robert Laffont, coll. Bouquins, “La Guerre du feu et autres romans préhistoriques”, 1985; 722 p., 21,20 €).

SAMEDI.             

Films vus.

  • Contaminations (The Devil Has a Name, Edward James Olmos, É.-U., 2019)                              
  • Playtime (Jacques Tati, France – Italie, 1967).             

Lecture.

Le Réglo (Pierre Véry, Gallimard, 1935, rééd. in « Les Intégrales du Masque », tome 2, 1994; 980 p., s.p.m.).             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Ropraz (Suisse) photo de Jean Prod’hom, 31 mars 2012

Dijon (Côte-d’Or), photo de l’auteur, 27 août 2019

Poil et pellicule.

Le Syndrome de Stendhal (La sindrome di Stendhal, Dario Argento, Italie, 1996)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

13 février 2022 – 960

LUNDI.

Vie de convalescent.

L’enseignante en activité physique adaptée, c’est son titre, qui préside à mes exercices gymniques au sein de Prescri’mouv a convoqué ses troupes en lisière d’une forêt locale pour une balade au grand air. Tout le monde sont là, mes voisins de tatami et bien d’autres issus d’ateliers différents, au sein desquels j’ai plaisir à retrouver une ancienne de l’âge d’or châtellois. C’est une belle bande de bras cassés, en proie à des soucis médicaux qui font passer les miens pour d’aimables bobos, qui part à l’assaut des sentes forestières. Bientôt, il faut procéder à un rapatriement sanitaire pour les moins valides, le reste clopine et ahane jusqu’au bout. On parle de toute autre chose que ce qui nous a conduits là et le moment se révèle agréable, me faisant découvrir des lieux où je me promets de revenir en compagnie plus réduite, avec ma boîte à insectes et mon filet à papillons.

MARDI.

Lecture.

“Katina”(“Katina”, Roald Dahl, in Ladies’ Home Journal, mars 1944 pour l’édition originale, in À tire-d’aile, Julliard, 1976 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Jean Malignon, rééd. in “Contes de l’inattendu : nouvelles, romans, récits”, Gallimard, coll. Quarto, 2021; 1568 p., 32 €).   

Nouvelle.                          

Pas de Matilda ni de Charlie et la chocolaterie dans ce volume uniquement consacré aux textes pour adultes, moins connus, de Roald Dahl. Celui-ci se met à l’écriture pendant la guerre, qu’il passe sous l’uniforme de la R.A.F. et c’est naturellement ce qu’il est en train de vivre qu’il met en scène. Ici, la rencontre avec une jeune fille grecque, orpheline à la suite des bombardements de son village, qui devient la mascotte de l’escadrille à laquelle appartient le narrateur.

“La Révolte des jouets” (“The Little Movement”, Philip K. Dick, in The Magazine of Fantasy & Science Fiction, novembre 1952, traduit de l’américain par Pierre Billon et révisé par Hélène Collon, in “Nouvelles complètes I 1947-1953”, Gallimard, coll. Quarto, 2020; 1280 p., 28 €).

Nouvelle.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

9 février [1915] – Écrit un peu hier et aujourd’hui. Histoire du chien. Je viens de lire le début. C’est laid et cela provoque des maux de tête. En dépit de toute sa vérité, le récit est méchant, pédant, mécanique, c’est un poisson échoué sur un banc de sable et ne respirant plus qu’à peine. J’écris mon Bouvard et Pécuchet bien prématurément. Si les deux éléments qui sont le plus fortement marqués dans Le Soutier et dans La Colonie pénitentiaire ne parviennent pas à s’unir, je touche à ma fin. Mais cette union a-t-elle des chances de se faire ?” (Franz Kafka, Journaux)                  

Vie printanière (ou presque).

Apparition du premier Citron. Mais c’est à Talence (Gironde), et c’est Lucie qui nous le signale. Pour ici, il faudra encore attendre un moment.

JEUDI.

Lecture.

Hygiène de l’assassin (Amélie Nothomb, Albin Michel, 1992, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche n° 30238, 2004; 224 p., 5,60 €).

Je n’étais pas encore membre du jury quand le Prix René-Fallet fut attribué à Amélie Nothomb en 1993 pour ce premier roman. Je le regrette car j’aurais bien aimé le découvrir comme l’œuvre d’une inconnue et connaître l’effet qu’il faisait dans la production de l’époque. Aujourd’hui, même à distance, on comprend qu’il ne soit pas passé inaperçu car il conserve une bonne dose d’originalité. On y découvre Prétextat Tach, un écrivain universellement connu et reconnu, Prix Nobel de littérature qui, au soir de sa vie, accueille des journalistes pour sa dernière interview. L’homme est un monstre, misogyne, misanthrope, imbu de lui-même et méprisant. Le texte est composé presque uniquement de dialogues entre l’écrivain et les journalistes qui finissent par abandonner la partie, écœurés, à l’exception de la dernière qui se montrera plus coriace. Au-delà de cette construction et de ce personnage qui sortent de l’ordinaire, il est intéressant de relever quelques éléments qui, par la suite, feront partie de la légende Amélie Nothomb : “Mes tiroirs sont tellement pleins, dit Tach, que l’on pourrait éditer un nouveau roman de moi chaque année pendant la décennie qui suivra ma mort” (on prête à Nothomb des tiroirs aussi remplis). Les titres des romans de Tach sont aussi intrigants que ceux qui suivront dans l’œuvre de Nothomb : La Prose de l’épilation, Crever sans adverbe, Apologétique de la dyspepsie, cela vaut bien Métaphysique des tubes, Cosmétique de l’ennemi ou Hygiène de l’assassin… qui est le titre d’un roman de Tach. Celui d’Amélie Nothomb n’est pas parfait, il contient des facilités, des longueurs, mais il montre la patte d’une auteure hors du commun.

VENDREDI.

Lecture.

Un papa, une maman : une famille formidable (la mienne !) (Florence Cestac, Dargaud, 2021; 60 p., 14,50 €).                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Recto verso.

Bordeaux (Gironde), photos de l’auteur, 24 octobre 2020

SAMEDI.             

Films vus.

  • Pas de repos pour Billy Brakko (c.m., Jean-Pierre Jeunet, France, 1984)
  • Une jeune fille qui va bien (Sandrine Kiberlain, France, 2021)
  • Après le mariage (After the Wedding, Bart Freundlich, É.-U. – R.-U., 2019)
  • Charlot à la plage (By the Sea, Charles Chaplin, É.-U., 1915)                              
  • Charlot à la banque (The Bank, Charles Chaplin, É.-U., 1915)
  • Charlot veut se marier (A Jitney Elopement, Charles Chaplin, É.-U., 1915)                              
  • Charlot dans le parc (In the Park, Charles Chaplin, É.-U., 1915)
  • Les Traducteurs (Régis Roinsard, France – Belgique, 2019)
  • La Toile d’araignée (The Cobweb, Vincente Minnelli, É.-U., 1955)
  • 1917 (Sam Mendes, R.-U. –  É.-U. – Inde – Espagne, 2019).              

L’Invent’Hair perd ses poils.

L’Isle-Adam (Val-d’Oise) photo de Philippe de Jonckheere, 26 mars 2012

Berck (Pas-de-Calais), photo de Jean-Damien Poncet, 20 juin 2020             

Poil et pellicule.

L’Amant double (François Ozon, France – Belgique, 2017)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

6 février 2022 – 959

LUNDI.

Lecture.

Stupeur et tremblements (Amélie Nothomb, Albin Michel, 1999, rééd. Librairie Générale Française, coll. Le Livre de poche n° 15071, 2001; 192 p., 4,42 €).

C’est avec stupeur et tremblements qu’il convient de s’adresser à l’empereur du Japon, nous apprend la narratrice. Ce que celle-ci ignore, au moment où elle intègre la compagnie Yumimoto, c’est que dans le monde de l’entreprise japonaise, chacun est en quelque sorte l’empereur ou le sujet de l’autre. Cette ignorance des convenances hiérarchiques l’amène à commettre bourde sur bourde et à dégringoler un à un les degrés de l’échelle sociale pour finir préposée aux toilettes de l’étage où elle avait commencé par occuper un bureau. Cette immersion dans un monde inconnu et infiniment cruel est relatée avec talent et humour et donnera lieu à une composition saisissante de Sylvie Testud dans le film réalisé par Alain Corneau.

MERCREDI.                  

Éphéméride.

Jeudi 2 février [1961]

Je commence à travailler l’article sur Massis. Je sens que cette fois-ci ma force va donner.” (Jean-René Huguenin, Journal)

Lecture.

Notes d’un oisif (Alcide Mara, Collège de ‘Pataphysique, coll. Bibliothèque optimatique n° 4, 2012; 64 p., hors commerce).

JEUDI.

Brève de trottoir.

VENDREDI.

Lecture.

Battues (Antonin Varenne, Éditions Écorce, 2015, rééd. Points Policier P 4393, 2016; 312 p., 7,40 €).

La présentation de l’auteur nous apprend que celui-ci, né à Paris, est désormais installé dans la Creuse. À partir de là, quand on connaît un peu le coin, il est facile de deviner que la ville qui se trouve au centre de son histoire, désignée sous l’initiale R., n’est autre qu’Aubusson. On ne sait ce que les habitants du lieu et de ses alentours auront pensé de cette promotion littéraire mais il est rare qu’une ville ou qu’une région choisies pour cadre d’un polar soient décrites sous des dehors idylliques. Battues ne fait pas exception : politiciens véreux, notables pourris, industriels, chasseurs, forestiers et paysans malhonnêtes, la Creuse est peuplée de gens fort peu recommandables et on n’y passerait pas ses vacances. Heureusement, un garde-chasse vient sauver la situation et débusquer les scandales écologiques et financiers qui ont cours. Cette histoire assez classique ne renverse pas les lois du genre mais c’est solide et bien écrit. Dommage que l’auteur ait voulu se démarquer en embrouillant l’ordre chronologique des faits, ce qui n’apporte strictement rien à son affaire, sinon de la confusion.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe.

Home sweet home, photos de Jean-François Fournié.

Chauffourt (Haute-Marne), 1er novembre 2020

Dieppe (Seine-Inférieure), 10 juillet 2020

SAMEDI.

Films vus.

  • Superintelligence (Ben Falcone, É.-U., 2020)
  • Une sale histoire (Jean Eustache, France, 1977)
  • Les Filles du Docteur March (Little Women, Greta Gerwig, R.-U. – É.-U., 2019)
  • Sometimes Always Never (Carl Hunter, R.-U., 2018)
  • Mon oncle (Jacques Tati, France – Italie, 1958)             

L’Invent’Hair perd ses poils.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), photo de Philippe de Jonckheere, 26 mars 2012

Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), photo d’Élisabeth Chamontin, 27 décembre 2015

Poil et plume.

“La boutique du coiffeur était située à la limite du café des Miroirs, au bord d’un terrain envahi par les flaques d’urine et les détritus. Elle servait la nuit de repaire à la faune des petits mendiants et ramasseurs de mégots qui venaient y dormir, entassés là comme des bêtes dans une tanière. Chaque matin, le barbier, rendu furibond, devait les chasser à coups de pied et de menaces sanglantes. Il aurait dû mettre une porte à sa cahute, mais c’était une entreprise au-dessus de ses moyens. Gohar avait découvert cet endroit un soir où il cherchait la tranquillité et, depuis, il s’y installait souvent pour goûter une paix idéale. Ce fauteuil de coiffeur était vraiment fait pour la méditation.” (Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux)

Bon dimanche,

Philippe DIDION