29 mars 2020 – 875

DIMANCHE.

                   Vie de confiné. Il conviendrait ici d’ouvrir, on en voit fleurir çà et là, un “Journal de confinement” mettant en lumière les nouveautés apportées par cette situation inédite. Le problème, c’est que je ne saurais de quoi le nourrir : je mentirais en présentant comme un acte héroïque le fait de ne pas franchir une porte. Je m’aperçois en effet que cette existence diffère assez peu de celle que je mène en vacances, en dehors des séjours en Creuse bien entendu. Les notules sont de culture domestique, c’est marqué dessus, et montrent une certaine tendance, consentie, au confinement. En temps ordinaire, lorsque je ne vais pas au boulot, je me contente d’une escapade matinale pour le ravitaillement et les journaux, je suis de retour at home avant neuf heures et je ne bouge guère plus que les vieux dans la chanson de Brel. Je passe la majeure partie de mes journées à remuer du papier, je regarde un film le soir venu et je recommence le lendemain, j’aime ça. Ma vie sociale est peu mouvementée, je ne sors longuement que pour aller au football et visiter les monuments aux morts, autant dire que pour l’instant la situation présente ne me pèse guère, si je fais abstraction des nouvelles qui nous arrivent du dehors et du souci qu’on peut avoir pour l’entourage, souci qui affecte d’ailleurs davantage mes nuits que mes jours. Il y a bien quelques bricoles professionnelles à assumer mais ce que je vis est tout de même plus proche de la téléretraite que du télétravail. Pas de quoi en faire un journal en tout cas.
LUNDI.
           Vie des grands mages. “Le ministre Blanquer envisage un retour à l’école le 4 mai” (Vosges Matin). Vu les dons de pythie de l’oiseau, on est tranquille jusqu’à fin août.
MARDI.
            Obituaire. La mort d’Albert Uderzo m’apporte un point au Couic Parade.
            Vie professionnelle. Le collège m’appelle pour m’avertir que je dois répondre d’urgence à une enquête sur l’amiante, lancée par le service santé du rectorat. C’est à ça qu’on reconnaît les grands chefs de guerre : ils ont le sens des priorités.
MERCREDI.
                   Éphéméride. 25 mars [1920]. Multiplicité. Nous ne sommes pas simples, ni doubles, ni triples; nous sommes une infinité de gens. Je ne parle pas ici des personnages que nous jouons vis-à-vis du monde et selon les exigences de notre vie quotidienne, car nous ne sommes pas ces personnages ou nous les sommes imparfaitement; nous avons des masques que nous mettons et ôtons pour adapter notre visage à l’esprit de celui qui nous entretient.” (Julien Green, Journal intégral 1919-1940)
VENDREDI.
                  Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 20 (15 juin 2018, 80 p., 15 €).
                                “Noël Arnaud au Collège”
                                L’Amour aux temps du choléra (El amor en los tiempos del cólera, Gabriel García Márquez, Sudamericana, 1985 pour l’édition originale, Grasset, 1987 pour la traduction française, rééd. France Loisirs, 1988, traduit de l’espagnol par Annie Morvan; 444 p., s.p.m.).
                                C’était ça ou La Peste, une découverte ou une relecture. Bon choix : je me suis trouvé dans l’obligation de lire deux ou trois fois chacune des cinquante dernières pages pour retarder le moment de mettre fin à l’enchantement.
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Paris (Seine), rue Cujas, photo de l’auteur, 31 mai 2014
                                
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Cela fait trois fois que je dois annuler un voyage à Paris. Deux fois, cet hiver, pour raisons sociales, les grèves SNCF, la troisième ce week-end pour raisons sanitaires. C’est bien dommage mais on n’a pas chanté, en début de semaine, les vertus de l’assignation à résidence pour se dédire aussitôt. D’autant que si je ne peux aller à Paris, Paris peut toujours venir à moi en images.
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cimetière de Vigeville (Creuse), photos de l’auteur, 31 juillet 2019
SAMEDI.
              Films vus. Les Petits Flocons (Joséphine de Meaux, France, 2019
                               Le Hasard et la Violence (Philippe Labro, France – Italie, 1974)
                               L’Adieu à la nuit (André Téchiné, France – Allemagne, 2019)
                               Les Victimes (Patrick Grandperret, France, 1996)
                               Un homme pressé (Hervé Mimran, France, 2018)
                               Le Livre de la jungle (Jungle Book, Zoltan Korda, É.-U. – R.-U., 1942)
                               Green Book : Sur les routes du Sud (Green Book, Peter Farrelly, É.-U., 2018).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Tourlaville (Manche), photo de Sibylline, 14 juin 2011 / Rennes (Ille-et-Vilaine), photo de Denis Cosnard, 27 mai 2012
              Poil de course.
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Châtelus-Malvaleix (Creuse), photos de l’auteur, 30 juillet, 2017
Bon dimanche,
Philippe DIDION

22 mars 2020 – 874

DIMANCHE.

Vie politique. Comme beaucoup de ses semblables, villes moyennes de provinces peu attractives, Épinal n’est pas en très bonne santé. Heureusement, elle ne manque pas de médecins volontaires pour accourir à son chevet : sept listes de trente-neuf noms en compétition pour les élections municipales, cela fait tout de même deux cent soixante-treize personnes (dont deux coiffeuses selon mes pointages) prêtes à donner de la leur, de personne, pour apporter les soins qui leur semblent nécessaires à son rétablissement. Quand on vit dans une ville de cette taille depuis soixante ans sans interruption ou presque, on finit par connaître du monde. Dans chaque liste, on resitue des têtes, retrouve des connaissances plus ou moins lointaines. Parmi celles-ci, des gens qu’on apprécie, d’autres, fatalement, qu’on ne peut pas voir en peinture. Si tous ceux qui sont sympathiques étaient réunis sur la même liste et tous les fâcheux sur une autre, ce serait trop facile. Ils sont bien entendu répartis de façon équitable dans les différents ensembles ce qui empêche de voter pour l’un ou l’autre sur le simple critère de la bonne gueule. Il faut donc regarder au-delà des personnes et étudier ce qu’elles proposent. N’écoutant que notre civisme, nous sommes allés aux réunions d’information que les quatre principaux candidats ont tenues dans notre quartier pour éclairer notre choix. Les bonnes gueules étaient là, les fâcheux aussi. C’est curieux, instructif, de les revoir dans un contexte différent de celui où on les a pratiqués dans le passé. Ainsi, cette tête de liste, un ancien condisciple qui avait déjà, au lycée, sa carte aux Jeunes du RPR à une époque où l’on avait plutôt pour habitude de brandir des drapeaux rouges et noirs. Ou cet autre, mon contemporain aussi, qui discourt doctement sur l’avenir des finances locales et que je ne peux m’empêcher de replacer dans un passé qui ne figurera jamais sur sa carte de visite. Ce type était, à la fin des années 1970, le bassiste du premier groupe punk spinalien, Les Nurses. En 1980 se tint à Epinal un festival intitulé “En mai chante ce qu’il te plaît”. J’ai oublié quelles en étaient les têtes d’affiche mais je me souviens qu’une après-midi était réservée aux groupes locaux. En ce temps-là, je jouais en duo avec un compère et les hasards de la programmation avaient voulu que nous succédions aux Nurses sur cette scène ouverte. Conformément à la feuille de route punk de l’époque, Les Nurses ne savaient pas jouer mais ils avaient bien assimilé le folklore du genre qui comprenait l’habitude de cracher sur le public. Lequel n’était pas en reste pour lui rendre la pareille salivaire, ce qui fit que leur set se résuma à un concours de glaviots au cours duquel ils n’eurent pas le dessus. Quand nous sommes arrivés sur scène, mon chum et moi, celle-ci était devenue un terrain glissant de bave et de mucus. J’ai eu l’occasion, par la suite, de rejouer sur ces planches au sein de diverses formations, m’étonnant à chaque fois de les trouver étrangement propres et sèches.

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Les Nurses et leurs successeurs sur la scène de la Louvière, Épinal (Vosges), mai 1980, archives personnelles

                   Lecture. Une vérité à deux visages (Two Kinds of Truth, Michael Connelly, Little, Brown & Company, New York, 2017 pour l’édition originale; Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente…, 2019 pour la traduction française, traduit de l’américain par Robert Pépin; 432 p., 21,90 €).

Si Michael Connelly a remplacé son héros Harry Bosch par Renée Ballard dans son polar précédent (En attendant le jour, mais les livres de Connelly sont-ils traduits dans l’ordre ?), ce ne fut que pour un intermède. Revoilà donc le flic Bosch en semi-retraite, partageant l’affiche avec l’avocat Mickey Haller, ce qui permet à Connelly de jouer sur les deux tableaux qu’il maîtrise à merveille : le procédural, avec une enquête complexe mais clairement décrite, et le judiciaire avec le procès final. S’ajoute à cela un brin d’action, ce qui n’avait pas été le cas depuis Mariachi Plaza (2014), puisque Bosch est amené à infiltrer un gang de mafieux russes impliqués dans un trafic de médicaments. C’est dire qu’on ne s’ennuie pas, mais s’est-on jamais ennuyé avec Connelly ?

MARDI.

Obituaire. La mort de Suzy Delair m’apporte un point au Couic Parade.

Vie de confinés. Alice est rentrée de Nancy vendredi, Lucie a réussi à trouver un train pour quitter Paris à temps hier, nous sommes au complet. Les rues sont calmes, l’esplanade de la gare déserte, les bus continuent leur ronde, à vide ou presque. Caroline part au front tous les jours, à la pharmacie, seul contact pour nous avec un extérieur peu rassurant, on l’applaudit tous les soirs. Je m’efforce de garder en mémoire les chandelles des magnolias prêtes à éclore et les premiers Citrons voletant sur la tourbière que nous avons vus dimanche, dernières images en date d’une nature prête à l’éveil. Sans conviction, j’ai essayé hier et aujourd’hui de contacter mes élèves par la voie informatique; sans surprise, je n’y suis pas parvenu; sans remords, je n’ai pas insisté. Qu’ils profitent de cette liberté inattendue, je ne suis pas de ceux qui considèrent que l’avenir de ces jeunes pousses sera compromis parce qu’elles auront été privées de mes lumières pendant un certain temps. Je leur ai de toute façon donné un peu de boulot vendredi, j’ai rapporté ici leurs copies et le fait de les corriger at home sera aussi nouveau pour moi que le télétravail. Pour le reste, je suis toujours fumasse contre ma hiérarchie et ses atermoiements de fin de semaine dernière, parfaite image d’un système et d’un état d’esprit que j’exècre. Un ministre, celui qui disait il y a moins d’une semaine qu’il n’y aurait pas de fermeture des établissements scolaires, estime que c’est l’oisiveté qui doit être combattue en premier : il veut montrer que rien ne change, il faut maintenir conseils de classe, concours et examens, convoquer les personnels en assemblées générales. Les consignes dégringolent l’escalier hiérarchique et sont servilement reprises par les chefs d’établissement, le doigt sur la couture du pantalon. Pas un, à ma connaissance, pour s’inscrire en contre, pour dire qu’il refuse de mettre en danger la santé de ses personnels, qu’il n’obéira pas à un ordre inepte. Ce n’est pas glorieux.

MERCREDI.

Éphéméride. “18 mars

* Raymond Queneau obtient son certificat de morale et sociologie avec mention assez bien.

* Un inconnu, le vicomte de Chateaubriand, vient de faire paraître un Essai sur les révolutions.” (Michelle Grangaud, Calendrier des poètes : Année folle I)

Lecture. Le Publicateur du Collège de ‘Pataphysique. Viridis Candela, 9e série, n° 19 (15 mars 2018, 96 p., 15 €).

“Vies imaginaires”

JEUDI.

Lecture. Kœnigsmark (Pierre Benoit, Émile-Paul Frères, 1918, rééd. Robert Laffont, coll. Bouquins, “Romans I”, 1994; 1012 p., 149 F).

Comme pour Huysmans, le premier tome des romans de Pierre Benoit n’aura pas de successeur, contrairement à ce qui était prévu. D’après son directeur, ce volume fut d’ailleurs celui qui connut les ventes les plus faibles de tous ceux de la collection Bouquins. C’est cruel quand on sait les tirages de Benoit de son vivant, sa popularité. Celle-ci est rappelée par Hubert Juin dans une introduction qui souligne aussi la qualité de l’œuvre, au-delà du mythe Benoit : son succès donc, ses quarante romans en quarante ans, ses héroïnes en A, le premier titre du Livre de poche… Et Juin a raison, pour ce qui est de Kœnigsmark en tout cas : le livre a bien vieilli, a moins pris la poussière que le film qu’en a tiré Maurice Tourneur en 1935. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance avec ces intrigues de petite cour prussienne, ces personnages raides et ces histoires de famille compliquées. Mais l’auteur sait utiliser les vieilles ficelles, imbriquer les récits les uns dans les autres, varier le ton et susciter encore, cent ans après, un vrai plaisir de lecture.

VENDREDI.

Lecture. L’Annonciation italienne : une histoire de perspective (Daniel Arasse, Hazan, 1999; 372 p., 695 F).

La Cabine de verre (The Glass Room, Morton Wolson, Ellery Queen’s Mystery Magazine, 1957 pour l’édition originale, in Vingt mystères de chambre close, Terrain Vague Losfeld, 1988 pour la première traduction française, traduit  de l’anglais par Arthur Greenspan, rééd. in in « Mystères à huis clos », Omnibus, 2007; 1148 p., 27 €).

Nouvelle.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Problèmes d’accent.

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Chaumont (Haute-Marne), photo de Jean-François Fournié, 2 août 2019 / Angers (Maine-et-Loire), photo de Bernard Bretonnière, 17 mars 2019

SAMEDI.

Films vus. Dirty Pretty Things – Loin de chez eux (Dirty Pretty Things, Stephen Frears, R.–U., 2002)

Persona non grata (Roschdy Zem, France, 2019)

Major Dundee (Sam Peckinpah, É.–U., 1965)

Les Confins du monde (Guillaume Nicloux, France, 2018)

No (Pablo Larrain, Chili – France – Mexique – É.–U., 2012)

Mauvaises herbes (Kheiron, France – Belgique, 2018)

Je suis vivante et je vous aime (Roger Kahane, France – Belgique, 1998).

              Invent’Hair, bilan d’étape. Bilan établi au stade de 4 800 salons, atteint le 14 juillet 2019.

Bilan géographique.    

Classement général par pays.

1. France : 3 996 (+ 86)
2. Espagne : 177 (=)
3. Royaume-Uni : 90 (=)
4. Belgique : 70 (+ 1)
5. Italie : 58 (+ 4)
6. États-Unis : 45 (=)
7. Portugal : 37 (=)
8. Danemark : 34 (=)
“. Suisse : 34 (+ 3)
10. Allemagne : 31 (+ 1)

Pas de changement dans le top 10. Bienvenue à la Hongrie et au Mexique qui font leur entrée dans notre chantier.

Classement général par régions (France).

1. Rhône-Alpes : 703 (+ 3)
2. Île-de-France : 644 (+ 27)
3. Languedoc-Roussillon : 314 (+ 3)
4. Provence-Alpes-Côte-d’Azur : 311 (+ 4)
5. Lorraine : 300 (+ 14)
6. Midi-Pyrénées : 224 (=)
7. Bretagne 171 : (+ 1)
8. Pays de la Loire : 158 (+ 4)
9. Bourgogne : 149 (+ 4)
10. Centre : 139 (=)

Positions inchangées là aussi mais l’écart entre Rhône-Alpes et Île-de-France a été réduit de moitié en 18 mois.

Classement général par départements (France).

1. Seine (Paris) : 519 (+ 21)
2. Rhône : 336 (=)
3. Vosges : 165 (+ 5)
4. Loire-Atlantique : 121 (+ 4)
5. Pyrénées-Orientales : 95 (+ 1)
6. Loire : 92 (=)
“. Meurthe-et-Moselle : 92 (+ 3)
8. Bouches-du-Rhône : 89 (+ 2)
9. Hérault : 81 (=)
10. Alpes-Maritimes : 79 (=)

La Meurthe-et-Moselle rattrape la Loire. Aucun département, en dehors de la Seine, ne gagne plus de 5 salons.

Classement général par communes.

1. Paris : 519 (+ 21)
2. Lyon : 158 (=)
3. Nantes : 61 (+ 1)
4. Barcelone : 57 (=)
5. Nancy : 51 (=)
6. Épinal : 46 (+ 1)
7. Nice : 37 (=)
8. Marseille : 32 (+ 1)
9. Strasbourg : 24 (=)
“. Copenhague : 24 (=)
“. Villeurbanne : 24 (=)
“. Le Havre : (24)

Le Havre arrive à la 9e place, qui devient fort encombrée. De belles étrangères entrent dans le classement : Mexico, Pérouse, Milan, Bologne, Louvain, Budapest.

Bilan humain.

Nous nous étions arrêtés à la 90e place. Poursuivons notre exploration des étages inférieurs avec les fusils à deux coups.

91. Brigitte Célérier : 2 (+ 1)
“. Benoît Melançon : 2 (+ 1)
“. Martine Bedrune; Thierry Beinstingel; Yannick Bollati; Céline Bretonnière; Cécile Carret; Nadine Civarello; Daniel Cuenin; Dominique de Ribbentrop; François Decq; Jean-Jacques Gonand; Françoise Granger; Monique Guneau; Philippe Mauger; Nelly Membré; Cécile Mirland; Nicole Mounier; Michèle Pambrun; Emmanuelle Rouillon; Jean Savard; Michel Thomas; Sylvie Thouron; Edmond Varenne; Gérard Viry 2 (=)

Étude de cas. Le mot le plus long.

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Bilbao (Espagne), photo de Jean-Damien Poncet, 27 avril 2017 / Roskilde (Danemark), photo du même, 15 février 2017

Poil et plume. “Aux cheveux et à la barbe, on reconnaissait jadis un pouvoir magique, et ces pilosités tenaient une grande place dans les vœux que l’on faisait au Moyen Âge. Benoît XIII, prisonnier en Avignon, fait serment de ne plus se raser, par affliction, tant que durera sa captivité. Harald Harfager jure de ne pas couper ses cheveux avant d’avoir conquis toute la Norvège, — et c’est pourquoi son nom est celui de roi “à la belle chevelure”.” (Alberto Savinio, Encyclopédie nouvelle)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

15 mars 2020 – 873

LUNDI.
           Entomologie domestique. Identification d’une Teigne des fruits secs.
MARDI.
            Lecture. Pierre Bergounioux (Collectif, L’Herne, Cahier n° 127, 2019; 256 p., 33 €).
                         Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “11 mars [1865]
Les études télescopiques ou microscopiques de ce temps-ci, le creusement de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit, de l’étoile ou du microzoaire, aboutissent pour nous au même infini de tristesse. Cela mène la pensée de l’homme à quelque chose de plus triste pour lui que la mort, à une conviction de son rien et à une absence du sentiment de sa personnalité, même pendant qu’il vit.” (Edmond et Jules de Goncourt, Journal : Mémoires de la vie littéraire)
                  Bougies. Le notulavirus sévit depuis 19 ans.
VENDREDI.
                  Vie professionnelle. Je dis au revoir à mes élèves après le dernier cours de la journée, ne sais quand nous nous reverrons. Le collège sera fermé à partir de lundi, mais pas pour tout le monde : le personnel, en vertu de sa santé inoxydable, y sera attendu aux heures habituelles. Nul doute que l’administration éclairée aura programmé pour l’occasion une série de réunions mortifères dont elle a le secret et propres à me faire regretter au bout d’une demi-heure les joutes pédagogiques qui font mon ordinaire.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Campagne électorale.
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Le Havre (Seine-Inférieure), photo de Jean-Damien Poncet, 7 juin 2019 / Sion (Suisse), photo de Martine Sonnet, 3 septembre 2017
SAMEDI.
              Films vus. Holy Lands (Amanda Sthers, France – Belgique, 2017)
                               Mort à Venise (Morte a Venezia, Luchino Visconti, Italie – France, 1971)
                               Steel Country (Simon Fellows, R.-U., 2018)
                               Les Amoureux sont seuls au monde (Henri Decoin, France, 1948)
                               Burn out (Yann Gozlan, France – Belgique, 2017)
                               Les Chemins de la haute ville (Room at the Top, Jack Clayton, R.-U., 1959)
                               Quién te cantará (Carlos Vermut, Espagne – France, 2018).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Montigny-lès-Metz (Moselle), photo de Lucie Didion, 15 juin 2011 / Saint-Étienne-des-Sorts (Gard), photo d’Hervé Bertin, 30 mars 2017
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 10 février 2019. 156 km. (36 344 km).
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136 habitants
   Adossé au flanc de l’église, le monument de pierre jaune est un petit obélisque dont la base représente des bûches de bois empilées. Une croix est collée au sommet, deux attaches à drapeaux sont fixées sur le fût, l’une décorée d’un ruban tricolore échappé d’une gerbe.
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La commune de Ruppes
À ses enfants morts pour la France
1914-1918
AUBRY Henri
BARBILLON Georges
ÉMOND Émile
FERRY Paul
GALAND Fernand
LAGNY Georges
SIMONIN Henri
THOUVENIN Georges
ZILOCCHI Henri
ZILOCCHI Paul
Guerre 1939-1945
DUPONT René
DURAND Robert
GAILLET René
              Poil et plume. “Avait-il connu bibliquement une femme depuis le début du siècle ? L’avait-il d’ailleurs possédée pour de bon où avait-il été le jeu de subterfuges lascifs dans le fouillis écarlate de muqueuses pantelantes ?
Pourtant, hier encore, une dame inconnue prenait sa tête délicatement entre ses mains, caressait ses favoris, ses bras nus frôlaient sa nuque, un parfum de vétiver enveloppait ses tempes, les pointes de ses seins taquinaient sa calvitie. Perruques, fauteuil articulé, brillantine et tondeuse…
Une rencontre volcanique ?
Non, la shampouineuse du salon de coiffure de la rue Pierre-au-Lard… Une poissarde analphabète peu avare en effleurements mercantiles.” (Patrice Delbourg, Une douceur de chloroforme)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

8 mars 2020 – 872

DIMANCHE.
                   Courriel. Une demande d’abonnement aux notules.
MERCREDI.
                  Éphéméride. “4 mars [1918]
Insomnie de nouveau; angoisse, exaspération et finalement abandon… non tant par excès de désir, que pour en finir et pouvoir m’endormir ensuite… Mais le sommeil se moque de cet assouvissement médiocre, et qu’aucune détente ne suit. Je me réveille tout hébété (car tout de même, vers le matin, j’avais fini par m’endormir). Ah ! je brame après cette santé, cet équilibre heureux que je goûte auprès de Marc et qui fait que, près de lui, même la chasteté m’est facile, et le repos souriant de la chair.” (André Gide, Journal)
                  Lecture. Temps Noir n° 19 (Joseph K., 2016; 352 p., 19,50 €).
                                « La Revue des Littératures Policières »
                                La véritable vedette de ce numéro n’est pas Jean-Bernard Pouy, auquel un fort dossier est consacré, mais Jean-Marie David qui a établi la bibliographie du bonhomme, un travail de titan quand on connaît le rythme et la variété de production de celui-ci. Le catalogue court sur cinquante pages, et on peut dire qu’il est complet : y figure même le Petit précis de littérature précaire que donna Pouy à la revue Les Refusés de 2010 à 2013, soit quatre numéros au sein desquels j’eus l’honneur d’être son voisin de sommaire.
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Lingerie fine.
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Santander (Espagne), photo de Jean-Damien Poncet, 29 avril 2017 / Épinal (Vosges), photo d’Alice Didion, 10 juillet 2019
SAMEDI.
              Films vus. Glass (M. Night Shyamalan, É.-U. – Chine, 2019)
                               L’Arme fatale 3 (Lethal Weapon 3, Richard Donner, É.-U., 1992)
                               Convoi exceptionnel (Bertrand Blier, France – Belgique, 2019)
                               Poulet aux prunes (Vincent Paronnaud & Marjane Satrapi, France – Allemagne – Belgique, 2011)
                               Sibel (Guillaume Giovanetti & Çagla Zencirci, Turquie – France – Allemagne – Luxembourg, 2018)
                               Black mic-mac 2 (Marco Pauly, France, 1988).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Fraize (Vosges), photo de l’auteur, 12 juin 2011 / Gap (Hautes-Alpes), photo d’Hervé Bertin, 21 juillet 2018
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 3 février 2019. 65 km. (36 188 km).
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134 habitants
   Pas de monument aux morts visible. Le nom de Rugney apparaît sur le monument de Charmes, dédié “aux enfants du canton”.
              Poil et plume. Assis au Jade devenu Acapulco, je lui raconte des histoires pas toujours drôles, lui montre en face la villa Ty-Milo. Après une vie de coiffeur-bourlingueur à bord des transatlantiques, Émile Farcouli avait gagné à la Loterie nationale de quoi installer ici un salon. Hâbleur méridional, soixante ans, il coiffait pendant la guerre les poules de luxe des officiers allemands, faisait des blagues sur le Maréchal et le Führer. En mars 43, il avait été convoqué à la Kommandantur de Nantes. Ses amis lui avaient conseillé de se cacher. Il avait pris l’autocar et disparu. Après la Libération, un ancien déporté se souvenait de l’avoir vu une dernière fois à Buchenwald où il coupait des cheveux.” (Patrick Deville, Taba-Taba)
Bon dimanche,
Philippe DIDION

1er mars 2020 – 871

DIMANCHE.

                   Courriel. Deux demandes d’abonnement aux notules.

LUNDI.
           Lecture. Les Sœurs Vatard (Joris-Karl Huysmans, Charpentier, 1879; rééd. Robert Laffont, coll. Bouquins, “Romans I”, 2005; 1056 p., 30 €).
                         C’est le deuxième roman de Huysmans, après Marthe, et la poursuite de sa veine naturaliste. Pour exploiter celle-ci, Huysmans est poussé par Zola qui a besoin de textes pour illustrer son courant et il fournit. Les Sœurs Vatard peut être considéré comme un modèle de roman naturaliste avec ses excès et ses trouvailles. L’intrigue importe moins que la peinture d’un milieu, ouvrier en l’occurrence. C’est une succession de tableaux (l’atelier, le logis, la foire, le théâtre…) qui pourrait lasser mais que le style de Huysmans, son goût pour le vocabulaire, l’exagération et l’énumération, rendent encore lisible de nos jours. Bien sûr, c’est une peinture au bitume, sans couleur, sans lumière, aucun personnage positif ne se dégage, tous les aspects sociaux, le travail, la famille, la ville, sont noirs mais ça n’a pas trop mal vieilli. À noter que le deuxième volume de Huysmans en Bouquins – annoncé par le titre “Romans I” – n’est jamais paru.
                         
MERCREDI.
                  Éphéméride. “26 février [1945]
Revu Duhamel. Changement d’avis. La situation est décidément trop confuse. Je retire ma lettre. Je reste où je suis. On verra bien. Je m’accorde un sursis de trois ou quatre mois.
Duhamel tire des plans ingénieux. Il voudrait provoquer contre mes bâtonniers des concurrents qui les fassent échouer et j’arriverais tranquillement après. Il songe à Maritain qui revient d’Amérique et à Schlumberger. Mais il me demande le secret. Nous nous quittons en nous posant un doigt sur les lèvres.” (Maurice Garçon, Journal 1939-1945)
                  Lecture. Iris (Jean-Patrick Manchette, Gallimard, coll. Quarto, “Romans noirs”, 2005; 1344 p., 29,50 €).
                                Fragments inédits.
                                Après La Position du tireur couché, Manchette entreprend en 1981 l’écriture d’un roman dans “le même genre de compacité et de tension”. Dans son journal, il lui donne pour titre Kulturkampf et note ses progrès. L’histoire n’ira pas bien loin, quelques chapitres, trois tentatives d’ouverture publiées pour la première fois dans le revue Polar en 1997 et reprises ici. C’est assez frustrant quand on sait ce dont Manchette est capable mais cela a le mérite de revenir sur une question posée dans la rubrique Films vus des notules 869, au sujet des Jeunes Loups de Marcel Carné : “Mais que faisait Robert De Niro en France en 1968 pour apparaître comme figurant dans ce film ?” Sans donner de réponse à la question, Manchette confirme en ouverture de son premier fragment : “Luberzon avait choisi lui-même son nom, quand il avait envisagé de faire une carrière d’acteur. Et à présent, il se rappelait encore le petit bar où, dans les années 60, il avait bu un café avec Bob De Niro. Tous deux étaient des mômes, à cette époque. Ils cherchaient à faire de la figuration intelligente dans un film de Carné, Les Jeunes Loups.”
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Développement du vélo en ville.
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Copenhague (Danemark), photo de Jean-Damien Poncet, 11 septembre 2017 / Paris (Seine), boulevard de la Chapelle, photo de Pierre Cohen-Hadria, 18 juillet 2015
SAMEDI.
              Vie culturelle. Activité muséale intense ces jours-ci. Nous étions hier au Musée Pierre-Noël de Saint-Dié où Lucie terminait un stage de deux semaines et nous voilà aujourd’hui à Metz. L’objectif premier était de visiter l’exposition Eisenstein au Centre Pompidou (et de voir si Perec était mentionné au sujet de La Ligne générale) mais celle-ci a fermé il y a trois jours. On a le sens de l’organisation ou on ne l’a pas. Qu’importe, nous nous rabattons sur le Musée de la Cour d’Or, qui contient des choses que nous n’aurions peut-être pas eu l’idée de voir spontanément – archéologie, histoire locale – mais qui sont présentées de façon intéressante au long d’un riche parcours. Dans une librairie, j’achète le livre de François Chaslin sur Le Corbusier et m’aperçois, intrigué, que le titre de la version originale de 2015 (Un Corbusier) a été modifié pour la version poche de 2019 (Le Corbusier).
              Lecture. La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, Thomas Mann, 1912 pour l’édition originale, Fayard, 1947 pour la traduction française, rééd. LGF, coll. Le Livre de poche, 1954, traduit de l’allemand par Félix Bertaux et Charles Sigwalt; 240 p., 5,60 €).
                             “Depuis quelques années déjà le choléra asiatique tendait à se répandre. […] il avait fait son apparition simultanément dans plusieurs ports de la Méditerranée, sa présence s’était révélée à Toulon, à Malaga; on l’avait plusieurs fois devinée à Palerme, et il semblait que la Calabre et l’Apulie fussent définitivement infectées.” Rien de tel qu’une bonne histoire d’épidémie en ces temps troublés sur le plan sanitaire.
              Films vus. Snowpiercer – Le Transperceneige (Bong Joon Ho, Corée du Sud – République tchèque, 2013)
                               La Sentinelle (Arnaud Desplechin, France, 1992)
                               Le Cas Richard Jewell (Richard Jewell, Clint Eastwood, É.-U., 2019)
                               Chacun pour tous (Vianney Lebasque, France, 2018)
                               Illusions perdues (That Uncertain Feeling, Ernst Lubitsch, É.-U., 1941).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Jaligny-sur-Besbre (Allier), photo de l’auteur, 11 juin 2011 / Bruxelles (Belgique), photo de Pierre Cohen-Hadria, 16 janvier 2012
              IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 13 janvier 2019. 115 km. (36 123 km).
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Commune de Plainfaing
   Pas de monument aux morts visible.
              Poil et pellicule.
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Le Corniaud, Gérard Oury (France – Italie- Espagne, 1965)
Bon dimanche,
Philippe DIDION