28 janvier 2018 – 779

DIMANCHE.

Lecture. Derniers feux sur Sunset (West of Sunset, Stewart O’Nan, Viking, 2015 pour l’édition originale, Éditions de l’Olivier, 2016 pour la traduction française, traduit de l’américain par Marc Amfreville; 392 p., 23 €).

L’auteur retrace les trois dernières années de Scott Fitzgerald, celles qu’il passa, seul, à Hollywood. Il a besoin d’argent pour les soins de sa femme et les études de sa fille mais rien ne se passe comme il le souhaite : les scénarios sur lesquels il travaille n’aboutissent pas, les nouvelles qu’il réussit à placer sont mal payées, le roman qu’il met en chantier n’avance pas. Sans parler de la santé qui se dégrade, de l’alcool toujours présent… Comme beaucoup de ses confrères du moment, Stewart O’Nan choisit de mêler réalité et fiction et de faire de Fitzgerald un personnage de roman. La recette est connue, surtout de ce côté-ci de l’Atlantique, on se base sur les faits vrais, on utilise le matériau disponible (journaux, correspondance) et on brode, on invente des dialogues, des pensées, des actions. Comme on est à Hollywood, on fait apparaître au coin d’un décor Humphrey Bogart, Louis B. Mayer, Marlene Dietrich et compagnie, et vogue la galère. Cela peut donner lieu à des réussites éclatantes (Emmanuel Carrère) mais ce n’est pas toujours le cas. Stewart O’Nan ne parvient jamais – sauf dans les dernières pages, quand s’étend l’ombre de la mort – à donner du souffle à son histoire : les dialogues sont ternes, les scènes se succèdent mécaniquement sans aucun relief, c’est plat, plat, plat et vite ennuyeux. Les quelques pages du dernier livre de Catherine Cusset qu’on a lues récemment dans la NRf sont du même tonneau vide : le personnage choisi, David Hockney, a de l’envergure, une vie aussi romanesque que Fitzgerald, mais dans ce cas comme dans l’autre, il manque un écrivain capable de porter son récit.

MERCREDI.

Éphéméride. “17 janvier [1943] Dimanche

– Visite à Daon, qui a encore réussi à obtenir un sursis pour sa thèse : il est vraiment marrant, étendu sur son lit, drapé dans sa robe de chambre, l’œil vif et malin, les cheveux en désordre, au milieu d’une pagaïe extraordinaire d’assiettes de nouilles, de bidons d’alcool, de papiers, de postes de radio… Fait des comptes rendus, et un peu travaillé à G[eneviève] (médiocre). – Aujourd’hui, pas dépensé un sou….” (Jacques Lemarchand, Journal 1942-1944)

JEUDI.

   Lecture. Le Bouchon de cristal (Maurice Leblanc, Lafitte, 1912, rééd. in « Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin » vol. 1, Omnibus 2004, 1216 p., 23 €).

VENDREDI.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Curiosités horlogères.

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Montfaucon (Doubs), photo de J.-F. Fournié, 26 mai 2017 / Nancy (Meurthe-et-Moselle), photo de l’auteur, 11 février 2016

SAMEDI.

Films vus pendant la semaine. Jamais contente (Émilie Deleuze, France, 2016)

L’Homme qui voulut être roi (The Man Who Would Be King, John Huston, R.-U. – É.-U., 1975)

Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake, Ken Loach, R.-U. – France – Belgique, 2016)

The Social Network (David Fincher, É.-U, 2010)

Il a déjà tes yeux (Lucien Jean-Baptiste, France – Belgique, 2016)

Un nommé La Rocca (Jean Becker, France – Italie, 1961).

L’Invent’Hair perd ses poils.

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Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), photo de Philippe de Jonckheere, 30 avril 2011

IPAD (Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental). 8 novembre 2015. 33 km. (29845 km).

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508 habitants

   L’obélisque de granit gris, surmonté d’une Croix de Guerre, est à côté de l’église. Il est posé sur un socle dallé, entouré d’une grille ouvragée, au centre d’un parterre gravillonné. Les géraniums sont encore fleuris, le buis est bien taillé et une gerbe, déposée en une occasion inconnue, toujours présentable. Autres ornements : deux obus dressés de chaque côté de la flèche et une palme collée sur le socle.

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   Face :

Aux enfants de Padoux

Morts pour la France

1914-1919

AUBERT Léon 1914

BOURION René –

GAUDENOT Albert –

RICHARD Georges –

LUC Alphonse –

AUBERT Constant –

PIERRE Georges –

RENARD Joseph –

AUBERT Paul 1915

PIERRE Alphonse –

HOUOT Alfred –

LUC Joseph –

BALLAND Alphonse –

CUNY Marcel –

RICHARD René 1916

LECOANET Émile –

VALANCE Paul –

CHAUFFOUR Célestin –

GILLOT Joseph 1917

NOËL Georges 1918

LECOMTE Louis –

   Gauche :

BALLAND Louis 1925

PIERRE Octave 1928

1939-1945

MECKERT Ernest

AUBERTINY Eugène

PARISOT Louis

ROBINOT Hubert

   Droite :

1870-71

AUBERTIN Auguste

CLEMENT Alfred

LEBARRIERE Élisée

   Concernant Padoux, il existe un ex-voto intéressant dans la chapelle réservée à saint Antoine, à l’intérieur de la basilique Saint-Maurice à Épinal (Vosges).

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             Poil et plume. “Si j’étais à votre place, dit le coiffeur qui était un petit homme gras, à la figure ronde et douce, je commencerais à me faire un shampoing; ça vous éclaircira les idées, on pourrait aussi rafraîchir un peu M. Michaud, et pendant ce temps ma femme vous fricoterait quelque chose.

Ce fut arrangé ainsi. On frictionnait la tête de Jeanne avec de l’essence de lavande quand le fils du coiffeur accourut pour dire que l’armistice était signé.” (Irène Némirovsky, Suite française)

Vie littéraire. Je pars pour Paris par le 9 heures 29. À la Bibliothèque de l’Arsenal, j’assiste à l’Assemblée Générale de l’Association Georges Perec. À ma gauche, un étudiant qui s’est lancé dans la traduction de La Disparition en chinois (bon courage), à ma droite, la dame qui a acheté l’appartement que Perec occupa jadis rue Linné dans l’immeuble qui servit de modèle à La Vie mode d’emploi. Je lui demande si c’est en connaissance de cause, question idiote, sinon elle ne serait pas là. Elle sort son chéquier pour régler sa cotisation, je lui fais remarquer que sa nouvelle adresse ne figure même pas dessus. Pour le prix… Après la séance et le pot traditionnel au Sully, je prends la direction de la Gare de Lyon, puis RER jusqu’au Vésinet où je bénéficie d’un hébergement grâce à la plate-forme NotulAirbnb. Invitation amicale et chaleureuse bienvenue car l’hôtel miteux qui suffit d’habitude à mon ordinaire parisien est fermé – pour raisons sanitaires je suppose.

DIMANCHE.

Lecture. L’Amour après (Marceline Loridan-Ivens, avec Judith Perrignon, Grasset, 2018; 162 p., 16 €).

Cas rare d’un livre acheté (chez Compagnie) dès sa sortie (le 17 janvier) et aussitôt lu (dans le train du retour). Cas rare car j’achète rarement des nouveautés, non par manque d’intérêt mais parce que ma liste de livres à acquérir est tellement longue qu’il faut un bon bout de temps pour qu’une nouveauté ajoutée en bout de liste remonte tous les échelons avant qu’arrive le moment de procéder à son achat. En général, quand son tour survient, elle n’est d’ailleurs plus disponible en librairie et il faut la commander. Ce n’est pas grave : au moment où elle m’échoit, j’ai autre chose en route, j’ai perdu l’intérêt qui me l’avait fait repérer et je me contente de la ranger. Je ne regrette pas pour autant mon achat : je prends autant de plaisir, sinon plus, à ranger un livre qu’à le lire et la réorganisation, chaque été, de ma bibliothèque est un moment d’intense jubilation : penser, classer, trier, jeter, donner, garder… À Paris, ma foi, on peut s’offrir quelques entorses à la norme et le dernier ouvrage de Marceline Loridan-Ivens est un bon prétexte pour le faire. Même si je savais ce que j’allais trouver dans son livre car sa parole n’est pas rare. Il y est donc question, comme attendu, de Perec, de Francis Loridan, de Joris Ivens, de Simone Veil, de Birkenau, de Paris, de la Chine… Même si je savais ce que je n’allais pas y trouver, à savoir la réponse à la question que je me pose depuis que je connais ce personnage : que venaient faire à Épinal les Rozenberg, venus de Pologne, dans les années 1920 ? Dans Ma vie balagan, en 2008, Marceline en disait peu : elle est née ici en 1928, y est restée un an, y est revenue entre 1937 et 1940, avant le départ pour Bollène et l’arrestation. Dans un entretien radiophonique, en 2012, elle en disait un peu plus : sa mère, avant la guerre, “avait un banc au marché”. Qu’est-ce qu’on fait quand on a un banc au marché ? On vend des légumes, des poules, des lapins… Dans L’Amour après, elle ajoute quelque chose, mais pas sur la même période : Marceline a 19 ans, on est donc en 1947, elle vit à Paris avec sa mère et écrit que celle-ci “n’était pas là pendant la semaine, elle partait tenir sa boutique à Épinal.” Là, ce n’est plus la même chose, ce n’était pas une boutique de poules ou de lapins… Et puis une boutique, ça laisse des traces, il y a des impôts, des patentes, des registres… Je n’ai pas lu le livre précédent de Marceline, Et tu n’es pas revenu. Je vais le faire – il faudra d’abord l’inscrire en bout de liste et attendre que son tour vienne, on ne triche pas – et peut-être y trouverai-je quelques miettes à ajouter sur l’épisode spinalien des Rozenberg. Après, promis, je pars en chasse.

Vie spinalienne. Visite de l’exposition “La Fuite en Égypte” au Musée de l’Image. Lucie, qui effectuait un stage dans l’établissement au moment de son installation nous offre une visite guidée. Les organisateurs ont su établir un parallèle bienvenu et sensible entre l’épisode biblique et les migrations forcées d’aujourd’hui.

MARDI.

Football. SA Spinalien – Olympique de Marseille 0 – 2. 7 000 spectateurs à la Colombière pour ce 16e de finale de la Coupe de France. Ce qui fait tout de même 6 850 de plus que d’habitude. C’est un peu plus bruyant et un peu moins glacial, donc appréciable. Les bonnes places du haut de la tribune occupées habituellement par le notulographe et ses vibrionnants comparses du club des hooligans en charentaises ont été réservées pour les invités, les m’as-tu-vu habitués des matchs de hockey. Nous sommes parqués un peu plus bas, ravis du spectacle mais attendant avec impatience le retour aux combats d’arrière-cour du championnat.

MERCREDI.

Éphéméride.

« Grand Hotel de Paris                                                   [24 janvier 1895]

9 plaza del Pacifico

Sevilla

Cher ami

Après quinze jours de pluies tropicales, le plus admirable soleil vient de se lever sur les eaux avec une apparence de symbole biblique. La chaleur qui n’avait pas diminué, redouble, et on a quelque peine à sortir sans ombrelle. L’âme de Herold, toujours présente, en jubile et s’éponge.

Je vous scandaliserai sans doute, mais je ne vous étonnerai pas en vous disant que malgré vos conseils j’apprends à jouer des castagnettes. – En effet ce pays qui est tout ardeur cultive et développe en moi des passions que vous me connaissez et qui m’affolent un peu.” (Pierre Louÿs/Henri de Régnier, Correspondance 1890-1913)

VENDREDI.

Lecture. Histoires littéraires n° 66 (Du Lérot éditeur, avril-mai-juin 2016; 136 p., 25 €).

Flaubert – Théophile Silvestre – Germain Nouveau – Renée Vivien.

Le Voleur qui comptait les cuillères (The Burglar Who Counted the Spoons, Lawrence Block, 2013 pour l’édition originale, Gallimard, coll. Série Noire, 2016 pour la traduction française, traduit de l’américain par Mona de Pracontal; 354 p., 21 €).

Retour gagnant à la Série Noire pour Lawrence Block après un long détour au Seuil et chez Calmann-Lévy. On retrouve avec grand plaisir son personnage de Bernie Rhodenbarr, libraire-cambrioleur, dans une enquête sophistiquée empreinte d’humour. Avec Bernie, on est dans le polar à références culturelles, celles qui émaillent ses conversations avec son amie Carolyn. Sa librairie ne lui rapporte plus grand-chose, Amazon est passé par là, et il est bien obligé d’assurer ses fins de mois. Bernie n’est pas du genre à faire main basse sur des bijoux ou de vulgaires liasses de billets : on se souvient qu’il avait, dans une histoire précédente, subtilisé un tableau de Mondrian. Il convoite ici le manuscrit de la célèbre nouvelle de Fitzgerald, “L’Étrange Histoire de Benjamin Button”.

Le cabinet de curiosités du notulographe. Musicothérapie à Paris (Seine), XVIIIe arrondissement, photo de Jean-Christophe Soum-Fontez, 29 octobre 2015.

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SAMEDI.

Films vus pendant la semaine. Le Divan de Staline (Fanny Ardant, France – Portugal – Russie, 2016)

Bonsoir (Jean-Pierre Mocky, France, 1994)

Réparer les vivants (Katell Quillévéré, France – Belgique, 2016)

Rue des Prairies (Denys de La Patellière, France – Italie, 1959)

Doctor Strange (Scott Derrickson, É.-U., 2016)

Empire du soleil (Empire of the Sun, Steven Spielberg, É.-U., 1987).

L’Invent’Hair perd ses poils.

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Luzy (Nièvre), 20 février 2011 / Égletons (Corrèze), 6 juin 2011, photos de Philippe de Jonckheere

Poil et plume. “Les vitrines transparentes des salons de coiffure affichent des femmes avec leurs rouleaux collés sur la tête. Leur peignoir les enveloppe du cou jusqu’aux pieds, elles sont difformes et laides, avec leurs soins de beauté, prises en flagrant délit. Pour ne pas les gêner davantage, je me détourne.

Ça m’est égal après tout, je ne vais jamais chez le coiffeur. Mon coiffeur et moi, nous sommes amis et nous nous invitons tour à tour chez l’un, chez l’autre pour déjeuner, parler, pour rire, ou pour qu’il me coiffe en vue d’une soirée, d’une séance de photos, ou pour me couper les cheveux quand ça devient nécessaire.” (Sophie Marceau, Menteuse)

Bon dimanche,

Philippe DIDION

 

 

 

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