DIMANCHE.
Vie politico-poétique. Il reste ce soir deux candidats à la primaire de la Belle Alliance Populaire : l’un est Valls, l’autre est Hamon.
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Olivier Goudeau, 50 ans de tennis de table en Deux-Sèvres : 1966-2016, Geste, 2016. Alléchant.
MERCREDI.
Lecture. Chanson douce (Leïla Slimani, Gallimard, 2016; 240 p., 18 €).
Revenons à Nabokov et à La vraie vie de Sebastian Knight. Au chapitre XVI, le narrateur est en discussion avec une femme. Citation :
“- Eh bien son mari, quoi ! La plupart des maris sont des imbéciles, mais celui-là était hors concours. Ça n’a pas duré longtemps heureusement. Prenez une des miennes.” Elle me tendit aussi son briquet. le bouledogue gronda dans son sommeil. Elle changea de position etc.”
Dans ces deux lignes se niche une facette de l’art de Nabokov, l’art du raccourci. Un auteur quelconque se serait senti tenu de préciser, de meubler : “Je pris mon paquet de cigarettes. Elle sortit le sien, me le présenta en disant “Prenez une des miennes”. Elle me tendit aussi son briquet, etc.” La manie de tout dire, de ne rien laisser dans l’ombre, de ne rien abandonner à l’initiative du lecteur. Nabokov, lui, fait confiance à son lecteur : celui-ci saura recoller les morceaux, entendre ce qui n’est pas dit. Leïla Slimani fait partie des auteurs qui disent tout. Son roman est loin d’être mauvais, il tient, comme ces films réalisés par des tâcherons sans style ou comme ces polars de série, par le scénario, l’idée de départ (une nounou qui tue les enfants dont elle a la garde) et rien d’autre. On se laisse faire, on suit facilement parce que tout est dit, les gestes, les pensées, les mouvements. Ce n’est pas inintéressant mais c’est un peu fade, ça ne laisse pas de trace, ça ne mord pas. Pour cela, il faudrait une écriture, quelque chose qui présente un peu d’aspérités, qui fasse, on y revient, participer le lecteur. On ne nous fera pas dire que Chanson douce ne méritait pas le Prix Goncourt, le Goncourt n’a pas vocation à couronner une écriture, mais l’eau qui coule de ce robinet est bien tiède.
Histoires littéraires n° 56 (Du Lérot éditeur, octobre-novembre-décembre 2013; 320 p., 25 €).
Paul-Jean Toulet inédit.
L’honnête homme connaît le vers “Dans Arle, où sont les Aliscams”. Le très honnête homme sait qu’il est de Paul-Jean Toulet. L’homme plus qu’honnête sera capable de vous citer un titre de Toulet, Contrerimes, et un autre vers issu de sa plume : “Prends garde à la douceur des choses”. J’en était à peu près là, drapé dans mon honnêteté sans tache, avant d’entreprendre la lecture de ce numéro. Dont on ressort ébahi par la complexité de ce bonhomme et incollable sur son amitié avec Curnonsky, ses rapports avec l’opium, son goût pour les cartes postales, ses difficultés à faire bouillir la marmite et mille autres choses qui le rendent particulièrement attachant.
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Don Miguel Ruiz, Les quatre accords toltèques : la voie de la liberté personnelle, Jouvence, 2016.
Éphéméride. “25 janvier [1941].
Ils sont habiles dans leur propagande. Depuis un mois, on crevait littéralement de faim. Les boucheries étaient vides. On mangeait pour uniques légumes des rutabagas. Tout le monde souffrait.
Les journaux annonçaient que cette disette avait pour cause le “marché noir”, c’est-à-dire clandestin, ce qui n’est pas vrai. Si le marché noir existe, son activité porte sur quelques tonnes de marchandises. Les feuilles disaient aussi qu’il fallait s’en prendre à Vichy qui se préoccupait peu de la zone libre. Ce n’était pas vrai non plus. Les Allemands faisaient aux abattoirs des réquisitions massives et prélevaient en général sur toutes les denrées.
Depuis que Laval est rentré en grâce : on collabore. Les boucheries regorgent. On ne fait plus queue. On peut choisir du bœuf, du veau ou du mouton. Ainsi, il apparaît que seule la mauvaise volonté qu’on peut mettre à collaborer est responsable de tout.
Ce matin, ma servante me racontait qu’une femme disait dans une boucherie :
– Tout de même, il vaut mieux se collaborer…” (Maurice Garçon, Journal 1939-1945)
JEUDI.
Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Patricia MacDonald, Personne ne le croira, Le Livre de poche, 2016.
VENDREDI.
Le cabinet de curiosités du notulographe. Enseigne à Aubusson (Creuse), photo de l’auteur, 5 août 2016.
SAMEDI.
Films vus.
Mon beau-père, mes parents et moi (Meet the Fockers, Jay Roach, E.-U., 2004)
Joséphine s’arrondit (Marilou Berry, France, 2016)
Le grand méchant loup (Nicolas Charlet & Bruno Lavaine, France, 2013)
Le nouveau stagiaire (The Intern, Nancy Myers, E.-U., 2015)
Le Pacte des loups (Christophe Gans, France, 2001)
Joy (David O. Russell, E.-U., 2015)
Seuls sont les indomptés (Lonely Are the Brave, David Miller, E.-U., 1962).
L’Invent’Hair perd ses poils. Hommage à Penelope Fillon.
Moyen (Meurthe-et-Moselle), photo de Francis Henné, 27 août 2010
Poil et plume. “La lumière poussiéreuse donne au Salon de coiffure une allure tarabiscotée, encore que ce ne soit pas un vrai Salon de coiffure — c’est tout simplement la première pièce du rez-de-chaussée aménagée tant bien que mal. Le matériel est pauvre : deux paires de ciseaux (l’un à bout pointu, l’autre à lames crantées), un blaireau au poil ras, des rasoirs émoussés, des savons, quelques peignes, une brosse, et un gigantesque bavoir en vichy bleu pour les clients. Il lave rarement le bavoir, se contentant de le secouer dès que la coupe est finie; le bavoir a été si peu lavé, que chaque carré du vichy possède son poil. Tête-Dure est un peu dégoûté. Sur sa nuque, il sent le fin cordon gras dont le nœud est raide de graisse et de crème capillaire.” (Francesco Pittau, Tête-Dure)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
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