26 avril 2020 – 879

DIMANCHE.
                   Courriel. Une demande de désabonnement aux notules.
                   Vie d’après. “Les  grands festivals et les événements avec un public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à la mi-juillet”. Depuis cette déclaration d’Emmanuel Macron, les organisateurs desdits événements et festivals ont dû se rendre à l’évidence. Mais si beaucoup ont annoncé une annulation, nombreux sont ceux qui tablent encore sur un report, dans un délai aussi bref que possible. Ce qui devrait nous valoir un calendrier sportif et culturel d’une densité peu commune à la fin de l’été. La semaine type de fin août début septembre serait susceptible d’accueillir, d’après nos calculs, une vingtaine de festivals de cinéma, musique ou théâtre, neuf salons du livres, quatre tournois de tennis, trois courses de Formule 1, cent vingt matchs de football et autant des autres sports collectifs, douze courses cyclistes dont le Tour et le Giro, soixante-treize courses en short (trails, runs, triathlons et marathons), cent cinquante-neuf vide-greniers et et trente-huit foires à la saucisse, sans oublier les bals du 14-juillet. On ne pourra plus dire que l’on s’ennuie.
                   Lecture. Théologie des chemins de fer, de la vapeur et du feu (Antoine Madrolle, Th. Pitrat Éditeur, 1842 pour l’édition originale, rééd. Éditions des Cendres, 2003; 152 p., 21 €).
                                 Antoine Madrolle (1792-1861) bénéficie d’une entrée dans Les Fous littéraires d’André Blavier, ce qui constitue son seul titre de gloire aujourd’hui. Bruno Duval, qui commente cette édition, prétend que son nom est cité dans le Sottisier de Bouvard et Pécuchet mais je ne l’y ai pas trouvé, en fait il doit apparaître dans les brouillons. En revanche il figure bien, et à plusieurs reprises, dans La Colline inspirée de Maurice Barrès. Madrolle fut en effet un disciple de Vintras, prophète auto-proclamé, et à ce titre, se rendit à Sion, fréquenta les frères Baillard, et finit même par recueillir l’un d’eux lorsque ceux-ci furent chassés du sanctuaire. D’où la présence de Madrolle, de façon assez développée, dans Les Sources de La Colline inspirée, l’ouvrage de Joseph Barbier. Tout cela pour dire que Madrolle sut faire parler de lui en son temps, par une multitude d’écrits philosophiques, religieux et politiques composés, paraît-il, dans une cabane perchée au sommet d’un arbre “pour y écrire plus près de Dieu”. Madrolle prend ici prétexte d’un accident ferroviaire, le déraillement du Versailles-Paris du 8 mai 1842, pour livrer ses réflexions sur le progrès, la divine Providence et bien d’autres choses dans un salmigondis illisible plein de coq-à-l’âne, de fausses anagrammes, de citations latines (“encore heureux que Madrolle n’ait pas appris le grec”, soupire un de ses contemporains), visant à prouver, en gros, qu’il l’avait bien dit : “Madrolle était prophète, mais il écrivait ses prophéties après coup”, dira Raymond Queneau. Cette brève plaquette montre combien l’étude des fous littéraires peut être éprouvante et on plaint sincèrement ceux qui, comme Blavier, y ont consacré la plus grande partie de leur temps. On peut s‘amuser un brin, c’est sûr, avec Brisset, Paulin Gagne ou quelques autres mais la plupart du temps c’est totalement indigeste.
MARDI.
           Lecture. Schnock n° 28 (La Tengo, septembre 2018; 176 p., 15,50 €).
                         Alain Souchon & Laurent Voulzy
                         Décapage n° 58 (Flammarion, automne-hiver 2018; 172 p., 16 €).
                         “Les dessous de la dédicace”
MERCREDI.
                  Éphéméride. À Ottla
[Cachet : Prague, 22 avril 1917.]
“Très chère Ottla, tu n’as pas de reproches à te faire parce que tu n’écris que peu ou pas du tout. Le contraire me chagrinerait. En revanche j’aimerais bien par exemple qu’au lieu d’envoyer ton rapport directement à Karl, tu envoies d’abord la lettre à Prague comme tu l’a fait cette fois-ci, afin que nous ayons un aperçu de ton travail. Tout ce que tu écris me paraît raisonnable, pour autant que mes intuitions en matières d’agriculture me permettent d’en juger. L’idée d’enclore une partie du jardin est de moi ou peut-être d’Elli et de moi ou probablement de n’importe qui, donc aussi de toi. Du reste faut-il absolument que ce soit un cheval ? Des vaches ou des bœufs ne suffiraient pas ? Pendant un temps, je crois, on pouvait obtenir à bon compte des chevaux impropres au service militaire, par exemple des chevaux russes considérés comme butin; n’en a-t-on pas entendu parler là-bas ? Ruženka me donne beaucoup de conseils, mais j’y reviendrai. Et tête haute, comme on dit dans notre rue.
Ton Franz.” (Franz Kafka, Lettres à sa famille et à ses amis)
                    Lecture. La Fureur de la rue (Streets of Fire, Thomas H. Cook, 1989; Gallimard, 1992 pour la traduction française, rééd. Le Seuil, coll. Cadre noir, 2019, traduit de l’américain par Philippe Loubat-Delranc; 432 p., 23 €).
                                  Vendu comme du neuf, ce polar est en fait une nouvelle traduction des Rues de feu, qui date de l’époque où Thomas H. Cook était accueilli dans la Série Noire. Cook est né en Alabama, il était adolescent en 1963, date à laquelle il situe son roman qui se déroule à Birmingham, la ville la plus importante de cet état. Birmingham, 1963, c’est le foyer de la lutte pour les droits civiques et on comprend que les événements aient marqué l’auteur au point de le pousser à les recréer dans une fiction. Martin Luther King est d’ailleurs un personnage du roman, construit autour de la figure d’un flic qui se détourne de la tâche qui lui est assignée, la répression des émeutes, pour se consacrer à la recherche du meurtrier d’une fillette noire. Tout est lié bien sûr, le meurtre, le racisme, le rôle des forces de l’ordre avec, en toile de fond, la corruption politique et policière. La dimension psychologique du personnage, tiraillé entre sa hiérarchie et ses convictions, intéresse l’auteur plus que la description des scènes de foule, et il s’en fera une spécialité dans ses romans plus tardifs, comme Au lieu-dit Noir-Étang ou Le Crime de Julian Wells.
JEUDI.
          Lecture. Revue des Deux Mondes, juillet-août 2018 (192 p., 15 €).
                       “Le rire est-il mort ?”
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Restriction de la circulation automobile en période de confinement.
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Paris (Seine), avenue Ledru-Rollin, photo de Jean-Damien Poncet, 27 août, 2017 / Lieu oublié, photo d’Antoine Fetet, 22 avril 2018
SAMEDI.
              Films vus. La Fille aux yeux d’or (Jean-Gabriel Albicocco, France – Italie, 1961)
                               L’Amour à la mer (Guy Gilles, France, 1964)
                               Missouri Breaks (The Missouri Breaks, Arthur Penn, É.-U., 1976)
                               Adorable menteuse (Michel Deville, France, 1962)
                               Tristesse Club (Vincent Mariette, France, 2014)
                               Édith et Marcel (Claude Lelouch, France, 1983)
                               Le Masque de Zorro (The Mask of Zorro, Martin Campbell, É.-U. – Allemagne – Mexique, 1998).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Lamalou-les-Bains (Hérault), photo de Nathalie Valdevit, 12 mai 2011 / Le Tampon (La Réunion), photo d’Antoine Fetet, 17 mars 2015
              Poil et plume. “Quelle force au monde pourrait m’empêcher d’avoir envie d’elle ? Je voudrais savoir le goût qu’auraient ses cheveux si je les mâchais.” (Henry de Montherlant, Pitié pour les femmes)
Bon dimanche,
Philippe DIDION
                              

19 avril 2020 -878

DIMANCHE.

Vie de confiné.

878-min

La Didionnée est en vacances. Faute de jardin, balcon ou terrasse – voire de résidence sur l’île de Ré – les filles ont investi, au prix de quelques acrobaties, le toit du garage pour profiter du soleil pascal. Je reste au logis pour lancer la corde de rappel en cas de besoin. Cela fait des semaines que je n’ai pas été au boulot mais j’ai tout de même allègrement augmenté mon temps de travail à m’escrimer sur l’ordinateur pour garder le contact avec les élèves. C’est que la fameuse “continuité pédagogique” chère au ministre Blanquer, c’est pas de la tarte. Le mot d’ordre est l’équivalent de celui de Poutine, qui voulait traquer les terroristes “jusque dans les chiottes”. Les terroristes, pour les pontes du monde scolaire, ce sont les élèves qui ont disparu des radars, qui ne se connectent pas aux plates-formes en carton bouilli fournies par l’Éducation nationale. Peu importe la raison : il faut absolument débusquer les délinquants et les remettre au boulot. Inutile de dire que j’ai montré peu de zèle dans cette chasse aux braconniers, me contentant de bosser avec ceux qui répondaient à l’appel, ils étaient d’ailleurs très nombreux. Maintenant, la traque continue : les autorités ont appelé à faire travailler les élèves pendant les vacances et, bien entendu, il s’est trouvé des âpres-au-gain volontaires pour cette tâche. Très peu pour moi.

LUNDI.

Lecture. Un fleuve de ténèbres (River of Darkness, Rennie Airth, 1999 pour l’édition originale, de Fallois, 2000 pour la traduction française, rééd. France Loisirs, 2002, traduit de l’anglais par Jean Rosenthal; 480 p., s.p.m.).

Originaire d’Afrique du Sud, Rennie Airth est un romancier rare : cinq titres entre 1969 et 2014, dont celui-ci, sommet de sa carrière, couronné par le Grand Prix de littérature policière. C’est le début des années 1920 dans le sud de l’Angleterre. Une famille est massacrée dans son manoir. À la baïonnette. On recherche donc un ancien combattant dans une enquête qui commence comme un roman policier dans la pure tradition britannique : le village coquet avec son constable débonnaire, Scotland Yard qui débarque, les interrogatoires au pub local, théière fumante et bière tiède. C’est très plaisant, avec le petit goût suranné des histoires d’Agatha Christie, mais l’auteur va ajouter à cela le contexte de l’après-guerre avec ses traumatismes, ses blessures, ses souvenirs, ses deuils. Deux doigts de romance, une dose de freudisme naissant pour tenter d’expliquer les motivations secrètes de l’assassin, action réflexion, une deux, c’est réglé comme du papier à musique militaire. Une réussite incontestable à laquelle Rennie Airth donnera une suite, “beaucoup moins captivante” selon le Dictionnaire des littératures policières de Claude Mesplède.

MARDI.

               Lecture. Les Étoiles vagabondes (Bloujdaïouchtchie Zwezdy, Isaac Babel, 1926 pour l’édition originale, traduit du russe par Sophie Benech, in « Œuvres complètes », Le Bruit du temps, 2011; 1312 p., 39 €).

Scénario d’après le roman de Sholem Aleikhem.

MERCREDI.

Éphéméride.15 avril [2002]

Cette étudiant en lettres se trouve en seconde année de licence et son père est professeur de faculté – en lettres ou en psychologie. En réponse à mes questions, elle me parle de ses lectures. Elle a été passionnée par La Chute, mais n’a pas eu la curiosité de lire d’autres livres de Camus. Je lui suggère de lire Lettres à un jeune poète, et elle me demande si Rilke est un auteur américain.” (Charles Juliet, Apaisement : Journal VII 1997-2003)

Lecture. Histoires littéraires n° 74 (Du Lérot éditeur, avril – mai – juin 2018; 176 p., 25 €).

Henry de Groux – Les Deux Orphelines – Baudelaire – Sainte-Beuve – Sapeck – Tailhade.

Où l’on apprend que figure, au palmarès des mystifications dues à l’inégalable Paul Masson, un Dictionnaire des principaux peintres aveugles. Roland Topor avait-il cela en mémoire lorsqu’il fit paraître Les Photographies conceptuelles d”Erwahn Ehrlich (1894-1961), cet Ehrlich étant, on l’aura deviné, un photographe lui aussi privé de la vue ?

JEUDI.

Lecture. La Femelle du Requin n° 51 (été 2019; 94 p., 10 €).

Jean-Bernard Pouy – Diego Trelles Paz.

Vie des grands hommes. Extrait de Vosges Matin du jour : “En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, le préfet des Vosges a pris un arrêté le 8 avril portant interdiction de “rassemblements statiques” dans le cadre des déplacements dérogatoires autorisés par l’article 3 du décret du 23 mars. […] Sur son mur Facebook, le Vosgien A.D. critique également la décision du préfet ainsi qu’un autre arrêté interdisant l’accès aux jeux pour enfants, difficile à expliquer à sa fille de 4 ans. L’ancien lanceur d’alerte explique ainsi vouloir entrer “en résistance” : “ma fille fera de la balançoire”. Nous sommes en guerre. Nous avions déjà soixante millions de virologues, des chefs, des héros, des corbeaux. Il ne nous manquait plus qu’un Jean Moulin des bacs à sable.

VENDREDI.

Lecture. L’Éclat d’obus (Maurice Leblanc, 1923, rééd. in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 2, Omnibus 2004, 1240 p., 23 €).

La première version de ce roman date de 1915 et marque la volonté de Maurice Leblanc de participer à l’effort de guerre. Il s’agit donc d’une épopée patriotique au sein de laquelle les Français, braves d’entre les braves, s’opposent à des Allemands dépeints comme des brutes épaisses, des barbares sans nom. Leblanc fait la part belle aux rumeurs de l’époque comme celle des enfants belges aux mains coupées par l’envahisseur et on n’est pas loin, dans certaines pages, de la Polychésie de la race allemande du fameux docteur Bérillon. Au-delà de ces traits d’époque, L’Éclat d’obus est un roman mouvementé, plein de rebondissements et de péripéties dont l’accumulation finit par donner un peu le tournis. En 1923, afin d’introduire ce titre dans la série des aventures de son héros, Maurice Leblanc fit intervenir brièvement Arsène Lupin au détour d’un chapitre.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Promenade du chien en période de confinement.

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Dussen (Pays-Bas), photo de Jean-François Fournié, 9 août 2008 / Chaumont (Haute-Marne), photo du même, 23 juillet 2019

SAMEDI.

  Films vus. Jeff (Jean Herman, France – Italie, 1969)

Model Shop (Jacques Demy, France – É.-U., 1969)

Monsieur Taxi (André Hunebelle, France, 1952)

Hitler, connais pas (Bertrand Blier, France, 1963)

Pourquoi tu pleures ? (Katia Lewkowicz, France, 2011)

  Une intime conviction (Antoine Raimbault, France – Belgique, 2018)

La Vieille qui marchait dans la mer (Laurent Heynemann, France – Italie, 1991).

L’Invent’Hair perd ses poils.

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Cavaillon (Vaucluse), photo de Philippe de Jonckheere, 9 juillet 2011 / Le Val-d’Ajol (Vosges), photo de l’auteur, 17 février 2017

Poil et plume. “La raie qui sépare les cheveux de la femme est une chose qui révèle l’enfant qu’elle est… Blanche, raisonnable, émouvante, se voit en elle, en son petit sentier blanc, une intimité adorable… C’est un clair sincère au milieu de l’artifice et de la coquetterie provocante de sa chevelure… Baiser cette raie, c’est marquer le zénith de notre domination, c’est poser un baiser raisonnable et pénétrant sur le plus haut sommet de la femme pour qu’il la parcoure jusqu’aux pieds, pour qu’elle devienne plus à nous.” (Ramón Gómez de la Serna, Échantillons)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 avril 2020 – 877

LUNDI.
           Vie de confiné. ”Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau… Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne… Je mange et bâille et lis, rien ne me passionne…” Jules Laforgue a déjà vécu ça en son temps. Et aujourd’hui ? Vitrines borgnes, rideaux de fer, terrasses vides. Silence. Le prochain bus dans une heure. Ou deux. Fuir, là-bas fuir. À quoi bon ? Toutes les villes ressemblent à Guéret.
           Lecture. La Ville et les Chiens (La ciudad y los perros, Mario Vargas Llosa, Editorial Seix Barral, 1963 pour l’édition originale, Gallimard, 1966 pour la première traduction française, rééd. Bibliothèque de la Pléiade, in “Œuvres romanesques I”, 2016, traduit de l’espagnol par Bernard Lesfargues, révision par Albert Bensoussan, Anne Picard et Ina Salazar; 1876 p., 72,50 €).
                         Il n’y a pas, à proprement parler, d’œuvres de jeunesse, de tâtonnements plus ou moins brouillons chez Mario Vargas Llosa. Un petit recueil de nouvelles et c’est tout de suite l’explosion, la maturité avec La Ville et les Chiens. L’autobiographie y tient une bonne place puisque l’auteur se souvient de sa propre expérience pour relater le quotidien d’une bande de cadets (les chiens du titre) pensionnaires d’une école militaire de Lima. Mais l’autobiographie n’est pas que factuelle, elle est aussi littéraire : Vargas Llosa y paie son tribut à Faulkner avec un récit éclaté aussi bien dans le temps que dans l’instance narrative. La modernité du récit lui vaudra l’appui d’écrivains de renom qui permettra de vaincre les censures espagnole (le roman paraît d’abord en Espagne franquiste) et péruvienne. Car la charge est lourde, contre l’institution militaire et la société péruvienne dans son ensemble, la langue est crue, comme les situations décrites. L’abord n’est pas facile, il faut un bon moment avant de repérer qui parle et à quel moment de l’histoire on est parvenu mais la tension du récit, la gravité des événements relatés, le suspense qui s’installe petit à petit finissent par vaincre les difficultés du départ et l’impression finale est qu’on a ici affaire à un romancier de haute tenue, qui sait où il va, persuadé que son ambition artistique finira par payer. C’est le cas.
MARDI.
            Lecture. Bouclard n° 2 (Bouclard Éditions, 2019; 64 p., 10 €).
MERCREDI.
                  Éphéméride. Au docteur Saltas
Paris, le dimanche matin [8 avril] 19[06]
“Cher ami,
J’ai bien reçu votre mot hier, mais trop tard pour venir à 5 h. Je ne suis rentré qu’à 6 h ½ de la Bibliothèque, où je continuais la mise en français de La Papesse. Je suis au 1/3 de la 3e partie. Si vous le voulez bien, je vais me permettre de ne pas venir aujourd’hui dimanche, mais ceci dans l’intérêt de la besogne. Voici pourquoi : je dois remettre à Fasquelle au plus tard mardi les deux chapitres manquants de La Dragonne, si nous voulons pouvoir lui remettre La Papesse deux ou trois jours après. Or aujourd’hui dimanche est un jour où je ne suis pas dérangé et j’ai toutes chances de terminer le brouillon cette nuit (je vais travailler toute la journée et une partie de la nuit) et de recopier demain.” (Alfred Jarry, Correspondance)
                  Lecture. Détour dans l’inconnu (Detour to Death, Helen Nielsen, 1953 pour l’édition originale, Presses de la Cité, coll. Un Mystère n° 444, 1958 pour la traduction française, traduit de l’américain par Louis Saurin, rééd. in « Polars années 50 », vol. 2, Omnibus, 1996; 1078 p., 145 F).
JEUDI.
          Lecture. Miles et Juliette (Salva Rubio / Sagar, Delcourt, 2019; 82 p., s.p.m.).
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Précautions postales en période de confinement.
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Photo de Victorio Palmas, préposé, 28 octobre 2018
SAMEDI.
              Films vus. En solitaire (Christophe Offenstein, France – Belgique – Espagne, 2013)
                               La Poursuite infernale (My Darling Clementine, John Ford, É.-U., 1946)
                               Deux fils (Félix Moati, France – Belgique, 2018)
                               Méli-mélo à Venise (Blame It on the Bellboy, Mark Herman, R.-U. – É.-U., 1992)
                               Jours tranquilles à Clichy (Claude Chabrol, France – Italie – Allemagne, 1990)
                               Little Big Man (Arthur Penn, É.-U., 1970)
                               Acusada (Gonzalo Tobal, Argentine – Mexique, 2018).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Paris (Seine), rue Oberkampf, photo de Pierre Cohen-Hadria, 18 juin 2011
              Poil en plaque.
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Paris (Seine), photo de l’auteur, 26 août 2017
Bon dimanche,
Philippe DIDION

5 avril 2020 – 876

MARDI.

              Lecture. L’Offrande grecque (Greeks Bearing Gifts, Philip Kerr, Quercus, 2018 pour l’édition originale, Le Seuil, 2019 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Jean Esch; 480 p., 22,50 €).

                            Premier roman publié après la mort de Philip Kerr (y en a-t-il d’autres dans les tiroirs ?), L’Offrande grecque vaut surtout par la peinture du cadre dans lequel officie Bernie Gunther, le héros récurrent de la série : Athènes, le poids de la mythologie, le souvenir d’Homère… Pour ce qui est de l’intrigue, on fera le même constat que pour l’aventure précédente, Les Pièges de l’exil : trop compliquée, on n’y comprend pas grand-chose – sans que cela gâche le plaisir que l’on a à suivre ce personnage unique depuis ses débuts dans la trilogie berlinoise, qui constitue le meilleur de l’œuvre.
MERCREDI.
                  Éphéméride. Jeudi 1er avril 1982
J’ai des nouvelles de Frédéric Vitoux par sa femme Nicole. Ça a été très grave : il a failli y rester, totalement ou partiellement. Il a encore des trous de mémoire, est incapable d’écrire un roman (la critique, ça va). Notre enregistrement est passée [sic] sur antenne à l’émission “Agora” : comme prévu. Sauf les chœurs de l’Armée Rouge au début, qui, surtout par rapport à la suite, paraissent un peu forts de café, l’ensemble est assez convaincant. Dommage qu’une femme, après l’émission, rappelle que “la fête nationale de Riratu est le 1er avril”. Cela dégonfle tout. Je m’étais pourtant, le jour même, opposé à toute rectification, et Olivier avait accepté. La lui a-t-on imposée ? Il n’était peut-être pas au courant.” (Marc Hanrez, Poste restante : Un journal littéraire (1954-1993)
JEUDI.
          Vie capillaire. Même confiné, le cheveu pousse, le poil s’allonge. La raie devient canyon, la frange tombe en rideau, la frisette tourne au nœud de vipères et la gerbe remplace l’épi. Les salons sont fermés, l’Invent’Hair seul les considérant comme commerces de première nécessité. À la fin de notre réclusion, le brave Blanquer aura l’allure d’un Vercingétorix. Nous sortirons alors, hagards, hirsutes, avec le bronzage d’Edmond Dantès et la coiffure de l’abbé Faria.
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carte postale, Plonk & Replonk, collection de l’auteur
          Lecture.
                       La Nouvelle Revue française n° 632 (Gallimard, septembre 2018; 160 p., 15 €).
                       Revue des Deux Mondes, mai 2018 (208 p., 15 €).
                       “Quel héritage possible pour Mai 68 ?”
VENDREDI.
                  Le cabinet de curiosités du notulographe. Difficultés d’approvisionnement en période de confinement.
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Saint-Pierre (Martinique), photo de Sylvie Mura, 4 février 2018 / Tarbes (Hautes-Pyrénées), photo de Michèle Pambrun, 22 août 2019
SAMEDI.
              Films vus. Boniface somnambule (Maurice Labro, France, 1951)
                               Grand départ (Nicolas Mercier, France, 2013)
                               Les Trois Visages de la peur (I tre volti della paura, Mario Bava, France – Italie – É.-U., 1963)
                               A Star Is Born (Bradley Cooper, É.-U., 2018)
                               La Poursuite impitoyable (The Chase, É.-U., 1966)
                               Parasite (Gisaengchung, Bong Joon Ho, Corée du Sud, 2019)
                               Corrina, Corrina (Jessie Nelson, É.-U., 1994).
              L’Invent’Hair perd ses poils.
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Bourg-en-Bresse (Ain), photo de Martine Sonnet, 20 juin 2011 / photo de Jean-Damien Poncet, 22 septembre 2018
              Poil et pellicule.
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 Avant toi (Me Before You, Thea Sharrock, R.-U. – É.-U., 2016)
Bon dimanche,
Philippe DIDION