10 septembre 2023 – 1025

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 8 octobre 2023.

DIMANCHE.

Les Clients de la Noctiluque(Pierre Véry, in « Les Intégrales du Masque », tome 2, 1994; 980 p., s.p.m.).

Pièce radiophonique.

LUNDI.          

La notulie s’est pliée en quatre pour retrouver l’auteur de l’alexandrin mystérieux mentionné dans le dernier numéro et les réponses n’ont pas tardé. L’audacieux ‘’De poule, à ce moment, c’est la chair que nous eûmes” figure dans un article intitulé « Petits tourments » et paru dans le numéro du 15 avril 1940 de La Revue de Paris. Il fait partie d’un distique cité sans nom d’auteur, dans un amusant dialogue sur l’inversion des mots en poésie signé Tristan Derème. On peut légitimement penser que le vers en question est de lui. Dans un ouvrage de 1941 (Tourments, caprices et délices ou Les Poètes et les Mots), Derème fait dire les vers suivants à l’un de ses personnages : “De France, lisez vous, Madame, le Mercure ?”; “C’est de Montmorency Madame la Duchesse”; “De chemin, mon ami, suis ton petit bonhomme !”, dont Brassens saura se souvenir. Merci à Christian Dufour, Élisabeth Chamontin et Alain Chevrier pour leurs recherches. Et puisque nous sommes dans les remerciements, adressons-en aussi une brassée à Philippe de Jonckheere qui revient aujourd’hui sur ma collection de tickets de caisse pour me signaler l’existence du livre Je paie, d’Emmanuel Adely (Inculte, 2016), “quinze ans de dépenses scrupuleusement répertoriées, 800 pages de tickets de caisse remis en contexte par des commentaires laconiques sur l’actualité de chaque jour de dépense.” Grâce aux moyens de communication dont on dispose aujourd’hui, on finit toujours par apprendre que quelqu’un est allé plus loin que soi dans n’importe quel domaine, quelle que soit l’originalité dont on pensait avoir fait preuve en croyant le découvrir ou l’inventer. C’est magique.

C’est aujourd’hui la rentrée pour les radios, la fin des programmes d’été qui auront été d’une rare indigence. Il fut un temps où j’attendais avec impatience ces programmes, remplis de richesses et de découvertes. Les temps ont changé, les budgets aussi. Les chaînes de Radio France ne proposent plus que du réchauffé, des rediffusions d’émissions de l’année passée, ce qui n’a plus aucun sens à l’heure du podcast qui rend tout ce corpus disponible à toute heure. Au rayon produits frais, c’est la disette. France Inter donne trois diffusions du Masque et la Plume dans la même journée, les Grandes Traversées de France Culture ne durent plus qu’un heure contre trois heures par jour à leurs débuts, et là aussi on a droit à des rediffusions. France Musique réussit tout de même à sortir la tête hors de l’eau avec quelques belles séries et surtout la poursuite de Retour de plage, de Thierry Jousse et Laurent Valero, dont la programmation musicale est un enchantement. Le chat est maigre mais dans le fond, ça ne me dérange guère : je n’écoute quasiment plus la radio en direct, j’ai remplacé mes milliers de cassettes par des milliers de podcasts dûment rangés et classés et dix vies ne me suffiront pas pour écouter tout ce que j’ai en stock.

MARDI.

La Soupe aux choux de Jean Girault (Thibaut Bruttin, Yellow Now, coll. “Côté films” n° 45, 2023; 144 p., 14 €).

2023, l’année de La Soupe aux choux ? La revue Schnock de décembre dernier avait déjà soulevé le couvercle de la soupière, la parution de cette étude au printemps en avait dévoilé le contenu et, cet été, deux articles parus dans la presse nationale en avaient remis une louche. Le premier, “La Soupe aux choux, bouillon de culture” (Libération, 16 août) était dû à l’excellent Jacky Durand qui, tout en mettant l’accent sur le côté culinaire de la chose, ne manquait pas de clamer son goût pour le Fallet de Banlieue sud-est et de Paris au mois d’août. Deux jours plus tard, c’est Mara Goyet, à qui Le Monde offrait une rubrique quotidienne pour parler de sa “bibliothèque insolite”, ce qui changeait agréablement de ses écrits sur son métier de professeure exemplaire, qui parlait de cet “ovni de la cinéphilie”. Dans sa chronique, Mara Goyet réalisait l’exploit de remplir une pleine colonne sur La Soupe aux choux sans mentionner une seule fois le nom de René Fallet. Thibaut Bruttin, lui, ne néglige pas le roman qui a donné naissance au film. Son étude fouillée donne le détail des liens amicaux tissés entre Louis de Funès et Fallet au moment de l’adaptation. Son but n’est pas de réhabiliter le film, dont le succès populaire toujours vivace efface la critique assassine dont il est l’objet de la part des spécialistes, mais de montrer que Fallet, Jean Girault et de Funès avaient été, peut-être sans le vouloir, un peu visionnaires dans leur peinture d’une France en voie de disparition. Une histoire, en fait, “terriblement triste” comme le souligne Mara Goyet qui, à la lueur de ce livre, a révisé son jugement sur le film. C’était sans doute l’ambition de Thibaut Bruttin avec ce livre.

MERCREDI.                  

À O’Connell“

« [Bruxelles,] 30 août 1864.

Monsieur,

Je viens d’ écrire à M. Nadar, à votre sujet. Je lui dis simplement que je le prie de reporter sur vous la faveur qu’ il avait bien voulu me faire, et qu’ il lui sera impossible de trouver ici un compagnon plus agréable que vous. – J’ajoute que si je ne suis pas ici lors des fêtes, vous vous présenterez vous-même chez lui. Vous trouverez toujours l’adresse de M. Nadar chez M. Ghémar, rue de l’Écuyer ou rue Neuve-Sainte-Gudule.”

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments bien distingués.

CHARLES BAUDELAIRE.” Correspondance)

VENDREDI.                 

Barbie écrase la concurrence. Et pas qu’au cinéma.

Richebourg (Haute-Marne), photo de Jean-François Fournié, 16 juin 2018

Montpellier (Hérault), photo de Jean-Damien Poncet, 13 décembre 2021

SAMEDI.                           

  • Close (Lukas Dhont, Belgique – Pays-Bas – France, 2022)                              
  • L’Or du duc (Jacques Baratier, France – Italie, 1965)
  • À contretemps (En los márgenes, Juan Diego Botto, Espagne – Belgique, 2022)                              
  • Simone, le voyage du siècle (Olivier Dahan, France, 2021)                              
  • Les Naufrageurs (Charles Brabant, France, 1959).             

Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), photo de Christophe Hubert, 7 août 2012

Guillestre (Hautes-Alpes), photo de Jean Prod’hom, 22 septembre 2020

“Newt était grand, mais de façon étirée, maigrichonne. Et s’il avait bien les cheveux bruns, ce n’étaient absolument pas des accessoires de mode, mais un simple amas de minces fils noirs qui poussaient en groupe sur le dessus de sa tête. Ce n’était pas la faute de Newt; quand il était plus jeune, il allait tous les deux mois chez le coiffeur au coin de la rue, en tenant une photographie soigneusement déchirée dans un magazine, sur laquelle un homme à la coupe de cheveux incroyablement cool souriait à l’objectif; il montrait la photo au coiffeur et lui demandait de lui couper les cheveux comme ça, s’il vous plaît. Et le coiffeur, qui connaissait son travail, jetait un seul coup d’œil à la photo et lui faisait sa coupe de base, tout terrain : court dessus et sur les côtés. Au bout d’un an, Newt comprit qu’il n’avait pas le genre de visage qui met une coupe de cheveux en valeur. La seule chose qu’il pouvait espérer, après une séance chez le coiffeur, c’est d’avoir les cheveux plus courts.” (Terry Pratchett & Neil Gaiman, De bons présages)

DIMANCHE.                  

Identification d’un Souci.

LUNDI.           

Nous sommes donc ces jours-ci en altitude, au sommet du col du Corbier précisément, commune du Biot, département de Haute-Savoie, en amicale compagnie. Pour venir, nous sommes passés à deux pas de chez Louis Pergaud, traversant le cadre de La Guerre des boutons. J’ai travaillé presque exclusivement dans un collège qui portait le nom de Louis Pergaud. C’est aujourd’hui la rentrée des classes, dans ce collège et ailleurs, et ne peux m’empêcher d’y penser même si le son des clarines remplace ici avantageusement celui de la sonnerie d’appel. Ce n’est pas la première rentrée que j’ai le droit de manquer mais les années précédentes j’avais des préoccupations sanitaires qui reléguaient cet événement au second plan. Cette année, je retrouve, de façon totalement injustifiée, les sensations qui étaient miennes à cette époque. Peut-être que les deux ou trois jours que j’ai passés, avant de venir ici, entre courbatures, suées et claquements de dents, n’y étaient pas étrangers. On n’efface pas d’un coup de gomme quarante ans de verte trouille.

MARDI.            

Paul à la campagne (Michel Rabagliati, La Pastèque, 1999; 48 p., 12,30 €).

MERCREDI.                  

Histoires littéraires n° 87 (Du Lérot éditeur, juillet-août-septembre 2021; 200 p., 25 €).

Nerval – Verlaine – Les sacrilèges zutiques – Claudel – Carlo Rim – Montherlant – Bruller-Vercors & Romains – Gilles Philippe.                  

Me. 6.9.1995

Je quitte la maison vers onze heures. Tout le monde a repris. Cathy est au laboratoire, Jean à la faculté, Paul au lycée. Je descends, à pied, à la gare, change à Denfert, à Trocadéro et sors à Iéna. Les beaux quartiers sont merveilleux, sous le soleil. Oui, mais dans un couloir du métro, il y avait un homme, de mon âge, peut-être un peu plus vieux, sa canne d’aveugle serrée contre lui, tenant, d’une main, une sébille, vide, de l’autre, jouant d’un harmonica et j’ai passé en coup de vent pour attraper la rame qui arrivait et cette image, le remords de ne m’être pas arrêté, de n’avoir rien donné, me poursuivront tout le jour.” (Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1991-2000)

JEUDI.         

Le Mur des silences (Pagnarmúr, Arnaldur Indridason, Forlagid, 2020 pour l’édition originale, Métailié, coll. “Noir”, 2022 pour la traduction française, traduit de l’islandais par Éric Boury; 336 p., 22 €).

VENDREDI. 

Artistes en reconversion, photos de l’auteur.

Bordeaux (Gironde), 24 février 2022

Montluçon (Allier), 2 août 2016

Je pars pour Nancy par le 10 heures 43, retrouve les filles pour une croûte en plein air à la Pépinière, devant les écureuils et au son des perruches à collier. Nous faisons une brève incursion sous le chapiteau, déjà en surchauffe, du Livre sur la Place. Les auteurs ne sont pas encore derrière leurs piles, j’imagine que l’ami Burgelin, que j’aurais aimé saluer, ne viendra que demain recevoir son Goncourt de la biographie pour son livre sur Perec. Mais l’équipe des Refusés est déjà sur le pont et je peux prendre livraison du dernier numéro de la revue qui accueille toujours aimablement mes élucubrations. Après une bonne demi-heure d’attente sous le cagnard qui plombe la place Stanislas, nous parvenons à grappiller trois entrées pour l’Opéra d’où est diffusée en direct l’ émission de France Inter Affaires sensibles. Je laisse les filles, rentre at home par le 16 heures 55, le temps de m’éponger un brin et je prends le bus de 18 heures 24 pour la Colombière. J’y retrouve la famille venue de Montbéliard assister à la déroute du SAS. Retour à pied, à temps pour la seconde mi-temps de France – All Blacks à la télévision. Normalement, je devrais bien dormir cette nuit.                 

S.A. Épinal – F.C. Sochaux-Montbéliard 0 – 3.

SAMEDI.                           

  • Coup de théâtre (See How They Run, Tom George, É.-U. – R.-U., 2022)                              
  • Top secret (The Tamarind Seed, Blake Edwards, R.-U. – É.-U., 1974)                              
  • Armageddon Time (James Gray, É.-U. – Brésil, 2022)                              
  • L’Ange noir (Jean-Claude Brisseau, France, 1994).             

Paul a un travail d’été (Michel Rabagliati, La Pastèque, 2022; 160 p., 21 €).             

Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), photo de Christophe Hubert, 7 août 2012

Nicosie (Chypre), photo de Pierre Cohen-Hadria, 22 septembre 2017

”Trois autres personnes assistaient à sa séance. Mrs Ormerod, de Belsize Park, dont le chapeau vert bouteille avait dû être un pot de fleurs lors d’une existence antérieure; Mr Scroggie, mince et livide, avec des yeux délavés et exorbités; et Julia Petley de Deux mèches avec vous (1), le salon de coiffure de la grand-rue, fraîchement émoulue de l’école et convaincue qu’elle possédait elle-même des dons occultes inexplorés.

(1) Anciennement Je fais ce que Cheveux, anciennement Oldies but Bigoudi, anciennement Cheveux de Frise, anciennement Shampooing à la ligne, anciennement Chez Jean-Philippe, Diplômé en Capilliculture, anciennement Chez Robinson, Coiffeur, anciennement Allô Taxis.” (Terry Pratchett & Neil Gaiman, De bons présages)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

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