10 mars 2024 – 1046

Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 24 mars 2024.

LUNDI.

La Toussaint (Pierre Bergounioux, Gallimard, coll. “ Blanche””, 1994, 144 p., 15,50 €).

Sur la couverture de L’Orphelin, deux ans avant La Toussaint, on pouvait encore lire “roman” à la suite du titre, ce qui ne masquait en rien la réalité d’un règlement de comptes autobiographique entre l’auteur et son père. La Toussaint creuse le même sillon, sans artifice fictionnel cette fois. Il s’agit de montrer encore une fois comment un enfant, prisonnier des raideurs familiales et géographiques, a pu s’en échapper par la fuite, une double fuite, physique grâce au départ et intellectuelle grâce à la lecture. Cela a donc déjà été dit, cela sera encore dit dans les livres à venir, au point que l’on ne peut s’empêcher de constater que Bergounioux radote un peu. Ce qui est peut-être nouveau ici, c’est l’exposition claire du contraste entre l’ascendance paternelle, obscure, de la Corrèze, et l’autre, lumineuse, du Quercy, avec la mise en avant de la figure du grand-père maternel, mort trop tôt pour sauver l’enfant de la chape de plomb familiale.

MARDI.

La Jeune Fille et la Mer (Catherine Meurisse, Dargaud, 2021; 116 p., 24,50 €).

Cet album est le résultat d’une résidence offerte à Catherine Meurisse au sein de la Villa Kujoyama de Kyoto. Elle se met en scène, carnet de croquis à la main, à la découverte du Japon, de ses paysages, de ses traditions qui, manifestement, la passionnent. Savoir si cela passionne tout autant le lecteur ou la lectrice, c’est autre chose, en tout cas, Catherine Meurisse n’est pas Mario Levrero : quand une fondation lui offre de quoi exercer son art, elle se met au boulot. Cette histoire de résidence me fait penser à Olivier Rolin, lequel, moins chanceux, s’est vu offrir un séjour de deux mois (février et mars, les meilleurs) entre Limoges et Guéret. Guéret, il connaît, Rolin, habitué qu’il est des Rencontres de Chaminadour. Seulement, les Rencontres, ça ne dure que quelques jours, plutôt agréables à vivre pour les auteurs. Ils colonisent un hôtel local, célèbrent leurs retrouvailles de façon festive sous l’œil malicieux de papy Bachelot et font honneur aux produits locaux. Bien sûr cela ne va pas sans certains inconvénients, la troupe arrive systématiquement en retard aux conférences, le public poireaute, qu’importe, il n’a qu’à acheter nos livres en attendant, ça l’occupera. Il y a deux ans, Yannick Haenel n’était même pas venu l’après-midi du deuxième jour, un malaise selon le communiqué officiel. Plus avant, je me souviens de la mine un rien chiffonnée d’Olivier Rolin qui avait dû manifestement se faire violence pour participer à la dernière causerie programmée, quelle idée, le dimanche matin. Depuis, d’ailleurs, les séances du dimanche matin ont été supprimées. Donc un week-end à Chaminadour, ça va, un hiver à Guéret, c’est autre chose. Écrire sur les lieux, comme Catherine Meurisse au Japon ? Jouhandeau a déjà tout dit sur le coin. Et Rolin qui venait de finir un livre, Vider les lieux, dans lequel il racontait sa peine à devoir quitter son logis de la rue de l’Odéon… Expulsé, limogé, enterré à Guéret. Lors des prochaines Rencontres de Chaminadour, qui seront consacrées à Homère, Rolin pourra parler en connaisseur de Charybde et Scylla. En attendant, lui aussi a bossé et de sa résidence agreste est sorti un livre sur deux personnages secondaires des Misérables. Sûr qu’il a eu le temps de relire le bouquin deux ou trois fois sans être dérangé.

MERCREDI.                 

“Nous puisons dans nos forces pour gravir les derniers mètres de la pente, puis nous nous effondrons : nous n’aurions pas fait un pas de plus. Toujours cette impression, au moment où l’effort cesse, le but étant atteint, que, nous aussi, nous sommes à bout et que nous avons tout donné. C’est faux, évidemment, nous aurions trouvé en nous des ressources encore s’il avait fallu parcourir trois mètres de plus. Cette impression d’épuisement ne se vérifie en somme que lorsque nous rendons le dernier soupir – il n’est même au vrai d’autre soupir de soulagement que celui-ci.” (Éric Chevillard, L’Autofictif prend un coach)

VENDREDI.                 

Aperçu d’une collection de cocottes.

Musée de l’image, Épinal (Vosges)

Metz (Moselle), photo de l’auteur, 28 janvier 2023

Décapage n° 66 (Flammarion, automne-hiver 2022; 172 p., 16 €).                               

Jakuta Alikavazovic.

SA Spinalien – Marignane-Gignac-Côte Bleue FC 0 – 2.

SAMEDI.

  • The Night Clerk(Michael Cristofer, É.-U., 2020)                              
  • Une vie (One Life, James Hawes, R.-U., 2023)                              
  • Butcher’s Crossing (Gabe Polsky, É.-U., 2022)                              
  • Place aux jeunes (Make Way for Tomorrow, Leo McCarey, É.-U., 1937)                              
  • Les Têtes givrées (Stéphane Cazes, France – Belgique, 2022)                              
  • L’Assassinat de Jesse James by the Coward Robert Ford (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, Andrew Dominik, É.-U. – Canada – R.-U., 2007).             

Paris (Seine), rue de Rochechouart, photo de Pierre Cohen-Hadria, 13 septembre 2012

Aigle (Suisse), photo de Martine Sonnet, 1er septembre 2018

“Ces cheveux ! J’arrive pas à m’expliquer comment un homme peut avoir des cheveux aussi raides. Y’a pas de doute, ça lui faisait honte. Il voulait se les aplatir et il s’achetait je sais pas quelle brillantine, il s’en baignait la tête pour que ses cheveux se hérissent pas, il devait en avoir mal au bras à force de se peigner et de se passer des saloperies. On aurait dit qu’ils se fixaient lorsque, tac, un cheveu se relevait, puis un autre, et puis cinquante, et puis mille, surtout ceux des pattes, là où les cheveux des serranos se hérissent comme des aiguilles, et derrière aussi, au-dessus de la nuque.” (Mario Vargas Llosa, La Ville et les Chiens)

Bon dimanche,

Philippe DIDION