30 mai 2021 – 930

DIMANCHE.                   

Vie en salle. Retourné au cinéma. Revu Cyrano.  

  MARDI.            

Lecture. Les Jardins d’Éden (Pierre Pelot, Gallimard, coll. Série Noire, 2021; 256 p., 18 €).                          

Pierre Pelot avait dit qu’on ne l’y reprendrait plus, qu’il posait la plume et qu’on n’entendrait plus parler de lui. Apparemment, la Série Noire a su se montrer convaincante. Chez lui, on s’en réjouit : à Remiremont, où j’ai acheté le livre, je n’avais pas fait dix pas dans la rue quand un quidam, avisant l’objet, m’est tombé sur le poil : “Alors, il est bien le nouveau Pelot ?”    

MERCREDI.                   

Éphéméride. “26 mai [1916] –  J’ai vu des officiers australiens avec un losange blanc sur le bras.” (Raymond Queneau, Journal du  Havre, 1914-1920)    

JEUDI.           

Lecture. Allez-y, Jeeves (Carry On, Jeeves, P.G. Wodehouse, Herbert Jenkins, 1925 pour l’édition originale, U.G.E., coll. 10/18, 1994 pour la traduction française, rééd. in « Jeeves », Presses de la Cité, coll. Omnibus, 1990, traduit de l’anglais par Dominique Haas; 1280 p., 145 F).             

Brève de trottoir.  

    VENDREDI.                  

Vie professionnelle. Le petit C. est un de mes élèves, en classe de quatrième. Ces dernières semaines, j’ai vu ses traits se creuser, son énergie s’éteindre. Hier, j’ai appris la mort de sa mère, A. S., 40 ans, des suites d’une sale maladie. On l’enterre aujourd’hui à 10 heures. En arrivant au boulot ce matin, je me suis enquis auprès de l’administration si le collège serait représenté. “Ah ben non, il n’y a rien de prévu, on enverra une carte”. Bel effort, on aurait pu se contenter d’un SMS. En revanche, on peut être sûr qu’il ne manquera pas un bouton de guêtre ni une note de clairon pour accueillir je ne sais quel chef à plumes académico-rectoral qui doit assister à une course à pied organisée par le collège un peu plus tard dans la journée. J’ai beau avoir été échaudé par l’indifférence avec laquelle avait été accueillie récemment la mort de G., du corps de balais, je n’arrive pas à ne pas bouillir devant ce que je considère comme du mépris, ce qui attise ma hâte de quitter ce milieu et ce qu’il est devenu. Je me souviens de la première fois où j’ai connu la disparition d’un parent d’élève, la mère de la jeune C. G. C’était il y a bien longtemps, je venais d’arriver au collège. Les obsèques avaient lieu dans l’église de Pallegney, ou Zincourt peut-être, un de ces villages dont sont issus la plupart de mes élèves. Je m’étais déplacé pour y assister, comme la moitié du bahut d’ailleurs, c’était une autre époque. Autant dire qu’il y avait foule et que l’église s’était révélée trop modeste pour accueillir tout ce monde. J’avais suivi la cérémonie, comme beaucoup de gens, debout sur le parvis. Dans une allée du cimetière qui ceignait l’église, deux costauds avaient garé leur camionnette dans une allée, sorti leurs outils et mettaient la dernière main à la préparation de la fosse qui devait accueillir la boîte à dominos. Je ne sais plus en quelle saison cela se passait, si c’était l’hiver et que la terre était gelée ou s’il venait de pleuvoir et qu’elle collait à la pioche, toujours est-il que les types en bavaient et le faisaient savoir. Leurs “Putain’’, “Merde” et “Saloperie” zébraient étrangement le silence de la foule recueillie. Au bout d’un moment, j’ai abandonné la contemplation de mes godasses pour lever le nez en leur direction et mon cœur s’est liquéfié. Sur le flanc de la camionnette s’étalait en belles lettres la raison sociale de l’entreprise commise pour la tâche : “Pompes funèbres Didion”. J’ai souhaité aller m’allonger dans le trou et ne plus jamais en sortir.                    

Le cabinet de curiosités du notulographe. Foi et téléphone.  

  Paris (Seine), rue de Wattignies, photo de Jean-Damien Poncet, 27 août 2017

Troyes (Aube), photo de l’auteur, 26 octobre 2019    

SAMEDI.             

Films vus.

  • Falling (Viggo Mortensen, Canada – R.-U. – É.-U., 2020)                              
  • Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne (The Adventures of Tintin, Steven Spielberg, É.-U. – Nouvelle-Zélande – R.-U. – France – Australie, 2011)                             
  • Joyeuse retraite ! (Fabrice Bracq, France, 2019)                              
  • Versailles Rive-Gauche (Bruno Podalydès, France, 1992)                              
  • La Route de Salina (Georges Lautner, France – Italie, 1970)                              
  • Un homme à abattre (Philippe Condroyer, France – Espagne, 1967)                              
  • Mandibules (Quentin Dupieux, France, 2020).               

L’Invent’Hair perd ses poils.  

Nantes (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 18 décembre 2011               

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 8 mars 2020. 52 km. (38 551 km).  

100 habitants     

Pas de monument aux morts visible.               

Poil et pellicule.  

Monnaie de singe (Monkey Business, Norman Z. McLeod, É.-U., 1931)    

Bon dimanche,  

Philippe DIDION    

23 mai 2021 – 929

LUNDI.           

Lecture. Les Aveux (The Tenth Interview, John Wainwright, Macmillan London Limited, 1986 pour l’édition originale, Sonatine, 2020 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Laurence Romance; 208 p., 20 €).

Sonatine poursuit l’exhumation des titres de John Wainwright, auteur anglais qui eut son heure de gloire quand Claude Miller adapta l’un d’eux, À table !, pour en faire Garde à vue. Un face-à-face implacable entre un policier et un suspect, un procédé que l’écrivain semble affectionner puisqu’il l’utilise dans Une confession, autre polar posthume paru lui aussi chez Sonatine, et dans ces Aveux. Sauf qu’ici, les aveux ne sont pas à arracher : l’homme qui vient se livrer à la police déclare tout de go qu’il a empoisonné son épouse. Facile, trop facile pour le policier, convaincu que cette confession cache quelque chose de plus grave, ce qui donnera lieu à une surprise finale qui vaut le détour.

MERCREDI.                  

Éphéméride. Germain Nouveau à un éditeur  

“Paris, 12 mai 1889.  

Cher Monsieur,  

Toujours cette question du pseudonyme à laquelle je suis forcé de revenir. Vous savez que je suis loin d’être libre et que j’ai beaucoup de ménagements à garder. Aussi vous prierais-je de vouloir bien ne pas faire annoncer mon volume encore… je crains fort que je ne sois obligé d’en revenir à ma première idée, c’est-à-dire de faire un tirage sans nom d’éditeur, et à un nombre plus restreint d’exemplaires. Auquel cas il me resterait à vous demander mille pardons pour le dérangement que je vous aurais causé, tout en demeurant votre obligé.

Veuillez croire, cher Monsieur, à mes meilleurs sentiments.  

Germain Nouveau.  

P.-S. Je verrai bientôt M. Jouve à ce sujet.  

G.N.  

Germain Nouveau 130 ter, Bd Clichy.” (Germain Nouveau, Correspondance)    

JEUDI.          

Vie familiale. Les routes sont plutôt fréquentées aujourd’hui, tout le monde a des fourmis dans les pneus. Nous comme les autres, qui profitons de l’espace de nouveau ouvert pour gagner Talence et retrouver Lucie, en poste ces temps-ci aux Archives départementales de la Gironde. La halte pique-nique a lieu à Ciry-le-Noble (Saône-et-Loire) où nous avons nos habitudes, au bord du canal du Centre. Un groupe de carpistes est à l’affût. Au moment de quitter les lieux, je vais rôder autour de leurs lignes, histoire de me documenter pour ma campagne estivale en Creuse. J’ai la surprise, partagée, de reconnaître sous la casquette d’un des pêcheurs un ancien élève, désormais installé dans le coin. Ils sont partout, disait Bergounioux. Jusqu’ici, à trois cents kilomètres et plus du collège qui nous abritait il y a dix ans peut-être. Les souvenirs ne sont amers ni pour l’un ni pour l’autre et c’est tant mieux : le gonze est désormais de taille à me balancer à la flotte d’une seule main.    

VENDREDI.                  

Vie aquitaine. Le temps est clément, nous passons une partie de la journée sur la plage du Grand-Crohot, histoire de saluer le vieil océan “aux vagues de cristal”. En chemin, nous faisons halte à Lège-Cap-Ferret pour découvrir le lotissement de Lège, une des premières réalisations de Le Corbusier dont les éléments ont encore une belle tenue et dont la structure cubique ne surprend plus, tant elle est devenue commune ces derniers temps. Plus décati apparaît le fronton de pelote basque, un peu inattendu en ces lieux.                    

Le cabinet de curiosités du notulographe. Réouverture des restaurants.  

  Carcassonne (Aude), photo d’Olivier Bertin, 17 juillet 2015

Nantes (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 4 octobre 2018                    

Lecture. Pnine (Vladimir Nabokov, Doubleday, 1957 pour l’édition originale, Gallimard, 1962 pour la traduction française, rééd. in “Œuvres romanesques complètes III”, Bibliothèque de la Pléiade n° 648, 2020, traduit de l’anglais par Maurice Couturier; 1602 p., 78 €).                                

Il a fallu attendre dix ans pour voir paraître ce troisième tome des romans de Nabokov postérieurs à Lolita mais cela valait la peine à la lueur de ce premier texte. Nabokov, en 1957, est devenu pleinement un écrivain américain. Il s’approprie les codes de la littérature locale – il l’a déjà fait dans Lolita avec le voyage – auxquels il imprime sa particularité russe. Mieux, il invente presque un genre, en est en tout cas un des pionniers, le campus novel, promis à un beau succès. Pnine est en effet le nom d’un professeur d’université, d’origine russe bien sûr, méprisé et moqué par ses collègues. Nabokov n’a jamais manifesté une grande tendresse pour ses personnages mais Pnine est un véritable jeu de massacre dont personne ne sort indemne. Professeurs, étudiants, tous sont la cible d’une ironie féroce qui n’épargne pas Pnine lui-même, mais seul celui-ci parvient à une sorte de grandeur par son côté pathétique. Pressé de s’intégrer au monde universitaire américain, Nabokov ne se fait pas d’illusions à son sujet. Il se coulera dans le moule et d’ailleurs, au vu de ses cours sur les écrivains européens parus dans le recueil Littératures I, son propos n’était pas non plus transcendant. Mais c’est l’écrivain qui est ici à l’œuvre : méchant, drôle, incroyablement habile dans la construction de ses longues phrases, il est à son meilleur.     

SAMEDI.              

Vie aquitaine. Le temps est pluvieux, ce sera un book day. Pour rester dans la tonalité de la veille, j’achète Proust à la plage, déniche deux plaquettes de Bergounioux et complète l’ensemble avec une récente traduction de Max Aub. Aïe, place des Quinconces un faux-pas, les guiboles qui partent en point mousse et un gadin majestueux suivi d’un bain forcé dans une flaque d’eau de la taille d’un petit étang ponctue la sortie, décidément aquatique de bout en bout.

Films vus.

  • Les Envoûtés (Pascal Bonitzer, France, 2019)                               
  • Les Portes de la nuit (Marcel Carné, France, 1946)                               
  • Tire-au-flanc 62 (Claude de Givray, François Truffaut, France, 1960)                               
  • Au nom du père (In the Name of the Father, Jim Sheridan, Irlande – R.-U., 1993)                               
  • Money Monster (Jodie Foster, É.-U., 2016).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Couëron (Loire-Inférieure), photo de Bernard Bretonnière, 18 octobre 2011

Nantes (id.), photo du même, même date                

Poil et pellicule.  

Monsieur Verdoux (Charles Chaplin, É.-U., 1947)    

MARDI.            

Lecture. Je ne suis pas un héros (Cause for Alarm, Eric Ambler, 1938 pour l’édition originale, Presses de la Cité, coll. Un Mystère n° 44, 1951 pour la traduction française, traduit de l’anglais par S. Lechevrel, rééd. in « Polars années 50 », vol. 2, Omnibus, 1996; 1078 p., 145 F).                          

Jacques Baudou, dans sa présentation du recueil, explique l’originalité de la collection Un Mystère par la variété des genres policiers qu’elle aborde (suspense, espionnage, roman noir), l’opposant à la Série Noire, selon lui limitée au roman noir, et au Masque, voué au seul roman d’énigme. C’est aller un peu vite en besogne et oublier que la Série Noire a aussi sorti des romans estampillés “Espionnage” et d’autres labellisés “Western”. En tout cas, Je ne suis pas un héros est bien une histoire d’espionnage située dans l’Italie pré-mussolinienne. Une histoire peu claire, d’ailleurs, mais qui réserve une bonne surprise avec le récit d’une fuite des protagonistes jusqu’à Belgrade au prix d’un parcours haletant. Roman d’espionnage moyen, mais roman d’aventure réussi, donc.    

MERCREDI.                   

Vie de terrasse. À six heures ce matin, D., le patron du bistrot d’en face, a déjà sorti tables et chaises et déployé ses parasols – imperméables, espérons-le – sur le trottoir. Je gagne les lieux une heure plus tard et renoue avec le tiercé qui faisait mon ordinaire avant la grande glaciation : Libération, L’Équipe et Vosges Matin, histoire de ne pas monter le ventre creux dans le 7 heures 43. D’habitude, j’étale tout ça sur le comptoir, il me faut de la place, ici on m’appelle L’Albatros. Mais seules les terrasses sont autorisées… Le temps est frais, venteux, vraiment pas idéal pour lire un canard en plein air mais c’est à peu près la seule activité manuelle dans laquelle je montre un peu d’habileté : je pourrais lire tous les cahiers du Sunday Times à la pointe du Raz sans en froisser une page. Je livre la brève de trottoir de la semaine destinée aux amateurs de contrepèteries (“Des terrasses pour les radines”) et salue les connaissances, encore rares asteure. Tous les habitués d’antan ne sont pas revenus mais le plaisir est vif de retrouver le flot des lycéens qui déferlent de la gare et de revoir quelques trognes connues, comme Monsieur R., déjà en route pour un arpentage de la ville qui va l’occuper jusqu’au soir, Y., fidèle commissionnaire de mes tickets de PMU, et ceux de la cloche qui s’apprêtent à prendre faction devant la Poste.                                     

Éphéméride. À Robert de Montesquiou  

Ce mardi matin [19 mai 1896 ?]  

Cher Monsieur,  

Je n’ai pas répondu hier à ce que vous m’avez demandé des Juifs. C’est pour cette raison très simple : si je suis Catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est Juive. Vous comprenez que c’est une raison assez forte pour que je m’abstienne de ce genre de discussions. J’ai pensé qu’il était plus respectueux de vous l’écrire que de vous le répondre de vive voix devant un second interlocuteur. Mais je suis bien heureux de cette occasion qui me permet de vous dire ceci que je n’aurais peut-être jamais songé à vous dire. Car si nos idées diffèrent, ou plutôt si je n’ai pas indépendance pour avoir là-dessus celles que j’aurais peut-être, vous auriez pu me blesser involontairement dans une discussion. Je ne parle pas bien entendu pour celles qui pourraient avoir lieu entre nous deux et où je serai toujours si intéressé par vos idées de politique sociale, si vous me les exposez, même si une raison de suprême convenance m’empêche d’y adhérer.  

Votre

Marcel PROUST.” (Marcel Proust, Lettres)      

VENDREDI.                  

Lecture. Histoires littéraires n° 3 (Du Lérot éditeur, juillet-août-septembre 2000; 200 p., 120 F).                                  

Je t’oublierai tous les jours (Vassilis Alexakis, Stock, 2005, rééd. Gallimard, coll. Folio n° 4488, 2007; 258 p., 7,50 €).

Quand Vassilis Alexakis est mort, en janvier dernier, j’ai fait le bilan de ce que j’avais lu de lui et me suis aperçu que ce titre avait échappé à mes radars. Cette ultime pièce du puzzle franco-grec que constitue son œuvre nous donne l’occasion de faire le point sur le chantier intitulé “Les uns et les otes” dont la dernière mise à jour date du mois d’août 2018. Depuis cette date, j’ai appris dans Le Monde diplomatique de juillet 2020 que Kalymnos (Grèce) est l’île des Kalymniotes. Dans le numéro 23 du Publicateur du Collège de ‘Pataphysique (mars 2020), Alain Chevrier mentionne les Candiotes (de Candie, l’ancien nom de l’île de Crète), indique que les Chypriotes sont aussi des Cypriotes et que Massalia, la Marseille antique, était peuplée de Massaliotes. La revue Esprit (n° 426, juillet-août 2016), rendant compte du livre de Lorand Gaspar intitulé Carnet de Patmos, écrit : “L’histoire dit que les Patmiotes s’enrichirent en approvisionnant les voiliers de la flotte vénitienne”. Notons que Boris Vian évoque les gymnotes dans Trouble dans les andains,mais il s’agit de poissons d’eau douce. Enfin, Vassilis Alexakis m’apprend aujourd’hui que les Cardianiotes habitent Cardiani, village situé sur l’île de Tinos (on trouve ces noms plus fréquemment écrits avec un K initial).        

Le cabinet de curiosités du notulographe. Misère de la signalisation routière en Creuse.

  Saint-Hilaire-la-Plaine, photos de l’auteur, 24 juillet 2017    

SAMEDI.             

Films vus.

  • La Sonate à Kreutzer (Éric Rohmer, France, 1956)                              
  • Alexandre (Alexander, Oliver Stone, É.-U. – R.-U. – Allemagne – Pays-Bas – France – Italie – Maroc – Thaïlande, 2004)
  • Marie Chantal contre Dr. Kha (Claude Chabrol, France – Italie – Espagne – Maroc, 1965)                              
  • Continuer (Joachim Lafosse, Belgique – France, 2018)                              
  • L’Évadé d’Alcatraz (Escape from Alcatraz, Don Siegel, É.-U., 1979)                              
  • La Sainte Famille (Louis-Do de Lencquesaing, France, 2018).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Colmar (Haut-Rhin), photo de Sylvie Bernasconi, 23 novembre 2011

Brou (Eure-et-Loir), photo de Christiane Larocca, 16 octobre 2018                

Poil et plume. “Je me souviens que dans la rue on reconnaissait Georges Perec à des centaines de mètres : sa coiffure “Afro” et sa barbiche donnaient à son visage le rayonnement d’un masque primitif.” (Harry Mathews, “À Georges Perec”, Bibliothèque oulipienne n° 23)    

Bon dimanche,

Philippe DIDION

9 mai 2021 – 928

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 23 mai 2021.    

LUNDI.           

Lecture. L’Énigme du pont couvert (The Problem of the Covered Bridge, Edward D. Hoch, Ellery Queen’s Mystery Magazine, 1974 pour l’édition originale, in Vingt mystères de chambre close, Terrain Vague Losfeld, 1988 pour la première traduction française, traduit  de l’américain par Danièle Grivel, rééd. in in « Mystères à huis clos », Omnibus, 2007; 1148 p., 27 €).                         

Nouvelle.    

MERCREDI.                  

Éphéméride.

[cachet de la poste du 5 mai 1937]                                        

« À : 21, Osnabrücker Str., b/ Prof Geballe, Berlin-Wilmersdorf c/o Fondaminski, 130, av. de Versailles [Paris]  

My love, mon cher amour, je note que dans ta dernière lettre (otherwise delightful), il n’y a pas un mot sur ton départ. Au sujet du passeport : bien entendu, je prends un permis pour toi et pour moi (à propos, Rodzianko se souvient bien d’Evseï Laz. C’est un homme massif, aux larges épaules, avec une barbe et des lunettes noires – il est le neveu de Mar. Pavlovna). Je suis très inquiet de n’avoir toujours pas reçu cette autorisation (qui donne droit à un passeport “français”), car j’ai fait la demande en février et ai appris en mars que l’affaire suivait son cours et se présentait bien.” (Vladimir Nabokov, Lettres à Véra)    

JEUDI.          

Lecture. Le Voyage du canapé-lit (Pierre Jourde, Gallimard, coll. Blanche, 2019; 272 p., 20 €).                        

Le point de départ en vaut un autre : amené à convoyer un canapé-lit de Créteil jusqu’à la maison de campagne familiale en Auvergne, l’auteur profite du voyage pour raconter les souvenirs ressuscités par cet objet et ces lieux. Vie de famille, vie littéraire et vie intérieure sont ainsi livrées au lecteur… qui cherche en vain à s’y intéresser. Les anecdotes sont plates et interminables, le ton faussement détaché sonne faux, l’humour tombe à plat, rien n’accroche, rien ne mord. La multiplication des clins d’œil lourdingues sous forme d’adresses au lecteur (“Voyez mon beau subjonctif imparfait”, ce genre) est digne d’un mauvais San-Antonio, les coups de griffe aux confrères (Chevillard, Haenel) sont sans effet et sans valeur, bref, le voyage est morne et on s’endort dans ce fameux canapé-lit. Pierre Jourde prend la pose, se présente en observateur ironique d’un milieu littéraire qu’il fait semblant de détester alors qu’il y est parfaitement intégré.    

VENDREDI.                 

Le cabinet de curiosités du notulographe. Images pieuses.  

  Langres (Haute-Marne), photo de Jean-François Fournié, 8 avril 2018

Paris (Seine), rue des Volontaires, photo d’Alain Hardebolle, 7 décembre 2019  

SAMEDI.              

Bestiolaire local. Identification d’un Carabe doré.                

Films vus.

  • Les Souvenirs (Jean-Paul Rouve, France, 2014)                               
  • Seules les bêtes (Dominik Moll, France – Allemagne, 2019)                               
  • Massacres dans le train fantôme (The Funhouse, Tobe Hooper, É.-U., 1981)                               
  • L’Esprit de famille (Éric Besnard, France, 2019)                               
  • Thelma & Louise (Ridley Scott, É.-U., 1991)                               
  • The Offence (Sidney Lumet, R.-U. – É.-U., 1973)                               
  • La Fièvre du samedi soir (Saturday Night Fever, John Badham, É.-U., 1977).              

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Rennes (Ille-et-Vilaine), photo de Bernard Bretonnière, 9 novembre 2011

Chénérailles (Creuse), photo de l’auteur, 1er août 2014  

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 28 février 2020. 151 km. (38 499 km).

71 habitants

   Le monument a déjà été photographié le 4 mars 2012, lors de la visite de Grandrupt, commune limitrophe sur laquelle il est installé.

Poil et plume. “Et tu peux être certain qu’une fois que j’aurai réglé ce problème, une autre merde me tombera sur le coin de la gueule et achèvera de me rendre fou à lier. Une merde genre la COUPE DE CHEVEUX dont j’ai besoin ! Or, si je ne connais pas la peur du dentiste, je TREMBLE à l’idée d’aller chez un coiffeur ! Lui et tous ceux de sa race, Frank, sont de tels CONNARDS. Et je vais t’expliquer pourquoi. Tu connais leur truc le plus tueur ? Non ? Eh bien, quand ils en ont fini avec toi, il faut qu’ils fassent tourner ton fauteuil pour que, BANG, tu te retrouves en face de leur MIROIR, et que tu sois obligé de contempler ta TRONCHE sous le prétexte qu’il te faut admirer leur COUPE et vérifier, tu parles d’une faute, qu’il n’y a pas de cheveux qui traînent sur toi.” (Charles Bukowski, Le Retour du vieux dégueulasse)

Bon dimanche,  

Philippe DIDION    

2 mai 2021 – 927

LUNDI.           

Lecture. Schnock n° 33 (La Tengo, décembre 2019; 176 p., 15,50 €).                          

Lino Ventura.    

MARDI.            

Lecture. Metropolis (Philip Kerr, Quercus, 2019 pour l’édition originale, Le Seuil, 2020 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Jean Esch; 400 p., 22 €).                          

Voilà trente ans que le policier berlinois Bernie Gunther est apparu sous la plume de l’Écossais Philip Kerr. Après la coup de maître que constitua La Trilogie berlinoise – jamais on avait lu une reconstitution aussi précise, documentée et passionnante de l’atmosphère du Berlin des années 1930 dans la littérature policière – Philip Kerr a trimballé son héros sur tous les théâtres de la Seconde Guerre mondiale et de ses conséquences : du front de l’Est à l’Amérique du Sud, des Balkans à la Côte d’Azur en passant par la Grèce et la Pologne. Ce dernier roman, posthume, marque un retour aux racines : on retrouve Gunther à Berlin, au début de sa carrière, en 1928. C’est le Berlin d’Alfred Döblin et d’Alexanderplatz, une ville folle marquée par la pauvreté, la prostitution, le crime, des tares auxquelles les Nazis frais éclos entrevoient de mettre fin par les méthodes que l’on sait. Comme toujours, Philip Kerr soigne l’ambiance, les détails, le tableau est fidèle à la réalité qu’on imagine. Comme toujours, son personnage côtoie des personnes réelles mais aux figures politiques habituelles il ajoute, cette fois, des artistes qui témoignent de la vitalité culturelle de la scène berlinoise dont beaucoup d’acteurs seront forcés à l’exil : on a parlé de Döblin mais il est aussi question de Kurt Weill, de Fritz Lang, de Brecht, et Gunther fait la connaissance d’Otto Dix et de George Grosz. C’est un beau point final pour une œuvre magistrale, volumineuse et captivante.    

MERCREDI.                   

Éphéméride.                                       

« 28 avril  [1925]  

On n’imagine pas la grossièreté de l’Action française. Léon Daudet traite tout le monde d’assassins, d’abrutis, de péteux, etc. Et les suppositions les plus graves ! Et ça se dit chrétien ! Jugements téméraires, calomnies : tout est bon, pour soutenir des idées politiques et satisfaire les passions de même ordre. Charles Maurras se met de la partie et traite Briand de “poisson décomposé”. Je trouve que la France périt de ses divisions, périt de sa presse, périt de ses parlementaires, de ses bavards, périt de son orgueil, périt des jérémiades perpétuelles.” (Abbé Mugnier, Journal 1879-1939)    

VENDREDI.                  

Lecture. L’Instituteur et le Sorbonagre : 50 propos sur l’école de la République (Alain, Mille et une nuits n° 589, 2011; 136 p., 4 €).                    

Le cabinet de curiosités du notulographe. Les riches heures de la poste.  

  Gérardmer (Vosges), photo de l’auteur, 13 avril 2017

Le Fantôme de la liberté (Luis Buñuel, France – Italie, 1974)    

SAMEDI.              

Films vus.

  • Lulu on the Bridge (Paul Auster, R.-U. – É.-U., 1998)                               
  • Cosa Nostra – L’Affaire Valachi (The Valachi Papers, Terence Young, Italie – France, 1972)                               
  • La Nuit au musée 2 (Night at the Museum 2 : Battle of the Smithsonian, Shawn Levy, É.-U. – Canada, 2009)
  • La Chance et l’Amour (Claude Berri, Charles L. Bitsch, Claude Chabrol, Éric Schlumberger, Bertrand Tavernier, France – Italie, 1964)                               
  • New York, New York (Martin Scorsese, É.-U., 1977)                               
  • Une veuve en or (Michel Audiard, Italie – France – R.F.A., 1969).                

Lecture. Les Domaines hantés (Other Voices, Other Rooms, Truman Capote, Random House, 1948 pour l’édition originale, Gallimard, 1949 pour la traduction française, rééd. in “Œuvres”, coll. Quarto, 2014, traduit de l’américain par Maurice-Edgar Coindreau; 1472 p., 32 €).                

L’Invent’Hair perd ses poils.  

  Paris (Seine), rue Lamarck, photo de Pierre Cohen-Hadria, 17 décembre 2011

Beaucaire (Gard), photo d’Hervé Bertin, 10 janvier 2014                

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 9 février 2020. 87 km. (38 348 km).  

518 habitants     

Le monument bénéficie d’un vaste square avec portillon, enceinte grillagée, arbres émondés et parterre gravillonné. Il trône sur une plate-forme au pied de laquelle le drapeau tricolore est malmené par un vent tempétueux. Son aspect massif s’explique par le fait qu’il ne s’agit pas d’une construction d’après 1918 mais d’un monument dédié aux morts de la guerre de 1870. Un côté porte l’inscription “À la mémoire des soldats français morts au champ d’honneur le 6 octobre 1870”, un autre “Cette face porte les blessures des obus allemands de 1914”, le troisième “Ici reposent les corps de 97 français”. C’est donc sur le dernier côté que figurent les noms de 14-18, sous le titre :  

À la mémoire

Des enfants de St Remy

Morts pour la France

1914-1918  

  Militaires  

1914                    1916

RAPEBACH Henri                    FERRY Félix

CLERC Joseph                    MANGIN Lucien

COLIN Camille                    DUVIC Georges

BOULAY Joseph                    CLERC Ignace

1915                    1917

THOMAS Alexandre                    PARMENTIER Alfred

RAPEBACH Henri                    1918

RAMICHE Lucien                    CHENAL Marcel

BOULANGEOT Jules                    FERRY Aimé

GERARDIN Gustave                    COLIN Ernest

CHARPENTIER Paul                    LEDOUX Paul 1919  

Victimes civiles  

BOULANGEOT Marie 1914

GERARDIN Lucien ….

CHARPENTIER Alfred

              Poil et plume. “L’étape suivante de son voyage le conduisit à Philadelphie, ville où son éditeur officiel avait son siège. Il y découvrit qu’il y était encore plus populaire : plus d’une fois des jeunes femmes armées de ciseaux tentèrent de lui dérober quelques mèches qu’elles espéraient garder en souvenir. Il évita tout incident jusqu’à ce que, par une journée particulièrement chaude, il entrât dans une petite échoppe de barbier pour s’y faire couper les cheveux. Le lendemain, alors qu’il repassait devant, il vit en vitrine un carton MARTIN TUPPER entouré de médaillons dorés proposés à la vente. Chacun des médaillons contenait une boucle de ses cheveux que le barbier s’était empressé de ramasser sitôt l’écrivain parti.“ (Paul Collins, La Folie de Banvard)

Bon dimanche,  

Philippe DIDION